Marseille, ma ville
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Marseille, ma ville

  1. 255 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Marseille, ma ville

À propos de ce livre

Xavier Monnier est un ' minot ' qui a grandi à Marseille. Il pratique le journalisme d'enquête. À Marseille, tout se sait, mais rien ne se dit sur la place publique. Ou trop peu. Il ne s'interdit rien: fouiner dans les affaires Guérini, enquêter sur les coulisses de l'OM, décortiquer les marchés publics et le clientélisme, agacer les hommes politiques et rencontrer les figures du grand banditisme. Xavier Monnier ne se contente pas d'en savoir beaucoup: il l'écrit.

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Informations

1.
Le bizut du Cercle Concorde
Je suis né à Marseille en octobre 1981. La France venait de passer à gauche cinq mois plus tôt et je dois à l’anti­mitterrandisme de mes parents de n’avoir pas été prénommé François. À Marseille, Gaston Defferre, le « Vieux Lion », n’avait pas encore achevé son interminable règne à la mairie, entamé en 1953. Deux semaines après ma venue au monde, ma ville se retrouve sonnée. Le 21 octobre, un magistrat est assassiné en pleine journée sur le boulevard Michelet. Trois balles de 9 mm. Deux tueurs à moto. Le crime est signé, c’est une exécution. Juge d’instruction, Pierre Michel s’était spécialisé dans la lutte contre la pègre. C’était un ami de Giovanni Falcone, le célèbre juge italien qui paiera de sa vie, en 1992, son combat contre Cosa Nostra. Marseille traverse une période noire, sulfureuse, excitante, qui ravive le fantasme d’un Chicago provençal.
L’homme qui me fait face vingt-cinq ans plus tard est magistrat, tout comme Pierre Michel, sauf que lui a survécu. Le milieu marseillais, il l’a longuement pratiqué, étudié et combattu. Derrière ses lunettes rondes et son petit rire chuintant se dresse l’ancienne bête noire des truands des années 1980 et 1990. Michel Debacq s’assoit toujours le dos au mur. Le rituel du plat de pâtes à l’ail que nous partageons s’est instauré dès nos premières entrevues, en 2006, dans un restaurant du quartier parisien de l’Opéra. Intimidé, je l’écoute me conter ma ville.
– J’étais à Marseille durant ces années-là, auditeur de justice auprès d’Étienne Ceccaldi, un juge d’instruction ami de Pierre Michel. Après son assassinat, il a pris les choses en main et m’a dicté le communiqué du Syndicat de la magistrature avant de briefer les journalistes. Le lendemain, toute la presse titrait : « La pègre tue un juge. » Nous savions que les voyous allaient faire courir des bruits, que certains allaient tenter de salir Michel.
D’abord soupçonné, Gaëtan (dit Tany) Zampa, l’un des principaux parrains de la ville, prend la fuite. Arrêté en 1983 pour divers délits financiers, il ne sera pas condamné pour cet assassinat mais son règne sur le milieu sera court. L’année suivante, il se suicide à la prison des Baumettes. Bénéficiant de son incarcération, son grand rival, Francis le Belge, a pris l’ascendant sur lui.
– Celui-là, je l’ai fait arrêter à Bruxelles, m’apprend Michel Debacq. Le titre des journaux m’a vraiment fait rire : « Le Belge arrêté en Belgique. » La prison fait du mal aux parrains, à leur emprise, à leur business…
C’était en 1993, dans le cadre de la guerre des boîtes de nuit de la région. Les truands d’Aix et de Marseille s’en disputent violemment le contrôle. Le Belge sera abattu en 2000. Depuis, le tandem police-justice a du mal à identifier qui lui a succédé en tant que leader du milieu marseillais.
