
- 114 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
La Tragédie Brune
À propos de ce livre
Allemagne, fin de l'année 1933, Xavier de Hauteclocque, journaliste, écrivain et agent de renseignement français, achève son enquête sur l'avènement du IIIe Reich. La Tragédie Brune est un livre reportage qui raconte de l'intérieur le mécanisme de répression hitlérien et la mise en place d'un état totalitaire. En immersion dans la société allemande et témoin des premiers camps de concentration, Xavier de Hauteclocque est un journaliste courageux et visionnaire. Un an après la publication de La Tragédie Brune, il est retrouvé mort, empoisonné par les services de contre-espionnage nazis. Il est le premier français victime de la barbarie hitlérienne.
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Informations
Éditeur
Les ArènesAnnée
2018Imprimer l'ISBN
9782352047421ISBN de l'eBook
9782352049456Deuxième partie
Supplices
I
Hommes qui meurent deux fois
Pour un journaliste fermement résolu à rester impartial, il existe peu de sujets aussi difficiles à étudier que la Terreur brune.
Un adversaire du régime succombe dans des conditions suspectes (de telles morts sont arrivées par centaines depuis le 30 janvier 1933). Les journaux hitlériens publient la nouvelle en quelques lignes, dans la rubrique « accidents » ou « suicides ».
Cependant, certains détails filtrent au-delà des frontières. La presse antinazie jette feu et flammes, crie à l’assassinat politique, raconte d’effroyables tortures que la victime aurait endurées.
Le moyen le plus simple de se faire une opinion serait, semble-t-il, d’aller se renseigner sur place. Cette victime présumée avait des parents, des amis, des voisins. Un médecin a constaté le décès. On peut recueillir des témoignages.
Non. On ne le peut pas.
Dans le IIIe Reich, quand un ex-ennemi de la dictature brune meurt de mort violente, vous diriez qu’il meurt deux fois. La première fois, on l’enterre. Aussitôt après, il s’efface de la mémoire de ceux qui l’ont connu vivant.
Personne ne se souvient plus de lui. On ne sait même pas où il habitait, ni s’il a jamais existé. Impossible de retrouver trace de son passage sur terre.
J’ai constaté, à plusieurs reprises, ce phénomène de disparition intégrale. Choisissons l’exemple le plus curieux, le plus tragique. Celui des morts de Köpenick.
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Imaginez Saint-Denis, notre faubourg rouge, en plus sordide, en plus farouche. À quarante kilomètres du centre de Berlin, Köpenick passait pour une citadelle communiste quand Hitler prit le pouvoir. Cependant, jusqu’au mois de juin, il ne semble pas qu’on y ait souffert du changement de régime.
La nuit du 21 au 22 juin 1933 – nuit horrible –, les « accidents » et les « suicides » commencent.
M. Stelling, ancien ministre socialiste du Mecklembourg se noie dans le canal de Finow. On retrouve le cadavre cousu dans un sac. Un suicide était improbable dans de telles conditions, les journaux nazis parlent d’accident.
Deux fonctionnaires de la « bannière d’Empire » républicaine, MM. von Essen et Assmann meurent à l’hôpital. On les avait littéralement broyés à coups de matraque. Rixe entre ivrognes, après boire, disent les journaux nazis.
Onze autres personnes disparurent cette nuit-là de leur domicile. Nul ne devait plus en entendre parler.
Épidémie de fugues, évidemment.
Une contagion plus bizarre encore s’abattit sur la malheureuse famille Schmaus. Le père, son fils, sa femme et son gendre moururent par la corde, le revolver ou la trique, de façons diverses, mais toutes également naturelles selon les autorités hitlériennes. Et la maison du massacre elle-même prit feu ultérieurement, ce qui rendit impossibles – comme par hasard – les constatations de la police.
Voici donc cette version officielle :
Dans la soirée du 21 juin, un détachement de SA se présente au domicile de Schmaus, secrétaire du syndicat socialiste, qu’on soupçonne de cacher des armes. L’homme lui-même est absent. Son fils s’oppose, revolver au poing, à la perquisition. Il tire sur les nazis, en blesse trois grièvement, se barricade dans la maisonnette et se suicide. Au cours de la fusillade, Rakowski, gendre de Schmaus est tué accidentellement.
Le détachement SA s’éloigne. Au cours de la nuit, survint le père Schmaus qui apprend le drame et se pend dans un accès de désespoir après avoir mis le feu à sa bicoque.
Madame Schmaus, seule survivante, périt de chagrin… trois jours après. On meurt vite de consomption dans le IIIe Reich.
Un point c’est tout.
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Bien différente est la version officieuse. Je la donne, comme la thèse adverse, sans en faire la critique4.
