
- 124 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Il est temps d'agir
À propos de ce livre
On l'appelle ' Capitaine Courage '.
Carola Rackete a 32 ans. Le 29 juin 2019, aux commandes du Sea-Watch 3, elle a accosté à Lampedusa pour sauver 40 migrants en état de détresse à bord.
Elle a bravé l'interdiction de débarquer, au nom de ses convictions. ' Ce n'était pas un acte de violence, seulement de désobéissance. '
Dans ce livre-manifeste, elle nous alerte sur le sort des réfugiés et l'état de notre planète. Il n'y a plus un instant à perdre pour construire un monde plus juste.
À la suite de Greta Thunberg, elle incarne la génération du changement. ' Quand, sinon maintenant, la chance se présentera-t-elle de changer le système? ' Allons-y.
Foire aux questions
Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
- Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
- Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Il est temps d'agir par Carola Rackete,Anne Weiss, Catherine Weinzorn en format PDF et/ou ePUB. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.
Informations
Éditeur
IconoclasteAnnée
2020Imprimer l'ISBN
9782378801250ISBN de l'eBook
97823788018161
Cessons d’espérer
Bientôt midi et nous ne pouvons toujours pas bouger d’ici. La rampe de l’escalier qui monte au pont est brûlante, un vrai tuyau de poêle. Je grimpe les marches deux par deux. Arrivée en haut, je m’arrête un instant et je sens les gouttelettes de sueur former comme un film sur ma peau. Pas de vent, l’air est immobile. La chaleur est trop écrasante pour s’agiter. Sous nos yeux s’étale le mois le plus chaud jamais enregistré dans les archives météo.
Nous sommes le vendredi 28 juin 2019. Il y a vingt jours, nous avons quitté le port de Licata, en Sicile, pour aller sauver des vies humaines. Quatre jours plus tard, à quelque 50 milles des côtes libyennes, nous avons recueilli cinquante-trois personnes embarquées sur un canot pneumatique inadapté à la navigation en mer. Des hommes, des femmes enceintes, des mineurs, dont deux enfants en bas âge. Entre-temps, les garde-côtes italiens ont pris en charge quelques passagers particulièrement vulnérables ou présentant un cas d’urgence médicale. Il nous reste encore quarante rescapés à bord, à bout de forces et découragés.
Nous attendons que quelqu’un nous dise enfin ce qu’il va advenir d’eux.
Mais le temps nous file entre les doigts.
À chaque minute qui passe, nous risquons un nouveau cas d’urgence, potentiellement mortel.
Devant nous s’étend, comme un mince ruban étincelant, la côte de l’île de Lampedusa. C’est le port sûr dont nous sommes le plus proches et l’un des points les plus méridionaux d’Europe. La chaleur fait vibrer l’air au-dessus de la mer. En une heure, nous pourrions être au port si l’on nous y autorisait. Au lieu de ça, nous sommes immobilisés, contraints à attendre que les États européens trouvent une solution. Mon regard parcourt le pont supérieur, où les canots rapides sont stockés sous les bossoirs, glisse sur le pont principal et se pose finalement en bas. Des toiles de tente ont été tendues au-dessus des ponts inférieurs pour les protéger du soleil. Les rescapés que nous avons tirés du bateau pneumatique sont allongés dessous, à même le sol.
Notre navire n’a pas été conçu pour garder longtemps à bord les personnes secourues. Il n’y a que trois toilettes ; nous avons de quoi traiter l’eau de mer pour avoir de l’eau potable, mais le processus est lent et, avec autant de passagers, le réservoir que nous avons rempli au port ne permet que des douches et des lessives occasionnelles. Chacun, sur le pont, ne dispose que d’une couverture. C’est loin d’être confortable. Soit on s’allonge dessus et on a froid la nuit, soit on la prend pour se couvrir et très vite le contact avec les tapis noirs en PVC qui recouvrent le sol devient terriblement douloureux.
La mer scintille autour de nous, de petites vagues clapotent à la proue. Le Sea-Watch 3 est un vieux navire de ravitaillement en mer qui date des années 1970. Il a servi à l’industrie pétrolière, puis à Médecins sans frontières comme bateau de sauvetage, avant que Sea-Watch ne l’achète grâce à une collecte de dons. Un rafiot malcommode qui demande beaucoup d’entretien.
