Histoires extraordinaires des Justes
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Histoires extraordinaires des Justes

Portraits de 30 héros parmi les nations

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Histoires extraordinaires des Justes

Portraits de 30 héros parmi les nations

À propos de ce livre

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, 99 % des Juifs du Danemark ont Ă©tĂ© sauvĂ©s, 85 % en Italie et 75 % en France.

Le bilan aurait Ă©tĂ© bien autre sans le courage d'hommes et de femmes remarquables qui ont cachĂ© et sauvĂ© des Juifs durant ces annĂ©es noires: les « Justes parmi les Nations », la plus haute distinction civile de l'État d'IsraĂ«l, dĂ©cernĂ©e par l'Institut Yad Vashem.
Au 1er janvier 2019, 30 000 Justes sont recensés à travers le monde, dont 4 009 en France. Faute de témoignages, beaucoup sont restés anonymes: ce livre fait sortir de l'ombre ces hommes et femmes qui incarnent le meilleur de l'humanité et servent de modÚles aux générations actuelles et futures.

Dominique Lormier, historien et écrivain, membre de l'Institut Jean Moulin et de la Légion d'honneur, est considéré comme l'un des spécialistes les plus remarquables de la Seconde Guerre mondiale et de la Résistance. Ses lecteurs fidÚles apprécient les recherches minutieuses qui passent souvent par les archives familiales.
Il est l'auteur d'une centaine d'ouvrages dont La Bataille de France, jour aprÚs jour, mai-juin 1940 (Le Cherche-midi, 2010, 7000 ex vendus), Nouvelles histoires extraordinaires de la Résistance (Alisio, nov. 2018, 3700 ex vendus) et Les grandes affaires de la libération (Alisio, avril 2019, 3100 ex vendus), Mai-juin 1940: les causes de la défaite (Alisio, mai 2020, 2200 ex vendus), De Gaulle, intime et méconnu (Alisio, juin 2020, 1800 ex vendus).