Les nazis veulent avoir la peau du secrétaire Schmaus, âme de la résistance ouvrière à Köpenick. Le 21 juin, dans le courant de la journée, une section d’assaut se présente deux fois devant la cabane du bonhomme. Averti à temps, il a pris le large et revient à la nuit close, persuadé qu’on ne s’occupera plus de lui avant le lendemain, qu’il peut dormir tranquille.
Les nazis reviennent vers onze heures du soir. Ils amènent un otage, un ouvrier communiste, Krakowski, le gendre de celui qu’ils recherchent. On oblige Krakowski à appeler son beau-père. Le malheureux ouvre. Les nazis le rouent de coups de matraque. Madame Schmaus hurle, terrifiée. On l’assomme.
Accroupi dans un recoin, le fils n’a pas bougé jusqu’à ce qu’on martyrise sa vieille bonne femme de maman. De voir cela, il devient fou, prend un revolver, le braque sur les SA et tombe criblé de coups de feu.
La scène devient démoniaque. Dans la misérable cahute pleine de hurlements et de fumée, les nazis pendent le père Schmaus au-dessus du cadavre de son fils, ils fusillent le gendre devant la porte, incendient la cabane – des planches pourries qui brûlent mal – et s’en vont emmenant le corps pantelant de Madame Schmaus qui respire encore : elle mourra trois jours après, dans la prison de Köpenick.
Détail remarquable : la section d’assaut emmène également une dizaine de voisins que le tumulte a rassemblés. Rien de gênant comme des témoignages qui concordent, lorsqu’il s’agit de pareilles horreurs… Sans parler de Stelling, Assmann et von Essen – les « accidentés » – ni des « suicidés » de la famille Schmaus, une dizaine de personnes disparurent de leur domicile au cours de cette nuit mystérieuse.
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Dix-huit morts ou disparitions, en quelques heures, dans le même faubourg, cela doit laisser des traces. Quelle que soit la cause de ces drames, les gens doivent en parler encore. Il a dû se former là-dessus une de ces légendes sinistres et fantastiques comme le petit peuple en tisse facilement.
Je me suis rendu à Köpenick pour recueillir des échos de la tragédie du 21 juin, si vagues et incertains soient-ils. On m’avait chuchoté le nom de la rue et le numéro de la maison qu’habitait Stelling, l’ancien ministre mecklembourgeois qu’on trouva flottant dans le canal de Finow, cousu dans un sac comme une odalisque. Les Schmaus logeaient, paraît-il, tout près de là, mais on ne sait pas où. Peut-être aussi qu’on n’ose pas le dire (j’ai compris ensuite les motifs d’une telle crainte).
Depuis la Potsdamer Bahnhof, il faut une heure et quart de Hochbahn, le chemin de fer aérien. À mesure qu’on glisse vers le sud-ouest de la ville énorme, une curieuse impression de détresse et de silence vous empoigne. Neukölln grouille encore d’une foule qui travaille et qui garde l’apparence de la vie. Treptow commence déjà à mourir, avec ses terrains vagues où les usines lézardées par quatre ans de chômage semblent des carcasses de baleines échouées qui ricanent de tous leurs fanons en poutrelles.
Beaucoup de monde dans l’immense cimetière de Baumschulenweg, mais plus de morts, tout de même, que de vivants.
Ensuite viennent des sapinières et des buildings à chômeurs : feuillages noirs, noires casernes. Puis du sable, des lotissements, des cabanes entourées de détritus, un confluent de ville et de campagne qui se salissent l’une l’autre :
Les lisières de Köpenick…
Gross Dahlwitzerstrasse, dans une rue bourgeoise, l’immeuble que Stelling habitait. Il n’y a pas de concierges dans la plupart des maisons allemandes. Près de la porte d’entrée, le nom de chaque locataire figure sur un tableau près de sa sonnette électrique personnelle.
Bien entendu, le nom du disparu ne figure plus sur le tableau. Je m’engage dans l’escalier. J’interroge un locataire qui descend.
— Pouvez-vous me donner l’adresse de la famille Stelling, gefälligst, s’il vous plaît ?
— Stell…
L’homme n’articule même pas en entier ce nom maudit. Il me regarde, un instant, les yeux hors de la tête et dégringole quatre à quatre.
Moins de succès encore auprès d’une demoiselle en cheveux, sans doute une bonne qui revient de courses. Ma question posée en un allemand correct et intelligible lui produit littéralement l’effet d’une plaisanteri...
Table des matières
- Couverture
- Présentation
- Titre
- Copyright
- Première partie - Folies
- Deuxième partie - Supplices
- Achevé