Was ist das? Chroniques d'une française à Berlin
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Was ist das? Chroniques d'une française à Berlin

  1. 166 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Was ist das? Chroniques d'une française à Berlin

À propos de ce livre

Un déjeuner au restaurant du Sénat à Paris puis, quelques jours plus tard, un autre à la cantine du Bundesrat à Berlin, m'en ont appris beaucoup plus que tous les traités de droit constitutionnel sur le fonctionnement de la démocratie dans nos deux pays.
Pascale Hugues vit à Berlin depuis vingt-cinq ans. L'Allemagne n'est pas encore son vrai Heimat, et la France a cessé d'être le pays familier de son enfance. Vivre entre deux pays, c'est comme porter des petites antennes occupées en permanence à capter les différences, le ' pas pareil ' chez l'un et chez l'autre. À travers vingt-six chroniques, l'auteure épingle avec malice nos différences et nous parle sans aucun tabou de notre rapport au corps, à la nature, à la gastronomie, à l'ordre, à la politique, au sexe, au passé, à la nation... sans oublier toutes ces expressions et tous ces tics de langage français ou allemands qui sont autant de marqueurs de notre vision du monde.
Alors, vous êtes plutôt Birkenstock ou Louboutin? Luxembourg ou Tiergarten? Macarons ou forêt-noire? Lenôtre ou KaDeWe? Mona Lisa ou Néfertiti?...

