Annuaire stratégique et militaire 2002

_ Fondation pour la Recherche Stratégique, François Heisbourg, Fondation pour la Recherche Stratégique

• Éditeur: Odile Jacob
• Année: 2002
• Imprimer l'ISBN: 9782738111852
• ISBN de l'eBook: 9782738173881
• Sujet: Histoire
• Sujet: Histoire de l'armée et de la marine

L'avènement de l'hyperterrorisme et les affrontements qui se dessinent scellent le retour du stratégique et du militaire au centre des préoccupations des citoyens. Ce premier annuaire fait le point des grands thèmes qui ont marqué l'année : opérations militaires américaines, « nouvelle géopolitique » de la Russie, organisation de la défense biologique en France, réforme de nos armées. Il présente en outre une radiographie inédite des forces armées françaises, véritable mine d'informations et de commentaires qui permettra de suivre, d'année en année, l'évolution de l'appareil français de défense et d'établir des comparaisons avec nos grands partenaires.

II

L’EUROPE AU DÉFI

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LES RÉACTIONS EUROPÉENNES FACE À L’ESSOR MILITAIRE AMÉRICAIN

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YVES BOYER1

Les dépenses militaires mondiales qui avaient sensiblement diminué dans les années suivant la fin de la guerre froide ont commencé à se redresser à partir de 1998 pour connaître une augmentation notable en 2001 et 2002. Ces hausses sont sensibles en Asie, en Afrique, mais surtout aux États-Unis, avec l’amplification des suites des attentats du 11 septembre 2001. Ainsi, aux États-Unis, l’augmentation des dépenses militaires aura été de 27 % en trois ans, à partir du point bas de l’après-guerre froide atteint en 1998.

Les pays membres de l’Union européenne n’ont pas été partie prenante à ce mouvement hormis le cas particulier de la Grande-Bretagne. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont restés inactifs en matière de défense puisque, depuis le sommet européen d’Helsinki en décembre 1999, les Quinze ont décidé d’assumer de nouvelles responsabilités en matière de défense. Ils ont largement consacré leur énergie à créer des organes politico-militaires et à se doter d’ici 2003 d’une force de réaction rapide de 60 000 hommes capable de mener une mission de paix de type Kosovo.

Le budget militaire américain

En 2003, la seule hausse du budget du Pentagone, par rapport à l’exercice précédent, représentera l’équivalent des budgets militaires cumulés de la France, de l’Espagne et des Pays-Bas.

DÉPENSES MILITAIRES POUR LES ANNÉES 2000 ET 2002 EXPRIMÉES

EN MILLIARDS DE DOLLARS

PAYS	Dépenses militaires en 2000	2002
États-Unis	294,6	328,7
France	34,2
Grande-Bretagne	33,8
Allemagne	28,2
Italie	22,6
Espagne	7,0
Pays-Bas	6,3
Grèce	5,4
Suède	5,1
Belgique	3,3
Danemark	2,4
Portugal	2,19
Autriche	1,6
Finlande	1,5
Irlande	0,68
Luxembourg	0,1
Total Union européenne	154,37

Source : IISS, The Military Balance 2001-2002

BUDGETS DE LA DÉFENSE AUX ÉTATS-UNIS

(EN MILLIARDS DE DOLLARS)

FY2 2001	296 Mds$
FY 2002	328,7 Mds$
FY 2003	378 Mds$

Les États-Unis représentaient à eux seuls 36 % des dépenses militaires mondiales en 2001. Ce pourcentage passe à 45 % si l’on déduit du total mondial les alliés de l’OTAN. Le budget du Pentagone était deux fois celui de l’Union européenne, cinq fois celui de la Russie, sept fois celui de la Chine, quarante fois celui de l’Iran3. L’administration Bush prévoit l’augmentation budgétaire la plus forte depuis les années Reagan, qui porterait le budget militaire pour 2007 à 451,4 milliards de dollars. Les dépenses militaires représentent le second poste des dépenses fédérales après celles de santé et d’aide sociale.