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Informations

Éditeur
Alisio
Année
2021
Imprimer l'ISBN
9782379351372
ISBN de l'eBook
9782379351976
1.
Per Anger
NĂ© le 7 dĂ©cembre 1913 Ă  Göteborg, en SuĂšde, Per Anger accomplit ses Ă©tudes supĂ©rieures de droit Ă  l’universitĂ© de Stockholm et Ă  celle d’Uppsala. Humaniste, Ă©pris de justice sociale et adversaire rĂ©solu de toutes les dictatures, il dĂ©cide de mettre en accord son mĂ©tier avec ses idĂ©aux. PassionnĂ© de musique classique et de littĂ©rature, il aime les longues balades solitaires en forĂȘt, tout en cultivant la fidĂ©litĂ© Ă  l’amitiĂ©.
DiplĂŽmĂ© en 1939, il rejoint le ministĂšre suĂ©dois des Affaires Ă©trangĂšres, qui lui propose un poste de stagiaire Ă  la lĂ©gation suĂ©doise de Berlin. Il prend ses fonctions en janvier 1940. Il reçoit des informations militaires sur les plans allemands d’invasion de la NorvĂšge et du Danemark en avril 1940. Il Ă©tablit des contacts avec des militaires allemands antinazis, qui l’informent des opĂ©rations futures de la Wehrmacht. Il transmet les divers renseignements Ă  son gouvernement. Francophile, il est Ă©branlĂ© par la dĂ©faite militaire de la France en mai-juin 1940. Il voit dans le nazisme la bĂȘte immonde qu’il convient de combattre par tous les moyens. La neutralitĂ© de son pays lui permet d’effectuer de nombreux voyages en Allemagne, afin d’y rencontrer des opposants au rĂ©gime hitlĂ©rien. Mais la Gestapo commence Ă  le surveiller de prĂšs.
En juin 1941, Per Anger revient en SuĂšde. En novembre 1942, il est envoyĂ© Ă  Budapest en tant que secrĂ©taire de l’ambassade de SuĂšde. La Hongrie, engagĂ©e dans la guerre aux cĂŽtĂ©s de l’Allemagne contre la Russie soviĂ©tique, collabore en partie Ă  la dĂ©portation des Juifs. Divers mouvements nationalistes antisĂ©mites s’activent aux cĂŽtĂ©s des nazis dans la chasse aux Juifs.
En mars 1944, la Hongrie, sentant venir la dĂ©faite prochaine, tente de quitter son alliance avec Hitler, mais ce dernier fait envahir le pays par ses forces armĂ©es. La rĂ©pression contre les Juifs redouble d’intensitĂ©. Per Anger s’active courageusement dans le sauvetage des Juifs de Hongrie, en leur fournissant des passeports suĂ©dois, afin de les protĂ©ger de la dĂ©portation. Le 9 juillet 1944, avec l’aide de Raoul Wallenberg, il fonde des lieux d’accueil pour les Juifs dans toute la ville de Budapest. Anger et Wallenberg se rendent sur place, lors des arrestations, et font littĂ©ralement arracher les victimes des convois de dĂ©portation, en prĂ©sentant des listes de Juifs prĂ©tendument « suĂ©dois ». En Ă©tablissant plus de 700 passeports, ils sauvent ainsi de nombreuses vies.
AprĂšs l’invasion soviĂ©tique de la Hongrie en 1945, Per Anger rejoint la SuĂšde, alors que son compagnon de route Wallenberg, arrĂȘtĂ© par Staline, disparaĂźt dans des conditions troublantes. La Seconde Guerre mondiale terminĂ©e, Per Anger occupe de nombreux postes diplomatiques en Égypte, en Éthiopie, en France, en Autriche et aux États-Unis. Il prend la direction du programme suĂ©dois d’aide internationale, puis devient ambassadeur en Australie, au Canada et aux Bahamas. Durant cette pĂ©riode, il recherche activement son ami Wallenberg, allant jusqu’à rencontrer MikhaĂŻl Gorbatchev, chef du gouvernement soviĂ©tique. En l’an 2000, il apprend que Wallenberg est mort dans les prisons de Staline en 1947.
En 1982, Per Anger est reconnu par l’Institut Yad Vashem comme Juste parmi les Nations. En 1995, il est dĂ©corĂ© de l’ordre du mĂ©rite de la rĂ©publique hongroise. Il est fait citoyen honoraire d’IsraĂ«l en 2000. En 2001, il reçoit le prix humanitaire Raoul-Wallenberg et, en avril 2002, le Premier ministre suĂ©dois, Göran Persson, lui remet la mĂ©daille d’or « Illis Quorum Meruere Labores » pour couronner l’ensemble de sa carriĂšre exceptionnelle en faveur de l’humanitĂ©. Il dĂ©cĂšde d’une crise cardiaque le 26 aoĂ»t 2002, Ă  88 ans, Ă  Stockholm1.