Il a beau remplir son office, je ne l’aime pas trop. En fait, j’aimerais surtout être ailleurs. En 2019, je n’étais pas inscrite sur le planning des « missions » – c’est le mot pour désigner les actions de sauvetage. J’ai passé quelques années sur les mers, essentiellement en tant que responsable de la navigation sur de grands bateaux de recherche scientifique dans les régions polaires, et aussi pour Greenpeace. Puis j’ai fait des études de gestion et protection de la nature et quand j’ai eu mon diplôme, mon intention était de me consacrer uniquement à la défense de l’environnement. Je n’avais jamais eu une passion débordante pour la navigation en mer et, au bout de quelques années dans ce métier, il me semblait plus important de m’occuper de la conservation de notre biosphère. Néanmoins, mes connaissances en navigation tombaient à point nommé et m’ont permis de faire ce qui pour moi est essentiel, que ce soit au service de Sea-Watch ou pour d’autres ONG de secours en mer : sauver des vies.
Lorsque est arrivé un mail annonçant la défection du capitaine pour une mission qui devait bientôt démarrer, je travaillais depuis quelque temps comme stagiaire dans le cadre d’un programme de conservation de la nature en Écosse. Nous collections des données sur les papillons, remettions en état des chemins de randonnée, et nous venions trois jours durant de rempoter des plants de pins sylvestres dans une serre, sous une pluie battante. C’était beau, là -bas : les versants abrupts des collines coiffées de mousse vert sombre, l’odeur des prés et de la pluie mêlée à celle de la résine des conifères et aux senteurs subtiles des arbres en fleurs. Le soir, le chant des plongeons à gorge rouge s’interpellant en longues notes sur le lac brumeux. Et l’air, si transparent et épicé que j’aurais voulu rester tout le temps dehors.
Au fond, je ne voulais pas partir. Mais l’appel s’adressait à tous ceux qui figuraient sur la liste des personnes à contacter en cas d’urgence, c’est-à -dire des volontaires susceptibles de remplacer au pied levé un membre d’équipage manquant. Il est plus facile de trouver des bénévoles que l’on pourra mettre en faction sans formation que du personnel médical ou des professionnels de la navigation. Ceux-ci sont rares.
Je me doutais qu’il serait difficile de trouver un remplaçant à si court terme. Et un coup de fil au responsable des missions me confirma que personne ne pouvait prendre le bateau en charge. Si je ne le faisais pas, le navire ne pourrait pas appareiller, même avec un équipage au complet. Je me suis sentie dans l’obligation d’agir, j’ai plié bagage.
Et me voici maintenant au mouillage, dans la chaleur moite de l’Europe du Sud. Tout est calme, je n’entends que des bribes de conversation mêlées au clapotis des vagues. Avec l’équipage, je n’ai cessé de passer en revue les moyens d’action qui nous restent. J’ai consulté aussi l’équipe de Sea-Watch à terre, qui compte de nombreux bénévoles et quelques permanents basés principalement à Berlin, mais aussi à Amsterdam, Rome et Bruxelles. Eux s’occupent de la logistique, des relations avec les médias, de la communication interne, du conseil juridique et de l’action politique. Ils font le lien avec d’autres organisations et avec des acteurs politiques et nous informent, nous qui sommes sur le bateau, de l’évolution de la situation.
Deux semaines durant, nous sommes restés immobilisés dans des eaux internationales. Malgré une liaison Internet capricieuse, j’ai sollicité par mail l’appui des autorités italiennes et maltaises compétentes et, puisque notre navire bat pavillon néerlandais, demandé le soutien du service central des garde-côtes basé au port du Helder, aux Pays-Bas. Par l’intermédiaire du ministère des Affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne, nous avons également requis l’aide de l’Espagne et de la France.
Les garde-côtes italiens sont montés à bord, suivis de la Garde des finances – la police douanière et financière qui dépend du ministère de l’Économie et des Finances à Rome.
Nous devions attendre.
Ils n’avaient pas de solution.
Il ne s’est rien passé.
Nous ne savions plus comment faire. Il devenait de plus en plus difficile de garantir la sécurité à bord. Les gens avaient un besoin urgent d’être soignés à terre. Au médecin du bord, une femme, l’une des rescapées avait confié être si désespérée qu’elle songeait à mettre fin à ses jours. Elle disait qu’elle se sentirait plus en sécurité si quelqu’un restait auprès d’elle en permanence. Ce service-là , nous ne pouvons l’assurer. L’équipage se compose d’un peu plus de vingt personnes : le personnel technique de navigation, comme les mécaniciens et moi, le personnel médical qualifié et les équipes des canots rapides. La plupart travaillent ici pendant leur temps libre, comme Oscar, un étudiant en droit sur le point de passer son diplôme. Il n’y a que trois permanents de Sea-Watch, mais nous avons quand même des bénévoles de longue date, comme Lorenz, qui prend soin de nos passagers. Ils travaillent par roulement, car nous devons veiller sur chacun nuit et jour, ce qui est de plus en plus difficile lorsque les gens souffrent de ne rien savoir et qu’ils sont toujours en aussi mauvais état.
