
- 544 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Un enfant du Bronx
Ă propos de ce livre
Colin Powell est l'incarnation du rĂȘve amĂ©ricain. NĂ© de parents jamaĂŻcains, il a connu la jungle des rues avant d'entamer une brillante carriĂšre dans l'armĂ©e puis Ă Washington. Le reste appartient Ă l'histoire. L'homme qui a Ă©tĂ© Ă la tĂȘte des armĂ©es des Ătats-Unis, aujourd'hui l'une des figures qui comptent dans la vie politique amĂ©ricaine, raconte son parcours : du bourbier vietnamien aux garnisons de CorĂ©e, du Sud profond aux couloirs du Pentagone et aux antichambres de la Maison-Blanche, sous Reagan et Bush, Ă l'Ă©poque de la Guerre des Ătoiles, comme au moment de l'Irangate ou de la guerre du Golfe.
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Informations
QuatriĂšme partie
Le chef dâĂ©tat-major
Chapitre XV
Dernier commandement
Chaque fois que je mâasseyais dans la salle de confĂ©rence du FORSCOM Ă Fort McPherson en GĂ©orgie, je me retrouvais nez Ă nez avec un pacifiste lĂ©gendaire. DĂšs que jâavais pris le commandement en chef, jâavais installĂ© une affiche de Martin Luther King, qui mâavait Ă©tĂ© offerte par son Ă©pouse, et sur laquelle Ă©taient notĂ©es ces paroles de son mari : « La libertĂ© a toujours coĂ»tĂ© cher. » Je voulais que cette affiche me rappelle, ainsi quâĂ tous ceux qui Ă©taient dans la piĂšce, le rĂŽle capital quâavait jouĂ© lâarmĂ©e dans la dĂ©fense des libertĂ©s et dans les progrĂšs en matiĂšre de justice raciale. Lâun des derniers soirs que jâai passĂ©s Ă la Maison Blanche, pour une rĂ©ception, un portier noir est venu me dire : « Mon GĂ©nĂ©ral, jâĂ©tais simple soldat pendant la Seconde Guerre mondiale, quand il y avait encore de la sĂ©grĂ©gation dans lâarmĂ©e. Je nâaurais jamais cru que je verrais un jour un gĂ©nĂ©ral noir ici. Je voulais juste vous dire que nous sommes fiers de vous. â Je vous remercie, mais vous vous trompez. Câest moi qui suis fier de ce que vous tous avez fait pour nous mĂącher le travail. »
Jâai citĂ© un jour les paroles de Martin Luther King Ă lâassociation des journalistes noirs pour exprimer lâidĂ©e que la libertĂ© coĂ»tait cher et quâon devait la dĂ©fendre. Je me suis fait mal recevoir, et mĂȘme critiquer dans la presse. JâĂ©tais sans doute allĂ© trop loin en essayant de rattacher le hĂ©raut de la non-violence Ă la carriĂšre militaire, et je nâai plus jamais citĂ© ce passage.
Comme jâavais servi Ă la Maison Blanche pendant les Ă©lections prĂ©sidentielles de 1988, les gens dâAtlanta et dâailleurs me demandaient parfois ce que je pensais de lâusage que lâon avait fait de lâaffaire Willie Horton Ă la tĂ©lĂ©vision afin de discrĂ©diter le candidat dĂ©mocrate Michael Dukakis. Horton, un Noir dĂ©tenu dans une prison du Massachusetts Ă lâĂ©poque oĂč Dukakis Ă©tait gouverneur, avait violĂ© une femme et poignardĂ© un homme pendant un week-end de permission. Le fait dâen parler Ă©tait-il raciste ? Bien sĂ»r. Est-ce que ça me dĂ©rangeait ? Certainement. Les stratĂšges rĂ©publicains avaient fait un calcul politique cynique. Comme il nây avait aucun moyen de gagner Ă la cause rĂ©publicaine les Ă©lecteurs dĂ©mocrates noirs, ce nâĂ©tait pas la peine de se fatiguer. Certains Ă©taient allĂ©s plus loin : si la carte raciste pouvait jouer en leur faveur, il nây avait pas de raison de sâen priver. CâĂ©tait le but recherchĂ© par toute cette publicitĂ© Ă propos de Horton. CâĂ©tait un coup bas politique. Jâai essayĂ© de ramener malgrĂ© tout les choses Ă leur juste mesure. On mâavait confiĂ© des responsabilitĂ©s au plus haut niveau du gouvernement. Les conseillers du PrĂ©sident en matiĂšre de sĂ©curitĂ© nationale ne sont pas lĂ pour faire joli. Câest vraiment un travail exigeant et difficile. Les deux annĂ©es oĂč jâai travaillĂ© avec Ronald Reagan et George Bush, je nâai jamais relevĂ© la moindre trace de prĂ©jugĂ©s racistes dans leur attitude. Mais ils Ă©taient Ă la tĂȘte dâun parti qui nâadressait quâun seul message aux Noirs amĂ©ricains : « Aide-toi, le ciel tâaidera. » Encore faut-il ĂȘtre en mesure de sâaider⊠Je regrette que Reagan et Bush nâaient pas fait preuve de plus de sensibilitĂ© en la matiĂšre. Je me console cependant Ă lâidĂ©e que la confiance quâils mâont faite reprĂ©sente leur foi dans lâidĂ©al amĂ©ricain de promotion au mĂ©rite.