– Qui reste-t-il de ces grandes luttes entre truands ? La presse a évoqué Roland Cassone à propos des pressions exercées sur l’OM…
– Cassone, c’est une figure, un monument ! Le dernier représentant d’un monde qui n’existe plus. Il a survécu à tout. À la chute des frères Guérini dans les années 1960. Aux guerres du milieu marseillais entre Zampa et Francis le Belge dans les années 1970 et 1980. À la reprise en main par les Corses dans les années 1990. C’est un survivant. Un homme secret, qui parle peu. On ne l’a jamais coincé et on ne le coincera probablement jamais…
Le vieux routard de la magistrature déroule un pan d’histoire de ma ville. Enfant, adolescent, minot, j’ai pourtant évolué en lisière de ces événements. Mes premiers souvenirs remontent à l’école primaire de l’allée des Pins, qui se dresse à cinquante mètres à peine de la résidence de mes parents. Un bruit de sirène au loin, qui se rapproche avant de disparaître. La prison des Baumettes se trouve à l’entrée de la calanque de Morgiou, à un jet de pierre. Ces sirènes, qu’elles signalent une évasion ou un transfert de prisonnier, faisaient partie du décor. Un jour, en sortant de chez le pédiatre, j’ai vu un homme qui courait en dissimulant son pistolet dans son pantalon. Cela ne m’avait pas traumatisé.
Ma mère se souvient de ce jour de 1967 où elle a entendu des tirs du côté du quartier Saint-Julien. Un petit vieux venait d’être abattu dans une station-service au moment de faire le plein de sa Mercedes. Deux hommes casqués sont sortis d’une berline rouge avant de tirer onze balles de 11.43 sur le parrain de la ville, Antoine Guérini. Avec son frère Mémé, il contrôlait la pègre marseillaise – bars, filles, machines à sous… – tout en bénéficiant de solides appuis politiques à la mairie sous Gaston Defferre. Antoine et Mémé avaient également leur rond de serviette à la table de la French Connection, à l’époque où Marseille était le point de passage obligé des trafiquants d’héroïne et la principale porte de sortie de la blanche destinée au marché américain. La réputation des chimistes employés dans les laboratoires clandestins de la ville y est pour beaucoup. Hollywood en tirera deux films, dont le premier vaudra un Oscar à Gene Hackman. Une consécration pour Marseille et une fascination qui perdure. C’était la période des grands parrains.
Cet environnement me semble si familier qu’il en est devenu banal. Marseille n’apparaît sulfureuse qu’aux « estrangers ». Mais au quotidien, le soufre perd de son odeur. Je vois bien la tonalité des unes que la presse nationale consacre à ma ville. J’enregistre les questions récurrentes que me posent mes camarades d’études, puis mes jeunes confrères journalistes, quand ils apprennent mon origine. Le grand banditisme, la mafia, une ville sale et corrompue aux mains des voyous, alors qu’à mes yeux elle est la plus belle ville du monde. Jusque-là, écrire sur Marseille ne m’avait pas traversé l’esprit.
En écoutant Michel Debacq, je réalise que je ne connais pas ma propre ville. Je l’ai parcourue en flânant, sans m’arrêter. Mille fois, j’ai emprunté le boulevard Michelet sans une seule pensée pour l’assassinat du juge Michel. Ce genre de dossiers relève des mythes marseillais, d’une légende noire aussi fascinante qu’inaccessible – si ce n’est dans les discussions de bistrot ou sous la plume de quelques reporters. Face à moi, l’homme qui commande une bouteille de Fraschetti a contribué à l’écrire avant d’aller exercer à Rome en pleine opération Mani Pulite, puis de prendre les commandes du parquet antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris. Malgré son impressionnant parcours, Debacq me parle en confiance du passé, tandis que je m’interroge sur le présent.
Nous sommes en 2006. Tous deux faisons fausse route. Lui, à propos de Roland Cassone. Moi, en imaginant que jamais je n’approcherai le milieu marseillais.
