Mes points sur les i
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Propos sur la présidentielle et la crise

  1. 272 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Mes points sur les i

Propos sur la présidentielle et la crise

À propos de ce livre

« Le monde va mal. La France ne va guĂšre mieux. La France est au cƓur des tempĂȘtes. Les Français ont peur. Ce livre est nĂ©, au fond, de cette inquiĂ©tude. » M. R. Une analyse approfondie et renouvelĂ©e des dĂ©fis auxquels la France et les Français sont confrontĂ©s. Un exercice magistral de rĂ©flexion et de proposition sur tous les grands enjeux d'aujourd'hui. De la crise financiĂšre au rĂ©chauffement climatique, de la rĂ©forme de l'État Ă  la question du temps de travail, du dĂ©bat sur le nuclĂ©aire au rĂŽle mondial de la France, un vĂ©ritable projet de sociĂ©tĂ©. Un appel Ă  l'intelligence. 

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Informations

Chapitre 1
Une campagne tranquille
dans un monde en drame ?
De la crise à la « polycrise »
La crise.
Ce mot nous accompagne quotidiennement.
Les journalistes, les responsables politiques, les Ă©conomistes, les cadres financiers, les dirigeants syndicaux et mĂȘme les chefs religieux l’emploient constamment. Pourtant, c’est un terme inadĂ©quat. Il n’est pas adaptĂ© Ă  la situation actuelle. Et ce, pour au moins deux raisons.
On emploie le mot de « crise » au singulier alors que notre monde est sous le coup de menaces multiples. Certaines d’entre elles dĂ©coulent d’évolutions longues qui annoncent des ruptures graves. Pour l’essentiel, ces menaces sont indĂ©pendantes les unes des autres. Devant chacun de ces dangers pris isolĂ©ment, les opinions s’inquiĂštent. Elles demandent des solutions rapides.
Les spĂ©cialistes rĂ©pondent savamment que toute action prĂ©ventive ou curative exige du temps et de la continuitĂ©. Ils indiquent ce qu’on pourrait faire. Ils rassurent ainsi l’opinion et mĂ©nagent aux acteurs le temps nĂ©cessaire pour agir efficacement. Mais il n’existe pas de spĂ©cialistes de l’ensemble des crises actuelles. Chaque expert maĂźtrise son sujet et peut faire connaĂźtre les exigences du temps long. Mais, placĂ© devant les autres drames, l’expert lui-mĂȘme en est rĂ©duit Ă  la condition de citoyen de base, de tĂ©lĂ©spectateur ordinaire et de lecteur de journaux. Chaque spĂ©cialiste est ainsi conduit Ă  partager les ignorances et les impatiences gĂ©nĂ©rales.
Le traitement dĂ©mocratique de ces crises n’est possible que si on parvient Ă  hausser le niveau de savoir de l’opinion tout entiĂšre. C’est ma dĂ©marche. DĂšs le commencement, je souhaite souligner que l’emploi du mot « crise » au singulier est notre premier ennemi. Il fait obstacle Ă  la maĂźtrise de la complexitĂ©. Il entrave le traitement des multiples crises qui nous frappent toutes Ă  la fois. Il convient de le dire bien haut, Ă  l’orĂ©e de la campagne prĂ©sidentielle : le monde n’est pas hantĂ© par « la crise », il est menacĂ© par des difficultĂ©s multiples, diverses et protĂ©iformes. Il est plongĂ© dans une « polycrise1 ».
Une deuxiĂšme raison m’incite Ă  la prudence quand j’entends le mot « crise ». Le terme est empruntĂ© aux mĂ©decins par les Ă©conomistes et par les politologues. Originellement, « la crise » est un mot de l’ordre mĂ©dical. Ses autres acceptions lui sont venues par extension ou par analogie. Le Petit Larousse le rappelle Ă  ceux d’entre nous qui l’oublieraient : la crise est « le moment d’une maladie caractĂ©risĂ© par un changement subit, gĂ©nĂ©ralement dĂ©cisif, en bien ou en mal ». Bref, la crise est le moment fort de la maladie. AprĂšs elle, on meurt ou on guĂ©rit. La crise est une situation momentanĂ©e et anormale par rapport Ă  l’état considĂ©rĂ© comme normal, autrement dit la santĂ©. Qui emploie le mot « crise » pense que le retour Ă  la santĂ©, c’est-Ă -dire Ă  la normale, reste possible et mĂȘme souhaitable.
