
- 160 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Sur le plan démographique, le peuple juif est minuscule au sein de la population mondiale. Et pourtant, il est au cœur de nombre de problématiques géopolitiques actuelles. Cet ouvrage analyse les configurations territoriales successives que le monde juif a prises depuis deux siècles.À partir de l'effondrement de la Pologne au XVIIIe siècle, l'espace juif va se mondialiser pour fuir les persécutions et la misère. Paradoxalement, c'est l'antisémitisme qui dessinera une nouvelle carte des polarisations, dépolarisations et repolarisations des communautés disséminées à travers le monde. Au XXe siècle, la Shoah, la création de l'État d'Israël et l'expulsion des juifs des pays arabo-musulmans aboutiront à la bipolarisation actuelle du « fait juif », principalement entre le pôle israélien et le pôle nord-américain. Cette situation n'est pas exempte d'interrogations. Il y a environ 14 millions de juifs pour 7 milliards d'êtres humains, soit un poids démographique en diminution au sein de l'humanité. Quel sera l'avenir alors que le présent est marqué par une assimilation rampante au sein de la diaspora ?Un état des lieux synthétique de la situation des communautés juives dans le monde contemporain. Les problèmes du judaïsme revus à l'échelle mondiale. François Thual, conseiller du président du Sénat pour les affaires stratégiques et professeur au Collège interarmées de défense (ex-École de guerre), a écrit plus d'une trentaine d'ouvrages de géopolitique dont certains traduits en plusieurs langues. Ses livres sont centrés sur le territoire et ses déclinaisons religieuses, politiques et identitaires.
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Informations
Première partie
Un long XIXe siècle
(1814-1918)
(1814-1918)
1
Les trois mutations de base
De la fin des guerres napoléoniennes à la fin de la Première Guerre mondiale, un peu plus d’une centaine d’années s’est écoulée. Durant ce long siècle, on peut sans excès dire que l’ancien monde juif a disparu pour laisser place à de nouvelles configurations démographiques, sociologiques, politiques et géopolitiques de l’espace juif tant européen que mondial. Ces transformations ont abouti à la mise en place d’un nouveau monde juif, lequel disparaîtra pour partie sous l’effet de la Shoah. S’il marque l’apogée démographique des juifs, ce long XIXe siècle est aussi caractérisé par la montée en puissance d’importantes tensions : tensions de l’antisémitisme, tensions au sein du monde juif entre les partisans de l’assimilation, les sionistes, les marxistes qu’ils soient socio-révolutionnaires, à l’instar du Bund, ou bolcheviques, enfin tensions aussi au niveau de la vie quotidienne, souvent insupportable, en raison de la misère et des persécutions. À cela, il faut ajouter les tensions religieuses internes au judaïsme avec des conflits entre conservateurs, libéraux et orthodoxes. Pour mieux comprendre les polarisations démographiques du « fait juif » ou, pour le dire autrement, la géopolitique interne de l’espace juif à l’époque de sa mondialisation, il faut se centrer sur trois facteurs dont la synergie a fondé la modernité du « fait juif » : la fin du refuge polonais et l’éclatement de la judaïcité polonaise entre l’Empire russe, l’Autriche et la Prusse ; l’expansion démographique des juifs à l’instar des populations d’Europe orientale, une expansion due aux progrès de l’hygiène, de la médecine et de l’alimentation ; et enfin la lente dislocation de l’économie féodale rurale sous le poids de l’industrialisation et de la pénétration du capitalisme à l’est du continent.
La fin du refuge polonais : de même que le monde allemand avait connu au Moyen Âge une poussée vers l’est de l’Europe (le Drang nach Osten), le monde juif, pour des raisons très différentes, avait abandonné la Rhénanie pour se diriger vers les régions polonaises. Fuyant les massacres entraînés par les croisades et l’épidémie de la grande peste dont ils étaient rendus responsables, les juifs se dirigèrent vers la Pologne, emportant avec eux leur langue de structure germanique émaillée d’hébraïsme, le yiddish. Ils furent rejoints dans ce mouvement par les juifs venus de Bohême-Moravie et d’autres parties du Saint Empire, ainsi que de la Crimée et des rivages de la mer Noire. Cette dernière origine orientale mérite qu’on s’y arrête quelque peu car elle est le point de départ d’une polémique qui n’est pas achevée. Arthur Koestler, reprenant les travaux de l’historien américain Dunlop, a essayé de démontrer dans son livre La Treizième Tribu que les juifs de l’Europe de l’Est étaient les descendants des Khazars, tribu turcophone établie dans le sud de l’Ukraine actuelle et dont le roi s’est converti au judaïsme au VIIIe siècle. La destruction au XIe siècle du royaume khazar par les Byzantins aurait fait fuir les juifs vers les régions de l’actuelle Pologne. Les opposants à cette thèse avancent qu’il y a bien eu une conversion, mais qu’elle n’a concerné que l’élite de cette population ; et que ces Khazars, d’autre part, s’étaient convertis au judaïsme kéraïte. Le kéraïsme était né en Mésopotamie du refus du Talmud et s’était répandu, persécuté qu’il était par les autorités rabbiniques, vers les steppes du sud de l’Europe. Ce refus du Talmud, qui allait devenir la structure de base du judaïsme rabbinique, a peut-être facilité la conversion d’éléments khazars au judaïsme. À ce stade de la controverse, les tenants de l’origine khazare des juifs de Pologne affirment que les Khazars kéraïtes auraient été rejudaïsés en arrivant en Pologne selon les critères et les pratiques de l’orthodoxie rabbinique. Quoi qu’il en soit de cette querelle, force est de constater qu’au sortir du Moyen Âge un pôle juif très important s’est constitué sur les terres de la Pologne avec des éléments de judaïcité venus de l’ouest, du sud et pour partie de l’est, dont certainement des descendants de Khazars.
