La Langue de Trump
eBook - ePub

La Langue de Trump

  1. 108 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

La Langue de Trump

À propos de ce livre

Traductrice de presse, Bérengère Viennot s'est trouvée confrontée à un défi inédit après l'élection de Donald Trump.
Le président américain a fait exploser les codes de la parole politique. Sa langue est vulgaire et confuse, truffée de fautes de syntaxe et de phrases sans queue ni tête, de sarcasmes et d'invectives – signes d'un rapport dévoyé à la réalité et à la culture.
D'une plume aussi désopilante qu'incisive, l'auteure raconte son casse-tête de traductrice et s'interroge. Comment glisse-t-on de la violence des mots à la violence politique? En quoi est-ce là un symptôme de l'état de la démocratie? Pourquoi sommes-nous tous concernés?
La langue de Trump est un miroir implacable: du président lui-même, de l'Amérique et de notre époque.

Foire aux questions

Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
  • Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
  • Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Les deux forfaits sont disponibles avec des cycles de facturation mensuelle, de 4 mois ou annuelle.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à La Langue de Trump par Bérengère Viennot en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Politique et relations internationales et Géopolitique. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Pour en finir avec Donald Trump

Nombre de ses opposants rêvent de se débarrasser de Trump, avec une ferveur aussi intense qu’impuissante. L’impeachement, soit la procédure de destitution prévue pour évincer le président américain en exercice, est un espoir caressé par nombre de démocrates. À mi-mandat, lors de l’écriture de ce livre, rien ne laisse encore penser que cette procédure puisse se justifier. Et cela n’a pas tant d’importance que cela.
Parce qu’au final, ce n’est pas Donald Trump, le problème. Et sa langue, sa façon de parler ou de ne pas parler, son langage plus ou moins grossier ou fleuri, ne sont qu’un arbre minuscule qui cache une forêt gigantesque plantée le jour où les pèlerins du Mayflower ont débarqué et commencé leur œuvre de destruction/reconstruction à coups de génocide et de prosélytisme acharné 29.
La responsabilité est collective. Si la langue de Donald Trump reflète parfaitement à la fois sa façon de penser et sa politique, teintée de grossièreté, de misogynie, de racisme, de manque absolu d’empathie et d’appât du gain, elle est le produit de son époque et de sa société. L’Amérique, quand elle regarde son président, se voit dans un miroir qu’elle croit déformant mais qui reflète une réalité qu’elle a longtemps voulu occulter et qui est en train de lui revenir en pleine figure.
Le rêve américain n’a jamais été que cela, un rêve. Le slogan de Trump, « Make America Great Again », spécule sur un fantasme qui n’a jamais eu vocation à devenir réalité, et qui a été utilisé par d’autres candidats présidentiels avant lui. Les plus belles promesses de l’Amérique ont toujours été motivées par des aspirations bien moins reluisantes que ce que la mythologie historique veut nous faire croire. Oh, ce n’est pas l’apanage des États-Unis : nous-mêmes, en France, qui chantons les louanges de la république démocratique en invoquant l’intouchable Révolution française et autres prouesses napoléoniennes, nous empressons d’oublier ou de ne pas apprendre que les grandes avancées historiques dont nous sommes si fiers ont toujours d’une part baigné dans le sang, et d’autre part ont été la plupart du temps dirigées par des individus qui plaçaient leur intérêt (économique et politique) avant celui de la collectivité, mais qui avaient compris comment présenter habilement les choses pour que tout le monde croie y trouver son compte 30. Aux États-Unis, pays construit sur le sang des Indiens, des Africains et sur celui des pionniers à qui l’on promettait la lune, la réussite d’une minorité a occupé l’imaginaire national et occulté les misères de toute une partie de la population. Certes, l’Amérique a été le pays de ceux qui pouvaient réussir à partir de rien ; en témoignent les Rockefeller, Carnegie et autres Bill Gates. Mais ça a aussi été celui de ceux qui arrivaient des rêves pleins la tête et la faim au ventre, et qui n’ont pas trouvé d’or, de pétrole ou d’idée de génie. Celui des Petits Blancs, des white trash, des Indiens parqués dans les réserves, des esclaves et de leurs descendants, des Noirs victimes de ségrégation, de lynchage et aujourd’hui d’un racisme qui ne veut pas disparaître.