C’est Nicolas Beau qui m’a présenté l’ancien juge. À l’époque journaliste au Canard enchaîné, il avait été mon professeur au Centre de formation des journalistes (CFJ), à Paris. Son allure et son physique lui ont valu, dès les premiers cours, le surnom de « Jacques Higelin », voire de « Droopy ». Sa façon de désacraliser l’enquête et de partager ses contacts avec nous m’avait étonné. Ce n’est pas vraiment la norme dans le milieu des journalistes. Le discours qu’il professait était simple : dénicher l’info, la vérifier et la publier, sans considération pour ceux – syndicats, grands patrons, médias… – qu’elle dérangera. De cette rencontre décisive naîtra, en mai 2006, Bakchich.info. Affichant pour devise « Enquêtes, informations et mauvais esprit », ce site Internet satirique est créé sans même un euro de fonds propres, avec seulement deux autres journalistes multitâches à mes côtés, Léa Labaye et Guillaume Barou, 25 ans à peine sonnés. Nicolas en grand patron de la rédaction, quelques plumes de sa génération pour nous aider discrètement et voilà le vaisseau lancé.
– Ça t’intéresserait de bosser sur une affaire de truands marseillais ? me demande un jour Nicolas, qui ne suit pas spécialement les affaires marseillaises mais dispose d’un certain flair.
Tu parles si ça m’intéresserait ! Une belle occasion d’étudier les soubresauts qui agitent ma ville.
Mes premiers pas dans les dossiers de grand banditisme débutent donc au lendemain d’une fusillade, comme dans les livres de Jean-Claude Izzo, l’amant désespéré de ­Marseille qui a rendu immortel le policier Fabio Montale. Le 4 avril 2006, au nord de la ville, un règlement de comptes renvoie la cité à ses vieux démons. Les anciens avaient connu la tuerie du Tanagra ou celle du Téléphone. Cette fois-ci, c’est aux Marronniers, un bar du quartier du Canet, qu’une fusillade s’est déclenchée. Vers 21 heures, à la mi-temps du match Lyon-Milan en Ligue des champions, une dizaine d’hommes encagoulés descendent de trois véhicules et arrosent copieusement leurs cibles avant de décamper, laissant derrière eux des douilles chaudes, un fusil à pompe et des traces de sang provenant de l’un des assaillants. Trois cadavres gisent là. Farid Berrahma, figure montante de la pègre des cités, a été abattu avec deux de ses lieutenants. Farid a un sale surnom : « Le Rôtisseur. » On le soupçonne d’incinérer ses victimes dans leur voiture après les avoir descendues.
– Je suis arrivé assez rapidement sur place, se rappelle l’un des patrons de la police judiciaire. J’ai appelé le central pour leur dire de ne plus chercher Farid Berrahma, qui se trouvait à mes pieds.
Les flics soupçonnent un règlement de comptes entre le gang de Berrahma et des rivaux corses pour le contrôle du trafic de drogue et des machines à sous. Dix jours plus tôt, Roch Colombani, petit truand doté de solides amitiés dans le grand banditisme insulaire, avait été transpercé de soixante-dix balles. On le disait proche de la Brise de mer et de la bande des bergers braqueurs de Venzolasca, deux groupes redoutés. Le 4 avril, jour de l’assassinat de Berrahma, marquait la date de son anniversaire. Vengeance pour le contrôle du territoire marseillais ? La presse embraie : parrains (corses) contre caïds (arabes).
– Des conneries ! me résume un avocat pénaliste marseillais. La seule couleur qui importe dans le milieu, c’est l’argent.
Un tuyau anonyme parvient aux enquêteurs. L’un des agresseurs serait Ange-Toussaint Federici, le leader de l’équipe de Venzolasca, implantée dans la région aixoise. La police fait le tour des hôpitaux, cherche un blessé et finit par trouver une trace. Un homme au fort accent corse a été admis dans une clinique du sud de la ville au cours de la nuit du 4 avril pour une « chute à moto » suivie d’une « morsure de chien ». La clinique se trouve à Clairval, sur les collines du Redon, à cinq minutes de l’appartement qu’occupent mes parents, infirmiers, qui y travaillent à l’occasion.
