L' Invention de l’Etat
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L' Invention de l’Etat

Léon Duguit, Maurice Hauriou et la naissance du droit public moderne

  1. 400 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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L' Invention de l’Etat

Léon Duguit, Maurice Hauriou et la naissance du droit public moderne

À propos de ce livre

À la veille de la guerre de 14-18, l'État français s'est métamorphosé : le régime républicain s'est consolidé en traversant les crises et les affaires ; la notion de service public a vu le jour en accompagnant la naissance de l'état providence ; les progrès scientifiques et technologiques ont offert de nouvelles opportunités. Pour accompagner ces mutations, il fallait une nouvelle approche conceptuelle. Cette biographie croisée de deux éminents juristes – Léon Duguit à Bordeaux, Maurice Hauriou à Toulouse – retrace leurs itinéraires intellectuels. Nés dans les années 1850, marqués par la défaite de 1870, ils incarnent une génération confiante dans le progrès, attentive aux enjeux de la science et du débat intellectuel. Défricheurs conceptuels, ils sont de véritables « inventeurs de l'État » au sens où ils en dévoilent les nouvelles réalités. Maurice Hauriou et Léon Duguit ont eu une influence cruciale sur des questions qui nous touchent aujourd'hui. Leur biographie est l'occasion de réfléchir aux conditions d'efficacité du politique. Jean-Michel Blanquer est, depuis mai 2017, ministre de l'Éducation nationale. Il a été directeur général de l'ESSEC, après avoir été directeur général de l'Enseignement scolaire. Il a également été recteur de l'académie de Guyane et de l'académie de Créteil. Il a récemment publié L'École de la vie. Marc Milet est maître de conférences en science politique à l'université Panthéon-Assas, membre du CERSA (CNRS). Ses travaux portent sur l'engagement civique et politique des juristes. 

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Informations

DEUXIÈME PARTIE

LA DIFFÉRENCIATION



(1883-1905)

CHAPITRE 4

L’éveil des dissidents (1883-1887)


Noël 1882, les espoirs familiaux sont ainsi comblés. Voici le fils de la première étude de Libourne qui embrasse la carrière universitaire et parachève ainsi la trajectoire sociale en faisant accéder la famille de propriétaires terriens, détenteurs de fonctions politiques locales, au cursus honorum de la voie méritocratique. Léon Duguit n’a pas 24 ans ; au printemps précédent, il n’était pas même docteur. Maurice Hauriou, le fils de notaire, est dans sa vingt-septième année. La précocité de l’un, le rang de l’autre leur permettent d’envisager un bel avenir.