Le rêve américain est passé au-dessus de la tête d’un sacré paquet de femmes et d’hommes, malgré une iconographie nationale bourrée de symboles faussés et détournés. À côté des pèlerins venus trouver la paix religieuse, des colons traversant joyeusement les grandes plaines dans leurs chariots bâchés (coucou Laura Ingalls), des saloons de western où chantaient de jolies filles pas farouches et des GI partis embrasser de jolies petites Françaises à la Libération, la réalité c’est que les pèlerins, quand ils ne crevaient pas de faim ou de maladie, ont massacré les Indiens (qui ont fait ce qu’ils ont pu pour en faire autant, mais on sait qui a fini par gagner), que les colons à qui le gouvernement faisait des promesses mirobolantes pour chasser plus vite les Indiens de leurs terres et permettre aux compagnies de chemin de fer une expansion folle ont crevé de faim et d’épuisement par milliers en repoussant la Frontière vers l’Ouest, quand ils n’avaient pas été scalpés avant, que la très sanglante guerre de Sécession, après avoir enfin permis d’affranchir les esclaves, a également débouché sur la création du KKK et des lois ségrégationnistes, que les valeureux GI sont allés crever au Vietnam et qu’on ne sait toujours pas trop pourquoi, au juste…
Vision binaire de l’histoire des États-Unis, version simpliste d’une période bien plus nuancée, allez-vous me dire. Peut-être, mais c’est justement cette vision-là qui est proposée de l’Amérique d’aujourd’hui. « Make America Great Again », c’est une invitation à replonger dans un passé qui n’a jamais existé, à vivre dans ce monde manichéen auquel renvoie le discours binaire de Donald Trump et de l’Amérique tout entière, d’un côté comme de l’autre.
Devant ce portrait de Dorian Gray, l’Amérique s’accroche de toutes ses forces au bandeau qui l’aveugle. Tant que les États-Unis refuseront de nommer l’origine de leur mal, tant qu’ils ne feront pas une croix sur un passé qu’ils chérissent et qui en est devenu intouchable, ils n’arriveront pas à s’extirper du marasme dans lequel ils se sont embourbés depuis l’élection de Donald Trump et dont le président n’est qu’un symbole.
Car après lui, il pourra en venir un autre. Le malaise ne tient pas à un seul homme. Le mal est fait, et désormais tout est devenu possible : Trump n’est pas un accident de l’histoire américaine. On ne pourra pas l’oublier lorsqu’il ne sera plus au pouvoir : il laissera son empreinte non seulement dans les politiques qu’il aura initiées et dans les juges de la Cour suprême qu’il aura nommés, mais dans la société tout entière, qui porte collectivement la responsabilité de l’avoir porté au pouvoir – ceux qui ont voté pour lui avant tout, mais aussi les générations d’édiles qui l’ont précédé et ont préparé le terrain. Tout comme les dictatures reposent sur un système, les États-Unis ont posé leur 45e président sur une montagne de déni, et ce déni, il passe avant tout et surtout par la communication, par le discours, par la langue.
Car Trump n’est pas le plus grave problème de l’Amérique. Garant de l’ordre moral, surmoi symbolique de tout un pays, le président est censé être un modèle mais aussi l’étalon à l’aune duquel se mesure la moralité d’une nation. Quand le président s’indigne après un acte de haine, c’est toute l’Amérique qui se dresse. Mais quand il choisit de garder le silence, ou pire, d’encourager implicitement la violence, qu’elle soit institutionnelle ou privée, alors c’est un blanc-seing accordé aux déséquilibrés et aux citoyens dont les instincts les plus bas et les plus violents étaient jusqu’alors refoulés par la conscience que leurs actes agressifs seraient réprouvés par la plus haute instance de l’État, et donc la société tout entière. Comme le dit Jacques Généreux dans L’Autre société :
Chez les humains, la régulation de l’agressivité n’est pas génétique, mais sociale : elle consiste en rites et habitudes transmis par l’éducation. Les comportements violents et antisociaux manifestent donc une défaillance dans l’apprentissage de la limite et de la loi ; ils peuvent aussi résulter ou être aggravés par une défaillance de la culture, des conventions et des institutions énonçant et légitimant les interdits 31.
Or, la violence de la langue de Trump et de ceux qui le représentent peut être considérée comme une légitimation du passage à l’acte chez ceux qui étaient avant l’avènement de Trump à la limite de ces comportements violents et antisociaux. Ces personnes et ces comportements survivront au(x) mandat(s) de Trump, et laisseront une trace durable dans toutes les strates de la société américaine, pour longtemps.
