Vue imprenable sur la folie du monde
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Vue imprenable sur la folie du monde

  1. 227 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Vue imprenable sur la folie du monde

À propos de ce livre

AprÚs son long bras de fer et sa victoire judiciaire contre la multinationale Clearstream, Denis Robert revient à l'écriture, dans un road-movie doux-amer et décapant sur l'effondrement d'un monde et l'impact de la folie financiÚre sur nos vies. Le jury du Prix Joseph Kessel a retenu, dans sa sélection, le livre de Denis Robert Vue imprenable sur la folie du monde. La délibération finale est fixée au mercredi 7 mai et le Prix sera remis dans le cadre du Festival Etonnants Voyageurs.

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Informations

Éditeur
Les ArĂšnes
Année
2014
Imprimer l'ISBN
9782352042792
1.
Les enfants
C’était un jour de soleil. Un des premiers jours de beau temps aprĂšs un dĂ©but de printemps maussade et un hiver calamiteux. J’habite une maison avec un bureau en rez-de-chaussĂ©e qui donne sur un jardin. Alors qu’autour de moi, dans le village, tout le monde a le pied sur la pĂ©dale de la tondeuse dĂšs que le soleil pointe et qu’un brin d’herbe dĂ©passe la cote autorisĂ©e, je renĂącle Ă  l’exercice. Je trouve toujours des excuses pour ne pas tondre. Je rĂ©siste jusqu’au jour oĂč je passe pour le pire des paresseux, oĂč la pression est trop forte et l’herbe trop haute. Alors je me lance et j’encrasse immanquablement la machine. Il faut la faire rĂ©parer car la courroie a cĂ©dĂ©. Ce qui me fait gagner encore un peu de temps. LĂ , j’étais dans ma pĂ©riode de rĂ©sistance. Je traĂźnais dans mon bureau Ă  me demander oĂč j’allais bien pouvoir trouver une courroie. Les fenĂȘtres Ă©taient ouvertes sur la pelouse. Devant moi, un tĂ©lĂ©viseur fonctionnait en sourdine derriĂšre une montagne de bouquins. Tout en haut de la pile, le livre de Cormac McCarthy, La Route. C’est un roman d’anticipation1 oĂč l’écrivain du sud des États-Unis – il est nĂ© dans le Nord, Ă  Providence, mais vit au Nouveau-Mexique – imagine notre univers aprĂšs une catastrophe. L’auteur ne fixe aucune date, mais son monde pourrait ĂȘtre le nĂŽtre dans quelques dizaines d’annĂ©es. Il fait Ă©voluer ses personnages dans un dĂ©sert glacial, gris et nuageux, peuplĂ© de survivants. Un pĂšre et son fils marchent vers la mer, au milieu des dĂ©combres de l’ancien monde. C’est captivant et flippant. J’avais son livre sous les yeux. En mĂȘme temps, quatre enfants jouaient Ă  la guerre dans mon jardin aux herbes folles.
Le livre de Cormac McCarthy refermĂ©, on se dit que ce qu’il dĂ©crit est possible. On se demande comment les hommes pourraient arriver Ă  cette extrĂ©mitĂ©. Il pousse Ă  bout la logique de dĂ©sintĂ©gration du capitalisme. Il fait voler en cendres le principe de consommation infinie, la dĂ©mission des politiques, la logique de domination d’une minoritĂ© et le combat des nations entre elles. La course Ă©perdue au profit conduit Ă  des absurditĂ©s qui mĂšneraient Ă  une rupture. À moins de croire Ă  l’éternitĂ©, aux biorythmes ou Ă  un Dieu de bĂ©atitude, il n’y aurait pas d’autres issues qu’une sorte d’apocalypse. Ce serait, si l’on suit cette route, une question d’échĂ©ance. Nous ne serions pas dans ce monde Ă©ternellement. Nous serions en train de le finir pour peut-ĂȘtre en reconstruire un autre. Dans plusieurs interviews, McCarthy explique qu’il a eu l’intuition de son roman alors qu’il sĂ©journait dans un motel du sud des États-Unis et qu’il a vu un pĂšre et un fils marcher dans un nuage de sable au milieu de panneaux publicitaires dĂ©glinguĂ©s.
