
- 88 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Ă propos de ce livre
RĂSUMĂ :
L'ouvrage "Jeanne d'Arc" par Jules Michelet explore la vie et l'héritage de l'une des figures les plus emblématiques de l'histoire de France. Michelet, historien renommé du XIXe siÚcle, offre une analyse détaillée et passionnée de Jeanne d'Arc, de sa naissance à Domrémy à son procÚs et exécution à Rouen. à travers une narration riche et vivante, il met en lumiÚre le contexte social et politique de la France médiévale, marquée par la guerre de Cent Ans. Michelet s'attache à restituer la personnalité complexe de Jeanne, une jeune femme animée par une foi inébranlable et une détermination sans faille. Le livre examine comment Jeanne d'Arc, par ses actions et ses visions, a su galvaniser une nation en crise et devenir un symbole de résistance et de patriotisme. Michelet ne se contente pas de relater des faits historiques ; il s'efforce de comprendre et de transmettre l'esprit de son époque, tout en soulignant l'impact durable de Jeanne sur l'identité nationale française. Ce récit captivant transcende le simple cadre historique pour devenir une réflexion sur le courage, la foi et le pouvoir de l'individu face à l'adversité.
L'AUTEUR :
Jules Michelet, nĂ© le 21 aoĂ»t 1798 Ă Paris et mort le 9 fĂ©vrier 1874, est l'un des historiens les plus influents du XIXe siĂšcle. AprĂšs des Ă©tudes brillantes Ă l'Ăcole normale supĂ©rieure, il devient professeur d'histoire et publie ses premiers ouvrages qui lui valent rapidement une reconnaissance acadĂ©mique. Michelet est surtout connu pour son "Histoire de France", une oeuvre monumentale qui redĂ©finit la maniĂšre d'Ă©crire l'histoire en mettant l'accent sur le peuple et les mouvements sociaux. PassionnĂ© par les grandes figures historiques, il consacre une partie de son travail Ă Jeanne d'Arc, qu'il admire profondĂ©ment. Michelet voit en elle un symbole de la France Ă©ternelle, une incarnation de la libertĂ© et de la justice. Son approche humaniste et sa capacitĂ© Ă rendre l'histoire accessible au grand public font de lui un pionnier dans son domaine. En plus de son oeuvre historique, Michelet s'engage politiquement, notamment lors de la RĂ©volution de 1848, ce qui influence ses Ă©crits. Sa vision romantique et patriotique de l'histoire continue d'inspirer historiens et Ă©crivains.
Foire aux questions
Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramÚtres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptĂ©s aux mobiles peuvent ĂȘtre tĂ©lĂ©chargĂ©s via l'application. La plupart de nos PDF sont Ă©galement disponibles en tĂ©lĂ©chargement et les autres seront tĂ©lĂ©chargeables trĂšs prochainement. DĂ©couvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
- Essentiel est idĂ©al pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large Ă©ventail de sujets. AccĂ©dez Ă la BibliothĂšque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, dĂ©veloppement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimitĂ© et une voix standard pour la fonction Ăcouter.
- IntĂ©gral: Parfait pour les apprenants avancĂ©s et les chercheurs qui ont besoin dâun accĂšs complet et sans restriction. DĂ©bloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres acadĂ©miques et spĂ©cialisĂ©s. Le forfait IntĂ©gral inclut Ă©galement des fonctionnalitĂ©s avancĂ©es comme la fonctionnalitĂ© Ăcouter Premium et Research Assistant.
Nous sommes un service d'abonnement Ă des ouvrages universitaires en ligne, oĂč vous pouvez accĂ©der Ă toute une bibliothĂšque pour un prix infĂ©rieur Ă celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! DĂ©couvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Ăcouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'Ă©couter. L'outil Ăcouter lit le texte Ă haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accĂ©lĂ©rer ou le ralentir. DĂ©couvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser lâapplication Perlego sur appareils iOS et Android pour lire Ă tout moment, nâimporte oĂč â mĂȘme hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous ĂȘtes en dĂ©placement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antĂ©rieures. En savoir plus sur lâutilisation de lâapplication.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antĂ©rieures. En savoir plus sur lâutilisation de lâapplication.
Oui, vous pouvez accéder à Jeanne d'Arc par Jules Michelet en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Storia et Storia mondiale. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.