Or aucun retour Ă  la normale n’est aujourd’hui envisageable. Il n’est question de rien de semblable pour l’ensemble des Ă©volutions dangereuses qui nous concernent. À l’évidence, on ne sortira des difficultĂ©s actuelles qu’à condition de crĂ©er un Ă©tat des choses profondĂ©ment nouveau, entiĂšrement remaniĂ©. Nous devons transformer aussi bien les relations de l’humanitĂ© avec la nature que l’organisation politique et sociale des sociĂ©tĂ©s humaines.
Nous ne sommes pas dans une crise. Nous sommes en route vers un avenir incertain. Nous sommes placĂ©s face Ă  des changements majeurs. À proprement parler, nous vivons une mutation certaine dont l’issue est incertaine.
La France dans la tourmente
Notre drame vient de la conjonction d’un grand nombre de phĂ©nomĂšnes. Identifions-les afin d’inscrire la France dans la situation mondiale d’aujourd’hui. Pour que l’élu de 2012 reçoive des Ă©lecteurs un mandat clair et pertinent, il convient de sortir de l’étrange climat oĂč nous sommes plongĂ©s.
Nous vivons dans une France inquiĂšte, prĂ©occupĂ©e par sa quasi-paralysie politique et par ses graves problĂšmes sociaux. Mais, dans l’immĂ©diat, notre pays ne perçoit aucune menace comme mortelle. Du coup, il vit dans une certaine indiffĂ©rence Ă  l’égard des problĂšmes mondiaux. Il se plonge avec dĂ©lices dans le concours acadĂ©mique des meilleures recettes pour gĂ©rer sa dette, amĂ©liorer ses finances publiques, rĂ©humaniser ses banlieues et redresser sa justice. Tout Ă  sa passion pour le concours LĂ©pine de la meilleure trouvaille programmatique, la France oublie que les plus graves menaces proviennent de l’extĂ©rieur.
La plus immĂ©diate de ces menaces vient de la finance. Celle-ci peut nous plonger dans une lourde rĂ©cession. Les toutes premiĂšres victimes en seraient les programmes Ă©lectoraux. Ils seraient condamnĂ©s Ă  l’oubli avant mĂȘme que n’apparaissent les vraies victimes : les chĂŽmeurs, Ă  tout coup, et les contribuables sans aucun doute. Il ne s’agit pas de catastrophes brutales, immĂ©diates ou spectaculaires. Hormis les bulles financiĂšres, la plupart des Ă©volutions dangereuses actuelles ont un rythme lent. Nous disposons d’un certain temps pour rĂ©agir. Mais la crainte de la catastrophe peut monter brusquement si nous perdons du temps par indĂ©cision. Il est donc vital d’évoquer Ă  temps ces problĂšmes. Il est indispensable d’inviter la France Ă  s’y intĂ©resser de prĂšs. Certes, la France est devenue un pays moyen. Elle n’a plus la capacitĂ© de maĂźtriser chez elle et pour son compte les menaces venant de nos rapports avec la nature, ni celles venant des marchĂ©s mondiaux. Mais la France demeure, dans le monde actuel, un pays Ă©coutĂ©. Elle a, de ce fait, le devoir de penser et de proposer Ă  l’échelle mondiale. C’est la tĂąche de son prĂ©sident de la RĂ©publique.
Ce livre est ma contribution a sa mission.
Je rappellerai ici ce que chacun sent confusĂ©ment, sans parvenir Ă  identifier clairement les dangers qui s’amoncĂšlent au-dessus de nos tĂȘtes. Peu m’importe ici la chronologie des experts. Je n’analyserai pas les diffĂ©rentes menaces en fonction de leur date d’apparition dans les dĂ©bats pour initiĂ©s. Je les prĂ©senterai selon l’ordre dans lequel les opinions publiques en ont pris conscience.