Le lendemain, le patient a levé le camp sans prendre le temps d’enlever sa sonde urinaire. Quelques jours plus tard, l’analyse ADN révélera que le blessé des Marronniers et le disparu de Clairval sont une seule et même personne : Ange-Toussaint Federici, dit « Santu ». Lequel entame une cavale atypique. Bien qu’« activement recherché » il rend visite à son conseiller en insertion le 21 août 2006. Le mois suivant, il répond à une convocation de son juge d’application des peines. Ce n’est que le 12 janvier 2007 qu’il sera arrêté à Paris, au sortir d’un restaurant de la Madeleine.
Federici passe au « tapissage ». Les policiers immortalisent leur prise par un cliché en noir et blanc digne d’une série B. Un numéro trône au-dessus de chacun des participants, photographiés côte à côte. Ange-Toussaint et son lieutenant Jacques Butafoghi, arrêté avec lui, ne sont pas franchement souriants. À droite sur la photo, un homme leur rend une tête. Il a été arrêté peu de temps après eux. En quelques coups de fil, grâce à son entregent et à un tour de passe-passe, Federici a été admis à l’hôpital de Clairval sous un faux nom avant de s’évanouir dans la nature. Paul Lantieri, restaurateur établi à Aix-en-Provence, est mis en examen pour complicité d’association de malfaiteurs. L’aide qu’il a apportée à Federici tombe sous le coup de la loi. Ses soucis ne font que commencer.
L’enseigne de son établissement, La Rotonde, fait face à la fontaine qui marque l’entrée de la cité, dont elle est le symbole. Elle emprunte d’ailleurs le nom du monument. Musique lounge, emplacement soigné, cuisine correcte. Pendant les trois années d’études que j’ai passées à Aix-en-Provence, ce local était à l’abandon. Désormais, c’est le lieu où il est bon de se montrer. Grands flics venus de Marseille (du patron de la PJ au préfet de police), élus de la mairie, hommes d’affaires, truands de toutes les générations sont attablés là, au vu et au su de tous, au milieu des touristes et des flâneurs. Il arrive à mes parents d’y dîner après une sortie au théâtre.
Paul Lantieri, un géant de 1,97 m, a quitté la Corse pour le continent après quelques déboires. En avril 2000, cinq charges de nitrate de fuel de 5 kg chacune ont dévasté sa boîte de nuit ajaccienne, L’Amnésia. Jamais élucidé, l’attentat n’a en rien altéré son esprit d’entreprise. En juin de la même année, il scelle le rachat du fonds de commerce de ce qui deviendra La Rotonde. Malgré les soupçons, la procédure lancée pour extorsion lors du rachat a été classée en 2004.
Avec la tuerie des Marronniers, les enquêteurs le découvrent complice de l’évasion de Federici. Des recherches téléphoniques l’ont trahi. Lors d’un dîner mondain parisien, Lantieri a favorisé l’entrée de Federici – habitué de son restaurant aixois – à la clinique de Clairval en contactant un médecin corse. L’assistance...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page de titre
  3. Dédicace
  4. Exergue
  5. Prologue
  6. 1. Le bizut du Cercle Concorde
  7. 2. Un parrain au Sacré-Cœur
  8. 3. Cafouche politique
  9. 4. Marseille, fumerie d’opiOM
  10. 5. L’OM mange ses présidents
  11. 6. Mamou s’en va
  12. 7. « Gomorra »
  13. 8. Nom de code : dossier Guernica
  14. 9. Patron de FO, vice-roi de Marseille
  15. 10. Le milieu, entreprise publique
  16. 11. La chasse aux Guérini est ouverte
  17. 12. Arnaud « Rastignac » Montebourg en campagne
  18. 13. Gaudin, héritier de Defferre
  19. 14. Libre comme Guérini
  20. 15. Quartiers Nord, terra incognita
  21. 16. « Total Khéops »
  22. 17. Rêve de minot
  23. 18. Corsican Connection
  24. 19. Le milieu ratisse le terrain
  25. 20. Jean-Luc Barresi, patrimoine marseillais
  26. 21. 2014, décharge municipale
  27. 22. Mon mariage chez les truands
  28. Épilogue
  29. Remerciements
  30. Bibliographie
  31. Glossaire
  32. Index des personnes citées
  33. Copyright