L’émergence du pôle polonais au sein du monde juif est corollaire d’une expansion sans précédent de la Pologne vers les régions qui constituent aujourd’hui la Biélorussie, l’Ukraine et les pays Baltes. Comme l’a écrit Georges Castellan dans son livre Dieu sauve la Pologne, l’histoire millénaire de ce pays se résume à deux options géopolitiques : la Pologne de la dynastie des Piast tournée vers l’ouest, où elle se heurte au monde germanique, et celle de la dynastie des Jagellon qui se tourne vers l’est, où elle se heurte à la Moscovie en plein essor. Or la montée en puissance de la judaïcité polonaise est à peu près contemporaine de la conquête par la noblesse polonaise des régions orientales où elle va se constituer de vastes domaines. Cette expansion « coloniale » va reposer sur un schéma sociologique simple : les serfs sont slaves orthodoxes, les propriétaires sont polonais et catholiques, les intermédiaires, qu’ils soient marchands, prêteurs ou intendants, sont juifs, sans oublier qu’à cette époque il y a aussi beaucoup de juifs agriculteurs. Ainsi, dans cette Pologne du Siècle d’or des XVIe et XVIIe siècles, l’alliance entre l’aristocratie foncière polonaise et le monde juif va prendre une tournure de lutte des classes qui sera une des origines de la haine antisémite dans ces régions.
Le philosémitisme des élites de la Pologne de cette époque, dont la superficie est de 815 000 km2, permit de mettre en valeur d’immenses régions. Simultanément, cette colonisation projeta le monde juif très à l’est de l’Europe. Cette Pologne des « deux mers » s’étalant de la Baltique à la mer Noire et se dressant contre la Russie était politiquement faible, malgré ses richesses, et entourée d’ennemis. La Suède, la Prusse, la Russie avec leurs importants appétits territoriaux engagèrent des luttes d’influence et des guerres destinées à s’emparer de morceaux entiers de Pologne. En outre, la Pologne fut confrontée à des révoltes comme celle de Bogdan Chmielnicki qui, avec l’aide des Cosaques du Dniepr, menaça l’État polonais et surtout s’en prit aux juifs dont plus de 100 000 furent exterminés pendant quatre années de pogroms et de guerres civiles. L’État polonais ne se remit jamais de cette révolte dirigée à la fois contre les seigneurs et leurs « alliés objectifs » qu’étaient les juifs.
Affaiblie, la Pologne devient une monarchie élective sombrant dans l’anarchie, ce dont profiteront ses voisins qui se partageront le pays en trois temps. En 1772 puis en 1793 et enfin en 1795, l’État polonais, dépecé, fut partagé entre la Russie, l’Autriche et la Prusse. Cet État disparut pour cent vingt-cinq ans et les populations juives passèrent sous l’autorité de nouveaux maîtres. L’Empire russe récupéra la plus grande partie des juifs polonais, certainement plus de 1 million, ancrés de la Lituanie à la mer Noire, sous la férule des tsars. Pour sa part, l’Autriche récupéra une judaïcité déjà très peuplée et misérable, dont celle de Galicie. Le fait que Saint-Pétersbourg récupéra la quasi-totalité du pôle polonais constitue certainement le grand tournant de l’histoire juive moderne comme le montrera la suite de l’ouvrage. En ce sens la problématique « persécution-émigration au sein de l’Empire russe » aura constitué l’antichambre des tragédies à venir. Ainsi, la fin de la Pologne entraîna l’éclatement du judaïsme polonais en trois tronçons, en trois réalités sociopolitiques différentes dont les destins devaient diverger avant d’être réunis dans l’horreur de la Shoah qui détruisit les descendants de cette judaïcité polonaise.
