Avant-Mémoires
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Avant-Mémoires

  1. 432 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Avant-Mémoires

À propos de ce livre

MikhaÏl Gorbatchev accepte d'ouvrir ici ses archives personnelles et de rendre publics des documents tenus jusque-là secrets. Le lecteur assistera donc aux négociations entre le maître du Kremlin et les dirigeants des grandes puissances : François Mitterrand, Margaret Thatcher, Helmut Kohl, George Bush. Il participera au dialogue émouvant entre le pape Jean-Paul II et le Secrétaire général d'un parti qui a fait de l'athéisme sa profession de foi. Il deviendra le témoin de la vivacité des débats à huis-clos, au sommet de l'État soviétique. Il découvrira, enfin, textes à l'appui, le cheminement intellectuel, politique et moral d'un homme qui en est venu à présider à la mutation et à l'ouverture d'un système totalitaire dont il était le produit.

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PREMIÈRE PARTIE

À l’épreuve de la confiance



I

Vous et nous


Fin mars 1987, le Premier ministre de Grande-Bretagne, Margaret Thatcher, est venue à Moscou. Ses entretiens avec Mikhaïl Gorbatchev se sont déroulés au Kremlin le 30 mars, en la seule présence des assistants et des interprètes. La conversation a duré plusieurs heures, elle a porté sur un large éventail de problèmes et a revêtu par moments un caractère polémique très marqué. Nous reproduisons ci-dessous des fragments de cet entretien.
MIKHAÏL GORBATCHEV. – Par quoi commençons-nous ? Avant tout, laissez-moi saluer votre venue en Union soviétique. Il y a, je présume, beaucoup de raisons pour considérer cette visite comme importante et nécessaire.
Votre visite a lieu à une période exceptionnellement importante du développement des relations internationales, à un tournant décisif, peut-on dire. Je l’ai souvent dit et je répète aujourd’hui notre jugement sur la situation : le monde se trouve à la croisée des chemins. À l’Ouest comme à l’Est, les gens s’efforcent de mieux comprendre, de penser les moyens d’assainir la situation dans le monde, de resserrer les relations entre les États. Pour parler franchement, c’est un processus complexe et ardu. La tension dans le monde subsiste comme subsiste l’influence sur les processus mondiaux des milieux qui ont intérêt à entretenir la tension et à pousser à la course aux armements. Mais nous voyons que les gouvernements, les sociétés s’assignent pour tâche de frayer les chemins de l’avenir. C’est un phénomène positif. Tout naturellement, dans ce domaine un rôle considérable doit revenir aux grandes puissances, dont l’URSS et la Grande-Bretagne. Nos pays sont des États nucléaires, membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. Ils portent donc une responsabilité accrue pour ce qui se passe dans le monde.
MARGARET THATCHER. – Je vous remercie, Monsieur Gorbatchev. Nous aussi sommes conscients de l’importance de cette visite, de la responsabilité qui incombe à la Grande-Bretagne et à l’Union soviétique. Je m’assigne pour tâche d’étudier aussi profondément que possible les positions de nos parties et de rechercher des solutions aux problèmes qui se posent à nous dans le domaine international. Je suis persuadée que ce sera plus facile si, dans le cours de nos entretiens, nous parlons non seulement de ce que veut faire chaque partie, mais aussi des motivations qui sont les siennes. Ainsi seulement nous pourrons découvrir les voies de l’avenir. Il m’apparaît que la question-clé est celle de la sécurité. Chacune des parties doit reconnaître un droit égal à la sécurité pour l’autre partie, pour l’autre système, pour l’autre peuple. Il est indispensable de sauvegarder la sécurité à toutes les étapes de l’évolution, faute de quoi il ne sera pas possible de promouvoir la confiance. Or pour pouvoir progresser, il est indispensable de renforcer la confiance entre les peuples. Ainsi seulement, à mon avis, sera-t-il possible de réaliser un abaissement substantiel du niveau des armements, et c’est précisément ce à quoi nous aspirons. Ainsi donc, les éléments-clés sont un droit égal à la sécurité, un abaissement du niveau des armements, la confiance.
M. GORBATCHEV. – Je suis heureux que vous placiez au premier rang les problèmes de sécurité, de sécurité égale. Je suis d’accord pour étudier de façon détaillée les questions de limitation et de réduction des armements nucléaires au premier chef. Mais auparavant, j’aimerais faire une ou deux observations.