Ce jour-lĂ , la tĂ©lĂ©vision repassait en boucle les confessions de JĂ©rĂŽme Cahuzac. Ce pardon au bord des larmes quĂ©mandĂ© par un ministre dĂ©pressif. Son interviewer Ă  la mĂšche blanche, Ă  l’Ɠil rieur, aux lĂšvres et au sourcil nerveux, Ă©tait, de toute Ă©vidence, fier de son coup : Et vous avez pensĂ© au suicide ? Comme ça entre nous c’est quand mĂȘme pas de chance ce coup de tĂ©lĂ©phone enregistrĂ© par hasard ? Comment faites-vous pour tenir ? Il cherchait, sans trop y croire, l’écroulement de l’ancienne star du gouvernement, le K.-O. en lĂ©ger diffĂ©rĂ©, qui ensuite aurait tournĂ© encore plus en boucle. JĂ©rĂŽme avait la tĂȘte du type qui se repasse mentalement la bande des derniers mois. Il serrait les dents. Je l’appelle JĂ©rĂŽme car une proximitĂ© est nĂ©e entre lui et moi. Nous avons des amis en commun. Sa chargĂ©e de communication avait dĂ» le briefer. Surtout ne pas craquer. Être dans la contrition. Au gouvernement, ils auraient bien aimĂ© l’expĂ©dier sur Mars. Voire qu’il se dĂ©sintĂšgre en plein vol. Mais le JĂ©rĂŽme est plus rĂ©sistant que prĂ©vu. MĂąchoire crispĂ©e, col de la chemise blanche ouvert au premier bouton, Ă©locution pondĂ©rĂ©e, il assume.
Depuis son aveu, le pays semble craquer de partout. Comme si une lente fragmentation opĂ©rait en coulisse. À l’AssemblĂ©e, les dĂ©putĂ©s sont de plus en plus nerveux, ils en viennent aux mains et en appellent Ă  la guerre civile. La droite est revancharde, la gauche dĂ©boussolĂ©e. Enfin, je dis gauche. Le moral des Français reste en berne pour le trente-troisiĂšme mois consĂ©cutif. Les journalistes financiers qui semblent dĂ©couvrir que les banquiers nous siphonnent tranquillement depuis des lustres rĂ©pĂštent en boucle que la crise est devant nous. Les journaux tĂ©lĂ©visĂ©s passent de l’affaire Cahuzac Ă  la offshoreleaks, un listing de plus de deux millions de comptes externalisĂ©s comme disent les professionnels de l’optimisation fiscale2. Un banquier suisse menace de rĂ©vĂ©ler les forfaitures de quinze autres hommes politiques français ayant des comptes cachĂ©s en Suisse3. Le climat autour de ces questions d’argent et de pouvoir est dĂ©lĂ©tĂšre. Vaguement explosif. Jean-François CopĂ© se glisse entre deux sujets en assurant l’Ɠil noir qu’il ne livrera pas le montant de son patrimoine en pĂąture aux
 On sent qu’il pense aux chiens, mais il ne franchit pas le Rubicon. Les chiens et le fantĂŽme de BĂ©rĂ©govoy pourraient le mordre. Suivent les derniĂšres dĂ©clarations de François Hollande pour lutter contre la corruption, les trafics bancaires et les paradis fiscaux. Il gesticule, l’Ɠil humide, quĂ©mandant un peu de compassion : Je vous promets que tout va changer, tout va ĂȘtre moralisĂ©, faites-moi confiance
 On a envie de lui passer la main sur l’épaule au prĂ©sident tout chiffonnĂ© dans son costume trop grand, de lui dire de foncer maintenant. Qu’est-ce que tu risques au fond ? Passer de 25 % d’opinion favorable Ă  24 ? La guigne.
Woody, mon fils, joue Ă  la guerre avec ses copains dans le jardin, alors que le vent se lĂšve en lĂ©gers tourbillons de poussiĂšre. Mon rĂ©pondeur est blindĂ© de messages auxquels je rĂ©pondrai ce soir. On se souvient de moi et de ces annĂ©es de combat contre l’hydre financiĂšre. Le journaliste qui a tenu le choc contre une armĂ©e de mĂ©crĂ©ants et des procĂšs en rafale. Je suis leur mauvaise conscience. Le 1er octobre 1996, j’étais Ă  GenĂšve Ă  la tribune de l’universitĂ© avec sept magistrats europĂ©ens rĂ©clamant une meilleure circulation des informations entre eux. Presque mot pour mot ce que proposent Hollande et Moscovici aujourd’hui. Les circuits occultes empruntĂ©s par les organisations criminelles se dĂ©veloppent en mĂȘme temps qu’explosent les Ă©changes financiers internationaux et que les entreprises transfĂšrent leurs siĂšges au-delĂ  des frontiĂšres nationales. Les autoritĂ©s politiques qui ont elles-mĂȘmes profitĂ© de ces circuits se rĂ©vĂšlent incapables de s’attaquer aux dĂ©rives de cette Europe de l’ombre, dĂ©nonçait mon ami Bernard Bertossa, le procureur gĂ©nĂ©ral de GenĂšve. La justice est un mammouth et les criminels sont des lĂ©opards, soufflait Baltasar GarzĂłn, le juge espagnol. De toute maniĂšre, nous n’y arriverons pas car les politiques ne vont pas scier la branche sur laquelle ils sont assis, concluait avec luciditĂ© Renaud Van Ruymbeke le Français. Renaud avait raison. Toutes ces annĂ©es perdues.
Woody s’approche de ma fenĂȘtre. Il me demande de lui passer un foulard qu’il noue autour de son cou pour faire comme les Marines dans les films qui passent sur RTL9 :
– Papa à quoi tu penses ?
– À rien
 un vieux truc.