Le retour de désastres sociaux : la pauvreté et la précarité
Le monde soviĂ©tique s’est enfermĂ©, voici longtemps, dans un tragique blocage. En guĂšre plus d’un siĂšcle, il fut conduit Ă  l’implosion puis Ă  la disparition. Le tiers-monde s’est longtemps interdit de dĂ©veloppement pour des raisons largement idĂ©ologiques. Pour son malheur, le colonialisme fut remplacĂ© par l’aveuglement de ses nouvelles Ă©lites indĂ©pendantes. Un socialisme vague et plus ou moins marxisĂ© Ă©tait la seule alternative concevable au capitalisme colonialiste. Le monde dĂ©veloppĂ© de la libre entreprise a, quant Ă  lui, connu une Ă©volution matĂ©rielle extraordinaire. Pendant plus de trente ans, il a connu une croissance rapide et rĂ©guliĂšre et a bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un plein-emploi gĂ©nĂ©ralisĂ©. J’y reviendrai en dĂ©tail dans le deuxiĂšme chapitre du prĂ©sent ouvrage.
Toutefois, Ă  partir de la dĂ©cennie 1990, on commence Ă  observer les consĂ©quences massives d’un changement profond. Le rythme de croissance a partout diminuĂ© de plus de moitiĂ©, en moyenne. Un phĂ©nomĂšne nouveau, particuliĂšrement ravageur, a fait son apparition : le travail prĂ©caire. Pratiquement inconnu jusque vers les annĂ©es 1990, il englobe maintenant le travail Ă  temps partiel non choisi, les emplois rĂ©munĂ©rĂ©s Ă  un niveau infĂ©rieur au niveau officiel de la pauvretĂ©, les contrats Ă  durĂ©e dĂ©terminĂ©e courte ainsi que les innombrables petits boulots trouvĂ©s Ă  la sauvette pour quelques jours et offrant une rĂ©munĂ©ration mĂ©diocre et incertaine. Le travail prĂ©caire, flĂ©au nouveau, concerne entre 15 et 25 % de la population de tous les pays dĂ©veloppĂ©s. Il est mal connu et rarement mesurĂ©. Il s’ajoute au chĂŽmage classique. Celui-ci est mieux mesurĂ© et est indemnisĂ©. C’est ici entre 8 et 10 % qu’il faut ajouter aux chiffres du travail prĂ©caire.
Le tassement de la croissance en Occident et au Japon a rĂ©veillĂ© un autre phĂ©nomĂšne : la pauvretĂ©. On la croyait disparue depuis les Trente Glorieuses. La voilĂ  qui revient en force. La pauvretĂ©, c’est tout simplement la situation des adultes valides exclus du marchĂ© du travail2. MĂȘme pas chĂŽmeurs, mĂȘme pas prĂ©caires, les pauvres sont environ quarante millions aux États-Unis, vingt millions au Japon, prĂšs de douze millions au Royaume-Uni et cinq millions en France. VoilĂ  7 % de la population qu’il faut ajouter aux chiffres prĂ©cĂ©dents.
Faisons le dĂ©compte du dĂ©sastre social que nous vivons : aux 10 % de chĂŽmeurs « classiques », ajoutons les 25 % de travailleurs prĂ©caires et les 5 % de pauvres. VoilĂ  donc plus du tiers de la population active des pays dĂ©veloppĂ©s en situation de grave dĂ©stabilisation sur le marchĂ© du travail. VoilĂ  deux dĂ©cennies que cette Ă©volution tragique se developpe. Ne cherchons pas ailleurs la source de l’apathie politique et de l’indiffĂ©rence civique. VoilĂ  la cause de la montĂ©e des partis populistes. VoilĂ  les raisons de la fragilitĂ© des majoritĂ©s gouvernementales qui afflige bien des pays dont le nĂŽtre. VoilĂ  la cause des rĂ©ponses nĂ©gatives Ă  tout rĂ©fĂ©rendum de passage sur des questions d’organisation sociale gĂ©nĂ©rale, l’Europe en fut le prĂ©texte (Irlande, Danemark, Pays-Bas, France).