Pour être franc, lorsque nous avons pris connaissance de votre discours du 21 mars courant à Torquay, une semaine avant votre visite chez nous, nous avons eu l’impression, nous, les dirigeants soviétiques, de reconnaître comme un air des années quarante et cinquante, de l’époque du discours de Churchill à Fulton, de la doctrine Truman. Nous nous étions félicités de l’intention du Premier ministre de venir à Moscou, nous étions disposés à étudier les principaux problèmes internationaux et bilatéraux dans un esprit de franchise et d’amitié, dans un esprit de compréhension mutuelle. Mais qu’avons-nous entendu ? Une nouvelle fois, le communisme et l’Union soviétique jouent le rôle de « forces malignes », de nouveau il est question pour l’Occident de consolider sa position de force. Nous en avons été très surpris. Et je ne vous cacherai pas que nous nous sommes demandé si le Premier ministre n’allait pas annuler sa visite.
M. THATCHER. – Dans le discours dont vous venez de parler, je ne vous ai pas attribué d’intentions mauvaises. Mieux, j’ai déclaré que Mikhaïl Gorbatchev souhaite, comme nous, agir dans un esprit de franchise et de coopération. Seulement, vous possédez la supériorité en tout sauf, peut-être, en ce qui concerne les ordinateurs et certains domaines de la recherche. L’Union soviétique professe la doctrine de la domination mondiale du communisme, la doctrine Brejnev. De cela, je n’ai pas parlé dans le discours en question, mais cette politique suscite naturellement des inquiétudes en Occident. Certes, nous devons mener des combats idéologiques, ce n’est que naturel. Mais cela doit se faire dans les formes. Or nous constatons l’aspiration du communisme à instituer son hégémonie en tous lieux. Prenez le Yémen, l’Éthiopie, le Mozambique, l’Angola, le Nicaragua, les troupes cubaines dans certains pays d’Afrique. Et le Vietnam ? À peine se fut-il libéré des troupes américaines qu’il s’est jeté sur le Cambodge au lieu de s’occuper de ses affaires intérieures. Et l’Afghanistan ? Voilà pourquoi nous disons que la politique extérieure du communisme vise à l’hégémonie mondiale.
Ces temps derniers, des processus impressionnants se déroulent à l’intérieur de l’Union soviétique. Il serait intéressant de savoir si l’évolution intérieure aura une influence sur la politique extérieure. Si ce n’est pas le cas, il nous faudra bien en tenir compte. Les autres pays doivent savoir comment se répercuteront pour eux les changements de politique à l’intérieur de l’Union soviétique. Il va falloir débattre de tout cela.
Chez nous, en Angleterre, nous suivons avec un immense intérêt votre action. J’ai lu avec la plus vive attention le discours que vous avez prononcé au plenum de janvier de votre parti. C’est un discours bouleversant, dans la mesure où il touche à des problèmes monumentaux. Il m’a fallu huit années pour réorienter mon pays dans le sens du changement, sur une base différente, bien entendu. C’est pourquoi je voudrais comprendre votre approche de la gestion des changements dans votre pays, de la modification du rythme de développement. J’ai le grand espoir que si vous réussissez à mener à bien les réalisations dont vous avez parlé dans votre discours, cela modifiera également votre approche de la doctrine de la domination mondiale du communisme. J’en parle brièvement pour ne pas empiéter sur le temps dévolu aux autres questions.
M. GORBATCHEV. – Je suis heureux, Madame Thatcher, que vous ayez exposé votre credo politique avec autant de franchise. Ce que vous avez dit clarifie votre position et confirme la justesse de notre jugement sur le discours de Torkee. Bien des éléments remontent aux années quarante et cinquante, comme votre mode de pensée d’une façon générale. Or je suis persuadé que pour réaliser des tâches nouvelles, une pensée nouvelle est nécessaire.
Sur quoi fondons-nous notre politique ? En tout premier lieu, sur la reconnaissance des réalités. C’est cela qui est essentiel dans les affaires internes comme dans l’aménagement des relations internationales. Le capitalisme est une réalité, le socialisme est une réalité. Celui qui ne voit pas les réalités tombe dans l’erreur et l’illusion.
Nous sommes des réalistes. Nous souhaitons vivre en paix avec l’Occident, développer un dialogue constructif et la coopération avec lui, nous ne songeons pas à détruire les échanges économiques mondiaux. Mais l’Occident, lui aussi, doit faire preuve de réalisme, reconnaître le fait de l’existence du socialisme et du monde en voie de développement. Ne pas tenter de prendre une revanche sociale, ne pas penser que la Révolution d’Octobre est un « malentendu » et le socialisme, la Russie soviétique, « une erreur de l’histoire ». Il faut se libérer des contraintes idéologiques, il faut vivre dans le monde des réalités. Ainsi seulement est-il possible d’assainir les relations Ouest-Est et Nord-Sud. Pensons donc à cela et non à nous dépenser en accusations mutuelles. Sinon, nous ne trouverons pas de réponses adéquates aux processus qui se déroulent réellement dans le monde.