Informations
IV
Le procĂšs. â Jeanne refuse de se soumettre
Ă lâĂglise
Que faisait cependant la prisonniĂšre ? Son corps Ă©tait Ă Beaurevoir, son Ăąme Ă CompiĂšgne ; elle combattait dâĂąme et dâesprit pour le roi, qui lâabandonnait. Elle sentait que sans elle cette fidĂšle ville de CompiĂšgne allait pĂ©rir, et en mĂȘme temps la cause du roi dans tout le nord. DĂ©jĂ elle avait essayĂ© dâĂ©chapper de la tour de Beaulieu. Ă Beaurevoir, la tentation de fuir fut plus forte encore ; elle savait que les Anglais demandaient quâon la leur livrĂąt ; elle avait horreur de tomber entre leurs mains. Elle consultait ses saintes, et nâen obtenait dâautre rĂ©ponse, sinon quâil fallait souffrir, « quâelle ne serait point dĂ©livrĂ©e quâelle nâeĂ»t vu le roi des Anglais », â « Mais, disait-elle en elle-mĂȘme, Dieu laissera-t-il donc mourir ces pauvres gens de CompiĂšgne ? » Sous cette forme de vive compassion, la tentation vainquit. Les saintes eurent beau dire, pour la premiĂšre fois elle ne les Ă©couta point ; elle se lança de la tour et tomba au pied presque morte. RelevĂ©e, soignĂ©e par les dames de Ligny, elle voulait mourir et fut deux jours sans manger.
LivrĂ©e au duc de Bourgogne, elle fut menĂ©e Ă Arras, puis au donjon du Crotoy qui depuis a disparu sous les sables. De lĂ elle voyait la mer, et parfois distinguait les dunes anglaises, la terre ennemie oĂč elle avait espĂ©rĂ© porter la guerre et dĂ©livrer le duc dâOrlĂ©ans. Chaque jour, un prĂȘtre prisonnier disait la messe dans la tour. Jeanne priait ardemment ; elle demandait et elle obtenait. Pour ĂȘtre prisonniĂšre, elle nâagissait pas moins ; tant quâelle Ă©tait vivante, sa priĂšre perçait les murs et dissipait lâennemi.
Au jour mĂȘme quâelle avait prĂ©dit dâaprĂšs une rĂ©vĂ©lation de lâarchange, au 1er novembre, CompiĂšgne fut dĂ©livrĂ©e. Le duc de Bourgogne sâĂ©tait avancĂ© jusquâĂ Noyon, comme pour recevoir lâoutrage de plus prĂšs et en personne. Il fut dĂ©fait encore peu aprĂšs Ă Germigny (20 novembre). Ă PĂ©ronne, Saintrailles lui offrit la bataille, et il nâosa lâaccepter.
Ces humiliations confirmĂšrent sans doute le duc dans lâalliance des Anglais et le dĂ©cidĂšrent Ă leur livrer la Pucelle. Mais la seule menace dâinterrompre le commerce y eĂ»t bien suffi. Le comte de Flandre, tout chevalier quâil se croyait et restaurateur de la chevalerie, Ă©tait au fond le serviteur des artisans et des marchands. Les villes qui fabriquaient le drap, les campagnes qui filaient le lin, nâauraient pas souffert longtemps lâinterruption du commerce et le chĂŽmage : une rĂ©volte eĂ»t Ă©clatĂ©.
Au moment oĂč les Anglais eurent enfin la Pucelle et purent commencer le procĂšs, leurs affaires Ă©taient bien malades. Loin de reprendre Louviers, ils avaient perdu ChĂąteaugaillard ; La Hire qui le prit par escalade, y trouva Barbazan prisonnier, et dĂ©chaĂźna ce redoutĂ© capitaine. Les villes tournaient dâelles-mĂȘmes au parti de Charles VII ; les bourgeois chassaient les Anglais. Ceux de Melun, si prĂšs de Paris, mirent leur garnison Ă la porte.
Pour enrayer, sâil se pouvait, dans cette descente si rapide des affaires anglaises, il ne fallait pas moins quâune grande et puissante machine. Winchester en avait une Ă faire jouer, le procĂšs et le sacre. Ces deux choses devaient agir dâensemble, ou plutĂŽt câĂ©tait mĂȘme chose ; dĂ©shonorer Charles VII, prouver quâil avait Ă©tĂ© menĂ© au sacre par une sorciĂšre, câĂ©tait sanctifier dâautant le sacre dâHenri VI ; si lâun Ă©tait reconnu pour lâoint du diable, lâautre devenait lâoint de Dieu.
Henri entra Ă Paris le 2 dĂ©cembre. DĂšs le 21 novembre, on avait fait Ă©crire lâUniversitĂ© Ă Cauchon pour lâaccuser de lenteur et prier le roi de commencer le procĂšs. Cauchon nâavait nulle hĂąte, il lui semblait dur apparemment de commencer la besogne, quand le salaire Ă©tait encore incertain. Ce ne fut quâun mois aprĂšs quâil se fit donner par le chapitre de Rouen lâautorisation de procĂ©der en ce diocĂšse. Ă lâinstant (3 janvier 1431), Winchester rendit une ordonnance oĂč il faisait dire au roi « quâayant Ă©tĂ© de ce requis par lâĂ©vĂȘque de Beauvais, exhortĂ© par sa chĂšre fille lâUniversitĂ© de Paris, il commandait aux gardiens de conduire lâinculpĂ©e Ă lâĂ©vĂȘque ». Il Ă©tait dit conduire, on ne remettait pas la prisonniĂšre au juge ecclĂ©siastique, on la prĂȘtait seulement, « sauf Ă la reprendre si elle nâĂ©tait convaincue ». Les Anglais ne risquaient rien, elle ne pouvait Ă©chapper Ă la mort ; si le feu manquait, il restait le fer.