L’un est à Caen, l’autre à Toulouse

Pour l’heure, c’est le temps de l’affectation. Les deux jeunes gens n’ont guère le temps de savourer leur réussite. La nouvelle promotion à peine reçue est instituée agrégée près l’une des quatorze facultés de droit de province par arrêté ministériel au premier janvier 1883 en vue d’assurer la charge de cours jusqu’à la fin de l’année scolaire 1882-1883. Duguit part pour Caen. Dans sa carrière, ce n’est qu’une étape, sans doute importante comme on pourra le voir du point de vue des relations sociales qu’il va nouer et de son éveil intellectuel, mais qui demeure somme toute transitoire. Maurice Hauriou est à même de rejoindre le Sud-Ouest. Son excellent rang de classement lui a permis de choisir parmi les destinations possibles1. Il est nommé à Toulouse. Certes, ce n’est pas la faculté de ses années de formation, celle vers laquelle inclinent bien souvent par affinité les jeunes agrégés ; chacun souhaite revenir s’installer et professer dans une ville et un lieu qui lui sont chers et familiers. Mais la faculté de Toulouse a l’avantage de n’être pas trop éloignée de ses attaches familiales, en Charente. Elle est surtout la plus importante faculté de droit par ses effectifs après Paris avec une moyenne de sept cents étudiants à la fin des années 18802. Toulouse pourrait être une étape transitoire puisque le jeune professeur de droit n’y a pas d’attaches particulières. Il y restera pourtant toute sa vie.
À leur entrée dans l’université, nos deux juristes – Hauriou, sans doute plus que Duguit – ne font d’ailleurs pas figure d’exception, mais se situent bien dans la norme d’accession au corps, la moyenne d’âge pour accéder à l’enseignement en faculté se situant bien en deçà de 30 ans3. La différence de voie d’entrée dans la carrière universitaire entre l’agrégation prédoctorale des lettres, qui ouvre en premier lieu à l’enseignement secondaire, et celle postdoctorale en droit fait que les juristes arrivent bien plus tôt que leurs collègues des lettres à la haute marche des facultés. Jusque dans l’entre-deux-guerres, à la sortie de l’École normale supérieure, le début de carrière passe inévitablement par l’enseignement secondaire4. Parmi les prestigieux contemporains qui croisent la route de Duguit et d’Hauriou, Émile Durkheim admis en 1879 rue d’Ulm n’est chargé de cours à la faculté de Bordeaux qu’en 1887. Jean Jaurès est professeur de lycée à Albi de 1881 à 1883 avant d’intégrer la faculté de Toulouse.
La vie de la faculté s’organise autour du doyen, figure emblématique choisie par ses pairs mais qui ne dispose pas véritablement de réels pouvoirs propres. Le régime napoléonien, soucieux de garder la mainmise sur l’enseignement supérieur, lègue à la République une structure éclatée. L’université dépendante à la fois financièrement et hiérarchiquement5 n’est qu’un « conglomérat de facultés désunies ». Le faible nombre d’enseignants permet de nouer des relations personnelles avec ses collègues. En province, l’universitaire fait figure de notable local, amené à établir des liens étroits avec le milieu décisionnel local et encouragé à participer à la vie sociale et culturelle de la ville6.
L’année universitaire est ponctuée par les discours annuels d’ouverture et de remise des prix. L’auditoire pour une faculté de province reste modeste. Le nombre d’auditeurs de la « leçon publique » en première année n’excède pas la quarantaine pour une faculté comme Toulouse. Les conférences, sortes de petits séminaires facultatifs ou destinés aux étudiants préparant les études doctorales, ne sont suivies que par une poignée d’auditeurs. À Caen, la première année, Duguit professe ainsi devant moins d’une trentaine d’étudiants. Pour autant, les activités universitaires tiennent une place importante pour la vie de la cité, comme en atteste l’espace occupé par les informations universitaires dans la presse locale.
Alors que le jeune homme est à Caen, à Libourne, l’étude des avoués Me Duguit et Ichon est en charge des ventes de grandes propriétés viticoles7. Léon Duguit, quant à lui, loge dorénavant rue des Jacobins8, non loin de l’église Notre-Dame-de-la-Gloriette, à quelques encablures du quai de Juillet qui borne l’Orne. Le jeune professeur s’intègre sans difficulté à sa nouvelle fonction et sait rapidement se faire apprécier tant de ses collègues que des autorités locales.
