
- 272 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Ă propos de ce livre
« Le monde va mal. La France ne va guĂšre mieux. La France est au cĆur des tempĂȘtes. Les Français ont peur. Ce livre est nĂ©, au fond, de cette inquiĂ©tude. » M. R. Une analyse approfondie et renouvelĂ©e des dĂ©fis auxquels la France et les Français sont confrontĂ©s. Un exercice magistral de rĂ©flexion et de proposition sur tous les grands enjeux d'aujourd'hui. De la crise financiĂšre au rĂ©chauffement climatique, de la rĂ©forme de l'Ătat Ă la question du temps de travail, du dĂ©bat sur le nuclĂ©aire au rĂŽle mondial de la France, un vĂ©ritable projet de sociĂ©tĂ©. Un appel Ă l'intelligence.Â
Foire aux questions
Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramÚtres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptĂ©s aux mobiles peuvent ĂȘtre tĂ©lĂ©chargĂ©s via l'application. La plupart de nos PDF sont Ă©galement disponibles en tĂ©lĂ©chargement et les autres seront tĂ©lĂ©chargeables trĂšs prochainement. DĂ©couvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
- Essentiel est idĂ©al pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large Ă©ventail de sujets. AccĂ©dez Ă la BibliothĂšque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, dĂ©veloppement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimitĂ© et une voix standard pour la fonction Ăcouter.
- IntĂ©gral: Parfait pour les apprenants avancĂ©s et les chercheurs qui ont besoin dâun accĂšs complet et sans restriction. DĂ©bloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres acadĂ©miques et spĂ©cialisĂ©s. Le forfait IntĂ©gral inclut Ă©galement des fonctionnalitĂ©s avancĂ©es comme la fonctionnalitĂ© Ăcouter Premium et Research Assistant.
Nous sommes un service d'abonnement Ă des ouvrages universitaires en ligne, oĂč vous pouvez accĂ©der Ă toute une bibliothĂšque pour un prix infĂ©rieur Ă celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! DĂ©couvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Ăcouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'Ă©couter. L'outil Ăcouter lit le texte Ă haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accĂ©lĂ©rer ou le ralentir. DĂ©couvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser lâapplication Perlego sur appareils iOS et Android pour lire Ă tout moment, nâimporte oĂč â mĂȘme hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous ĂȘtes en dĂ©placement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antĂ©rieures. En savoir plus sur lâutilisation de lâapplication.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antĂ©rieures. En savoir plus sur lâutilisation de lâapplication.
Oui, vous pouvez accéder à Mes points sur les i par Michel Rocard en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Politique et relations internationales et Politique. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.
Informations
Chapitre 1
Une campagne tranquille
dans un monde en drame ?
dans un monde en drame ?
De la crise à la « polycrise »
La crise.
Ce mot nous accompagne quotidiennement.
Les journalistes, les responsables politiques, les Ă©conomistes, les cadres financiers, les dirigeants syndicaux et mĂȘme les chefs religieux lâemploient constamment. Pourtant, câest un terme inadĂ©quat. Il nâest pas adaptĂ© Ă la situation actuelle. Et ce, pour au moins deux raisons.
On emploie le mot de « crise » au singulier alors que notre monde est sous le coup de menaces multiples. Certaines dâentre elles dĂ©coulent dâĂ©volutions longues qui annoncent des ruptures graves. Pour lâessentiel, ces menaces sont indĂ©pendantes les unes des autres. Devant chacun de ces dangers pris isolĂ©ment, les opinions sâinquiĂštent. Elles demandent des solutions rapides.
Les spĂ©cialistes rĂ©pondent savamment que toute action prĂ©ventive ou curative exige du temps et de la continuitĂ©. Ils indiquent ce quâon pourrait faire. Ils rassurent ainsi lâopinion et mĂ©nagent aux acteurs le temps nĂ©cessaire pour agir efficacement. Mais il nâexiste pas de spĂ©cialistes de lâensemble des crises actuelles. Chaque expert maĂźtrise son sujet et peut faire connaĂźtre les exigences du temps long. Mais, placĂ© devant les autres drames, lâexpert lui-mĂȘme en est rĂ©duit Ă la condition de citoyen de base, de tĂ©lĂ©spectateur ordinaire et de lecteur de journaux. Chaque spĂ©cialiste est ainsi conduit Ă partager les ignorances et les impatiences gĂ©nĂ©rales.