Avec le partage de la Pologne, le second facteur de la repolarisation des implantations juives fut provoqué par l’augmentation importante de la population juive, qui passera de 2,5 millions en 1815 à presque 11 millions un siècle après. Ce dynamisme démographique est particulièrement marqué pour les communautés juives de l’Europe de l’Est et de la Russie ; il résulte du mouvement général des populations en Europe où l’évolution des conditions sanitaires, les progrès de la médecine et une relative amélioration de l’alimentation entraînèrent une hausse importante des populations nationales due au fléchissement de la mortalité, notamment de la mortalité infantile et périnatale. À titre d’exemple, la population de l’Empire russe est passée de 40 à 118 millions et celle de l’Autriche de 28 à 50 millions entre 1810 et 1910. À ce mouvement d’ensemble, il faut ajouter que la religion juive a toujours été « nataliste ». Sur le plan géographique, ce sont les communautés de l’Empire des tsars, de l’Autriche-Hongrie et des pays allemands, qui furent concernées par cette pression interne au monde juif, pression qui sera à l’origine de bien des drames. En premier lieu, elle entraîna l’émigration des juifs russes, des juifs de l’Autriche-Hongrie ou de l’Allemagne vers les Amériques ou l’Europe de l’Ouest, sans oublier la Roumanie. Cette poussée migratoire concerna aussi l’Autriche-Hongrie, puisque 1 million de juifs venus principalement de régions de l’ancienne Pologne et de la Galicie en particulier émigreront eux aussi outre-Atlantique. Cette croissance démographique sera à l’origine de migrations internes aux empires, en général dans le sens des provinces de l’est vers celles de l’ouest.
Ainsi, le XIXe siècle aura été caractérisé par l’inversion géopolitique du monde juif qui pendant près de huit cents ans s’était projeté de l’ouest de l’Europe vers les plaines polono-ukrainiennes de l’est. Ce grand retournement constitue l’élément majeur du « fait juif » à cette époque et forme le moteur de sa mondialisation. Ces modifications démographiques vont, sur un autre plan, stimuler un antisémitisme violent dû à la visibilité accrue du « fait juif ».
Et ce d’autant plus que cette visibilité était accrue par l’urbanisation rapide des juifs de la partie orientale de l’Europe. À titre d’exemple, en Autriche-Hongrie en 1914, Vienne comptait 175 000 juifs, soit 9 % de sa population, Budapest, 204 000 juifs, soit 23 % de sa population, Cracovie, 32 000, soit 21 %, Prague 18 000, soit 8 %. Dans la Pologne russe, toujours en 1914, Varsovie frisait les 250 000 juifs, soit près de 40 % et Lodz 170 000, soit aussi 40 %, de même que Vilnius dont les 65 000 juifs formaient 41 % de la population. L’urbanisation de l’Europe orientale était corollaire de la croissance du « fait juif » dans les villes. Il en va de même pour les pays plus tournés vers l’ouest comme l’Allemagne. En 1914, il est établi que 144 000 juifs vivaient à Berlin, 20 000 à Francfort, à Breslau et à Hambourg et que plus de 45 % du judaïsme allemand était urbanisé dans des grandes villes.
Un autre facteur à considérer est la désintégration rapide du système féodal en Russie et dans une partie de l’Europe orientale. Faut-il rappeler que la féodalité comme système social en Europe occidentale s’était progressivement affaiblie à partir du XVIIe siècle et que la révolution manufacturière, à l’origine de la révolution industrielle, a pu s’épanouir sur les ruines de l’ancienne féodalité agraire au XIXe siècle. Or, dans les régions qui concentrent les trois quarts du peuple juif, cette révolution s’est opérée avec un décalage de plus d’un siècle. Qui plus est, c’est au moment où l’Europe occidentale échappe à la féodalité que celle-ci s’abat avec force sur la moitié est du continent. Avec un décalage de près d’un siècle, la pénétration du capitalisme s’accentue à la fois dans sa forme rurale, industrielle et bancaire. Cette pénétration d’une économie progressivement capitaliste signe elle aussi le déclin d’une judaïcité rurale. Elle engendre en même temps un exode rural qui facilite l’insertion des juifs dans l’économie moderne, soit comme prolétaires, soit comme leaders dans les nouveaux secteurs de l’industrie, du commerce et de la banque. Il n’est pas exagéré de dire que l’entrée dans la modernité du monde juif s’est opérée en quelques décennies sous l’effet de l’essor sans précédent de la démographie juive et la mutation capitaliste de l’Europe de l’Est. Cette entrée dans la modernité sera aussi marquée par le début de la lutte politique et d’un face-à-face avec la haine antisémite.
Entre 1815 et 1920, le « fait...
Table des matières
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Dédicace
- Introduction
- Le fait juif en chiffres en 2010 (Estimations)
- Première partie - Un long XIXe siècle (1814-1918)
- Deuxième partie - De l’apogée démographique à l’extermination
- Troisième partie - Une reconfiguration planétaire
- Conclusion - Le grand retournement
- Annexes
- Du même auteur