La Scène de ce drame est le monde
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La Scène de ce drame est le monde

  1. 421 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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La Scène de ce drame est le monde

À propos de ce livre

Michel Camdessus est ' un témoin capital '. Les vingt dernières années du xxe siècle ont vu le triomphe du capitalisme sur le communisme et la révolution libérale de Thatcher et Reagan. Il était au coeur du ' drame ', au contact direct des chefs d'État. Après chaque rendez-vous important, il notait les dialogues, les choses vues, les échanges les plus saisissants. Ce livre est un recueil de ces rencontres au sommet, qui ont souvent eu lieu au climax de l'Histoire. Une oeuvre de mémorialiste et de portraitiste, truffée de révélations et de dialogues fascinants.

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Informations

II. Dette du tiers-monde et panne du développement
Hiver 1987 : repérages
En ces premières semaines à Washington et sur les recommandations de Dick Erb45, alors que le problème de la dette du tiers-monde est dans tous les esprits, je vais vers les uns et les autres avec de simples questions : qu’attendez-vous de moi ? Comment nous y prendre ? Que feriez-vous à ma place ?
La réponse la plus fréquente est : « Continuez ! » Beaucoup ajoutent la réponse de Margaret Thatcher, dont la vigueur des convictions néolibérales fait école : « There Is No Alternative46 ! », formule répétée à l’envi au point d’être réduite à un sigle (TINA). Par leurs hésitations, certains cependant me font sentir qu’il faudrait introduire des inflexions ici ou là. Je rêve de quelques jours de retraite pour y réfléchir. C’est exclu. La vie de l’institution n’arrête pas. Il faut trois fois par semaine, matin et soir, présider le conseil d’administration où vingt-deux administrateurs parlant vingt-deux anglais différents – alors que le mien demeure hésitant – débattent de questions dont tous les détails sont encore loin de m’être familiers.
C’est aussi le défilé des ministres des Finances, des hauts fonctionnaires, parfois des chefs d’État de passage à Washington pour qui la visite au directeur général du FMI et au président de la Banque mondiale fait partie du rituel, aussitôt après leur passage à la Maison Blanche. Chacun attend très légitimement des réponses à ses questions ou à ses états d’âme. Autant donc de dossiers – souvent complexes – à absorber et à maîtriser dès que possible. Il me faut offrir des réponses responsables et encourageantes à ces interlocuteurs, sans pour autant troubler les fonctionnaires qui guettent les nuances que je pourrais apporter aux « éléments de langage » qu’ils m’ont soigneusement préparés. Je veux pourtant garder les mains libres.
Au fil de ces rencontres, plusieurs évidences s’imposent. L’une est tout à fait claire : je suis attendu sur la dette. La majorité qui s’est formée sur mon nom et m’a élu attend autre chose que le statu quo, sans pour autant nourrir l’illusion d’un miracle. Plus réservés, les autres savent qu’ils ne doivent pas exclure a priori des changements, car l’impasse en ce domaine se confirme chaque jour. Deux autres questions émergent et un étrange silence sur un point essentiel de la mission du FMI me trouble de plus en plus : les perspectives, l’évolution et les problèmes du système monétaire international, alors que dans quelques semaines, le G7 va se réunir à nouveau cette fois-ci au Louvre dans l’espoir de développer les avancées espérées de l’accord du Plaza47.