Le traitement dĂ©mocratique de ces crises nâest possible que si on parvient Ă hausser le niveau de savoir de lâopinion tout entiĂšre. Câest ma dĂ©marche. DĂšs le commencement, je souhaite souligner que lâemploi du mot « crise » au singulier est notre premier ennemi. Il fait obstacle Ă la maĂźtrise de la complexitĂ©. Il entrave le traitement des multiples crises qui nous frappent toutes Ă la fois. Il convient de le dire bien haut, Ă lâorĂ©e de la campagne prĂ©sidentielle : le monde nâest pas hantĂ© par « la crise », il est menacĂ© par des difficultĂ©s multiples, diverses et protĂ©iformes. Il est plongĂ© dans une « polycrise1 ».
Une deuxiĂšme raison mâincite Ă la prudence quand jâentends le mot « crise ». Le terme est empruntĂ© aux mĂ©decins par les Ă©conomistes et par les politologues. Originellement, « la crise » est un mot de lâordre mĂ©dical. Ses autres acceptions lui sont venues par extension ou par analogie. Le Petit Larousse le rappelle Ă ceux dâentre nous qui lâoublieraient : la crise est « le moment dâune maladie caractĂ©risĂ© par un changement subit, gĂ©nĂ©ralement dĂ©cisif, en bien ou en mal ». Bref, la crise est le moment fort de la maladie. AprĂšs elle, on meurt ou on guĂ©rit. La crise est une situation momentanĂ©e et anormale par rapport Ă lâĂ©tat considĂ©rĂ© comme normal, autrement dit la santĂ©. Qui emploie le mot « crise » pense que le retour Ă la santĂ©, câest-Ă -dire Ă la normale, reste possible et mĂȘme souhaitable.
Or aucun retour Ă la normale nâest aujourdâhui envisageable. Il nâest question de rien de semblable pour lâensemble des Ă©volutions dangereuses qui nous concernent. Ă lâĂ©vidence, on ne sortira des difficultĂ©s actuelles quâĂ condition de crĂ©er un Ă©tat des choses profondĂ©ment nouveau, entiĂšrement remaniĂ©. Nous devons transformer aussi bien les relations de lâhumanitĂ© avec la nature que lâorganisation politique et sociale des sociĂ©tĂ©s humaines.
Nous ne sommes pas dans une crise. Nous sommes en route vers un avenir incertain. Nous sommes placĂ©s face Ă des changements majeurs. Ă proprement parler, nous vivons une mutation certaine dont lâissue est incertaine.
La France dans la tourmente
Notre drame vient de la conjonction dâun grand nombre de phĂ©nomĂšnes. Identifions-les afin dâinscrire la France dans la situation mondiale dâaujourdâhui. Pour que lâĂ©lu de 2012 reçoive des Ă©lecteurs un mandat clair et pertinent, il convient de sortir de lâĂ©trange climat oĂč nous sommes plongĂ©s.
Nous vivons dans une France inquiĂšte, prĂ©occupĂ©e par sa quasi-paralysie politique et par ses graves problĂšmes sociaux. Mais, dans lâimmĂ©diat, notre pays ne perçoit aucune menace comme mortelle. Du coup, il vit dans une certaine indiffĂ©rence Ă lâĂ©gard des problĂšmes mondiaux. Il se plonge avec dĂ©lices dans le concours acadĂ©mique des meilleures recettes pour gĂ©rer sa dette, amĂ©liorer ses finances publiques, rĂ©humaniser ses banlieues et redresser sa justice. Tout Ă sa passion pour le concours LĂ©pine de la meilleure trouvaille programmatique, la France oublie que les plus graves menaces proviennent de lâextĂ©rieur.
La plus immĂ©diate de ces menaces vient de la finance. Celle-ci peut nous plonger dans une lourde rĂ©cession. Les toutes premiĂšres victimes en seraient les programmes Ă©lectoraux. Ils seraient condamnĂ©s Ă lâoubli avant mĂȘme que nâapparaissent les vraies victimes : les chĂŽmeurs, Ă tout coup, et les contribuables sans aucun doute. Il ne sâagit pas de catastrophes brutales, immĂ©diates ou spectaculaires. Hormis les bulles financiĂšres, la plupart des Ă©volutions dangereuses actuelles ont un rythme lent. Nous disposons dâun certain temps pour rĂ©agir. Mais la crainte de la catastrophe peut monter brusquement si nous perdons du temps par indĂ©cision. Il est donc vital dâĂ©voquer Ă temps ces problĂšmes. Il est indispensable dâinviter la France Ă sây intĂ©resser de prĂšs. Certes, la France est devenue un pays moyen. Elle nâa plus la capacitĂ© de maĂźtriser chez elle et pour son compte les menaces venant de nos rapports avec la nature, ni celles venant des marchĂ©s mondiaux. Mais la France demeure, dans le monde actuel, un pays Ă©coutĂ©. Elle a, de ce fait, le devoir de penser et de proposer Ă lâĂ©chelle mondiale. Câest la tĂąche de son prĂ©sident de la RĂ©publique.