DÉPENSES FÉDÉRALES FY2002

(EN MILLIARDS DE DOLLARS)

Department of Agriculture	16
Department of Commerce	5,2
Department of Defense	328,7
Department of Education	53,5
Department of Energy	19,1
Environmental Protection Agency	7,9
Department of Health and Human Services	61,5 (dépenses discrétionnaires) 407,0 (dépenses programmées)
Department of Housing and Urban Development	30
Department of the Interior	10,3
Department of Justice	21,7
Department of Labor	11,99
Department of State	22,8
Department of Transportation	59,6
Department of Treasury	15,8
Department of Veterans Affairs	51,1

La guerre en Afghanistan coûte aux États-Unis depuis que les opérations ont débuté, en octobre 2001, de l’ordre de 1,8 milliard de dollars par mois et, à ce titre, ce n’est pas elle qui tire les dépenses militaires américaines vers le haut. L’augmentation impressionnante décidée par l’administration Bush est justifiée par une volonté affichée de « transformer » le potentiel militaire américain. Les plus cyniques affirmeront qu’elle sert aussi à apaiser le mécontentement des différentes armées (les « services ») après les débuts difficiles de Donald Rumsfeld à la tête du Pentagone.

Cette augmentation masque aussi une série de problèmes systémiques qui sont loin d’être résolus. Il faut à cet égard souligner un phénomène inquiétant pour l’avenir de la défense américaine. Le montant du poste budgétaire « Operations and Maintenance (O & M) » ne cesse de croître, et beaucoup plus vite en pourcentage que celui des achats de matériels. Il représente déjà de l’ordre de 38 % du budget du Pentagone. Désormais, pour chaque soldat d’active 90 000 $ (dollars constants 2001) sont dépensés en O & M contre 60 000 il y a dix ans. Cette augmentation est due en grande partie (48 milliards de dollars) au coût de plus en plus élevé de la construction et surtout de l’entretien des infrastructures (bases, dépôts, casernements, etc.) nécessaires aux forces y compris pour leur bien-être (logement pour les personnels, etc.).

Si le budget d’acquisition de matériel reste impressionnant au regard des standards européens, il a néanmoins décliné entre 1992 et 1999 pour passer de 59,8 milliards de dollars courants à 53,9 milliards. L’accroissement de ce poste budgétaire entre 2003 et 2007 suppose qu’au préalable soit entamé un nouveau cycle de fermetures de certaines bases et entrepôts militaires. L’administration Bush estime qu’il y a environ 23 % d’installations superflues et que leur fermeture se traduirait par une économie de 3 milliards de dollars par an4.

À l’inverse des crédits d’équipement, ceux consacrés aux achats de services étaient passés pour la même période de 39,9 milliards à 51,8. Dans cette dernière catégorie de dépenses, celles consacrées aux consultances (professional, administrative and management support services dans la nomenclature du Pentagone) ont atteint 10 milliards de dollars par an. Dans beaucoup de cas, ces consultances sont le fait d’anciens militaires et d’employés de firmes liées au Pentagone.

DÉPENSES MILITAIRES AMÉRICAINES PAR FONCTIONNALITÉS

(EN MILLIARDS DE DOLLARS)

	2003	2007
Dépenses de personnels (militaires)	82,0	117,4
Dépenses de R&T	47,0	58,0
Achat de matériels	68,0	98,9
Opérations et maintenance	127,5	155,1
Divers	—	—
Total	379,3	451,4

La comparaison avec les efforts européens en matière de défense

La comparaison entre les volumes budgétaires alloués à la défense de part et d’autre de l’Atlantique a accrédité l’idée selon laquelle un différentiel de capacité entre les États membres de l’Union européenne et les États-Unis ne cessait de s’accroître. Cela n’est pas nouveau et il convient d’aller au-delà de la simple comparaison statistique et de considérer les facteurs suivants.

a — Tout d’abord les dépenses militaires des Européens doivent s’apprécier dans le contexte international actuel où les menaces militaires d’envergure pesant sur l’Europe ne sont pas immédiatement perceptibles. Il y a là de toute évidence une différence d’approche avec celle des États-Unis mobilisés, après le 11 septembre 2001, dans la guerre contre le terrorisme. Si la mobilisation ne s’est pratiquement pas faite en Europe, il n’en demeure pas moins que les sommes consacrées aux budgets militaires dans les pays de l’Union européenne sont en montants cumulés, après celles des États-Unis, sans égales par ailleurs. Si l’on prend ainsi les cinq plus importants budgets militaires des pays de l’Uni...

Table des matières

• Couverture
• Titre
• Copyright
• Sommaire
• AVANT-PROPOS
• INTRODUCTION
• I - Les États-Unis au centre du jeu
• II - L’Europe au défi
• III - Choix français
• IV - L’organisation des forces françaises après la réforme