La Révolution du plaisir féminin
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La Révolution du plaisir féminin

Sexualité et orgasme

Élisa Brune

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  1. 464 pages
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La Révolution du plaisir féminin

Sexualité et orgasme

Élisa Brune

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À propos de ce livre

AprĂšs Le Secret des femmes, Élisa Brune poursuit son enquĂȘte sur la sexualitĂ© fĂ©minine. Dans ce livre en forme de reportage, on entendra des voix trĂšs variĂ©es: des savants de tout poil, des thĂ©rapeutes, des Ă©ducateurs et une galerie de personnages qui racontent leur expĂ©rience personnelle (des sex-toys Ă  la domination-soumission, en passant par le tantrisme, les gigolos, l'Ă©changisme ou les amours plurielles). En quoi ces diffĂ©rentes approches contribuent-elles Ă  l'Ă©panouissement sexuel des femmes? Ce livre, qui multiplie les points de vue sur la sexualitĂ©, vous invite Ă  dĂ©couvrir qu'une rĂ©volution sexuelle est en marche. Pour celles et ceux qui le veulent, le plaisir sexuel est une composante majeure de l'Ă©quilibre personnel. Cet art est accessible Ă  chacune et Ă  chacun. Élisa Brune est l'auteur du best-seller Le Secret des femmes, qui a marquĂ© la façon de parler de la sexualitĂ© fĂ©minine dans les mĂ©dias en France, en Allemagne, en Espagne, en Italie et aux Pays-Bas. Essayiste et journaliste scientifique, elle a Ă©galement publiĂ© plusieurs romans.

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Informations

Éditeur
Odile Jacob
Année
2012
ISBN
9782738180766
DeuxiĂšme partie
Agir
Élargir son horizon
Chapitre 15
Un plaisir qui se trouve
Imaginez, vous, lectrice, ou lecteur, que votre sexualitĂ© se dĂ©roule dans un statu quo sans grand relief depuis un certain temps, ni vraiment bien ni vraiment mal. Elle se dĂ©roule, c’est tout. Il n’y a pas tellement plus Ă  en dire. Pourtant, il vous semble qu’il pourrait y avoir bien plus. Vous avez souvenir de quelques fulgurances, quand le dĂ©sir Ă©tait Ă  son comble. Certaines circonstances vous ont transformĂ©(e) en feu d’artifice. Certains plaisirs vous ont fait entrevoir la splendeur d’exister dans votre corps sexuel.
Est-il possible que, par inertie, paresse ou dĂ©pit, on finisse par renoncer Ă  une dimension remarquable de son ĂȘtre, par oublier mĂȘme qu’elle a eu droit de citĂ© en quelques moments privilĂ©giĂ©s ?
Comment se mettre ou se remettre en quĂȘte d’un Ă©panouissement sexuel qu’on voudrait cultiver au mĂȘme niveau qu’un dĂ©ploiement familial ou professionnel ? Ou artistique, ou sportif, ou intellectuel ?
Mille voies sont possibles pour Ă©largir sa sexualitĂ©, de la plus mĂ©dicale Ă  la plus festive. À travers cette deuxiĂšme partie, nous allons accoster sur diffĂ©rentes Ăźles, aux paysages fort diffĂ©rents les uns des autres, mais qui tous ont pour effet, sur certaines femmes, d’épanouir directement leur plaisir ou leur bien-ĂȘtre sexuel. Nous ne sommes plus dans le savoir et la recherche intellectuelle, mais dans le faire et l’agir, dans l’expĂ©rience vĂ©cue. Les unes passent par des transformations physiques, d’autres par des lieux de parole, d’autres par des pratiques physiques ou sexuelles. Toutes cherchent Ă  mieux vivre et sentir cette vibration sexuelle qui peut enrichir leur ĂȘtre.
On entendra beaucoup de voix de femmes qui tĂ©moignent directement de leur expĂ©rience. Elles parlent d’une dimension de leur vie qui habituellement « ne vous regarde pas ». Mais cette fois, sous le couvert de l’anonymat, elles ont acceptĂ© que « cela vous regarde » directement. Que ce soit Ă  travers le tantrisme, les sex-toys, les gigolos, les amours multiples, l’échangisme ou les pratiques de domination-soumission, chacune part Ă  la rencontre d’elle-mĂȘme et de son potentiel Ă©rotique. Évitons, nous qui les Ă©coutons, d’avoir des prĂ©jugĂ©s sur ce qu’une pratique est ou n’est pas, apporte ou ne peut pas apporter. Des prĂ©jugĂ©s, je croyais en avoir peu, et ils ont tous Ă©tĂ© balayĂ©s. La vĂ©ritĂ© n’est pas dans l’image vĂ©hiculĂ©e par une culture elle-mĂȘme bourrĂ©e de jugements et de messages contraignants, elle est dans l’expĂ©rience Ă©prouvĂ©e comme Ă©largissante ou non. Chaque fois qu’une femme a le sentiment de grandir et de vivre plus intensĂ©ment et plus librement sa sexualitĂ©, il y a quelque chose d’intĂ©ressant Ă  entendre. Si c’est le contraire, il faut en tenir compte encore plus. Bien sĂ»r, les deux peuvent se produire en rĂ©action Ă  la mĂȘme expĂ©rience, pour des femmes de sensibilitĂ© diffĂ©rente, ou dans des lieux et des moments diffĂ©rents de la vie d’une mĂȘme femme. D’oĂč l’importance de faire son propre voyage, sans dĂ©calquer celui d’une autre, et encore moins celui de la pression sociale et culturelle.
Heureuse qui comme Ulysse a fait son propre voyage