Ce livre est ma contribution a sa mission.
Je rappellerai ici ce que chacun sent confusĂ©ment, sans parvenir Ă identifier clairement les dangers qui sâamoncĂšlent au-dessus de nos tĂȘtes. Peu mâimporte ici la chronologie des experts. Je nâanalyserai pas les diffĂ©rentes menaces en fonction de leur date dâapparition dans les dĂ©bats pour initiĂ©s. Je les prĂ©senterai selon lâordre dans lequel les opinions publiques en ont pris conscience.
Le retour de désastres sociaux : la pauvreté et la précarité
Le monde soviĂ©tique sâest enfermĂ©, voici longtemps, dans un tragique blocage. En guĂšre plus dâun siĂšcle, il fut conduit Ă lâimplosion puis Ă la disparition. Le tiers-monde sâest longtemps interdit de dĂ©veloppement pour des raisons largement idĂ©ologiques. Pour son malheur, le colonialisme fut remplacĂ© par lâaveuglement de ses nouvelles Ă©lites indĂ©pendantes. Un socialisme vague et plus ou moins marxisĂ© Ă©tait la seule alternative concevable au capitalisme colonialiste. Le monde dĂ©veloppĂ© de la libre entreprise a, quant Ă lui, connu une Ă©volution matĂ©rielle extraordinaire. Pendant plus de trente ans, il a connu une croissance rapide et rĂ©guliĂšre et a bĂ©nĂ©ficiĂ© dâun plein-emploi gĂ©nĂ©ralisĂ©. Jây reviendrai en dĂ©tail dans le deuxiĂšme chapitre du prĂ©sent ouvrage.
Toutefois, Ă partir de la dĂ©cennie 1990, on commence Ă observer les consĂ©quences massives dâun changement profond. Le rythme de croissance a partout diminuĂ© de plus de moitiĂ©, en moyenne. Un phĂ©nomĂšne nouveau, particuliĂšrement ravageur, a fait son apparition : le travail prĂ©caire. Pratiquement inconnu jusque vers les annĂ©es 1990, il englobe maintenant le travail Ă temps partiel non choisi, les emplois rĂ©munĂ©rĂ©s Ă un niveau infĂ©rieur au niveau officiel de la pauvretĂ©, les contrats Ă durĂ©e dĂ©terminĂ©e courte ainsi que les innombrables petits boulots trouvĂ©s Ă la sauvette pour quelques jours et offrant une rĂ©munĂ©ration mĂ©diocre et incertaine. Le travail prĂ©caire, flĂ©au nouveau, concerne entre 15 et 25 % de la population de tous les pays dĂ©veloppĂ©s. Il est mal connu et rarement mesurĂ©. Il sâajoute au chĂŽmage classique. Celui-ci est mieux mesurĂ© et est indemnisĂ©. Câest ici entre 8 et 10 % quâil faut ajouter aux chiffres du travail prĂ©caire.
Le tassement de la croissance en Occident et au Japon a rĂ©veillĂ© un autre phĂ©nomĂšne : la pauvretĂ©. On la croyait disparue depuis les Trente Glorieuses. La voilĂ qui revient en force. La pauvretĂ©, câest tout simplement la situation des adultes valides exclus du marchĂ© du travail2. MĂȘme pas chĂŽmeurs, mĂȘme pas prĂ©caires, les pauvres sont environ quarante millions aux Ătats-Unis, vingt millions au Japon, prĂšs de douze millions au Royaume-Uni et cinq millions en France. VoilĂ 7 % de la population quâil faut ajouter aux chiffres prĂ©cĂ©dents.