Feu Whitney Young, lorsquâil Ă©tait directeur de la National Urban League, faisait le trajet de sa banlieue jusquâĂ son bureau Ă Manhattan. Lorsque le train approchait de la gare de la Cent vingt-cinquiĂšme Rue Ă Harlem, Young se demandait parfois sâil ne ferait pas mieux de descendre se joindre aux manifestants plutĂŽt que de continuer vers le quartier des bureaux. Young avait bien conscience du rĂŽle important que jouaient les agitateurs au sein du mouvement. Mais il restait dans son train, en se disant que ce quâil faisait depuis son bureau pour aider les Noirs Ă trouver du travail dans les grandes sociĂ©tĂ©s amĂ©ricaines Ă©tait la meilleure façon dâutiliser ses talents. La croisade pour lâĂ©galitĂ© exige une diversification des rĂŽles, de mĂȘme que lâarmĂ©e a besoin de secrĂ©taires et de cuisiniers tout comme de pilotes de chasse. En prenant le commandement du FORSCOM, jâai atteint le plus haut rang militaire du pays, celui de gĂ©nĂ©ral quatre Ă©toiles. Jâavais Ă©tĂ© conseiller du PrĂ©sident. Il fallait que ma carriĂšre serve de modĂšle aux autres Noirs, quâils soient ou non dans lâarmĂ©e, pour tĂ©moigner des dĂ©bouchĂ©s quâoffre la vie en AmĂ©rique. De mĂȘme, jâespĂ©rais, et jâespĂšre encore, que mon ascension pourra aider des Blancs racistes Ă remettre en cause leurs idĂ©es racistes et contribuer Ă extirper le poison du racisme, pour que les Afro-AmĂ©ricains qui viendront aprĂšs moi soient jugĂ©s exclusivement dâaprĂšs leurs mĂ©rites.
Jâai Ă©galement conscience que, au fil des annĂ©es, mon statut a pu servir de couverture Ă certains racistes : « Je ne suis pas raciste. La preuve : jâai Ă©tĂ© sous les ordres de Colin Powell. » Je me suis toujours retenu face aux provocations racistes : jâĂ©tais dĂ©cidĂ© Ă rĂ©ussir en me montrant au-dessus de ça. Jâai de lâadmiration pour ceux qui ont fait des manifestations, mais jâadmire aussi ceux qui ont continuĂ© au-delĂ et sont allĂ©s crĂ©er des emplois. Jâadmire encore plus ceux qui servent en menant une vie exemplaire. Et je salue les milliers dâAfro-AmĂ©ricains ordinaires qui, jour aprĂšs jour, vont au travail, font vivre leur famille, et qui sont, avec les AmĂ©ricains de toutes les races, le nerf de ce pays.