Le questionnement le plus pressant porte sur la réponse à donner aux problèmes spécifiques des pays les plus pauvres. La dette extérieure que beaucoup ont accumulée au cours de la décennie précédente – du fait en grande partie de l’incommensurable irresponsabilité de beaucoup de banquiers – s’ajoute à la baisse des prix de leurs matières premières pour rendre inopérante pour eux une stratégie vertueuse attendue de la recherche d’une discipline macroéconomique et d’un ajustement structurel. Cette approche suscite de plus en plus d’hésitations parmi leurs dirigeants lorsqu’ils ne la rejettent pas ouvertement. Ils en sont réduits à laisser s’accumuler des arriérés, y compris vis-à-vis des prêteurs privilégiés (le FMI et la Banque mondiale). La liste s’allonge ainsi des pays cloués au pilori par la communauté internationale et voués à vivre au jour le jour – tous investissements exclus – de leurs maigres ressources courantes. Malgré tous ses efforts, le FMI manque d’instruments de réponse crédibles à de telles situations. Il est sommé par les principaux pays créanciers d’obtenir, sans délai, le remboursement de ses propres créances sur ces pays misérables. « We must have our money back48 », me rabâche le clan des plus orthodoxes.
Cette formule thatchérienne qui a fait plier l’Europe au début de la décennie est reprise, cette fois à l’encontre de nos débiteurs en défaut. Pour une caisse de crédit mutuel comme le Fonds, la question est vitale. Ne pas être remboursé signifie, à terme, devoir cesser son activité. Les pays qui se sont ralliés à regret à mon élection guettent à ce propos ma réaction. Ne vais-je pas me ranger dans le camp des « colombes » sur cette affaire ? Ce n’est pas mon intention. Je me refuse cependant à réduire le rôle mondial du FMI à celui d’un huissier collecteur de créances en souffrance. Il faut régler d’urgence cet irritant problème. Nous ne pourrons y parvenir, toutefois, qu’en visant plus haut : il y faut une stratégie nouvelle dans ses ambitions et dans ses moyens. La définir devient l’urgence numéro un.
La question de la stratégie du Fonds est pourtant plus vaste. Moins clairement posée pour les pays en développement en mesure de faire face à leurs échéances, elle suscite un peu partout beaucoup d’hésitations. Est-elle simplement mal comprise ? N’est-elle pas, dans la pratique, mise en œuvre de façon trop réductrice ? Ignore-t-elle des questions qui, de plus en plus, occupent les esprits ? Sur tous ces points, la confusion règne.
Entre deux visions de l’économie
Peu à peu les choses me deviennent plus claires. Le FMI et ses États membres vivent un écartèlement entre deux familles de pensée apparemment irréconciliables. L’une croit aux vertus du marché et en exalte les réussites ; l’autre les conteste et en dénonce les ravages. La monnaie, le budget, l’ouverture des économies, le rôle de l’État sont au cœur de leurs discordes.
De par son origine, le FMI se situe du côté d’une économie de marché. Il est marqué par les circonstances de sa naissance : ses deux principaux fondateurs s’appellent Keynes et Dexter White49… Le FMI croit en l’efficacité économique, à la liberté, mais le néolibéralisme qui proscrit toute intervention économique de l’État n’est pas pour autant dans ses gènes. Même s’il reconnaît que les excès ou les erreurs de l’État-providence doivent être évités et, si nécessaire, corrigés, il croit que l’État a un rôle à jouer. Un lourd et universel soupçon pèse pourtant sur lui. Beaucoup de commentateurs en font un croisé du néolibéralisme. Cent fois j’aurai à répondre à des interpellations à ce propos. « Vous êtes des néolibéraux ; pour vous, la politique économique se résume à l’action de la main invisible du marché ». Je répondrai invariablement : « Non, nous voyons notre seul but – le progrès des économies – comme le produit de l’action conjointe de trois mains et non d’une seule : la main invisible du marché, certes, car on n’a rien inventé de mieux pour l’ordinaire de la vie économique, mais les marchés peuvent se tromper et beaucoup de prédateurs s’y rencontrent ; il y faut donc la main régulatrice de l’État. Le marché, enfin, ne sait pas régler les problèmes de pauvreté ; il y faut donc aussi la main de la solidarité, capable d’introduire une indispensable gratuité dans les transactions économiques. » Cette profession de foi répétée pendant treize ans ne parviendra pas à dissiper autant que je le souhaitais scepticisme et préventions.