Faisons le dĂ©compte du dĂ©sastre social que nous vivons : aux 10 % de chĂŽmeurs « classiques », ajoutons les 25 % de travailleurs prĂ©caires et les 5 % de pauvres. VoilĂ donc plus du tiers de la population active des pays dĂ©veloppĂ©s en situation de grave dĂ©stabilisation sur le marchĂ© du travail. VoilĂ deux dĂ©cennies que cette Ă©volution tragique se developpe. Ne cherchons pas ailleurs la source de lâapathie politique et de lâindiffĂ©rence civique. VoilĂ la cause de la montĂ©e des partis populistes. VoilĂ les raisons de la fragilitĂ© des majoritĂ©s gouvernementales qui afflige bien des pays dont le nĂŽtre. VoilĂ la cause des rĂ©ponses nĂ©gatives Ă tout rĂ©fĂ©rendum de passage sur des questions dâorganisation sociale gĂ©nĂ©rale, lâEurope en fut le prĂ©texte (Irlande, Danemark, Pays-Bas, France).
Lâaspect le plus Ă©trange de cette Ă©volution est quâon nâen parle guĂšre. Bien sĂ»r, le chĂŽmage est un phĂ©nomĂšne dĂ©sormais bien connu : en raison de son anciennetĂ©, il est pris en compte par les partis de gouvernement. En revanche, la prĂ©caritĂ© et la pauvretĂ©, qui sâinterpĂ©nĂštrent, sont peu mesurĂ©es, mal connues et rarement commentĂ©es. Pourtant, quand on veut comprendre le malaise social, les tensions quâil provoque et le dĂ©sarroi de lâesprit public quâil engendre, il faut prendre en compte aussi bien la prĂ©caritĂ© et la pauvretĂ© que le chĂŽmage.
Je tiens cet Ă©tat de choses pour lâĂ©lĂ©ment le plus fondamental de toutes les incertitudes contemporaines. Câest la combinaison de krachs financiers, de crises Ă©conomiques et de dĂ©sastres sociaux qui explique, mieux que tout autre facteur, lâinquiĂ©tude des opinions et la fragilitĂ© des pouvoirs publics. Et câest Ă la rĂ©duction du chĂŽmage, de la prĂ©caritĂ© et de la pauvretĂ© quâon devra Ă©valuer lâaction du prochain prĂ©sident de la RĂ©publique. Aucun autre indice ne saurait annoncer plus clairement une sortie de crise.
Du refroidissement de lâĂ©conomie Ă la surchauffe de la planĂšte3
Notre malheur Ă©conomique nâarrive pas seul. Dans les annĂ©es 1970, prĂ©cisĂ©ment au moment oĂč les Ă©quilibres des Trente Glorieuses se dĂ©traquent, le monde prend conscience de menaces dâune autre nature. En 1972, une association dâexperts, le Club de Rome, publie un rapport explosif intitulĂ© Halte Ă la croissance ! Il ne parle pourtant que dâĂ©puisement des ressources et de pollution gĂ©nĂ©ralisĂ©e. Une dĂ©couverte vient aggraver la situation de la dĂ©cennie 1970. Câest celle de lâeffet de serre.
Faisons un court dĂ©tour par lâhistoire de cette dĂ©couverte. Vers la fin du XIXe siĂšcle, on comprend les raisons pour lesquelles la planĂšte Terre a une tempĂ©rature compatible avec la vie4. Les autres planĂštes du systĂšme solaire ont, quant Ă elles, des tempĂ©ratures comprises entre 180 et 130 °C. Sur la Terre comme sur toutes les autres planĂštes, la chaleur du soleil est renvoyĂ©e par lâĂ©lĂ©ment liquide et, davantage encore, par les parties claires de la surface solide de la planĂšte. Toutefois, dans le cas particulier de la Terre, une partie de lâatmo-sphĂšre est composĂ©e de gaz particuliers qui bloquent les ondes de chaleur renvoyĂ©es par la terre, la glace et lâeau. Câest ce quâon appelle lâ« effet de serre ».
Petit Ă petit, au fil du XXe siĂšcle, on analyse la composition de cette couche nuageuse qui piĂšge la chaleur. Elle est, pour lâessentiel, faite de vapeur dâeau. Celle-ci est inerte, mais joue un rĂŽle important dans la conservation de la chaleur. Autre Ă©lĂ©ment de la couche nuageuse, le gaz carbonique : il constitue 30 % des gaz Ă effet de serre, câest-Ă -dire lâessentiel de ce qui nâest pas la vapeur dâeau. Le plus actif des gaz Ă effet de serre est le mĂ©thane, mĂȘme sâil est prĂ©sent en bien moindre quantitĂ© dans lâatmosphĂšre. Dans la seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle, on dĂ©couvre que la proportion de ces gaz Ă effet de serre est en augmentation. Cela aggrave lâintensitĂ© de lâeffet de serre et provoque un rĂ©chauffement gĂ©nĂ©ral de lâatmosphĂšre.