M. THATCHER. – Vous avez parlé du capitalisme comme d’un système économique. Mais à y bien réfléchir, chaque État est un État capitaliste dans la mesure où il dispose de capitaux, les investit et en tire des bénéfices. Mais il y a une différence entre l’État capitaliste et une économie fondée sur la libre entreprise. Dans le second cas, nous avons une société ouverte, une société libre, l’initiative libérée des individus. En revanche, dans un système où c’est l’État qui détient tout le capital, l’initiative et les stimulants sont absents, il y est plus difficile d’installer une société libre et la libre entreprise. C’est pourquoi le capitalisme n’est pas la condition suffisante pour créer une société libre. Bref, nous n’avons jamais fait de différence politique entre capitalisme et socialisme. Il serait plus juste de tracer le clivage entre un contrôle centralisé total, une gestion totale de l’économie, et un système économique sous lequel la société jouit de la liberté dans le cadre des lois instituées par le gouvernement central. Ce qui suppose un parlement, divers organes d’autogestion, un appareil judiciaire indépendant. À propos, vous aussi, dans votre discours de janvier, avez souligné l’importance de ces institutions.
M. GORBATCHEV. – Je tiens à souligner une nouvelle fois que l’essentiel est de se maintenir sur le terrain des réalités, sinon un danger mortel nous menacerait tous.
M. THATCHER. – Il est capital pour nous que vous abandonniez la doctrine de domination du communisme.
M. GORBATCHEV. – Nous n’avons jamais proclamé une telle doctrine. Il y a eu la doctrine Truman, la doctrine Eisenhower, la doctrine néo-globale de Reagan. Toutes ces doctrines ont été proclamées publiquement par les présidents. Mais vous ne trouverez pas chez nous de déclarations sur la « domination du communisme », elles n’existent pas. On nous les a attribuées, voilà tout.
M. THATCHER. – Il y a eu des déclarations de vos représentants. Nous sommes en mesure de produire des exemples.
M. GORBATCHEV. – Produisez... Il y a la philosophie et il y a la politique, la réalité. Pour comprendre cette réalité, il faut s’écouter les uns les autres, chercher à comprendre l’autre et être soi-même compris. Je me souviens de nos entretiens à Chequers en 1984. Nous sommes alors convenus qu’il appartient à chaque peuple d’arrêter son choix et de le défendre. Vous êtes attachée à votre système, nous sommes adeptes convaincus du nôtre. Vous ne ferez pas de moi un conservateur, pas plus que je ne compte faire de vous une communiste. Il faut reconnaître les réalités.
M. THATCHER. – Je ne cherche pas à vous convertir. J’explique simplement ce qui nous préoccupe.
M. GORBATCHEV. – Nous avons l’un et l’autre exposé avec franchise nos vues sur le monde où nous vivons. Mais nous n’avons pas beaucoup avancé dans la voie du rapprochement de nos points de vue. Il semble que nos divergences de vues n’aient pas diminué à la suite de notre entretien.
M. THATCHER. – Sauf que maintenant vous comprenez mieux nos idées, comme moi je comprends mieux les vôtres. Il est naturel que nous nourrissions de la méfiance à l’égard d’un système qui restreint la liberté de son peuple.
M. GORBATCHEV. – Vous parlez tant de liberté que vous me mettez dans l’obligation d’aborder ce sujet maintenant, bien que j’eusse eu l’intention de le faire plus tard.
M. THATCHER. – Nous avons des caractères qui se ressemblent, vous et moi. Chacun de nous voudrait avoir le dernier mot.
M. GORBATCHEV. – Ne me mettez pas dans une situation qui me priverait de la liberté de choix.
Je ne voudrais pas vous donner l’impression que nous nions en bloc la valeur de la démocratie occidentale. Nous apprécions dûment l’apport de la bourgeoisie au progrès historique. C’est vous qui ne reconnaissez pas l’apport du socialisme, ni même son droit historique à l’existence. Là, nous ne sommes absolument pas d’accord.
M. THATCHER. – Ainsi, vous estimez que votre système fait le bonheur de votre peuple, mais notre démocratie non plus n’abolit pas les différences dans les aptitudes et les mérites des gens. Notre démocratie permet de choisir les hommes pour entrer au gouvernement et de faire une politique qui impose des limites au pouvoir du gouvernement, et dans le cadre de ces limites les gens sont libres d’agir en toute indépendance, notamment en ce qui concerne l’ascension de l’échelle sociale. La démocratie impose au gouvernement les limites de la loi, elle crée des juges indépendants, des avocats indépendants, elle crée l’égalité des chances. Nous ne sélectionnons pas le maître ouvrier à son établi au suffrage universel, mais nous permettons à chacun de faire son chemin selon les résultats de son travail.
M. GORBATCHEV. – Je peux dire que vous me soumettez à dure épreuve avec vos propos sur la démocratie. Je suis juriste, savez-vous, j’ai étudié la dé...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Avant-propos - Il n’y a pas de réformateurs heureux...
  5. Première partie - À l’épreuve de la confiance
  6. Deuxième partie - Dans les secrets du Kremlin
  7. Troisième partie - Au pouvoir
  8. Quatrième partie - Un homme libre
  9. Conclusion
  10. Table