2.
Gino Bartali
Gino Bartali voit le jour le 18 juillet 1914 Ă  Ponte a Ema, prĂšs de Florence, dans une famille modeste de Toscane. Son pĂšre est terrassier et sa mĂšre s’occupe des quatre enfants du foyer. PassionnĂ© de bicyclette depuis l’enfance, il devient rĂ©parateur de vĂ©lo dĂšs l’ñge de 13 ans et se lance dans ses premiĂšres compĂ©titions. Coureur professionnel en 1935, aprĂšs avoir dĂ©jĂ  remportĂ© 44 épreuves cyclistes chez les amateurs, il gagne pour la premiĂšre fois le Tour d’Italie en 1936 et le Tour de France en 1938, multipliant Ă©galement les succĂšs locaux.
L’Italie entre en guerre contre la France et la Grande-Bretagne le 10 juin 1940. MobilisĂ© au 56e bataillon d’infanterie territoriale en octobre 1940, Gino Bartali se marie le 14 novembre dans l’église San Salvatore al Vescovo de Florence. Il rejoint ensuite le 60e bataillon d’infanterie territoriale, en tant que messager militaire Ă  bicyclette, ce qui lui permet de s’entraĂźner rĂ©guliĂšrement et de gagner plusieurs courses cyclistes dans la pĂ©ninsule. AffectĂ© Ă  la surveillance de la base aĂ©rienne de Passignano sul Trasimeno en 1942, il retourne Ă  Florence en juillet 1943, au sein de la police de la route. En septembre, il dĂ©missionne de ce poste Ă  la suite de l’armistice italien avec les AlliĂ©s. Hostile Ă  la prĂ©sence allemande en Italie centrale et du Nord, il rejoint la RĂ©sistance.
À la demande de son ami le cardinal Elia Dalla Costa, Gino Bartali achemine Ă  vĂ©lo de faux papiers d’identitĂ© dans les couvents oĂč sont cachĂ©s des Juifs. Traitant Ă©galement avec Giorgio Nissim, chef du rĂ©seau Delasem, il multiplie les missions clandestines Ă  bicyclette. Sa grande popularitĂ© en Italie lui permet de franchir les barrages militaires et policiers sans Ă©veiller les soupçons. Il se rend mĂȘme Ă  Rome pour donner des documents secrets au Vatican.
Une lettre de remerciement du pape Pie XII, adressĂ©e Ă  Gino Bartali, est interceptĂ©e par la police italienne travaillant avec les nazis, occupant le nord et le centre de l’Italie. ConvoquĂ© Ă  la Villa Triste de Florence pour y subir l’interrogatoire du major Mario CaritĂ , il est disculpĂ© par deux jeunes fascistes qui interviennent en sa faveur. Il part s’installer dans les Apennins. ArrĂȘtĂ© en novembre 1943, alors qu’il tente de se rendre au Vatican dans le cadre d’une mission en faveur de la RĂ©sistance italienne, il est incarcĂ©rĂ© durant quarante-cinq jours. GrĂące Ă  l’intervention de plusieurs amis, il bĂ©nĂ©ficie d’une libertĂ© sous caution et poursuit ses missions clandestines Ă  bicyclette, malgrĂ© la surveillance de l’occupant allemand. En plus de son action rĂ©sistante, il cache une famille juive, les Goldenberg, dans l’un de ses appartements de la Via del Bandino, Ă  Florence. En liaison avec un rĂ©seau de rĂ©sistance dirigĂ© par le rabbin Nathan Cassuto, il accomplit parfois des trajets de 350 kilomĂštres Ă  bicyclette pour porter de fausses cartes d’identitĂ© Ă  des Juifs, cachĂ©s en divers endroits.
La guerre terminĂ©e, Gino Bartali poursuit sa brillante carriĂšre de coureur cycliste professionnel jusqu’en fĂ©vrier 1955. Outre ses nombreuses mĂ©dailles sportives, il est reconnu Juste parmi les Nations le 23 septembre 2013, plusieurs annĂ©es aprĂšs sa mort survenue le 5 mai 2000, Ă  l’ñge de 85 ans.
Surnommé « Gino le Pieux » du fait de sa foi mystique catholique, il écrit à ce sujet :
L’émotion de la mort de mon frĂšre Giulio en 1936 provoqua en moi une mĂ©tamorphose totale. J’avais Ă©tĂ© jusque-lĂ  un homme assez libre, primesautier, ne dĂ©daignant pas des amusements parfois assez frivoles. Il faut dire que je dĂ©couvrais l’Italie en mĂȘme temps qu’elle me dĂ©couvrait. La griserie de la gloire me tournait la tĂȘte. Plusieurs relations fĂ©minines m’avaient ouvert les yeux sur la vie, et je commençais Ă  croire en