Foire aux questions

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Informations

Les cantines du pouvoir

Il est donc là, ce restaurant du Sénat où je n’ai pas réussi à entrer jusqu’à présent. Sur le plan, un huissier trace une croix sur une pièce rectangulaire. Les fenêtres donnent sur la rue de Vaugirard. Cette croix au stylo est la seule information concrète dont je dispose sur ce lieu entouré de mystère. Le reste est un gros nuage de rumeurs plus ou moins fiables et souvent délirantes : un restaurant avec une traînée d’étoiles. Des laquais à gants blancs qui soulèvent d’un geste ample les cloches d’argent massif, découvrant des mets exquis. Un maître d’hôtel et un sommelier formés dans la plus pure tradition. Des soubrettes en tablier à volants qui repassent les nappes de coton fin à même la table. Chaises et verres alignés au cordeau. Douze mille pièces d’argenterie. Assiettes des manufactures de Sèvres et de Limoges. Compositions florales aux couleurs du drapeau de l’invité du jour. Les parquets cirés gémissent sous les pas. Les fournisseurs exclusifs viennent directement des halles de Rungis. « Le chef travaille des produits français. Ce n’est pas un hasard si le repas gastronomique est inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco », se vante l’huissier.
Il y a aussi le récit des délégations de province montées à Paris pour rendre visite à leur sénateur. Comme ce groupe de Bourguignons qui font le compte rendu de leur visite guidée.
Les Bourguignons grimpent quatre à quatre les quarante-huit marches de l’escalier d’honneur. Ils ne s’arrêtent ni devant les lions de marbre somnolant sur les paliers, ni devant les tapisseries des Gobelins à l’étage. Ils passent au pas de course devant les bustes et les portraits des grands hommes : Victor Hugo, Poincaré, Clemenceau, Colbert, Malherbe. Même Charlemagne ne les émeut pas. Tous ces noms leur rappellent l’ennui des cours d’histoire. L’hémicycle et ses petits fauteuils de velours rouge moulés à la taille des fesses sénatoriales les laissent de marbre. Ils frissonnent un peu tout de même quand ils voient, dans la galerie des conférences – 650 mètres carrés et 57 mètres de long –, la haie de la cavalerie des gardes républicains. Ils sont en tenue d’apparat avec leurs bottes, leurs éperons, leur bicorne, le sabre levé devant le menton pour saluer le président de séance. « Et où sont leurs chevaux ? » demande le plaisantin de service. Ils ont l’estomac dans les talons quand le guide leur dicte la liste des prisonniers célèbres : Danton, Camille Desmoulins, le peintre David, Fabre d’Églantine. Tous purgèrent leur peine dans ce palais transformé en prison pendant la Révolution. Non, même ces histoires atroces de Terreur et de guillotine ne réussissent pas à faire oublier aux Bourguignons qu’ils ont faim.
« Cette maison, mesdames et messieurs, c’est quatre siècles d’histoire sans interruption jusqu’à cette date ! » jubile le guide. Les Bourguignons étouffent un bâillement. Le but de leur visite est le restaurant du Sénat. Mais avec quatre siècles d’histoire dans les jambes, on n’est pas près de passer à table ! La matinée s’éternise dans cette enfilade de salons et de couloirs sans fin. Ils sont assommés par tant de faste. Pas un centimètre de mur sans une décoration, un ornement doré, une œuvre d’art. « C’est un peu surchargé », commente une épouse. Elle imagine le combat surhumain contre la poussière. À bout de force, les Bourguignons lèvent les yeux sur le plafond de Delacroix dans la coupole de la bibliothèque. Ils écoutent le guide d’une oreille distraite leur expliquer ce qui se passa dans la chambre de la reine Marie de Médicis, « la femme d’Henri IV, Henri IV, la poule au pot, ça vous dit quelque chose ? ». Après six heures de bus et deux heures de visite, l’eau leur monte à la bouche. Si ça leur dit quelque chose, la poule au pot ? Ah, oui ! Ils sont venus pour ça. Et d’ailleurs il est déjà midi moins le quart.
C’est seulement quand un huissier leur raconte l’histoire de la cave du Sénat que leur sang ne fait qu’un tour. Ils sont là, pendus à ses lèvres, vibrants. Sous l’Occupation, le Sénat fut réquisitionné et abrita l’état-major général de la Luftwaffe pour le front de l’Ouest en Europe. Les Allemands y installèrent leurs équipements techniques. On dit que le maréchal chargé du palais était un abstinent. Une information à laquelle j’ai du mal à croire quand je découvre le visage du Generalfeldmarschall Sperle : ses bajoues flasques ressemblent à de grosses éponges ayant absorbé des pintes et des pintes de bière. C’est lui qui administra le palais et ses caves à vin pendant quatre ans. Quand on songe que le père de Sperle était un Souabe, propriétaire d’une brasserie, cette histoire ne tient vraiment pas debout. Pourtant, voilà ce que dit la légende : amoureux des beaux-arts, le Generalfeldmarschall au cœur tendre aurait interdit à ses hommes de piller les fabuleuses richesses du palais. En échange, il leur offrit la cave. « En quatre jours tout était sifflé ! » gémit l’huissier. Il cite une lettre datée du 9 octobre 1940. Le président du Sénat y proteste auprès du maréchal Pétain contre « la désinvolture avec laquelle cette prise de possession a été opérée ». Un silence endeuillé écrase l’allégresse des Bourguignons. Sur les photos de l’époque, les bouteilles jonchent le sol. Le drapeau nazi flotte sur la façade du palais. Un très mauvais souvenir. Je soupçonne fort les Bourguignons de se demander s’il n’aurait pas mieux valu céder les Delacroix aux Allemands et sauver le saint-émilion.