En tant que commandant du FORSCOM, jâavais dĂ©sormais Ă mes ordres deux cent cinquante mille troupes actives, deux cent cinquante mille rĂ©servistes, et je prĂ©sidais Ă lâentraĂźnement de cinq cent mille gardes nationaux. JâĂ©tais constamment sur la route, pour aller inspecter ces troupes de la Floride Ă lâAlaska. Jâai liĂ© connaissance avec les gĂ©nĂ©raux qui commandent toutes les divisions. Ce que jâai dĂ©couvert dĂ©passait de loin nos estimations les plus optimistes aprĂšs le travail accompli par Reagan et Weinberger. Nous avions une armĂ©e bien entraĂźnĂ©e et bien Ă©quipĂ©e, prĂȘte Ă se battre. Mais se battre oĂč et contre qui ? Alors que la guerre froide Ă©tait en plein dĂ©gel, je me rendais compte que nos gĂ©nĂ©raux ne dĂ©mordaient pas de lâidĂ©e dâun affrontement avec lâUnion soviĂ©tique. Jâavais Ă©tĂ© bien placĂ© pour constater les fissures du monolithe soviĂ©tique. Jâavais Ă©tĂ© Ă la mĂȘme table que MikhaĂŻl Gorbatchev Ă Moscou, Ă Washington et sur Governorâs Island, et je lâavais entendu sâavouer vaincu dans la guerre froide. Jâavais vu Gorbatchev rĂ©duire unilatĂ©ralement les troupes soviĂ©tiques de cinq cent mille hommes. Jâavais vu notre vieil ennemi coopĂ©rer avec nous pour arriver Ă des solutions pacifiques en Angola, en Namibie et dans la guerre Iran-Irak.
Certains de mes collĂšgues officiers prĂ©voyaient quâun changement de cap sâimposait. Mais pour la majeure partie de lâinstitution militaire, tout se passait comme si, alors que notre ennemi principal avait fait demi-tour et Ă©tait rentrĂ© chez lui, nous nous tenions encore prĂȘts Ă essuyer une collision frontale. Jâai dĂ©cidĂ© dâutiliser la chaire que mâoffrait le FORSCOM pour ramener les gens Ă la rĂ©alitĂ©. Une excellente occasion sâest trouvĂ©e lorsque le gĂ©nĂ©ral Jack Merritt, mon ancien patron Ă Fort Leavenworth, mâa invitĂ© Ă faire un discours lors dâun sĂ©minaire. Ce que jâallais dire risquait de ne pas ĂȘtre au goĂ»t de tout le monde dans lâarmĂ©e ou parmi les fabricants dâarmes qui seraient prĂ©sents.
Le 16 mai, dans un hĂŽtel de Carlisle, en Pennsylvanie, je me suis retrouvĂ© face Ă un nombre de gĂ©nĂ©raux trois et quatre Ă©toiles suffisant pour constituer une galaxie, et un nombre dâindustriels suffisant pour armer la moitiĂ© de la planĂšte. Jâai fait un discours intitulĂ© « Lâavenir nâest plus ce quâil Ă©tait ». Jâai fait remarquer que malgrĂ© des bouleversements gros comme des montagnes, il y en avait toujours pour considĂ©rer Gorbatchev comme un calculateur machiavĂ©lique qui essayait dâendormir notre mĂ©fiance. Non, ai-je dĂ©clarĂ©, la seule explication de son attitude est « lâimpuissance et lâĂ©chec, Ă lâextĂ©rieur comme Ă lâintĂ©rieur, de lâUnion soviĂ©tique. Le systĂšme soviĂ©tique est en faillite, et câest Gorbatchev qui liquide ». Jâai dĂ©crit les zones dans lesquelles Gorbatchev avait contribuĂ© Ă promouvoir la paix. Lâours Ă©tait devenu inoffensif. Je voulais que ce discours rĂ©veille les foules, et personne ne dormait ; je sentais la tension dans la piĂšce.