Chapitre 16
La guerre des lĂšvres
Le nombre d’obstacles qui peuvent s’interposer entre une femme et son plaisir est littĂ©ralement infini. Les inquiĂ©tudes ou complexes relatifs Ă  l’image de soi en fournissent un bon contingent. « Je suis trop grosse, mes seins sont trop petits, j’ai des vergetures, j’ai peur de faire des grimaces
 », autant de verrous qui vous retiennent de vous abandonner aux sensations. Depuis deux dĂ©cennies, mais surtout ces derniĂšres annĂ©es, un nouvel item Ă©tonnant s’est ajoutĂ© Ă  cette liste de lamentations : « J’ai un sexe affreux. » Entendez par lĂ  que l’aspect esthĂ©tique de la vulve elle-mĂȘme entre en ligne de compte, dĂ©sormais, dans l’apprĂ©ciation que l’on se fait de son attrait physique. Souci invraisemblable pour nos aĂŻeules, qui n’y avaient jamais jetĂ© un Ɠil, mais parfaitement comprĂ©hensible dans un contexte social oĂč de plus en plus d’images circulent, avec leurs messages contraignants induits ; oĂč les rapports sexuels impliquent trĂšs frĂ©quemment des contacts bucco-gĂ©nitaux ; et oĂč les femmes ont moins peur de s’examiner sous toutes les coutures. De ces Ă©volutions inexorables se dĂ©gage fatalement un idĂ©al, et donc un conformisme, de la jolie vulve. Qu’est-ce qu’une jolie vulve ? La culture (on ne saura jamais qui au juste) a dĂ©cidĂ© que ce serait la vulve nette et propre, sans aucun poil ni rien qui dĂ©passe. Un sexe de petite fille, en d’autres mots.
La valorisation des femmes-enfants ne date pas d’hier et mĂ©riterait qu’on s’y attarde (tout ce que cela dit sur la nĂ©gation du fĂ©minin au sens plein). Mais prenons provisoirement le fait pour acquis : les femmes qui ne possĂšdent pas cette vulve idĂ©ale peuvent en concevoir du chagrin – chagrin qui vire parfois au complexe grave et au blocage de la vie sexuelle. Il existe aujourd’hui des solutions chirurgicales. Une intervention bĂ©nigne permet de modifier la forme des petites lĂšvres (aussi appelĂ©es nymphes) pour la rendre plus agrĂ©able au regard. Ainsi trouve-t-on parfois son chemin vers le bien-ĂȘtre sexuel : en taillant les obstacles au bistouri.
Pourquoi intervenir ?
Le plus grand praticien de ce nouveau champ baptisé « labioplastie », ou « nymphoplastie », est le professeur Bernard-Jean Paniel. Spécialiste mondial des pathologies de la vulve, il était bien placé pour répondre aux patientes qui désiraient seulement y faire un peu de ménage. Il a été le premier à mettre au point la technique en France et il a procédé à plus de mille opérations de ce type en vingt-cinq ans. Est-ce pour autant un foudre de guerre du coup de serpe ? Loin de là.
Retrouvons-le dans son bureau de l’HĂŽpital intercommunal de CrĂ©teil, aprĂšs sa journĂ©e passĂ©e au bloc opĂ©ratoire. Pourquoi les femmes viennent-elles lui demander de rĂ©duire leurs petites lĂšvres ? « Elles peuvent souffrir d’un rĂ©el inconfort physique, durant la marche ou le sport, Ă  cause d’une protubĂ©rance excessive. Elles peuvent Ă©prouver une gĂȘne lors des rapports sexuels, quand les petites lĂšvres se retrouvent coincĂ©es et emmenĂ©es par le pĂ©nis dans le mouvement de va-et-vient. Soudain ça tire, et elles ont mal. Certaines invoquent un souci d’hygiĂšne. Mais surtout, surtout, c’est la question de l’image qui les travaille. En particulier chez les jeunes. Elles veulent ĂȘtre conformes Ă  ce qui est vĂ©hiculĂ© comme image d’un beau sexe fĂ©minin. Certaines filles ont tellement honte de leur vulve qu’elles refusent tout rapport sexuel. »