 Bartali Gino. Un terrible rappel de notre condition fit jaillir en moi une foi religieuse ardente. Je fis une brusque volte-face intĂ©rieure. Je devins grave. La mort de mon frĂšre m’avait frappĂ© comme un avertissement divin Ă  un moment oĂč, peut-ĂȘtre, j’aurais pu commettre les pires erreurs. Je me mis Ă  prier avec ferveur pour l’ñme de Giulio1.
Il rejoint l’ordre des Carmes, un ordre catholique contemplatif destinĂ© aux laĂŻcs qui acceptent une vie religieuse tournĂ©e vers la pratique de l’oraison (mĂ©ditation chrĂ©tienne mystique) et le service des autres. Il se rend rĂ©guliĂšrement en divers monastĂšres, dont celui d’Assise.
3.
Marie et Pierre Bellocq
Marie et Pierre Bellocq, enseignants à Nay dans les Basses-Pyrénées, sont assommés par la défaite de 1940. Refusant toute forme de collaboration avec les Allemands, Pierre rejoint la Résistance au sein du mouvement Combat en 1942.
Durant l’Occupation, les Bellocq frĂ©quentent des Juifs originaires de Turquie et de GrĂšce, ayant fui les rafles antisĂ©mites de la rĂ©gion parisienne en 1941. C’est le cas de Vitalis Farhi, nĂ© Ă  Izmir en Turquie et arrivĂ© en France en 1925, qui parvient avec son Ă©pouse et leurs deux enfants (Henri et Roger) Ă  passer la ligne de dĂ©marcation pour se rĂ©fugier Ă  Nay.
Les Farhi louent un appartement au-dessus de la boulangerie du village. Vitalis trouve un travail chez un paysan, en la personne de Jean Matocq-Grabot. Le plus jeune fils de la famille, Henri Farhi, frĂ©quente l’école maternelle, dirigĂ©e par Marie Bellocq, tandis que Roger Farhi est scolarisĂ© Ă  l’école communale des garçons de l’instituteur Pierre Bellocq.
MalgrĂ© son passeport, Vitalis Farhi est arrĂȘtĂ© une premiĂšre fois en novembre 1941 par les autoritĂ©s vichystes et internĂ© au camp de Gurs. Pierre Bellocq parvient Ă  le faire libĂ©rer, le 15 janvier 1942, en mettant en avant la naissance en Turquie de son ami. Cependant, il est de nouveau emprisonnĂ© Ă  Gurs le 27 fĂ©vrier 1943, mais n’y reste que quelques semaines, une nouvelle fois grĂące Ă  l’intervention de Pierre Bellocq. Toutefois, Vitalis craint une nouvelle arrestation et doit quitter la rĂ©gion. Marie et Pierre Bellocq cachent Henri et Roger Farhi chez les parents de Marie, Albert et Sidonie-Marie Labedays, Ă  Boeil-Bezing. Les Bellocq cachent chez des amis proches deux autres personnes juives : Mme Algazi et son fils GĂ©rard.
Au printemps 1944, alors que des gendarmes français reçoivent l’ordre d’arrĂȘter six Juifs cachĂ©s Ă  Nay et ses environs, Pierre Bellocq parvient Ă  se saisir de la liste, les gendarmes l’ayant volontairement laissĂ©e sur un comptoir d’un cafĂ© de Nay afin de prĂ©venir les malheureux.
AprĂšs la guerre, Roger et Henri Farhi, sans oublier GĂ©rard Algazi, sont retournĂ©s Ă  Nay et ont retrouvĂ© ceux qui les avaient protĂ©gĂ©s. Le 18 avril 2000, Yad Vashem a dĂ©cernĂ© Ă  Marie et Pierre Bellocq, ainsi qu’à Sidonie-Marie et Albert Labedays le titre de Juste parmi les Nations.
Le 6 novembre 2000, un article du journal Sud Ouest relate les faits suivants avec émotion :
Les familles Farhi et Algazi vivent Ă  Paris avec leurs enfants. À 800 kilomĂštres, dans un village au pied des PyrĂ©nĂ©es, un couple d’instituteurs : Pierre et Marie Bellocq. Ces familles n’auraient jamais dĂ» se rencontrer si l’Histoire n’en avait dĂ©cidĂ© autrement dans toute sa violence et son horreur.
1941, les Farhi et les Algazi sont jetĂ©s sur les routes de l’exode car leur seule faute est d’ĂȘtre juifs. Ils arriveront aprĂšs bien des pĂ©ripĂ©ties Ă  Nay et y seront accueillis. InstallĂ©s dans une nouvelle maison louĂ©e, Vitalis Farhi, apatride d’origine turque, ira travailler au champ, lui qui venait de la capitale. Mais qu’importe les sacrifices, il faut survivre. ArrĂȘtĂ© deux fois par les gendarmes, il est envoyĂ© au camp de Gurs, antichambre de Drancy. Pierre Bellocq, rĂ©sistant, l’aidera par deux fois Ă  en sortir grĂące Ă  son rĂ©seau. Plus jamais Vitalis ne passera une nuit dans son lit. L’angoisse est lĂ  qui le fait veiller prĂšs de la fenĂȘtre. Les enfants seront scolarisĂ©s normalement comme tous les petits enfants nayais, grĂące au courage de Pierre et de Marie Bellocq.