Jâavais deux autres idĂ©es dans mon texte prĂ©parĂ© que jâavais biffĂ©es, réécrites et rebiffĂ©es. Aucun journaliste nâĂ©tant prĂ©sent ce jour-lĂ , câĂ©tait le moment dâexprimer le fond de ma pensĂ©e. Nous nâĂ©tions quâen 1989, mais jâai prĂ©dit la chose suivante : « Si demain nous ouvrions les portes de lâOTAN Ă de nouveaux membres, nous aurions des demandes en moins dâune semaine : la Pologne, la Hongrie, la TchĂ©coslovaquie, la Yougoslavie, peut-ĂȘtre lâEstonie, la Lettonie, la Lituanie voire lâUkraine. En fait, les membres des partis dâopposition aujourdâhui publics en GĂ©orgie soviĂ©tique se posaient la question la semaine derniĂšre de savoir si lâavenir de la rĂ©gion allait passer par le non-alignement ou par lâadhĂ©sion Ă lâOTAN. » Mes remarques ont autant frappĂ© le public que si jâavais prĂ©dit que des militants anti-avortement allaient devenir membres du Planning familial. « La machine militaire soviĂ©tique est toujours aussi massive, malfaisante et dangereuse quâautrefois. De ce cĂŽtĂ©-lĂ , rien nâa changĂ©. Mais je crois que ça va changer. » Quelles Ă©taient les consĂ©quences pour lâarmĂ©e ? Le peuple amĂ©ricain allait continuer Ă ĂȘtre en faveur dâune dĂ©fense forte. Mais « lâĂšre de croissance du dĂ©but des annĂ©es quatre-vingt est rĂ©volue. Croyez-moi ». Il fallait nous poser nous-mĂȘmes une question difficile, avant quâon nous la pose de lâextĂ©rieur : « Avons-nous besoin de tel ou tel engin ? » Et lorsque la rĂ©ponse Ă©tait nĂ©gative, il fallait savoir dire non. Le plus dur Ă©tait dâaccepter que nous devions faire des coupes, tout en continuant Ă entretenir « la meilleure foutue armĂ©e au monde ».
En temps de paix, lorsquâun corps, une division ou un bataillon est bien dirigĂ©, lâofficier de commandement nâa, Ă vrai dire, quâĂ se tourner les pouces par rapport aux pressions que lâon subit du matin au soir quand on est au FORSCOM. Au FORSCOM, jâavais des collaborateurs fiables. Je mâĂ©tais tracĂ© une philosophie de commandement bien claire. Une fois de plus, je pouvais me dĂ©tendre un peu : rentrer Ă la maison Ă seize heures trente, faire une partie de racquetball avec mon ancien chauffeur du 5e corps dâarmĂ©e, Otis Pearson, que jâavais fait transfĂ©rer Ă Atlanta ; loger dans une belle demeure victorienne, et avoir le temps avec Alma de cultiver un peu lâart dâĂȘtre grands-parents. Jeffrey Michael Powell Ă©tait nĂ© juste avant notre dĂ©mĂ©nagement Ă Atlanta.
Le CongrĂšs nâavait pas prĂ©vu que jâaie un chauffeur pour me conduire de chez moi Ă mon nouveau travail. Tout en Ă©tant Ă la tĂȘte dâun million de personnes, jâĂ©tais obligĂ© de me rendre au travail avec mon vieux break Chrysler gourmand et Ă bout de souffle, qui faisait des taches dâhuile devant le QG tout neuf du FORSCOM, qui avait coĂ»tĂ© quarante millions de dollars. Mais, une fois que jâĂ©tais rendu au bureau, je pouvais me faire conduire Ă mes rendez-vous officiels par Otis dans une Mercury rutilante fournie par lâĂtat.
La Chrysler Ă©tait mon cheval de labour de tous les jours pour transporter des outils, des piĂšces dĂ©tachĂ©es, et dĂ©poser les enfants Ă la fac. Mais jâĂ©tais en pleine histoire dâamour avec les vieilles Volvo. Il y avait entre autres une 122 de 1967 avec un gros moteur Ă double carburateur. Lorsquâil y avait une panne que je nâarrivais pas Ă rĂ©soudre tout de suite, jâallais mâisoler et je sortais le manuel. JâĂ©talais devant moi les plans du circuit Ă©lectrique et du moteur, et par Ă©limination, jâidentifiais la source du problĂšme. Lorsque jâavais Ă©liminĂ© toutes les explications possibles sauf une, je repartais au garage. On nâa pas idĂ©e de la satisfaction que cela me procurait dâanalyser et de rĂ©soudre un problĂšme mĂ©canique grĂące Ă un livre. Jây trouvais autant de plaisir que dâautres Ă jouer au golf ou au bowling. Rien ne me fait autant plaisir que de dĂ©monter tous les fils, les tubes, les tuyaux et les boulons dâun moteur, de dĂ©tacher lâarbre de transmission, de passer une chaĂźne autour du moteur, de lâarrimer au plafond et de hisser, couvert de cambouis et de gloire, le moteur hors du capot. Je prĂ©fĂšre travailler seul. Je nâaime pas avoir des copains qui viennent tailler le bout de gras. Câest ainsi que je passais une bonne partie de mes loisirs Ă Atlanta.