On peut imaginer les interrogations du garçon devant les tergiversations de la demoiselle. Pourquoi trouve-t-elle toujours une raison de repousser les Ă©bats ? Mais on peut imaginer aussi, plus pernicieux, l’état d’esprit d’une femme qui se rĂ©sout Ă  faire l’amour sans ĂȘtre Ă  l’aise avec l’aspect de sa vulve. Au moment du cunnilingus, elle pense : « Non, il ne faut pas me regarder Ă  cet endroit-lĂ , ce n’est pas beau », mais n’ose mĂȘme pas le dire et se tortille pour essayer de passer Ă  autre chose. Et, mĂȘme si elle se laisse faire, Ă  contrecƓur, quelle est la probabilitĂ© de prendre du plaisir ? ZĂ©ro.
Comment a-t-on pu en arriver Ă  une telle angoisse ? « Aujourd’hui, la sexualitĂ© est plus libre et plus ouverte qu’avant, mais cela induit aussi qu’on voit le sexe des autres (surtout via Internet). Avant, on ne se posait mĂȘme pas la question de l’aspect de la vulve, maintenant on se compare aux autres. Certaines filles sont amenĂ©es ici par leur mĂšre, qui entend leur plainte et qui cautionne leur honte. DerriĂšre, il y a souvent une peur de la sexualitĂ© qui s’exprime. On trouve un obstacle pour justifier de ne pas y aller. Si ça coince dĂ©jĂ  lĂ , j’ai peur qu’elles aient bien du mal Ă  atteindre l’orgasme. Ou alors, la honte vient parfois d’une remarque malheureuse qui a Ă©tĂ© faite par quelqu’un d’autre, une kinĂ©, une esthĂ©ticienne, une amie au club de sport, ou pire, un garçon : “Dis donc, comme ça pend chez toi !” Et la fille qui n’avait rien vu commence Ă  faire un complexe. »
Mais faut-il vraiment rĂ©pondre Ă  cette demande qui semble crĂ©Ă©e de toutes piĂšces par une culture normative ? N’est-il pas plus indiquĂ© de faire rĂ©flĂ©chir les femmes sur leur conformisme et les inciter Ă  affirmer leur corps tel qu’il est, surtout dans ses replis intimes ?
« En consultation, je ne pars jamais du principe qu’il faut dire : “Vous avez tort.” La femme a toujours de bonnes raisons de penser ce qu’elle pense. Balayer sa plainte va la dĂ©primer davantage, ou la braquer. Il faut l’écouter. Il faut toujours tenir compte des normes de l’autre, de ses limites. Dans un premier temps, je donne des arguments pour dĂ©fendre la diversitĂ© et pour montrer la validitĂ© de chaque anatomie, mais si la souffrance est intense, ou si le problĂšme mĂ©canique est rĂ©el, il vaut mieux intervenir – mĂȘme si mon avis personnel, c’est qu’il faudrait laisser les femmes tranquilles avec toutes ces normes et ces modĂšles. Elles sont surtout vulnĂ©rables quand elles sont jeunes. Au fur et Ă  mesure des partenaires, elles auront moins d’inquiĂ©tudes et leur sexualitĂ© s’amĂ©liorera. Le plus important, c’est qu’elles trouvent le bon partenaire, celui qui les aimera comme elles sont, qui se montrera soucieux d’elles et de leur plaisir. Alors tous les complexes passent au second plan, ou mĂȘme disparaissent. »