Ces observations et ces dĂ©couvertes sont rĂ©alisĂ©es par des chercheurs dâun type nouveau : peu dâentre eux ont des talents estampillĂ©s par le mandarinat international. Il sâagit de passionnĂ©s et non de reprĂ©sentants du monde acadĂ©mique en service officiel. Le corps des gĂ©ologues, pĂ©nĂ©trĂ© de la qualitĂ© de communautĂ© scientifique Ă©tablie depuis la GrĂšce antique, entre en bataille contre ces bricoleurs incertains aux dĂ©couvertes difficiles Ă contrĂŽler. La bataille dure des dĂ©cennies et jette le milieu scientifique et par lĂ le milieu politique dans la perplexitĂ©.
Câest lâOrganisation des Nations unies (ONU) qui tire les responsables publics de lâindĂ©cision. La chose est Ă noter car elle est trĂšs rare. En 1986, le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâONU, le PĂ©ruvien PĂ©rez de CuĂ©llar, demande Ă deux agences de trancher la question. La pachydermique Organisation mĂ©tĂ©orologique mondiale (OMM) et le petit mais dynamique Programme des Nations unies pour lâenvironnement (PNUE) crĂ©ent ensemble le Groupe international dâĂ©tude du climat (GIEC). La lĂ©gitimitĂ© de lâONU est dĂ©sormais en jeu dans le dĂ©bat sur le rĂ©chauffement climatique.
Câest une affaire lourde. LâONU tient Ă sa lĂ©gitimitĂ©. Le GIEC procĂšde de façon mĂ©thodique. Il cherche Ă dĂ©gager un consensus au sein de communautĂ©s scientifiques constituĂ©es de plusieurs centaines de savants. Il entend ainsi asseoir la lĂ©gitimitĂ© de son constat au sein des pays les plus importants. LâinconvĂ©nient est que cette dĂ©marche est nĂ©cessairement lente : le GIEC publie un rapport tous les cinq ans. Au terme de deux dĂ©cennies de dĂ©bat, la question est tr-anchĂ©e : le rĂ©chauffement climatique est indubitablement observĂ©. Son origine est incontestablement anthropique pour une grande part, câest-Ă -dire dâorigine humaine, mĂȘme sâil coĂŻncide en la dĂ©passant avec une phase astrophysiquement prĂ©visible. Elle est liĂ©e Ă notre activitĂ© agricole et industrielle. Cela se mesure Ă la densitĂ© de gaz carbonique dans lâair. Elle est de beaucoup supĂ©rieure aux donnĂ©es observĂ©es lors des rĂ©chauffements prĂ©cĂ©dents, puisque la planĂšte en encourait un tous les cent mille ans ou Ă peu prĂšs. Il est acquis que lâactuel rĂ©chauffement aura, sâil persĂ©vĂšre, des consĂ©quences plus graves que ses prĂ©dĂ©cesseurs, dont les archives glaciaires â notre instrument de connaissance â gardent les traces.
Les consĂ©quences du rĂ©chauffement climatique sont massives dans de nombreux domaines. La premiĂšre consĂ©quence directe est lâaccĂ©lĂ©ration des catastrophes atmosphĂ©riques : tempĂȘtes, ouragans, cyclones, typhons, etc. La deuxiĂšme consĂ©quence est la fonte progressive des glaces polaires. Celles-ci enregistrent lâĂ©volution la plus rapide et la plus massive. Leur disparition progressive fait de lâArctique une rĂ©gion ouverte Ă la prospection pĂ©troliĂšre, au passage du trafic maritime mondial et au dĂ©veloppement de la pĂȘche industrielle. La troisiĂšme consĂ©quence est le changement climatique important dans des zones entiĂšres de la planĂšte. Dâune part, le centre des Ătats-Unis, le centre de la Chine, le Sahel et tout le Moyen-Orient sont menacĂ©s de voir augmenter leur dĂ©sertification. Dâautre part, la SibĂ©rie, le Grand Nord canadien et le Groenland pourraient devenir fertiles. QuatriĂšme consĂ©quence : lâĂ©lĂ©vation du niveau des ocĂ©ans. Plus dâun milliard et demi dâhabitants (sur les neuf que compte la planĂšte) rĂ©sident en bord de cĂŽte Ă quelques mĂštres dâaltitude. Si le niveau des ocĂ©ans monte dâun ou deux mĂštres, les Maldives, les Seychelles ou encore le Tuvalu disparaĂźtront. Le grand Bangladesh sera lui aussi affectĂ© : il est peuplĂ© de cent quarante millions dâhabitants dont plus de la moitiĂ© habite Ă moins de trois mĂštres dâaltitude. PrĂšs de nous, les Pays-Bas connaĂźtront une situation analogue pour le quart de leurs habitants.
