
- 591 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Grands reporters
À propos de ce livre
Depuis 1933, le prix Albert Londres couronne chaque année un grand reporter de moins de 40 ans. C'est le prix le plus prestigieux de la profession. Ce livre rassemble les meilleurs articles primés depuis 1989 et raconte l'émergence d'un nouveau monde. Avec la chute du mur de Berlin et l'effondrement de l'URSS, l'échiquier mondial se refaçonne: multipolaire, imprévisible. Les reportages réunis ici nous font revivre l'histoire des trente dernières années sur le vif.
103 reportages par les meilleures plumes de la presse française.
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Informations
ANNICK COJEAN
LES MÉMOIRES DE LA SHOAH
Cinquante ans après la libération des camps de la mort, Annick Cojean a recueilli les témoignages des enfants de rescapés et des enfants de bourreaux, décrivant l’improbable dialogue que certains ont amorcé pour nouer des liens et apaiser douleurs et culpabilités de part et d’autre. Elle s’interroge aussi sur la façon dont les professeurs d’histoire peuvent transmettre à leurs élèves ce bloc d’abîme – et ce qu’il révèle de l’humain.
Annick Cojean est née le 2 août 1957 à Brest (Finistère).
LES VOIX DE L’INDICIBLE
LE MONDE, 25 AVRIL 1995
Cinquante ans après le génocide, plus de 3 000 rescapés ont accepté de témoigner devant les caméras de l’université Yale.
Elle est assise sur un bout de canapé et la caméra tourne. Plein cadre sur son visage. On perçoit son souffle trop court, une tension à fleur de peau, de cœur, un nœud d’émotions. Elle nous échappe pourtant. Ses yeux éteints fixent quelque chose que l’objectif est inapte à capter. Quelque chose qui l’isole à jamais : les images d’une autre vie. Les images d’avant sa mort. C’est de là-bas qu’elle parle, par-delà les décennies, risquant le dangereux voyage dans sa mémoire, l’improbable collision de son passé et de notre présent.
1942, descente des nazis dans le ghetto de Kovno, en Pologne : cris, affolement, course, embarquement dans des cars bondés. Et sur un terrain d’aviation, à quelques pas de trains en attente, premier tri de la population : d’un côté les hommes, de l’autre les femmes, ailleurs les enfants. Son nouveau-né dans les bras, une jeune femme regarde autour d’elle, hagarde.
Bessie K. « Je tenais le bébé, et j’ai pris mon manteau, et j’ai emballé le bébé, je l’ai mis sur mon côté gauche car je voyais les Allemands dire “gauche” ou “droite”, et je suis passée au travers avec le bébé. Mais le bébé manquait d’air et a commencé à s’étouffer et à pleurer. Alors l’Allemand m’a rappelée, il a dit : “Qu’est-ce que vous avez là ?” Maintenant… [elle marque une pause] Je ne savais pas quoi faire parce que cela allait vite et tout était arrivé si soudainement. Je n’y étais pas préparée […] Il a tendu son bras pour que je lui tende le paquet ; et je lui ai tendu le paquet. Et c’est la dernière fois que j’ai eu le paquet. »
Depuis ce moment-là, dit-elle (malgré la présence à l’autre bout du canapé de son second mari, également rescapé des camps), « j’ai toujours été seule », incapable d’en parler et même de s’en souvenir. Avec le sentiment d’être morte.
Sans doute livre-t-elle là, dans ce petit studio de vidéo de l’université de Yale, à deux heures de New York, ce qu’elle n’avait jamais confié auparavant, ce qui était enfoui, indicible, mutilant. Quelques fragments d’elle-même, camouflés sous des couches de mémoire si profondes qu’elle les avait rendues inexplorables. Trop dangereuses. Douloureuses à l’extrême. Elle dit, avec des mots très simples et avec son visage fané, ses frémissements, sa voix, ce que les livres d’histoire ne diront jamais de la Shoah.
Elle impose sa douleur sur un terrain où l’accumulation de discours politiques, de décrets administratifs, de notes, de chiffres, de rapports, ont fini par édulcorer la réalité de la mort. Elle recentre l’histoire sur le sort des victimes qui avaient toutes un nom, un passé, ébréchant, par ce morceau d’humanité, la carapace monstrueuse, inaccessible de la Shoah.