Il n’empĂȘche que la labioplastie a le vent en poupe ? « Oui, la frĂ©quence de la chirurgie des petites lĂšvres augmente de 20 % par an, et c’est assez prĂ©occupant. C’est devenu branchĂ©, y compris chez les chirurgiens. Tout le monde en fait. Or ça s’apprend. Ce n’est pas une technique, c’est un art, qui se crĂ©e au cas par cas. Ce qui convient Ă  l’une ne sera pas du tout acceptable pour l’autre. Il faut comprendre ce que la patiente attend exactement. Car si le rĂ©sultat ne correspond pas Ă  ses espoirs, elle se sentira encore plus dĂ©valorisĂ©e qu’avant, et ce sera bien pire. »
Présentation publique
Deux mois plus tard, nous retrouvons un professeur Bernard-Jean Paniel en grande forme aux QuatriĂšmes Assises françaises de sexologie et de santĂ© sexuelle Ă  Nantes. Il a l’air d’un jeune homme et arbore un T-shirt humoristique en lieu et place du traditionnel veston-cravate (mais il se changera au moment de parler en public). Sa communication sur la labioplastie est trĂšs attendue. Ses communications sont toujours trĂšs attendues, me dit Pierre Blondeau, car il en fait des numĂ©ros d’humour, ce qui est plutĂŽt rare dans les congrĂšs mĂ©dicaux. Aujourd’hui, le suspense est d’autant plus grand que son intervention sera suivie par celle de GĂ©rard Zwang, un tĂ©nor et pionnier de la sexologie française, farouchement opposĂ© Ă  toute atteinte portĂ©e Ă  l’anatomie des femmes. Un combat des chefs en perspective.
Bernard-Jean Paniel commence sa confĂ©rence par un Ă©tat des lieux. Car il existe aujourd’hui des statistiques sur la topographie, autrefois largement ignorĂ©e, de la fente fĂ©minine. Chez 20 % des femmes, les petites lĂšvres sont inapparentes, cachĂ©es sous la fermeture des grandes lĂšvres et ont des bords lisses, chez 30 % des femmes, elles affleurent Ă  l’interstice des grandes lĂšvres et ont des bords en liserĂ©, chez 50 % des femmes, elles Ă©mergent hors de la fente. Sur le plan de la taille, de la forme, de la texture, les petites lĂšvres sont l’élĂ©ment qui montre le plus de variabilitĂ© dans l’anatomie sexuelle fĂ©minine. Admirez donc cette magnifique biodiversitĂ©, nous dit le professeur, en projetant une diapositive qui juxtapose des vulves ouvertes comme autant de papillons d’espĂšces diffĂ©rentes, façon affiche Benetton. L’assistance roucoule de plaisir. C’est fascinant de diversitĂ©, effectivement. Le tabou sur la rĂ©alitĂ© de la vulve est heureusement en train de disparaĂźtre, puisque, en plus de voir projeter ce genre de documents dans les colloques savants, on peut en trouver des versions moins « mĂ©dicales » en librairie, dans des ouvrages qui ne sont pas classĂ©s X mais exposĂ©s sur les Ă©tagĂšres de photographie d’art. Plusieurs photographes, hommes et femmes, se sont penchĂ©s avec bonheur sur cette partie du corps, plus Ă©tonnante que toute autre. Nous y reviendrons au chapitre suivant.
Pour Bernard-Jean Paniel, toute ravissante que soit cette diversitĂ©, il est un fait qu’elle occasionne parfois des gĂȘnes pratiques. « La nymphe vagabonde peut se prendre dans l’élastique d’un string. » Ouille ! Mais pour le reste des consultations, il n’y a pas de motif mĂ©canique, il s’agit plutĂŽt d’adhĂ©rer Ă  un modĂšle qu’on a dans la tĂȘte. D’oĂč la question : comment se fabrique la conformitĂ© ? Du passĂ© nous n’avons reçu aucune rĂ©fĂ©rence : toutes les reprĂ©sentations occidentales, de la statuaire grecque Ă  la peinture classique et mĂȘme au-delĂ  tendent Ă  Ă©luder la chose, c’est-Ă -dire Ă  installer l’absence. Sexe de femme = pas de sexe. Les seules rĂ©fĂ©rences explicites que nous