Un jour au dĂ©but de lâĂ©tĂ©, on mâa fait dire que Dick Cheney, le nouveau secrĂ©taire Ă la DĂ©fense, voulait me voir. Jâavais travaillĂ© en collaboration Ă©troite avec lui, mais il nâĂ©tait encore jamais venu au FORSCOM. Je suis allĂ© le chercher Ă lâaĂ©roport minuscule dâAtlanta et je lâai ramenĂ© Ă mon QG oĂč mon personnel lui a fait un rapport sur lâĂ©tat des rĂ©serves nationales stratĂ©giques au sol, dont jâĂ©tais commandant. Puis nous sommes allĂ©s dĂ©jeuner.
CâĂ©tait bien le Cheney que jâavais connu au 5e corps dâarmĂ©e et avec qui jâavais travaillĂ© au Capitole, aigu, intelligent, pas bavard, qui ne laissait jamais transparaĂźtre plus quâil ne fallait. Et dur Ă cuire. Cet homme qui nâavait pas passĂ© un seul jour sous les drapeaux, qui, pendant la guerre du ViĂȘt-nam, avait eu droit Ă un dĂ©lai pour terminer ses Ă©tudes puis pour Ă©lever ses enfants, Ă©tait passĂ© Ă la tĂȘte du Pentagone du jour au lendemain. Ses amis Ă la Chambre des ReprĂ©sentants lâavaient apparemment averti que sâil ne sâimposait pas tout de suite, les gĂ©nĂ©raux et les amiraux allaient le manger tout cru. Mais il ne sâen laissait pas compter.
JâĂ©tais quasiment sĂ»r que Cheney nâavait pas fait halte Ă Atlanta juste pour avoir un rapport sur lâentraĂźnement du FORSCOM. Mais, au cours de notre conversation, cet homme discret nâa rien laissĂ© transparaĂźtre des autres raisons pour lesquelles il serait venu. Je lui ai fait comprendre que jâĂ©tais satisfait de ce que jâavais.
Ce mois de juin, jâai eu un appel dâun journaliste. « Mon GĂ©nĂ©ral, votre vie est une histoire Ă lâamĂ©ricaine extraordinaire : le pauvre fils dâimmigrĂ©s du Bronx qui arrive aux plus hautes responsabilitĂ©s de lâĂtat et conquiert ses quatre Ă©toiles. » On voulait faire un article sur moi. Le journaliste est venu Ă Atlanta, avec Eddie Adams, le photographe qui avait reçu le prix Pulitzer pour la photo inoubliable du chef de police sud-vietnamien qui exĂ©cute un officier viĂȘt-cong dans la rue pendant lâoffensive du TĂȘt.
Mais lâarticle ne sortait pas. Entre-temps, jâai commencĂ© Ă entrevoir le but de la visite de Dick Cheney. Le second mandat de lâamiral Bill Crowe Ă la tĂȘte de lâĂ©tat-major des forces armĂ©es allait toucher Ă sa fin en septembre. On lui avait proposĂ© un nouveau mandat de deux ans, quâil avait refusĂ©. La presse avait citĂ© une demi-douzaine de noms, dont le mien. Ă lâĂ©poque, jâenvisageais seulement de rester au FORSCOM. Ensuite, on verrait bien. Peut-ĂȘtre mĂȘme partirais-je en retraite. Ou dans le privĂ©.
Le dimanche 6 aoĂ»t, jâai pris lâavion pour Baltimore oĂč les plus hauts chefs de lâarmĂ©e devaient se rĂ©unir sous la prĂ©sidence de Carl Vuono. CâĂ©tait une rencontre tout Ă fait informelle, qui cette annĂ©e se tenait Ă Belmont House, une ancienne propriĂ©tĂ© transformĂ©e en centre de confĂ©rences, en dehors de la ville. Il me tardait de passer ces trois jours. Jâallais me retrouver parmi des gens que je connaissais bien, Carl, Butch Saint, un ami et concurrent, qui commandait nos forces armĂ©es en Europe, Norm Schwarzkopf, en charge de nos forces pour le Moyen-Orient, et une dizaine dâautres personnes auprĂšs de qui jâavais gagnĂ© mes galons dans lâarmĂ©e. Nous allions dĂ©cider de lâorientation Ă donner Ă lâarmĂ©e, ce qui Ă©tait ma question prĂ©fĂ©rĂ©e. Ce matin-lĂ , dans lâavion, jâavais lu un article intitulĂ© « Course Ă la succession Ă la tĂȘte de lâĂ©tat-major ».