« Mais il est temps de passer à table », ordonne leur guide. Oubliés, les soldats allemands vidant au goulot les vrais trésors de la République. Direction le restaurant. Les Bourguignons garderont de cette visite le souvenir d’un menu bourgeois. « Ce fut une belle journée, amicale, conviviale et riche d’enseignements sur le rôle et le fonctionnement du Sénat », écrit le faux-cul chargé de dresser le rapport de cette excursion dans la capitale.
On en raconte des choses sur le restaurant du Sénat. Surtout des choses méchantes : les sénateurs s’en mettent plein la panse aux frais de la princesse ! Le menu gastronomique, subventionné par le contribuable, y coûte seulement 16,45 euros ! Avec tous les privilèges qu’ils ont déjà ! C’est nous qui payons quand ils restent des heures à table ! Et les « frais de bouche » (ces si jolis mots désignent les dépenses pour la nourriture sujettes à défraiement) n’ont pas diminué avec la crise ! Faire bombance sur notes de frais est presque un sport républicain dans notre pays ! Au Sénat, on mange encore comme à l’époque de Balzac ! Des repas très arrosés ! D’ailleurs comment les sénateurs peuvent-ils se remettre au travail après une ripaille pareille ? C’est la vie de château, et pour le contribuable l’addition est salée !
Le restaurant du Sénat suscite l’envie. C’est peut-être pour cela qu’on m’en a interdit l’accès : pour ne pas nourrir davantage cette si vilaine passion. Par ces temps de populisme triomphant et alors que l’establishment politique est attaqué de tous côtés, il vaut mieux se faire tout petit quand on passe à table. D’autant que les privilèges des 348 sénateurs sont remis en question depuis longtemps déjà. Lionel Jospin, alors Premier ministre, qualifia le Sénat d’« anomalie démocratique ». Certains réclament sa réforme. D’autres veulent sa suppression pure et simple.
Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé d’entrer au restaurant du Sénat. Cette pièce ressemble à un coffre-fort abritant un secret d’État. Même pour les Journées du patrimoine les cuisines et le restaurant restent fermés au public. C’est un peu comme il y a trente ans. Dans les bureaux de mon journal à Paris, j’essayais de joindre le service des relations internationales au ministère des Affaires étrangères à Berlin-Est pour obtenir un visa. La dissidence s’organisait en RDA, les Allemands de l’Est fuyaient en masse vers la Hongrie. Il fallait aller voir ce qui se passait derrière le rideau de fer. Je passais des heures à attendre au dernier étage de l’immeuble avec vue sur le Sacré-Cœur, le téléphone coincé sous le menton. On ne me disait ni oui ni non. On me passait d’une ligne à l’autre. Je n’obtins jamais de visa pour la RDA et je traversai la frontière en touriste et à pied au poste de Checkpoint Charlie avec l’obligation de rentrer avant minuit comme Cendrillon.
Pas moyen d’entrer, même en touriste, dans le restaurant du Sénat. Je me donne du mal, mais je n’avance pas. Plus je m’acharne, plus je fais du surplace. Loin de moi l’idée de vouloir comparer le respectable service de presse du Sénat aux têtes de béton de la RDA. Mais ce « ni oui ni non », ces mails d’une politesse frigide, ce silence… Chaque fois que je crois tenir le bon bout – un contact en or, une recommandation chaleureuse et personnelle, une sénatrice de ma région qui ne pourra pas rester insensible à ma demande –, chaque fois ma tentative tombe à l’eau. Six mois plus tard, je suis forcée de me rendre à l’évidence. J’ai fini sur une voie de garage. Jamais je ne verrai ce qui se passe à l’emplacement de la croix tracée sur mon plan par l’huissier. Je m’assieds sur une chaise près du bassin du jardin du Luxembourg. Les yeux rivés sur les hautes fenêtres opaques du palais, je me console avec un jambon-beurre.
Le Sénat et le Bundesrat sont aux antipodes. Arrogance française, simplicité allemande. Quand j’appelle au Bundesrat pour demander l’autorisation de jeter un coup d’œil au restaurant de ce haut lieu du fédéralisme à l’allemande, j’ai un peu peur d’être ridicule : comparer les cantines du pouvoir, quelle drôle d’idée ! On va sûrement me prendre pour une foldingue et m’envoyer au diable. Trois jours plus tard, l’attaché de presse me rappelle : « Quel beau projet ! Original ! Enchanté de vous rendre service et de vous ouvrir les portes de notre maison ! » Une voix jeune et sympathique. « Quand cela vous arrangerait-il ? » Je n’ai que l’embarras du choix et j’opte pour un jour de séance plénière. L’affaire est conclue. Une semaine avant notre rendez-vous, l’attaché de presse me rappelle : « Voilà le programme auquel j’ai songé pour vous, cela vous convient-il ? Une demi-heure dans l’hémicycle, cela vous suffira-t-il ? Un guide sera mis à votre disposition pour toute la journée si vous le souhaitez. »