J’ai donc décidé, il y a deux jours, de décréter l’état d’urgence sanitaire et d’entrer sans autorisation dans les eaux territoriales italiennes. La Garde des finances nous a arrêtés, a relevé l’identité de tous les membres de l’équipage, contrôlé les certificats du bateau. Ils ont dit qu’une solution politique ne tarderait sans doute pas à arriver et que d’ici là nous devions attendre.
Puis ils sont repartis.
Hier, j’ai adressé au port une demande d’accostage en vertu de notre état d’urgence. De nouveau, les navires des autorités nous ont stoppés.
Une solution est imminente, ont-ils dit.
Un bateau charter est arrivé, avec des journalistes et quelques parlementaires.
Caméras en pagaille.
Appels téléphoniques tous azimuts.
Pas de solution.
Aujourd’hui, enfin, des informations du procureur, qui nous signifie l’ouverture d’une enquête à mon encontre pour incitation à l’immigration clandestine. Aussi bizarre que cela puisse paraître, c’est la première lueur d’espoir depuis des jours. Lors de la dernière mission, en mai, l’enquête a entraîné la saisie du bateau. Dans ce cas-là , le procureur devient également responsable des personnes à bord, et elles peuvent enfin débarquer.
C’est exactement ce que nous attendons aujourd’hui.
Je mets ma main en visière, avant de m’essuyer le front. Autour de nous, des bateaux de pêche vont et viennent, des yachts quittent le port. À l’heure qu’il est, si nous n’étions pas dans cette situation infernale, nous irions probablement nous baigner. Mais nous sommes là , à griller dans la chaleur écrasante.
Pendant ce temps, je l’apprendrai plus tard, dix-sept embarcations ont réussi à atteindre Lampedusa. Trois cents personnes ont ainsi débarqué en Italie, la plupart arrivant probablement via la Tunisie. Ghost boats, des vaisseaux fantômes, comme on dit. Puisque les passagers qu’ils transportent se trouvent déjà dans les eaux territoriales, les garde-côtes les laissent accoster, puis informent la police ou les services humanitaires. En règle générale, les gens ne s’enfuient pas et n’essaient pas de se cacher. De toute façon, Lampedusa est si petite que c’est quasiment impossible. D’ordinaire, ils sont repérés par un pêcheur ou un riverain, souvent bien avant même que le bateau n’ait atteint la plage ou les rochers. Alors arrivent les représentants de l’administration, qui les emmènent au centre d’accueil, où la procédure suit son cours normal : identification, empreintes digitales…
Et nous, avec les quarante réfugiés qui ont besoin de soins médicaux urgents, nous sommes les seuls à être bloqués ici. Nous avons eu des cas d’urgence physique, des patients dont la maladie s’est aggravée à bord, avec une forte fièvre ou de violentes douleurs impossibles à traiter sur le bateau. Ceux-là , les garde-côtes sont venus les chercher. Ceux qui sont restés souffrent pour la plupart de stress post-traumatique. Pour d’autres, il faudrait impérativement soigner d’anciennes blessures dues aux violences subies dans les camps en Libye ou réduire des fractures survenues pendant la fuite. Les garde-côtes italiens disent que ce ne sont pas des cas urgents. Et voilà une question de droit maritime qui se transforme en discussion absurde sur l’état de santé des rescapés, des rescapés qui, quoi qu’il en soit, même en bonne santé, ont droit à un port sûr.
À la réunion du matin, Lorenz, un infirmier diplômé chargé de coordonner les soins apportés aux passagers, a insisté une fois encore sur la gravité de la situation.
« Le plus grand danger, a-t-il dit, est que les gens décident de prendre leur situation en main et d’agir. J’ai peur qu’ils ne se jettent à l’eau. »
Lorenz est mince, avec des cheveux bruns rasés sur un côté. Il est là depuis aussi longtemps que moi. Lui aussi a fait des études en sciences de l’environnement, et, tout comme moi, il sait pourquoi il est sur ce bateau. Lorenz dit qu’il veut contribuer à faire du monde un lieu où régneraient plus de liberté et moins de discrimination. Il est de ceux que l’on retrouve le plus souvent dans les missions. Il renonce à beaucoup de choses, et avant tout à une vie réglée. Il répète souvent ce que nous pensons tous : qu’est-ce qu’ils sont forts, ceux qui ont subi ça et qui arrivent encore à être bienveillants. Qui continuent à vivre malgré tout, après tout ce qu’ils ont vu et enduré. Personne ne se retrouve ici par esprit d’aventure ou pour des raisons futiles. Personne dans mon équipage, moi pas davantage, et surtout pas ceux que nous recueillons.