Nous Ă©tions arrivĂ©s au dernier jour de la confĂ©rence, lorsque vers deux heures de lâaprĂšs-midi, je reçois un mot. Cheney voulait que je lâappelle. Je suis sorti discrĂštement de la piĂšce, en essayant de ne pas me faire remarquer, avec tous les yeux fixĂ©s sur moi. Cheney avait dĂ©jĂ quittĂ© son bureau, mais un quart dâheure plus tard, Ă la fin de la confĂ©rence, jâai reçu un autre message. Il fallait que je me rende immĂ©diatement au Pentagone. Vuono mâa fait un clin dâĆil lourd de sous-entendus et dit : « Je vais te trouver un hĂ©lico. »
Je suis passĂ© chercher Alma et nous sommes partis. Ă lâhĂ©liport du Pentagone, un chauffeur est venu nous prendre en fourgonnette. Cheney mâa accueilli avec le sourire, sans faire plus attention Ă ma tenue de week-end. Il est comme ça : ce nâest pas le genre Ă perdre du temps pour des broutilles. « Vous savez que je cherche un chef dâĂ©tat-major. Vous ĂȘtes mon candidat idĂ©al. » Puis il a passĂ© en revue la liste de mes qualifications Ă ses yeux. Je connaissais bien le fonctionnement du Pentagone et de la Maison Blanche. JâĂ©tais passĂ© par les postes de commandement requis. Je connaissais bien la question du dĂ©sarmement, qui Ă©tait lâune des prioritĂ©s de Bush. Et il estimait que nous Ă©tions faits pour nous entendre. Il mâa demandĂ© ce que je pensais du poste. « Je suis flattĂ©, bien sĂ»r. Ăvidemment, si le PrĂ©sident et vous-mĂȘme me voulez Ă ce poste, je lâaccepterai et je ferai de mon mieux. Mais vous savez que je me plais Ă Atlanta et que je nâai pas envie de dĂ©mĂ©nager. » Je ne parlais pas de mon premier souci. Ăa allait ĂȘtre une sacrĂ©e responsabilitĂ©. JâĂ©tais le plus jeune des quinze gĂ©nĂ©raux quatre Ă©toiles qui Ă©taient lĂ©galement Ă©ligibles. Je nâavais ma quatriĂšme Ă©toile que depuis Ă peine quatre mois, et plusieurs des candidats les plus ĂągĂ©s avaient des qualifications militaires bien plus impressionnantes que les miennes.
George Bush avait manifestement des rĂ©serves du mĂȘme type, car Cheney dit ensuite : « Le PrĂ©sident se demande si votre nomination poserait un problĂšme aux autres gĂ©nĂ©raux et amiraux supĂ©rieurs. » Je savais que je pouvais compter sur le soutien de Vuono, et jâĂ©tais en bons termes avec les autres chefs de service. « Je ne me fais pas de souci pour ça. » Ne jamais montrer ses doutes. « Parfait. Je vais vous recommander. Mais, comme vous le savez, câest le PrĂ©sident qui a le dernier mot. »
Je nâai rien dit Ă Alma jusquâĂ ce que nous soyons dans lâavion qui nous ramenait Ă Atlanta. « Câest reparti pour un tour », sâest-elle exclamĂ©e.
Le lendemain, le mercredi 9 aoĂ»t, Cheney mâa appelĂ© pour me dire que le PrĂ©sident avait approuvĂ© sa recommandation et que câĂ©tait bien moi qui allais succĂ©der Ă Bill Crowe. Bush voulait que je revienne Ă Washington le lendemain pour faire une dĂ©claration dans la roseraie de la Maison Blanche. Jâai pris lâavion pour Washington le soir mĂȘme. A...
Table des matiĂšres
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Sommaire
- Avant-propos
- PremiÚre partie - Les années de jeunesse
- DeuxiĂšme partie - Le soldat
- TroisiÚme partie - Les années à  Washington
- QuatriĂšme partie - Le chef dâĂ©tat-major
- Ăpilogue
- Les rÚgles de Colin Powell
- Remerciements