Et c’est bien là le but du programme d’archivage vidéo de Yale (Fortunoff Video Archive for Holocaust Testimonies) qui, depuis 1979, a déjà recueilli aux États-Unis, en Israël et dans plusieurs pays d’Europe dont la France plus de 3 000 récits de rescapés du génocide juif. « Parce que l’histoire orale, dont se méfient traditionnellement les historiens, est un matériau irremplaçable, affirme le professeur Geoffrey Hartman, qui supervise le projet. Parce que le témoignage touche au plus près à la réalité du génocide, en montre toute la complexité humaine, en établit les résonances dans le présent. Parce qu’il apporte des informations qui enrichissent la connaissance conférée par le document écrit, mais plus encore que cela. »
Les rescapés, au fond, le savent mieux que quiconque, conscients de partager ensemble un savoir aussi inouï qu’exclusif : celui d’une autre « planète » ; celui d’un monde qui échappe aux canevas habituels de la recherche historique, hermétique aux normes ou aux valeurs communément admises, étranger à la raison des hommes, qu’ils n’ont jamais pu totalement quitter. « Comme si on menait une double vie. »
Isabella L. « J’ai l’impression que ma tête est pleine d’ordures : toutes ces images, ces sons, mes narines, sont remplies de la puanteur de la chair brûlante. Vous ne pouvez pas en avoir l’expérience ; c’est comme s’il y avait une autre peau sous la mienne et que cette peau s’appelait Auschwitz. Impossible à ôter, là à chaque instant… C’est vraiment plus dur quand on porte ça. Je ne suis pas comme vous. »
Parler. Parler pour témoigner de vies très chères qui ont été ôtées (beaucoup de rescapés finissent leur intervention en présentant de vieilles photos de famille à la caméra). Parler pour transmettre aux générations futures le point de vue longtemps mal présenté des victimes. Parler en poursuivant tout haut un dialogue intérieur qui n’en finit pas. Parler aussi pour confirmer – authentifier – un passé inimaginable : « La nuit, quand je m’allonge, je ne peux pas croire ce que mes yeux ont vu », dit Helen K., déportée à Auschwitz et à Maidanek. Parler comme un besoin vital. « Le mensonge est toxique, et le silence étouffe », affirme le psychiatre Dori Laub qui, enfant, fut lui-même interné dans un camp et travaille depuis, à Boston, sur le traumatisme des déportés. « Chaque survivant a un besoin impérieux de dire son histoire pour parvenir à en réunir les morceaux ; besoin de se délivrer des fantômes du passé, besoin de connaître sa vérité enterrée pour pouvoir retrouver le cours normal de sa vie. C’est une erreur de croire que le silence favorise la paix. Il ne fait que perpétuer la tyrannie des événements passés, favoriser leur déformation et les laisser contaminer la vie quotidienne. »
Mais parler seulement si l’on est écouté. « Le récit non écouté est un traumatisme aussi grave que l’épreuve initiale », estime le docteur Laub, confirmant ainsi un cauchemar récurrent des déportés à l’intérieur des camps. C’est là qu’il faut comprendre le silence dans lequel se sont repliés tant de rescapés après la guerre, faute d’interlocuteurs attentifs, soucieux de leur histoire et prêts à effectuer avec eux le voyage. « Je voulais tellement dire ! se souvient Hélène W., revenue orpheline à Paris. Tant de choses à raconter ! Personne ne voulait entendre. “Tu as tant souffert, cela n’est pas la peine d’en parler”, me disaient certains, moins pour me protéger que pour se protéger eux-mêmes. Alors je me suis tue. Et quand on me demandait d’où venait ce numéro sur mon bras, je disais que j’avais été dans la marine, n’importe quoi… »
Les intervieweurs des archives de Yale, qui allient des connaissances en histoire et en psychologie, savent les risques de cette plongée en mémoire : l’inévitable confrontation avec les questions existentielles que soulève l’expérience du survivant, l’idée de la mort, du temps qui passe, de la perte des êtres chers, des liens entre parents et enfants, et de l’ultime solitude. Ils savent aussi que leur discrète intervention, plus proche de l’accompagnement amical que du questionnaire, fera d’eux les premiers « témoins » d’un événement qui, par sa nature, excluant toute position autre que celle de bourreau ou de victime, n’en eut réellement aucun.
Le professeur Lawrence Langer, de Boston, est probablement l’un de ceux qui connaissent le mieux les archives vidéo de Yale. D’abord parce qu’il a lui-même réalisé un certain nombre d’entretiens, et puis parce qu’il en a étudié plusieurs centaines, fasciné par cette mémoire « insomniaque » de la Shoah et la force intrinsèque de chacun des récits. Pas de « parcours-type » ou « syndrome du survivant », remarque-t-il, mais une collection d’expériences différentes selon les camps, selon le type de travail (à l’intérieur ou à l’extérieur), les possibilités d’accès à de l’eau ou à un supplément de nourriture, la compréhension de l’allemand, l’état de santé, la connaissance du sort réservé au reste de la famille… « C’est l’idée même qui sous-tend ce travail sur la mémoire, confirme Joane Rudof : Il ne s’agit plus de l’histoire abstraite de 6 millions de juifs, mais bien l’histoire d’1+1+1+1… »
Ni cliché ni message simpliste. Une sincérité criante, et même, souligne Larry Langer, une détermination étonnante à « déromantiser » l’expérience du génocide. Pas de « héros » ni de geste « héroïque », lorsque les témoins parlent du camp. Aucune glorification personnelle pour expliquer la survie. Jamais d’envolée lyrique sur la « transcendance », le « salut » voire la « rédemption » par la souffrance qui, selon Langer, encombre si fréquemment les commentaires sur le génocide et éloigne de la réalité du mal. Encore moins de cet hommage « au triomphe de l’esprit » destiné à distiller de l’espoir là où il n’y eut qu’horreur. Les témoins ne théorisent ni ne tirent de leçons. Et malmènent quelques mythes.