Une des raisons de ces soupçons réside dans le fait que le Fonds s’est longtemps vu comme une institution technique, non comme une des institutions politiques des Nations unies. Cette distinction entre institutions techniques et politiques n’est écrite nulle part, mais elle prévaut dans beaucoup d’esprits. Pour les services du Fonds, son discours au monde doit être très simple : « Laissez-nous vous aider à équilibrer vos balances de paiements courants et à redresser vos données macroéconomiques et le reste vous sera donné par surcroît. » Ceci, pour certains, va plus loin et dicte une distinction officieuse des responsabilités entre le FMI et la Banque mondiale : au premier, les grandes questions de système monétaire, d’équilibre d’ensemble et de surveillance des grandes puissances ; à la Banque mondiale, les pays pauvres dans une optique de financement à long terme du développement et d’assistance humanitaire. J’objecte que rien dans nos statuts n’autorise une telle dichotomie mais elle est affirmée comme un article de foi.
J’ai eu droit à un exposé sans fard de cette shadow doctrine de la bouche de George Shultz, à l’époque secrétaire d’État américain lorsque, histoire de faire connaissance, il m’invite à venir partager une omelette avec lui au département d’État, peu de jours après mon arrivée. Il a parfaitement décrypté mes préoccupations ; aussi sans s’embarrasser de préambules, il en vient rapidement à son message : « Vous arrivez ici, précédé d’une très bonne réputation et les États-Unis n’ont en fait qu’à se féliciter de la qualité de leur coopération avec vous au sein du G5 et tout particulièrement au sein du Club de Paris où vous avez débrouillé bien des affaires embarrassantes. Nous vous en sommes reconnaissants. Vous aimez l’Afrique et vous êtes sensible à la situation des pays pauvres, nous n’allons pas vous le reprocher ; mais ne perdez pas votre temps avec eux pour pas grand-chose. Ils ne pèsent pas pour beaucoup dans les grands équilibres mondiaux. Laissez donc tout cela à la Banque mondiale et occupez-vous des grands sujets : nos déséquilibres budgétaire et extérieur ici, la stabilité des changes, bref, le G1050 ! Travaillez avec le G10 et prenez un peu de temps pour jouer au golf. » Je n’ose pas lui confesser que, de toute ma vie, je n’ai traîné de caddie qu’au supermarché le samedi après-midi. Je n’ai nullement l’intention de me mettre à pratiquer ce sport. Je lui rappelle, maladroitement peut-être, que les pays pauvres sont autant que les pays du G10 membres du FMI et ont droit à tout son soutien. Je dois donc les suivre de près eux aussi. Je lis un mélange de consternation et d’apitoiement dans son regard. Nous ne nous reverrons plus.
Cette conception, j’en conviens, s’accorde à celle qui règne dans beaucoup de banques centrales quant au rôle de la politique monétaire. « Faisons une monnaie stable, éradiquons l’inflation, surveillons soigneusement les banques… et tenons-nous en là. » Vision juste en ce qui concerne les banques centrales car une monnaie saine est d’intérêt général et, au surplus, supprime l’impôt le plus inique qui soit car les hausses de prix pèsent d’abord sur les plus pauvres, toujours mal protégés contre elles. Vision juste mais qu’un regard sur l’ensemble des autres données politiques, économiques et sociales doit éclairer si l’on veut agir avec pertinence au plan global ; vision trop courte donc pour le FMI. Son rôle de conseil sur les politiques économique...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Dédicace
  4. Épigraphe
  5. Avant-propos
  6. Jeudi 18 décembre 1986 : élection improbable
  7. Dévaluer le franc une dernière fois
  8. I. Chute du Mur. Transition à l’Est
  9. II. Dette du tiers-monde et panne du développement
  10. III. Réflexions à mi-parcours
  11. IV. Premières crises du XXIe siècle
  12. V. Vers une nouvelle architecture pour le système
  13. Merci
  14. Annexes
  15. Du même auteur
  16. Cahier photos