Troisième acte
eBook - ePub

Troisième acte

  1. 251 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Troisième acte

À propos de ce livre

«Tout ce qu'il demande, pour l'instant, c'est un motif rationnel de la présence de cette femme dans son salon et une explication à sa connaissance de personnages qui n'ont existé que sur papier, dans sa tête et dans l'ordre du jour d'une réunion avec un diffuseur. Il sourit et, des yeux, fait le tour de la pièce à la recherche d'une caméra que Sonia aurait cachée pour lui faire un canular.» S'il a abandonné tout espoir de réussir au cinéma ou à la télévision, François Desrosiers, scénariste peu prospère, n'avait apparemment pas réussi à faire le deuil de ces gens qui habitent toujours un recoin de son esprit.Que faire de personnages fictifs qui prennent vie et exigent de leur créateur qu'il leur donne une présence tangible?Un roman férocement original, audacieux et drôle sur la soif d'exister.

Foire aux questions

Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
  • Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
  • Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Les deux forfaits sont disponibles avec des cycles de facturation mensuelle, de 4 mois ou annuelle.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Troisième acte par Johanne Tremblay en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Littérature et Littérature générale. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Troisième partie

La foi est toujours une nuit.
— Jean-François Beauchemin, Ceci est mon corps

33

Élisabeth s’engage sur la 2e Avenue, que les résidents ont désertée pour l’école, la garderie ou le travail. Quand la voix synthétique du GPS claironne que la destination est à cinquante mètres sur sa gauche, elle se gare aussitôt du côté droit et coupe le moteur. Selon ses recherches, François Desrosiers habite le 6804. Elle fait le pari que l’auteur de ses jours est celui qui enseigne la sociologie et non le comptable ou le plombier retraité qu’elle a trouvés dans les réseaux sociaux. Elle descend de la voiture, pendant qu’un frémissement d’anticipation lui caresse l’échine.
Elle lève les yeux vers le 6712, remonte sur sa tête ses verres fumés, inutiles sous les nuages qui s’amoncellent, et s’éloigne de l’intersection en marchant vers le nord. Elle veut tout voir de cette promenade, s’imprégner jusqu’à la moelle du spectacle auquel assiste chaque jour François, lorsqu’il écrit ou marche sur cette rue où elle-même a peut-être pris forme dans son esprit. Les immeubles de deux ou trois étages sont bien entretenus, et les jardins, tantôt échevelés, tantôt manucurés. Entre le trottoir et les voitures garées, des carrés verdoyants ou colorés sont plus ou moins bien cultivés par les occupants d’en face. Élisabeth reconnaît ses fleurs préférées devant le 6730 et se demande brièvement qui loge dans ce rez-de-chaussée visiblement refait à neuf et aménagé dans un style dépouillé qu’elle affectionne. Mais le temps n’est plus à la réflexion, à l’enquête ou aux conjectures. Trop d’heures, de mois et d’années passés entre les quatre murs de la psyché de François n’ont servi qu’à ça, à s’interroger sur son sort, ses origines et son avenir et à maudire son infortune et son créateur. Pour en finir avec sa vie fantasmée et prendre la place qui lui revient, Élisabeth ne souhaite plus qu’une chose : rompre l’enchantement, extraire François de ses chimères et lui offrir de la chair – la sienne – autour de l’os qu’il ronge depuis dix ans.
Elle se trouve à moins de trente mètres de l’adresse qu’elle cherche quand un fourgon postal remonte l’avenue et se gare devant chez François. Élisabeth ralentit le pas en voyant le conducteur muni d’une grande enveloppe matelassée grimper les quelques marches et sonner chez François. Tout en fouillant son sac pour se donner une contenance, elle attend, plus encore que le livreur, que l’occupant ouvre la porte. Ce dernier, en jeans et queue de chemise, est plus jeune que ce qu’elle imaginait. Sûrement, ce n’est pas François. Son fils, peut-être ? L’enveloppe ayant trouvé son propriétaire, le postier réintègre son véhicule et démarre.