Ces dangers sont immenses et lâhumanitĂ© tend aujourdâhui Ă les sous-estimer. Câest une difficultĂ© supplĂ©mentaire dans le combat contre le rĂ©chauffement climatique.
Lâurgence financiĂšre
Les gouvernements nâont guĂšre la possibilitĂ© de se consacrer entiĂšrement et exclusivement aux problĂšmes de long terme, comme le ralentissement de la croissance, le chĂŽmage, les pollutions de toutes sortes et le rĂ©chauffement climatique. Dâautres menaces emportent des difficultĂ©s Ă beaucoup plus court terme. Elles sont de lâordre de la finance5.
Entre 1945 et la dĂ©cennie 1970, le monde connaĂźt une longue pĂ©riode de croissance rapide et rĂ©guliĂšre, de plein-emploi, de finances publiques dans lâaisance et dâabsence totale de crise financiĂšre. Cette situation reposait, pour une certaine partie, sur un mĂ©canisme international de change bien Ă©tabli : le Gold Exchange Standard. Il permettait que lâĂ©change commercial soit Ă peu prĂšs stable. La condition en Ă©tait la nĂ©gociation pĂ©riodique de quelques dĂ©valuations dont la difficultĂ© Ă©tait largement compensĂ©e par les bĂ©nĂ©fices recherchĂ©s. Ce mĂ©canisme avait Ă©tĂ© mis en place par les accords de Bretton Woods en 1944. Le Gold Exchange Standard prĂ©voyait que tout pays pouvait avoir accĂšs au mouvement international des Ă©changes sâil rĂ©glait ses achats dans lâune ou lâautre des trois monnaies admises : le dollar, la livre sterling et lâor. La condition de stabilitĂ© Ă©tait le maintien, entre ces trois monnaies, dâune paritĂ© absolument fixe. La livre sterling perdit progressivement de son poids dans le systĂšme, lâĂ©lĂ©ment majeur en Ă©tait donc la fixation du prix fixe de lâonce dâor Ă trente-cinq dollars. Le systĂšme resta comme un libre choix entre lâor et le dollar. DĂšs la fin des annĂ©es 1940, les Ătats-Unis trouvĂšrent des facilitĂ©s dans ce systĂšme qui faisait dâeux le seul pays Ă pouvoir rĂ©gler ses achats extĂ©rieurs dans sa monnaie nationale. De ce fait, dĂšs les annĂ©es 1950, les AmĂ©ricains manifestĂšrent une certaine lĂ©gĂšretĂ© budgĂ©taire : ils ne financĂšrent quâimparfaitement les importants programmes sociaux quâils Ă©taient en train de mettre en place. DĂšs cette Ă©poque, leur dĂ©ficit budgĂ©taire grandit et leur endettemen...
Table des matiĂšres
- Couverture
- Titre
- Copyright
- Préface
- Introduction
- Chapitre 1 - Une campagne tranquille dans un monde en drame ?
- Chapitre 2 - Naissance du capitalisme, naissance des crises
- Chapitre 3 - Comprendre la crise financiÚre et économique en cours
- Chapitre 4 - La France dans le maelström de la crise
- Chapitre 5 - La France face à la finance mondiale
- Chapitre 6 - Croissance et énergie : le monde de demain
- Chapitre 7 - RĂ©former lâĂtat sans dĂ©penser plus
- Chapitre 8 - La fin du travail ?
- Chapitre 9 - Vers quelle société allons-nous ?
- Conclusion - Remettre la France debout
- Des mĂȘmes auteurs chez Odile Jacob