ayons sont donnĂ©es par l’iconographie contemporaine (pornographie, Ă©rotisme, cinĂ©ma, magazines) qui va invariablement dans le mĂȘme sens : Ă©pilation soignĂ©e et fente fermĂ©e. Donc, toujours pas de sexe Ă  l’horizon. Sur l’épilation, le professeur prĂ©sente une autre diapositive en mosaĂŻque qui donne le menu actuellement proposĂ© aux femmes : maillot classique, Ă©chancrĂ©, brĂ©silien, ticket de mĂ©tro, amĂ©ricain, ou total. Et bien sĂ»r, rien ne doit rompre l’harmonie de la fente ainsi dĂ©gagĂ©e, nulle excroissance, nulle petite langue de chair rose. Dans tous les mĂ©dias, l’esthĂ©tique de la chose est homogĂ©nĂ©isĂ©e, c’est l’ùre du pretty pussy.
Or, dans la rĂ©alitĂ©, les choses dĂ©bordent. Dans une nouvelle diapositive, des vulves sont prĂ©sentĂ©es selon une typologie des petites lĂšvres, typologie toute subjective mais joliment Ă©vocatrice dans ses vocables : en peloton, en jabot, en papillon, en oreille de cocker, en Ă©toile
 Joliment, c’est vite dit. Pour certaines femmes, c’est un drame d’avoir tout ce bestiaire entre les jambes. Et elles arrivent en pleurs dans les consultations. Elles peuvent alors soit tomber sur un praticien rĂ©tif, qui discrĂ©dite toute intervention par principe, soit au contraire sur un chirurgien complaisant, tout disposĂ© Ă  faire plaisir, bistouri entre les dents. « Les deux font de l’hĂ©miplĂ©gie mentale, affirme Bernard-Jean Paniel. Le mĂ©decin n’est pas lĂ  pour juger. La femme qui est en face d’eux est peut-ĂȘtre hypersensible, en passe de basculer dans la dĂ©pression, porteuse d’une identitĂ© incertaine
 » Il faut se rendre capable d’apprĂ©cier l’état de souffrance, indĂ©pendamment de la situation organique. Il cite cette phrase de Simone de Beauvoir dans Le DeuxiĂšme Sexe : « C’est moins du corps lui-mĂȘme que vient le malaise que de la conscience angoissĂ©e qu’elle en prend. »
Agir au mieux
Que faire alors, concrĂštement ?
S’il y a un rĂ©el inconfort physique, on rendra service en intervenant.
S’il y a un rĂ©el problĂšme esthĂ©tique, comme une asymĂ©trie avĂ©rĂ©e, il sera de bon sens de rĂ©tablir l’équilibre.
Si la patiente est inquiĂšte et dĂ©stabilisĂ©e par des choses qu’elle a vues ou entendues, il faut Ă©largir son horizon d’information. Lui montrer des catalogues de vulves fĂ©minines, l’adresser Ă  des mouvements comme New View Campaign qui dĂ©couragent la mĂ©dicalisation, « en attendant que naisse en France un mouvement du type Touche pas Ă  mes lĂšvres », dit le professeur en clin d’Ɠil.
Mais si elle est dans un fantasme psychorigide, il faudra sans doute capituler, au bout du compte, car si elle n’arrive pas Ă  se faire opĂ©rer ici, elle ira se faire opĂ©rer ailleurs.
Et s’il s’agit d’une adolescente, un principe absolu : il faut la faire attendre. En particulier dans le cas oĂč c’est la mĂšre qui vient la faire examiner, dans une sorte d’acte de vie par procuration que la fille absorbe passivement.