L’arnaque sémantique fondatrice, c’est bien la Déclaration d’indépendance américaine : « Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables, notamment la vie, la liberté et la recherche du bonheur. » Certes, l’intention est louable et le texte est joli, mais il faut garder à l’esprit qu’il fut écrit par un propriétaire d’esclaves qui squattait avec son « peuple » tout neuf une terre volée à ses premiers occupants. En rédigeant le préambule de la Déclaration d’indépendance, Jefferson écrivait les premières lignes du mythe américain, du grand rêve mensonger derrière lequel des millions allaient courir, et décrivait déjà une réalité qui ne correspondait en rien à ce que lui ou ses contemporains vivaient. La Déclaration d’indépendance, c’est la première officialisation de la réalité alternative. Sa diffusion, c’est la toute première fake news américaine.
Le premier amendement de la Constitution américaine protège tout un tas de libertés, notamment religieuse et d’expression. En Amérique, on a le droit de tout dire et d’afficher toutes les opinions qu’on veut. On peut arborer des croix gammées, souhaiter la mort de n’importe qui à haute voix, l’écrire même, c’est permis. L’incitation à la haine raciale n’y est pas un crime. Le révisionnisme n’est pas un concept brûlant comme en France où il n’est pas autorisé de mettre en doute la vérité historique. En Amérique, cette vérité n’appartient à personne. Par conséquent, chacun a la sienne, et tout le monde peut raconter ce qu’il veut sur l’origine de son monde et sur sa réalité. Et le président des États-Unis, comme les autres, a le droit de dire n’importe quoi et d’affirmer que c’est la vérité. Aucun garde-fou sémantico-constitutionnel ne l’en empêche. Alors pourquoi ne pas affirmer que le réchauffement climatique n’existe pas, que le charbon est une énergie propre ou qu’on n’a jamais vu des foules aussi denses qu’à ses meetings ? Ce n’est pas tellement plus fou que d’affirmer qu’Adam et Ève barbotaient avec des dinosaures et de l’ériger en vérité historique, enseignée dans un bon nombre d’établissements scolaires 32. Si on remonte à la genèse même de l’histoire de la politique américaine, on constate que le blanc-seing a été institué par les Pères fondateurs, aujourd’hui objets de culte national.
Il existe pourtant bien une sorte de censure dans le langage en Amérique, une seule, extraordinairement prégnante et intégrée par toutes les strates de la société. C’est peut-être même l’élément le plus consensuel de la société américaine. En effet, si en Amérique on est libre de dire ou d’écrire que les Juifs ne méritent pas de vivre, que les Noirs sont inférieurs ou que les Mexicains sont des violeurs, il existe un champ sémantique exclu du discours national. Ce qu’on n’a pas le droit de mentionner, en Amérique, est un héritage de cette époque puritaine des premiers jours de la nation américaine, c’est le Mal, avec un grand M, ce dont il faut protéger toute la société : le sexe.
L’Amérique a un tel problème avec le sexe (demandez à Woody Allen) qu’il faudrait un livre entier pour en parler, ce que je ne vais donc pas faire parce qu’il est grand temps que celui-ci se termine. Mais en quelques mots, l’époque fondatrice américaine où les activités sexuelles devaient être absolument contrôlées, par les autorités religieuses puis par l’État, où le sexe était pour la femme réduit à la fonction procréatrice, et une pratique autorisée mais qui devait rester discrète pour les hommes, car elle était l’empreinte du péché, cette époque a donné naissance à une société où, malgré la révolution sexuelle et la prise progressive, mais jamais acquise, du contrôle de leur corps par les femmes, le stigmate du mal est resté marqué au fer rouge sur toutes les activités sexuelles qui ne s’inscrivent pas strictement dans le cadre conjugal et procréatif 33.
Mais quel rapport ? vous demandez-vous. Restez encore un peu, j’y suis presque. En Amérique, en 2019, toutes les formes de violence et de guerre sont montrables dans les médias : cinéma, télévision, Internet. N’importe qui peut s’acheter des armes assez facilement. En revanche, ce qui n’est pas permis, c’est de dire un mot à connotation sexuelle, genre fuck ou vagina, à la télévision. Par mesure de protection. Un peu comme dans la Bible, qui érige la viole...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Présentation
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Dédicace
  6. Exergue
  7. Gueule de bois
  8. Oser traduire Trump
  9. L’interview qui tue
  10. La portée de la baffe
  11. Merde alors
  12. La vérité si je mens
  13. Melania
  14. Cui-cui
  15. Dystopie
  16. Le point Godwin
  17. Les ennemis du peuple
  18. Je lis des bouts
  19. Grosse tête ?
  20. Le canular chinois
  21. Moi, drôle et méchant
  22. Et Dieu, dans tout ça
  23. Ce qu’il ne dit pas
  24. Pour en finir avec Donald Trump
  25. Merci
  26. Achevé