En me présentant à l’entrée du Bundesrat dans la Leipziger Strasse, j’ai un peu l’impression de forcer le trait, d’avoir choisi de comparer ce qui, à coup sûr, frisera la caricature. Des vélos sont garés dans tous les sens devant la porte. La concierge me fait signe de monter et désigne une petite salle d’attente. Je grimpe cinq marches et me voilà dans une jungle de plantes vertes. Un chaos végétal sur le rebord des fenêtres. Les plantes ont débordé des bureaux attenants. Un arrosoir de plastique vert est coincé entre un cactus et un palmier nain. Pour échapper de temps en temps à leur écran, les secrétaires sortent les arroser. C’est une façon de s’approprier l’espace public et de faire jaillir la vie dans ces couloirs moroses. La concierge aussi refuse d’être prisonnière du cadre de ses fonctions. Elle laisse libre cours à ses talents de décoratrice d’intérieur. Selon la saison, elle orne la table basse devant le canapé de cuir noir réservé aux visiteurs qui attendent leur rendez-vous. Petit bouquet de fleurs séchées sur serviette en papier multicolore au printemps, lapins et cloches dans un nid de paille à Pâques, pommes de pin et guirlandes à Noël. C’est le visage gemütlich (encore un adjectif intraduisible entre le cosy anglais et le bon enfant français) de la démocratie allemande. Je m’interdis toute comparaison ! Non, je ne pense ni aux toiles de maître, ni aux bustes de marbre blanc, ni aux lustres qui accueillent le visiteur dans le vestibule du Sénat.
Quand mon guide me fait pénétrer dans la Wandelhalle, je découvre le charme neutre d’un lobby d’hôtel. Trois barres de métal planent au plafond, animées par un petit moteur « soumis à une révision tous les deux ans ». Les Trois Grâces, une sculpture de Rebecca Horn. C’est la seule décoration de ce couloir conçu pour l’efficacité. Je refuse de comparer avec la galerie tout en or du Sénat, au centre de laquelle se dresse le trône de Napoléon – deux sphinges ailées en accoudoir. Mon guide souligne sèchement qu’en Allemagne on refuse ce genre d’excès : « Cela ne correspond pas à notre idée du pouvoir et de la démocratie. »
Ce ne sont pas quatre siècles d’histoire en ligne continue qui vous accueillent dans la salle des pas perdus du Bundesrat, mais des ruptures, des catastrophes, des bombardements, des nouveaux départs. Comparé au Sénat, le Bundesrat est un jouvenceau. Il est tout juste centenaire. La Preussiches Herrenhaus, Chambre haute du Parlement prussien, est inaugurée en 1904. Sous le IIIe Reich, Hermann Göring s’y installe. Il organise des banquets pour dignitaires nazis dans la salle plénière. Pendant la guerre, une bombe au phosphore explose au milieu du bâtiment et détruit tout ce qui n’est pas en pierre. En 1945, le bâtiment, bien amoché, se retrouve en zone soviétique, à quelques mètres du mur qui scie en deux la Potsdamer Platz. Les ailes de ce bâtiment dans un cul-de-sac sont tout juste bonnes à accueillir les archives de l’Académie des sciences de la RDA et la commission du Plan. Il a mauvaise mine, le Bundesrat, sur les photos de la guerre froide. Pendant trente ans, la salle des pas perdus reste murée. La RDA veut éliminer les vestiges de la Prusse. C’est une façon de recouvrir l’histoire. Personne ne met plus les pieds dans ce tombeau humide. La salle des fêtes devient une cantine aux rideaux de tulle et à l’odeur de graillon. Et la salle plénière sert de garde-meuble.
En 1996, quand le déménagement du Bundesrat de Bonn à Berlin est décidé, on se souvient de cette ruine à l’abandon dans la Leipziger Strasse. La surface est idéale, l’emplacement stratégique, et, surtout – c’est l’argument décisif –, cela coûtera moins cher de revenir s’installer ici que de construire du neuf. Le Bundesrat déménage en 2000. Nous avons cessé d’être une grande puissance, clame l’architecture de la salle plénière. Nous assumons la responsabilité de l’histoire allemande ! « Alléger », « rendre transparent » sont les mots d’ordre.
C’est en toute innocence que je demande à voir le restaurant. « Le restaurant ? » sursaute mon guide. Je comprends que je mets cet homme si dévoué dans l’embarras. « Il n’y a pas de restaurant au Bundesrat. Vous voulez dire la cafétéria, madame. »
À la différence de leurs collègues français, les membres du Bundesrat ne siègent à Berlin qu’une matinée par mois. Ils arrivent en voiture au pied du perron et laissent leur manteau sur le siège arrière. Ils n’ont même pas de bureaux ici. Leur métier, ils l’exercent principalement dans leur Land. Le travail se fait en amont. Tout est négocié, structuré et décidé à l’avance. On ne vient à Berlin que pour approuver rapidement les projets de loi. Pas le temps de faire une pause déjeuner. Un restaurant permanent serait donc superflu. Ici on vient pour travailler, pas pour faire la bamboula.
La cafétéria ressemble à la buvette d’une gare de province. Quelques tables éparses et un comptoir pour les commandes. Pas de laquais aux gants blancs à Berlin. Chacun se sert soi-même. Trois ministres présidents se sont retrouvés autour d’une tasse de café. Ils ont retiré leur veste et grignotent un sandwich. Ici chacun débarrasse. Les clients sont priés de déposer leur vaisselle sale sur une étagère. Rien, pas même les tartines, n’est subventionné. Tout le monde paie plein pot.
« Il n’y a pas de cuisi...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Présentation
  3. Du même auteur
  4. Prologue
  5. Portes ouvertes
  6. Les casseroles de la République
  7. Stammtisch aux huîtres
  8. Les murs qui parlent
  9. Où jeter le pot de yaourt ?
  10. À la recherche du modèle allemand
  11. Les mots inexportables
  12. Le sexe des feux de signalisation
  13. L’érotisme de la verrue
  14. Mit Niveau
  15. Qu’est-ce que c’est que ça ?
  16. Mauvais souvenirs
  17. Le château botoxé
  18. Les cantines du pouvoir
  19. 11e commandement : « Tu ne feras pas de grillades au paradis »
  20. Que se cache-t-il sous la serviette du Français ?
  21. Mademoiselle
  22. Macaron XXL
  23. Meurtre à la Philharmonie
  24. RDA, mon amour
  25. La féministe et les talons aiguilles
  26. Comment l’Allemagne apprit à flâner
  27. Ça c’est la liberté !
  28. Un drapeau tricolore dans le S-Bahn
  29. L’odeur de Berlin
  30. Achevé