Pour que l’intervention soit effectivement dĂ©cidĂ©e, il faudrait toujours observer un ensemble de rĂšgles de conduite. Qu’il soit bien clair qu’il s’agit de chirurgie esthĂ©tique et pas d’un traitement de l’anormalitĂ© (que la patiente ne s’imagine pas qu’elle Ă©tait malade ou difforme ou handicapĂ©e). Que la patiente soit apte Ă  dĂ©cider. Qu’elle soit libre d’influence (pas dans le projet de sa mĂšre ou d’une copine). Que le chirurgien soit compĂ©tent sur cette opĂ©ration spĂ©cifique. Qu’on ait pris le temps de dĂ©finir ensemble quel est l’idĂ©al esthĂ©tique souhaitĂ©. Qu’on prenne grand soin de prĂ©server la fonction sexuelle, en particulier l’intĂ©gritĂ© du clitoris et du vestibule (entrĂ©e du vagin, comme son nom l’indique). Qu’on ait donnĂ© l’information sur les ratĂ©s possibles et les rĂ©sultats imparfaits.
« Si toutes ces conditions sont remplies, on peut procĂ©der Ă  la rĂ©duction labiale, ou encore fashion du minou », annonce un Bernard-Jean Paniel trĂšs Ă  l’aise devant une audience ravie.
La petite voix timide du modĂ©rateur se fait entendre alors : « Professeur Paniel, il faudrait conclure
 » « Oh yes, certainly ! », rĂ©pond le chirurgien dans la foulĂ©e. Et, sans modifier son rythme d’un iota, il poursuit, expliquant que la technique de rĂ©duction a Ă©tĂ© popularisĂ©e par le gynĂ©cologue amĂ©ricain Matlock, qui est rapidement devenu le sex designer d’outre-Atlantique, le Picasso du minou. De par sa mĂ©diatisation et les demandes qui ont suivi, elle a Ă©tĂ© adoptĂ©e ensuite dans toute une sĂ©rie de pays. Elle connaĂźt de nombreuses variantes. Vient ici une sĂ©rie de diapositives sur les diffĂ©rentes mĂ©thodes de dĂ©coupe et de suture. Celui qui penserait qu’il suffit de trancher la surface excĂ©dentaire, comme dans un coupon de tissu, pour faire apparaĂźtre la forme voulue, se tromperait lourdement. Cela conduirait Ă  faire apparaĂźtre des bords cicatriciels, bien moins mignons et sensibles que la finition naturelle. Il y faut une approche plus subtile, qui peut prendre diffĂ©rentes voies : couper une portion en demi-lune Ă  l’intĂ©rieur du corps de la lĂšvre et ressouder les bords, couper un quartier en V et ressouder les bords, ou bien deux quartiers en V, ou bien un secteur irrĂ©gulier. Tout dĂ©pend de la forme et de la taille au dĂ©part et de la forme et de la taille voulues Ă  l’arrivĂ©e, et le trajet n’est jamais le mĂȘme. C’est en cela que le professeur parlait d’un art et non d’une technique, car il faut inventer la technique pour chaque cas.
Quant Ă  la question des rĂ©sultats, elle commence Ă  ĂȘtre bien documentĂ©e : plusieurs Ă©tudes existent sur les taux de satisfaction des patientes aprĂšs l’intervention. Dans une Ă©tude sur 163 cas en neuf ans, le taux de satisfaction s’élevait Ă  93 %. La synthĂšse des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es montre des rĂ©sultats stables et cohĂ©rents.
Bernard-Jean Paniel est chaleureusement applaudi. Il a fait un exposé instructif, nuancé et drÎle.
Halte-lĂ  !
GĂ©rard Zwang, tout de blanc vĂȘtu, se lĂšve alors pour prendre la parole. Sans diapositives et sans donnĂ©es factuelles, il commence Ă  dresser son rĂ©quisitoire : « Si le sexe de l’homme est un outil, le sexe de la femme est un chef-d’Ɠuvre. Il faut sauver les chefs-d’Ɠuvre en pĂ©ril ! » Le ton est donnĂ©. C’est le match de catch. « David Matlock est un malfrat qui s’attaque au sexe des femmes pour en tirer de l’argent. Je suis adversaire farouche des labioplasties. Il faut laisser les nymphes intactes. » Et le sexologue d’enrager contre une femme qui Ă©tait venue le voir avec des plaintes sur la forme de ses petites l...

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