L’aspect le plus Ă©trange de cette Ă©volution est qu’on n’en parle guĂšre. Bien sĂ»r, le chĂŽmage est un phĂ©nomĂšne dĂ©sormais bien connu : en raison de son anciennetĂ©, il est pris en compte par les partis de gouvernement. En revanche, la prĂ©caritĂ© et la pauvretĂ©, qui s’interpĂ©nĂštrent, sont peu mesurĂ©es, mal connues et rarement commentĂ©es. Pourtant, quand on veut comprendre le malaise social, les tensions qu’il provoque et le dĂ©sarroi de l’esprit public qu’il engendre, il faut prendre en compte aussi bien la prĂ©caritĂ© et la pauvretĂ© que le chĂŽmage.
Je tiens cet Ă©tat de choses pour l’élĂ©ment le plus fondamental de toutes les incertitudes contemporaines. C’est la combinaison de krachs financiers, de crises Ă©conomiques et de dĂ©sastres sociaux qui explique, mieux que tout autre facteur, l’inquiĂ©tude des opinions et la fragilitĂ© des pouvoirs publics. Et c’est Ă  la rĂ©duction du chĂŽmage, de la prĂ©caritĂ© et de la pauvretĂ© qu’on devra Ă©valuer l’action du prochain prĂ©sident de la RĂ©publique. Aucun autre indice ne saurait annoncer plus clairement une sortie de crise.
Du refroidissement de l’économie Ă  la surchauffe de la planĂšte3
Notre malheur Ă©conomique n’arrive pas seul. Dans les annĂ©es 1970, prĂ©cisĂ©ment au moment oĂč les Ă©quilibres des Trente Glorieuses se dĂ©traquent, le monde prend conscience de menaces d’une autre nature. En 1972, une association d’experts, le Club de Rome, publie un rapport explosif intitulĂ© Halte Ă  la croissance ! Il ne parle pourtant que d’épuisement des ressources et de pollution gĂ©nĂ©ralisĂ©e. Une dĂ©couverte vient aggraver la situation de la dĂ©cennie 1970. C’est celle de l’effet de serre.
Faisons un court dĂ©tour par l’histoire de cette dĂ©couverte. Vers la fin du XIXe siĂšcle, on comprend les raisons pour lesquelles la planĂšte Terre a une tempĂ©rature compatible avec la vie4. Les autres planĂštes du systĂšme solaire ont, quant Ă  elles, des tempĂ©ratures comprises entre 180 et 130 °C. Sur la Terre comme sur toutes les autres planĂštes, la chaleur du soleil est renvoyĂ©e par l’élĂ©ment liquide et, davantage encore, par les parties claires de la surface solide de la planĂšte. Toutefois, dans le cas particulier de la Terre, une partie de l’atmo-sphĂšre est composĂ©e de gaz particuliers qui bloquent les ondes de chaleur renvoyĂ©es par la terre, la glace et l’eau. C’est ce qu’on appelle l’« effet de serre ».
Petit Ă  petit, au fil du XXe siĂšcle, on analyse la composition de cette couche nuageuse qui piĂšge la chaleur. Elle est, pour l’essentiel, faite de vapeur d’eau. Celle-ci est inerte, mais joue un rĂŽle important dans la conservation de la chaleur. Autre Ă©lĂ©ment de la couche nuageuse, le gaz carbonique : il constitue 30 % des gaz Ă  effet de serre, c’est-Ă -dire l’essentiel de ce qui n’est pas la vapeur d’eau. Le plus actif des gaz Ă  effet de serre est le mĂ©thane, mĂȘme s’il est prĂ©sent en bien moindre quantitĂ© dans l’atmosphĂšre. Dans la seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle, on dĂ©couvre que la proportion de ces gaz Ă  effet de serre est en augmentation. Cela aggrave l’intensitĂ© de l’effet de serre et provoque un rĂ©chauffement gĂ©nĂ©ral de l’atmosphĂšre.