Durant les trois premières années d’enseignement de Léon Duguit, les appréciations du doyen et du recteur sont unanimement élogieuses. Ce dernier, Louis Liard, note, alors même que celui-ci est déjà en partance, qu’il serait « heureux de conserver M. Duguit à Caen le plus longtemps possible ». C’est le profil d’un jeune professeur apprécié des élèves, soucieux de son enseignement, « aimant son métier », comme le précise le recteur, et qui multiplie aussi les moyens d’acquérir une rapide aisance, qui se dessine. « La voix manquait de sonorité et le geste d’ampleur ; la phrase n’avait pas le mouvement oratoire », écrira plus tard l’un de ses élèves, le Pr Roger Bonnard9. Qu’importe ! Son timbre d’élocution, reconnaissable mais peu amène, ne l’empêche pas de capter l’attention de son auditoire par une dialectique rigoureuse et une force d’argumentation10. Outre sa charge de cours d’histoire du droit français public et privé reçue dès son affectation, il donne rapidement, dès 1884-1885, des conférences facultatives pour les étudiants de troisième année et des conférences pour les boursiers d’agrégation d’histoire, sachant se « mettre en communication avec les plus sérieux parmi les étudiants ». La faculté de droit de Caen est largement ouverte sur les réformes de l’enseignement juridique. En 1875, elle sollicite la création de chaires nouvelles, dont celle d’histoire du droit. Trois ans plus tard, lors de la consultation ministérielle de 1878 sur une éventuelle création d’une école d’administration, les juristes se prononcent sans surprise pour que l’enseignement d’une science « administrative, financière et politique » soit confié aux facultés de droit11.
Les années caennaises ne sont pas seulement l’occasion de se former comme professeur, mais signent pour Duguit l’enracinement de liens amicaux et sociaux solides qui ne seront sans doute pas sans exercer une certaine influence sur ses orientations intellectuelles et universitaires futures. Il retrouve à Caen un autre jeune agrégé, Henry Monnier, un docteur de Paris, classé deuxième au concours de 1882. Monnier, durant ces premières années d’enseignement, devient le compagnon de voyages estivaux. Duguit côtoie également deux futurs directeurs d’enseignement supérieur, l’historien Coville qui enseigne à la faculté des lettres, et surtout le philosophe et normalien Louis Liard, son recteur, à qui l’on devra les premières réformes en faveur de la création d’une véritable université12. Louis Liard a grandi en Normandie, mais l’Aquitaine ne lui est pas non plus inconnue. Il y a vécu six ans avant d’être promu recteur à Caen en 1880. Nommé chargé de cours à la faculté des lettres de Bordeaux en 1874, républicain convaincu, il a même été élu conseiller municipal en 1878. On peut également supposer que c’est Edmond Villey, alors professeur d’économie à Caen, qui introduit Léon Duguit quelques années plus tard dans le cercle des collaborateurs de la Revue d’économie politique. Duguit apparaît ainsi comme un jeune universitaire, au sens plein du terme, autant professeur que juriste et savant.
Pour Hauriou, l’intégration au sein de la faculté toulousaine se révèle bien moins aisée. Les informations fournies par les dossiers individuels de fonctionnaires font ainsi mentir les témoignages parvenus jusqu’à nous qui ont privilégié les portraits de la maturité. Ces derniers dépeignent un Léon Duguit plutôt austère, respecté non sans crainte par les étudiants13, tandis que Maurice Hauriou apparaît sous un jour jovial et malicieux, ses élèves aimant à retracer ses nombreux traits d’humour. Un arrêt sur image de ce début de carrière brouille quelque peu cette vision tranchée des deux doyens et semble même en inverser les contours.
Le contraste avec l’intégration de Duguit est en effet frappant. Bien qu’Hauriou ait cherché dès son arrivée « à se créer des relations choisies dans la société toulousaine14 » et qu’il entretienne rapidement de bonnes relations avec ses collègues, ses débuts comme professeur sont plus laborieux. Victime sans doute de sa nature réservée et d’une certaine timidité, il fait figure d’individu distant, « extraordinairement froid », à l’égard tant du doyen que des élèves. Les annotations élogieuses du recteur sur l’ardeur au travail et l’investissement fourni traduisent l’ambition intellectuelle d’Hauriou, tout à son apprentissage scientifique. Comme a pu le relater celui qui fut son élève et ami, le Pr Achille Mestre, « jamais maître ne s’était plus et mieux moqué de l’éloquence15 ». La rhétorique propre au cours magistral et aux effets de manches du barreau qui ont dominé l’enseignement au milieu du XIXe siècle n’est pour lui qu’un artifice superflu, inutile au raisonnement et à la démonstration. Cela ne l’empêchera pas, notamment par écrit, d’user sans retenue des métaphores dans des matières et sur des objets qui n’inclinent guère aux envolées lyriques. Dès lors, ses fortes attentes auprès des étudiants, la conduite un peu abrupte des examens (il interroge avec sécheresse) lui donnent bie...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Prologue
  6. Première partie - Les enfants de la vigne et du droit - (1856-1882)
  7. Deuxième partie - La différenciation - (1883-1905)
  8. Troisième partie - La légitimation - (1906-1918)
  9. Quatrième partie - La consécration - (1919-1929)
  10. Sources et bibliographie
  11. Remerciements
  12. Table