Au milieu des graminĂ©es, entre les sapins et les peupliers, alors qu’un nuage noir pointe et que le vent redouble d’intensitĂ©, les troupes prĂ©parent leurs munitions. Woody porte une veste kaki, son foulard sur la bouche et un casque de soldat amĂ©ricain en plastique. Le casque porte la mention GI Joe. C’est un accessoire sous licence Hasbro, la multinationale amĂ©ricaine qui s’est spĂ©cialisĂ©e dans les jouets de guerre. Elle participe aussi Ă  la production de blockbusters qui dĂ©ferlent sur tous les Ă©crans du monde. Je l’ai achetĂ© chez le marchand de journaux du village. GI Joe. Des Ricains font la guerre au Vietnam. Ils ont besoin de se faire aimer. Ils inventent cette petite figurine en plastique et l’habillage qui va autour. Ils ont compris, avant tout le monde, que la guerre Ă©tait d’abord une question de rĂ©putation. Depuis le Vietnam, ils se sont perfectionnĂ©s, ont mis en place des mĂ©caniques lourdes et huilĂ©es. GI Joe a fait des petits, des nouveaux hĂ©ros, des super-hĂ©ros, des super-destructeurs, des guerriers. Ils les font fabriquer en Chine, avec tout l’attirail qui va avec. Ils font de la guerre et de leur politique internationale un combat d’image et un business. Une vague dĂ©ferlante super-puissante. Un tsunami au circuit alambiquĂ© dont la derniĂšre vaguelette pousse jusqu’au marchand de tabac et journaux de RozĂ©rieulles (Moselle, France).
Paulo a le mĂȘme Ăąge que Woody et le mĂȘme casque. Gaspard et Benjamin ont deux ans de plus. Ils roulent sur des vĂ©los MBK, la filiale de Yamaha rachetĂ©e Ă  Moto­bĂ©cane, la vieille marque de la manufacture de Saint-Étienne. Au fil du temps, j’ai dĂ©veloppĂ© cette dĂ©formation neuronale qui consiste Ă  associer Ă  de nombreuses marques leur actionnariat. On retombe souvent sur des fonds de pension et des banques anglo-amĂ©ricaines. On appelle cette activitĂ© le Private Equity4. Depuis les annĂ©es 70, des gĂ©ants se sont dĂ©veloppĂ©s en plaçant leurs petites billes dans tout ce qui pouvait leur rapporter des maxi-boulets. Les amĂ©ricains Goldman Sachs, Carlyle, Norwest, l’anglaise Barclays ou Axa Private Equity, le seul groupe français dans le Top 20, ont gagnĂ©, au fil des ans et des investissements, une force de frappe financiĂšre et une capacitĂ© d’influence sur les petites et les grandes affaires de la planĂšte supĂ©rieures Ă  celles d’un État comme le nĂŽtre. Les marchĂ©s ont Ă©tĂ© dĂ©rĂ©gulĂ©s. Les actionnaires sont aux manettes, les salariĂ©s aux oubliettes.
Les petits sont cachĂ©s derriĂšre une haie. Ils attendent l’attaque des troupes ennemies. Les grands, plus malins, ont prĂ©parĂ© une rĂ©serve de pommes de pin qu’ils s’apprĂȘtent Ă  larguer avec des bruits de bombardier. Le pĂšre de Paulo vit seul et vend des voitures allemandes, il a eu la garde de son fils car sa femme Ă©tait dĂ©pressive et toxico. Il ne vote pas, il pense que voter ne sert Ă  rien. Il apprend Ă  son mĂŽme la politesse et le travail. Le pĂšre de Gaspard est le patron d’une PME qui emploie une cinquantaine de personnes. Il s’apprĂȘte Ă  en licencier un tiers. Il a une maison prĂšs de Saint-Tropez qu’il loue chaque Ă©tĂ© Ă  des Anglais, un appartement Ă  Courchevel. Il vote Ă  droite et a militĂ© pour la réélection de Nicolas Sarkozy. Il dit qu’il est le seul Ă  pouvoir aider et comprendre les entrepreneurs comme lui. On fait vivre ce pays, nous, dit souvent le pĂšre de Gaspard quand il est en confia...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Dédicace
  5. Exergue
  6. 1. Les enfants
  7. 2. GenĂšve 1996
  8. 3. Jeannot, l’homme des bois
  9. 4. Batman et Robin
  10. 5. Les Vosges
  11. 6. Les singes
  12. 7. Dieu Tout-Puissant
  13. 8. L’avenir
  14. 9. Une soirée pornographique
  15. 10. La finance
  16. 11. CocaĂŻne
  17. 12. Je t’aime Édouard
  18. 13. Georgette et Stanislas
  19. 14. Une escapade au pays de Stieg
  20. 15. Mille vies
  21. 16. Marguerite
  22. 17. Georges Lang est vivant
  23. 18. Rhizomes
  24. 19. Madame fait de la gym
  25. 20. Nicolas Sarkozy
  26. 21. Le Colorado en plus petit
  27. 22. Mes premiers supporters
  28. 23. Je suis un russule taiseux
  29. 24. François Hollande
  30. 25. Happy days
  31. 26. Amnéville-les-Thermes
  32. 27. Les affranchis
  33. 28. Money Time