Celui, par exemple, d’un mode de conduite particulier, qui aurait facilité ou assuré la survie. Chimère ! dit Lawrence Langer. Les rescapés sont lucides et modestes. Il n’y avait pas de méthode puisqu’il n’y avait pas de logique ; pas de stratégie concevable, puisqu’il n’y avait pas de choix et que les prisonniers ne maîtrisaient aucun paramètre. Sans doute certains insistent-il : « Ma volonté de vivre était si forte ! » ou bien : « Il fallait vivre pour revenir raconter ! » La force de caractère ne pouvait certes pas nuire. Mais tous reconnaissent aisément que la volonté ne pouvait rien contre la faim, le typhus ou la sélection.
« Je veux vivre ! » hurlait, devant Nathan A., la jeune femme rousse en s’agenouillant aux pieds du commandant du camp de Budzyn qui, en lui indiquant d’un geste la file de gauche, l’orientait vers la chambre à gaz. Le commandant lui tira une balle dans la tête. Nathan, 14 ans, fut éclaboussé de cervelle et de sang. Mais son père, qu’on avait dirigé vers la droite, s’approcha alors d’un garde et déclara fermement : « Je me porte volontaire pour aller à la mort avec mon fils. » « Emmenez-le ! » lui dit-on, et Nathan rejoignit son père dans la colonne de droite.
Une leçon ? Une prime au courage ou à la dignité ? Allons donc ! Personne ne pouvait être dupe. Plutôt une prime à l’arbitraire et à la tyrannie tant il est vrai que le résultat inverse était aussi vraisemblable. Anna G. n’a-t-elle pas toute sa vie gardé le souvenir de cette petite fille se débattant entre trois SS qui l’emmenaient à gauche et suppliant sa mère de ne pas l’abandonner, laquelle refusa résolument l’offre de quitter « la bonne file » pour accompagner l’enfant ?
Il est des zones de mémoire plus sensibles, des souvenirs comme des brûlures, des souffrances à la limite du dicible. La vidéo enregistre alors un silence plus dense que le texte d’un grand livre. C’est l’impuissance ressentie à la mort d’un parent que l’on tient dans les bras. C’est le remords affolant de n’avoir pas triomphé d...
Table des matières
- Couverture
- Présentation
- Dans la même collection
- Préface
- Introduction
- LE GRAND EXODE DE 1989 - YVES HARTÉ
- AFRIQUE DU SUD : NOIRS CONTRE NOIRS - PATRICK DE SAINT-EXUPÉRY
- LE PRINTEMPS DES PEUPLES - OLIVIER WEBER
- L’ODYSSÉE TRAGIQUE DU MC-RUBY - PHILIPPE BROUSSARD
- RENCONTRES DE FRANCE - DOMINIQUE LE GUILLEDOUX
- TCHÉTCHÉNIE ACTE I - AFP BUREAU DE MOSCOU
- LES MÉMOIRES DE LA SHOAH - ANNICK COJEAN
- LA FRONTIÈRE DE L’AMOUR - CAROLINE PUEL
- PHOTOMATON - LUC LE VAILLANT
- KOSOVO : QUEUE DE COMÈTE - MICHEL MOUTOT
- TCHÉTCHÉNIE ACTE II - ANNE NIVAT
- INSTANTANÉS D’IRAN - SERGE MICHEL
- BIENVENUE EN AFGHANISTAN - ADRIEN JAULMES
- PASTORALE AMÉRICAINE - MARION VAN RENTERGHEM
- PAYS HANTÉ - CHRISTOPHE AYAD
- TCHÉTCHÉNIE ACTE III - NATALIE NOUGAYRÈDE
- IRAK : LA BOÎTE DE PANDORE - DELPHINE MINOUI
- BANLIEUES ANNÉE ZÉRO - LUC BRONNER
- SAUVE QUI PEUT LA PALESTINE - BENJAMIN BARTHE
- LE ZIMBABWE DE MON ENFANCE - SOPHIE BOUILLON
- LA VIE DES AUTRES - DELPHINE SAUBABER
- LA ROUTE DES TALIBANS - EMMANUEL DUPARCQ
- LES DERNIÈRES HEURES DE KADHAFI - ALFRED DE MONTESQUIOU
- LE CERCUEIL D’EVROS - DOAN BUI
- MARSEILLE : QUARTIER SHIT - PHILIPPE PUJOL
- DJIHAD - LUC MATHIEU
- LIGNES DE FUITE - CLAIRE MEYNIAL
- LA BATAILLE DE MOSSOUL - SAMUEL FOREY
- Les prix Albert-Londres de presse écrite
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