Ces observations et ces dĂ©couvertes sont rĂ©alisĂ©es par des chercheurs d’un type nouveau : peu d’entre eux ont des talents estampillĂ©s par le mandarinat international. Il s’agit de passionnĂ©s et non de reprĂ©sentants du monde acadĂ©mique en service officiel. Le corps des gĂ©ologues, pĂ©nĂ©trĂ© de la qualitĂ© de communautĂ© scientifique Ă©tablie depuis la GrĂšce antique, entre en bataille contre ces bricoleurs incertains aux dĂ©couvertes difficiles Ă  contrĂŽler. La bataille dure des dĂ©cennies et jette le milieu scientifique et par lĂ  le milieu politique dans la perplexitĂ©.
C’est l’Organisation des Nations unies (ONU) qui tire les responsables publics de l’indĂ©cision. La chose est Ă  noter car elle est trĂšs rare. En 1986, le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’ONU, le PĂ©ruvien PĂ©rez de CuĂ©llar, demande Ă  deux agences de trancher la question. La pachydermique Organisation mĂ©tĂ©orologique mondiale (OMM) et le petit mais dynamique Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) crĂ©ent ensemble le Groupe international d’étude du climat (GIEC). La lĂ©gitimitĂ© de l’ONU est dĂ©sormais en jeu dans le dĂ©bat sur le rĂ©chauffement climatique.
C’est une affaire lourde. L’ONU tient Ă  sa lĂ©gitimitĂ©. Le GIEC procĂšde de façon mĂ©thodique. Il cherche Ă  dĂ©gager un consensus au sein de communautĂ©s scientifiques constituĂ©es de plusieurs centaines de savants. Il entend ainsi asseoir la lĂ©gitimitĂ© de son constat au sein des pays les plus importants. L’inconvĂ©nient est que cette dĂ©marche est nĂ©cessairement lente : le GIEC publie un rapport tous les cinq ans. Au terme de deux dĂ©cennies de dĂ©bat, la question est tr-anchĂ©e : le rĂ©chauffement climatique est indubitablement observĂ©. Son origine est incontestablement anthropique pour une grande part, c’est-Ă -dire d’origine humaine, mĂȘme s’il coĂŻncide en la dĂ©passant avec une phase astrophysiquement prĂ©visible. Elle est liĂ©e Ă  notre activitĂ© agricole et industrielle. Cela se mesure Ă  la densitĂ© de gaz carbonique dans l’air. Elle est de beaucoup supĂ©rieure aux donnĂ©es observĂ©es lors des rĂ©chauffements prĂ©cĂ©dents, puisque la planĂšte en encourait un tous les cent mille ans ou Ă  peu prĂšs. Il est acquis que l’actuel rĂ©chauffement aura, s’il persĂ©vĂšre, des consĂ©quences plus graves que ses prĂ©dĂ©cesseurs, dont les archives glaciaires – notre instrument de connaissance – gardent les traces.
Les consĂ©quences du rĂ©chauffement climatique sont massives dans de nombreux domaines. La premiĂšre consĂ©quence directe est l’accĂ©lĂ©ration des catastrophes atmosphĂ©riques : tempĂȘtes, ouragans, cyclones, typhons, etc. La deuxiĂšme consĂ©quence est la fonte progressive des glaces polaires. Celles-ci enregistrent l’évolution la plus rapide et la plus massive. Leur disparition progressive fait de l’Arctique une rĂ©gion ouverte Ă  la prospection pĂ©troliĂšre, au passage du trafic maritime mondial et au dĂ©veloppement de la pĂȘche industrielle. La troisiĂšme consĂ©quence est le changement climatique important dans des zones entiĂšres de la planĂšte. D’une part, le centre des États-Unis, le centre de la Chine, le Sahel et tout le Moyen-Orient sont menacĂ©s de voir augmenter leur dĂ©sertification. D’autre part, la SibĂ©rie, le Grand Nord canadien et le Groenland pourraient devenir fertiles. QuatriĂšme consĂ©quence : l’élĂ©vation du niveau des ocĂ©ans. Plus d’un milliard et demi d’habitants (sur les neuf que compte la planĂšte) rĂ©sident en bord de cĂŽte Ă  quelques mĂštres d’altitude. Si le niveau des ocĂ©ans monte d’un ou deux mĂštres, les Maldives, les Seychelles ou encore le Tuvalu disparaĂźtront. Le grand Bangladesh sera lui aussi affectĂ© : il est peuplĂ© de cent quarante millions d’habitants dont plus de la moitiĂ© habite Ă  moins de trois mĂštres d’altitude. PrĂšs de nous, les Pays-Bas connaĂźtront une situation analogue pour le quart de leurs habitants.