L’immeuble qu’habite François n’est ni mieux ni pire que ceux de ses voisins. Les vitres des deux grandes fenêtres qui flanquent la galerie ont besoin d’être lavées. Le fer forgé de la rampe, comme tout fer forgé, pèle aux entournures. À l’intérieur, un plein jour préserve l’intimité de l’occupant.
Au deuxième coup de sonnette, Élisabeth perçoit un mouvement dans la fenêtre sur sa droite. Sans quitter la porte du regard, elle redresse la tête et offre son profil de reine à François, histoire qu’il voie bien qu’elle n’est ni une représentante d’Oxfam ni une ex-détenue vendeuse de stylos-billes. Elle s’apprête à sonner une troisième fois lorsqu’elle entend le pêne glisser.
• • •
Le même homme que tout à l’heure. Les photos trouvées en ligne ne sont guère ressemblantes. L’étonnement cède la place à la déception quand François confirme son identité. Comment un type aussi banal peut-il avoir imaginé une femme comme elle ? Elle a presque envie de tourner les talons, mais résiste. S’attendait-elle à un genre d’Ernest Hemingway ? Ce François devra faire l’affaire.
Quand elle se présente, il reconnaît son nom et ses traits se détendent ; il est déjà prêt à dire oui à ce qui s’en vient. Et c’est justement tout ce qu’il dit.
— Oui ?
Sans quitter son sourire qui, François l’a écrit en toutes lettres dans la bible de son projet, constitue son arme la plus redoutable, Élisabeth largue l’entrée en la matière qu’elle a vaguement préparée en route :
— On ne s’est jamais rencontrés, mais on a des amis communs. Et puis j’ai beaucoup entendu parler de vous…
— Ah bon ?
Ravi d’apprendre qu’il a une certaine notoriété quelque part, François baisse sa garde pour de bon. Et puis une femme avec un nom pareil, ça l’émeut :
— J’en connais une, Élisabeth Desjardins.
Elle hésite devant la perche involontairement tendue. C’est aussi facile que ça, transformer la vie de quelqu’un ? Ce qu’elle s’apprête à faire ne peut produire que deux résultats : François sera bouleversé ou il l’éconduira comme il le ferait d’un témoin de Jéhovah. Elle écarte les bras et dit « Tadam ! », mais François ne saisit pas.
— Votre Élisabeth… c’est moi.
François rit sèchement en hochant la tête :
— Je pense pas, non.
En vrai comme en faux, il n’y a rien comme un peu de name dropping pour faire avancer un dossier :
— C’est la même Élisabeth qui a connu Laurent Surprenant, Simon Bordeleau et Richard…
Elle marque une pause, ferme les yeux. « Allons donc, quel était le nom de ce maudit Richard ? » En dix ans, elle ne l’a pas invoqué souvent. Il s’est volatilisé du sous-sol au bout d’un an, tout comme Simon, d’ailleurs. François a dû s’en détacher plus vite que de Laurent – disparu l’an dernier – ou d’elle.
— Turgeon, dit François, troublé. « Comment cette apparition a-t-elle mis la main sur Deuxième acte ? » Vous travaillez pour qui, au juste ?
— Pour personne. Je veux juste parler de nos amis communs.
Devant elle, François fronce les sourcils. Derrière elle, le temps incertain depuis le matin choisit ce moment pour déverser son indécision. François avise la pluie et ouvre plus grand la porte pour laisser entrer la visiteuse.
L’appartement est en désordre. Sur un fauteuil, Élisabeth reconnaît le paquet qu’a reçu François dix minutes plus tôt. Pas même décacheté, une formalité qui n’a rien à offrir. À droite, ce qui a dû tenir lieu de salon pour d’autres occupants constitue le bureau. Sur la table de travail placée contre le mur du fond règne un fouillis plus ou moins contrôlé. De part et d’autre d’un iMac allumé dont la présence rassure Élisabeth, des piles de feuilles, des chemises éventrées de leur contenu, des livres, des blocs-notes et des cahiers.
— On peut prendre cinq minutes au salon en attendant la fin de l’averse…