2 novembre 2000, Marie a reçu des mains de Mme Tamar Liora, consul gĂ©nĂ©ral d’IsraĂ«l, et de M. Robert Mizrahi, reprĂ©sentant de l’Institut Yad Vashem, la mĂ©daille des Justes pour son courage durant cette pĂ©riode noire de la Shoah. Cette petite femme a gardĂ© un regard dĂ©cidĂ© et vif, et, Ă  91 ans, on la sentait heureuse, entourĂ©e de Roger et Henri Farhi et GĂ©rard Algazi, mĂȘme si, insistait-elle, « c’était naturel, on ne pouvait pas les laisser seuls ».
La mĂȘme histoire racontĂ©e par ces tĂ©moins est bouleversante et pourtant ordinaire. Ordinaire car ce sont de simples gens qui, peut-ĂȘtre grĂące Ă  une capacitĂ© d’éveil supĂ©rieure Ă  la moyenne, ont Ă©crit ces pages de la petite Histoire. « Oublier est interdit, transmettre est un devoir », les enfants et petits-enfants prĂ©sents ont reçu une part de testament moral au cours de cette cĂ©rĂ©monie en prĂ©sence de nombreuses personnalitĂ©s et amis des familles.
GĂ©rard avait 4 ans, Henri 5 ans et Roger 7 ans. Devenus adultes, ils ont dĂ» apprendre, comme des millions de Juifs, Ă  vivre avec cette histoire douloureuse. Et cinquante-cinq ans aprĂšs, ils viennent de rendre hommage Ă  Marie Bellocq et son mari disparu. Cette distinction honorifique exceptionnelle a Ă©tĂ© dĂ©cernĂ©e Ă  2 000 Justes en France et 16 000 dans le monde. Elle reprĂ©sente certainement la distinction suprĂȘme de l’État d’IsraĂ«l. Comme l’a soulignĂ© Liora Tamar, tout un village est remerciĂ© Ă  travers cette mĂ©daille, car Nay a accueilli d’autres familles juives durant l’Occupation. La plupart des gens savaient qui Ă©taient ces nouveaux arrivants et certains ont pris des risques importants pour leur sauver la vie. Marie et Pierre Bellocq Ă©taient de ceux-lĂ . Leurs noms sont gravĂ©s sur le mur d’honneur du jardin des Justes, Ă  Yad Vashem Ă  JĂ©rusalem. Dans la Tora, il est Ă©crit : « Qui sauve un individu sauve l’humanitĂ© entiĂšre1. »
Roger Farhi, enfant caché, raconte :
Mes parents dĂ©cidĂšrent de quitter Paris vers la fin de l’annĂ©e 1941 pour tenter de passer en zone libre, ils avaient peur des rafles. L’un des oncles, l’oncle Isaac Saul, avait Ă©tĂ© emmenĂ© au camp de Drancy (d’oĂč il sera dĂ©portĂ© vers Auschwitz). On avait peu de nouvelles des gens parquĂ©s et entassĂ©s Ă  Drancy, mais chacun l’évoquait avec frayeur. Nous connaissions les conditions de voyag...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Copyright
  3. Titre
  4. Dédicace
  5. Exergue
  6. Sommaire
  7. Introduction
  8. 1. Per Anger
  9. 2. Gino Bartali
  10. 3. Marie et Pierre Bellocq
  11. 4. PĂšre Pierre Bockel
  12. 5. Friedrich Born
  13. 6. Jeanne et Georges Cadapeaud
  14. 7. Édith CĂ©rĂ©zuelle
  15. 8. Joséphine et Martino Ceruti
  16. 9. Joséphine et Roger Demeyrier
  17. 10. Ho Feng Shan
  18. 11. PĂšre Jean Fleury
  19. 12. Paul GrĂŒninger
  20. 13. Alice et Ernest Guitton
  21. 14. Constantin Karadja
  22. 15. Berthe, Charles de Lespinasse, et la protection italienne
  23. 16. Carl Lutz
  24. 17. PÚre Marie-Benoßt et la protection italienne
  25. 18. Madeleine Michelis
  26. 19. Yvonne NĂšvejean
  27. 20. Anne-Marie Orveillon
  28. 21. Giorgio Perlasca
  29. 22. Jean Philippe
  30. 23. Germaine RibiĂšre
  31. 24. Cardinal Jules-Géraud SaliÚge
  32. 25. Oskar Schindler
  33. 26. Irena Sendler
  34. 27. Aristides de Sousa Mendes
  35. 28. MĂšre Marie Skobtsov
  36. 29. Chiune Sugihara
  37. 30. Pasteur André Trocmé
  38. 31. PÚre Nicolas Vélimirovitch
  39. 32. Pasteur Charles Westphal
  40. 33. L’incroyable sauvetage des Juifs au Danemark
  41. 34. La collaboration antisémite du régime de Vichy
  42. Conclusion
  43. Sources principales
  44. Ouvrages du mĂȘme auteur