Ces dangers sont immenses et l’humanitĂ© tend aujourd’hui Ă  les sous-estimer. C’est une difficultĂ© supplĂ©mentaire dans le combat contre le rĂ©chauffement climatique.
L’urgence financiùre
Les gouvernements n’ont guĂšre la possibilitĂ© de se consacrer entiĂšrement et exclusivement aux problĂšmes de long terme, comme le ralentissement de la croissance, le chĂŽmage, les pollutions de toutes sortes et le rĂ©chauffement climatique. D’autres menaces emportent des difficultĂ©s Ă  beaucoup plus court terme. Elles sont de l’ordre de la finance5.
Entre 1945 et la dĂ©cennie 1970, le monde connaĂźt une longue pĂ©riode de croissance rapide et rĂ©guliĂšre, de plein-emploi, de finances publiques dans l’aisance et d’absence totale de crise financiĂšre. Cette situation reposait, pour une certaine partie, sur un mĂ©canisme international de change bien Ă©tabli : le Gold Exchange Standard. Il permettait que l’échange commercial soit Ă  peu prĂšs stable. La condition en Ă©tait la nĂ©gociation pĂ©riodique de quelques dĂ©valuations dont la difficultĂ© Ă©tait largement compensĂ©e par les bĂ©nĂ©fices recherchĂ©s. Ce mĂ©canisme avait Ă©tĂ© mis en place par les accords de Bretton Woods en 1944. Le Gold Exchange Standard prĂ©voyait que tout pays pouvait avoir accĂšs au mouvement international des Ă©changes s’il rĂ©glait ses achats dans l’une ou l’autre des trois monnaies admises : le dollar, la livre sterling et l’or. La condition de stabilitĂ© Ă©tait le maintien, entre ces trois monnaies, d’une paritĂ© absolument fixe. La livre sterling perdit progressivement de son poids dans le systĂšme, l’élĂ©ment majeur en Ă©tait donc la fixation du prix fixe de l’once d’or Ă  trente-cinq dollars. Le systĂšme resta comme un libre choix entre l’or et le dollar. DĂšs la fin des annĂ©es 1940, les États-Unis trouvĂšrent des facilitĂ©s dans ce systĂšme qui faisait d’eux le seul pays Ă  pouvoir rĂ©gler ses achats extĂ©rieurs dans sa monnaie nationale. De ce fait, dĂšs les annĂ©es 1950, les AmĂ©ricains manifestĂšrent une certaine lĂ©gĂšretĂ© budgĂ©taire : ils ne financĂšrent qu’imparfaitement les importants programmes sociaux qu’ils Ă©taient en train de mettre en place. DĂšs cette Ă©poque, leur dĂ©ficit budgĂ©taire grandit et leur endettemen...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Préface
  5. Introduction
  6. Chapitre 1 - Une campagne tranquille dans un monde en drame ?
  7. Chapitre 2 - Naissance du capitalisme, naissance des crises
  8. Chapitre 3 - Comprendre la crise financiÚre et économique en cours
  9. Chapitre 4 - La France dans le maelström de la crise
  10. Chapitre 5 - La France face à la finance mondiale
  11. Chapitre 6 - Croissance et énergie : le monde de demain
  12. Chapitre 7 - RĂ©former l’État sans dĂ©penser plus
  13. Chapitre 8 - La fin du travail ?
  14. Chapitre 9 - Vers quelle société allons-nous ?
  15. Conclusion - Remettre la France debout
  16. Des mĂȘmes auteurs chez Odile Jacob