La voix de François, qui marche dans la direction opposée, la tire de sa contemplation. À regret, elle le suit vers une enfilade de pièces communes, mais elle aurait préféré pour l’instant explorer les lieux de sa naissance. François lui a-t-il forgé le caractère dans ce bureau dix ans plus tôt ? Quelle est sa genèse ? À qui, dans l’entourage de François, ressemble-t-elle ? Quelle facette de lui incarne-t-elle ?
Quand il l’invite à s’asseoir, elle choisit d’office le fauteuil de style scandinave qu’elle reconnaît comme le sien, en moins élégant, et laisse le canapé à son propriétaire.
— Où avez-vous lu Deuxième acte ?
Le regard de cette Élisabeth est d’une telle limpidité que François se dit qu’il s’agit d’une comédienne ayant mis la main sur son projet dans le bureau d’un producteur, d’un plagiaire ou d’un diffuseur qui a négligé de faire déchiqueter les vieux dossiers de présentation qu’on lui a soumis. Puisqu’elle a aimé l’histoire au point de se la jouer Élisabeth Desjardins, il faut bien qu’elle l’ait lue quelque part.
— C’est quoi, Deuxième acte ?
Bonne actrice. Pour un peu, il la croirait.
— Je ne peux rien pour vous. L’histoire est scrap. Les réseaux n’en ont pas voulu et d’autres s’en sont partagé les morceaux.
Le regard d’Élisabeth s’éclaire quand elle comprend qu’il s’agit du titre de son histoire, comme on saisit une blague à retardement. Elle le tourne et le retourne dans sa bouche comme elle le ferait d’un bonbon avant de rendre son verdict :
— C’était un bon titre, mais on ne s’y est pas rendus.
— Où ?
— Au deuxième acte.
Cette conversation n’aurait pas commencé si cette fille n’était pas si belle. En fait, elle ne l’est même pas. Pas tant que ça. Ce qu’elle dégage, en revanche, remue quelque chose d’immémorial dans l’épine dorsale de François. Quelque part dans l’appartement, son téléphone sonne, mais la question que vient de lui poser cette femme a préséance :
— Comment suis-je née, dans votre esprit ?
Il ne l’a jamais vue avant aujourd’hui, mais cède presque à l’envie de jouer le jeu qu’elle lui propose. Soit elle est folle, soit elle est sortie première de sa promotion à l’école de théâtre. Voyant que la pluie a cessé, il se lève, mais elle interrompt son geste en lançant une seconde grenade.
— Ça fait dix ans que vous pensez à moi, que vous ne décrochez pas de votre histoire. Des autres non plus, d’ailleurs.
— Mais de quoi parlez-vous ? s’objecte-t-il en se rassoyant.
— De vos projets de télé, de Daniel et Steph, d’Alice, d’Abdou, de Josh.
Il s’agit sans doute d’une réaction nerveuse à sa décision d’emménager avec Sonia. Une sorte de délire induit par une peur incontrôlée de l’engagement. Il devient une cible facile pour les détraquées en tous genres. Ça ne lui apprend rien sur la femme qui se trouve devant lui. Tout ce qu’il demande, pour l’instant, c’est un motif rationnel de la présence de cette femme dans son salon et une explication à sa connaissance de personnages qui n’ont existé que sur papier, dans sa tête et dans l’ordre du jour d’une réunion avec un diffuseur. Il sourit et, des yeux, fait le tour de la pièce à la recherche d’une caméra que Sonia aurait cachée pour lui faire un canular. S’il fallait que sa prochaine question soit filmée, elle le planterait là pour de bon.
— Vous… euh, comment ça se fait que vous connaissez Alice ?
— On a passé trois ans ensemble, coincées je ne sais où… dans votre imaginaire, je pense. On se ressemble elle et moi, à certains égards, non ? Pas physiquement, mais dans le caractère, c’est indéniable. Alice, c’est moi en plus dark.
François n’est pas prêt à discuter de l’origine de ses personnages avortés avec cette fille qui en cause comme il comparerait les riffs de guitare de Keith Richards et de Jeff Beck. Pris d’une inspiration soudaine – ça lui arrive encore –, il lui demande une preuve de son identité. La mine déconfite d’Élisabeth met un terme brutal à l’entretien. Quand il marche v...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Copyright
  3. Page de titre
  4. Dédicace
  5. Première partie
  6. Deuxième partie
  7. Troisième partie
  8. Remerciements