Tous, au contraire, fuient la violence. Leur plus terrible expérience, la plupart la font sans doute dans la dernière partie du périple, dans ce pays de guerre civile qu’est la Libye.
Lorenz en sait quelque chose : « Quand je suis là avec un rescapé et qu’on parle de la situation dans les camps, très vite, il me dit : Tiens, regarde ça, cette blessure à la tête, c’était une barre de métal. Sur le corps d’un autre, j’ai vu dix endroits où quelqu’un a écrasé sa cigarette. Un autre encore relève son T-shirt, te montre une cicatrice et t’explique que c’étaient des décharges électriques. Montrer leurs blessures à quelqu’un ne leur pose aucun problème, parce que pour eux c’est quelque chose de normal. Presque tous ont été torturés. »
Beaucoup d’entre eux, les rapports médicaux le confirment, souffrent des séquelles de la torture dans les camps libyens : troubles de stress post-traumatique, mais aussi fractures non guéries, plaies par baïonnette ou brûlures causées par du plastique chaud qu’on leur a fait couler sur la peau. Ils ont des cicatrices à la tête, bien visibles, et des cicatrices invisibles à l’âme, dues aux coups, aux menaces, au trafic d’êtres humains et à l’asservissement, à l’angoisse de la mort et – chez toutes les femmes – au viol et à la prostitution forcée obtenue souvent par chantage, en menaçant leur enfant ou un autre membre de la famille. De plus, beaucoup sont déshydratés à cause du mal de mer, ce qui aggrave leur état. Avec pour conséquences des troubles du sommeil, de la nervosité, des impulsions non contrôlées, des états d’anxiété.
« Les blessures correspondent à ce qui se dit sur les camps et les routes migratoires », dit Victoria, le médecin qui cosigne ces rapports. Dans la vie ordinaire, elle est médecin anesthésiste et urgentiste et travaille depuis de nombreuses années à Hambourg, dans un service de réanimation. C’est sa première mission, la première fois aussi que, pour ça, elle s’éloigne longtemps de ses enfants. « Je suis tellement furieuse de voir à quel point le monde devient injuste que je devais absolument faire quelque chose », m’a-t-elle confié.
Les garde-côtes, qui avaient déjà évacué dix personnes dans un état de santé particulièrement préoccupant, sont revenus deux fois pour des urgences. La première fois pour un homme qui avait perdu connaissance, l’autre pour un patient souffrant de fortes douleurs dans le bas-ventre et qui a été évacué en même temps que son frère encore mineur. Chaque fois, les autres ont fait une haie d’honneur à celui qu’on emmenait. Chacun voulait lui dire au revoir, même si, dans un cas comme dans l’autre, il était encore à peine conscient. Je regarde cet hommage improvisé. Émue par cette solidarité entre des personnes qui ne se connaissaient pas et qui sont contraintes de vivre ensemble dans un si petit espace.
Les hommes de la garde côtière italienne évacuent les cas urgents, rien de plus. Ils comprennent notre situation : auparavant, ce sont eux qui avaient la responsabilité du sauvetage en mer au large des côtes libyennes. Ils sont gentils mais de fait assez inutiles, car leur aide ne va pas au-delà des instructions reçues. À chaque évacuation, les rescapés qui restaient ont demandé s’il fallait qu’ils tombent malades pour pouvoir quitter le bateau.
Ils ont besoin d’un port sûr au plus vite. J’essaie d’imaginer ce que représente l’attente sur le Sea-Watch 3 pour quelqu’un qui a traversé le genre d’épreuves qu’ont endurées nos passagers. Le départ pour l’inconnu, le long voyage dans le désert, la faim, les privations, les fausses promesses, les attaques. Le désespoir absolu de se voir interné dans un ca...
Table des matières
- Couverture
- Présentation
- Copyright
- Page de titre
- Dédicace
- Préface
- 1. Cessons d’espérer
- 2. Un principe d’humanité
- 3. La dernière génération ?
- 4. Remettre le système en cause
- 5. Commençons à agir
- Postface
- Achevé
- Crédits photographiques
- En France, un livre…