Le 9 janvier 1431, Cauchon ouvrit la procĂ©dure Ă Rouen. Il fit siĂ©ger prĂšs de lui le vicaire de lâinquisition et dĂ©buta par tenir une sorte de consultation avec huit docteurs, licenciĂ©s ou maĂźtres Ăšs arts de Rouen. Il leur montra les informations quâil avait recueillies sur la Pucelle. Ces informations prises dâavance par les soins des ennemis de lâaccusĂ©e, ne parurent pas suffisantes aux lĂ©gistes rouennais ; elles lâĂ©taient si peu en effet, que le procĂšs, dâabord dĂ©fini dâaprĂšs ces mauvaises donnĂ©es, procĂšs de magie, devint un procĂšs dâhĂ©rĂ©sie.
Cauchon, pour se concilier ces Normands rĂ©calcitrants, pour les rendre moins superstitieux sur la forme des procĂ©dures, nomma lâun dâeux, Jean de la Fontaine, conseiller examinateur. Mais il rĂ©serva le rĂŽle le plus actif, celui de promoteur du procĂšs, Ă un certain Estivet, un de ses chanoines de Beauvais, qui lâavait suivi. Il trouva moyen de perdre un mois dans ces prĂ©paratifs ; mais enfin, le jeune roi ayant Ă©tĂ© ramenĂ© Ă Londres (9 fĂ©vrier), Winchester, tranquille de ce cĂŽtĂ©, revint vivement au procĂšs ; il ne se fia Ă personne pour en surveiller la conduite ; il crut avec raison que lâĆil du maĂźtre vaut mieux, et sâĂ©tablit Ă Rouen pour voir instrumenter Cauchon.
La premiĂšre chose Ă©tait de sâassurer du moine qui reprĂ©sentait lâinquisition. Cauchon, ayant assemblĂ© ses assesseurs, prĂȘtres normands et docteurs de Paris, dans la maison dâun chanoine, manda lâinquisiteur et le somma de sâadjoindre Ă lui. Le moine rĂ©pondit que « si ses pouvoirs Ă©taient jugĂ©s suffisants, il ferait ce quâil devait faire ». LâĂ©vĂȘque ne manqua pas de dĂ©clarer les pouvoirs bien suffisants. Alors, le moine objecta encore « quâil voudrait bien sâabstenir, tant pour le scrupule de sa conscience que pour la sĂ»retĂ© du procĂšs » ; que lâĂ©vĂȘque devrait plutĂŽt lui substituer quelquâun jusquâĂ ce quâil fĂ»t bien sĂ»r que ses pouvoirs suffisaient.
Il eut beau dire, il ne put Ă©chapper ; il jugea bon grĂ© mal grĂ©. Ce qui sans doute, aprĂšs la peur, aida Ă le retenir, câest que Winchester lui fit allouer vingt sols dâor pour ses peines. Le moine mendiant nâavait peut-ĂȘtre vu jamais tant dâor dans sa vie.
Le 21 fĂ©vrier, la Pucelle fut amenĂ©e devant ses juges. LâĂ©vĂȘque de Beauvais lâadmonesta « avec douceur et charitĂ© », la priant de dire la vĂ©ritĂ© sur ce quâon lui demanderait, pour abrĂ©ger son procĂšs et dĂ©charger sa conscience, sans chercher de subterfuges. â RĂ©ponse : « Je ne sais sur quoi vous me voulez interroger ; vous pourriez bien me demander telles choses que je ne vous dirais point. » Elle consentait Ă jurer de dire vrai sur tout ce qui ne touchait point ses visions : « Mais pour ce dernier point, dit-elle, vous me couperiez plutĂŽt la tĂȘte. » NĂ©anmoins, on lâamena Ă jurer de rĂ©pondre « sur ce qui toucherait la foi ».
Nouvelles instances le jour suivant, 22 fĂ©vrier, et encore le 24. Elle rĂ©sistait toujours : « Câest le mot des petits enfants, quâon pend souvent les gens pour avoir dit la vĂ©ritĂ©. » Elle finit, de guerre lasse, par consentir Ă jurer « de dire ce quâelle saurait sur son procĂšs, mais non tout ce quâelle saurait ».
InterrogĂ©e sur son Ăąge, ses nom et surnom, elle dit quâelle avait environ dix-neuf ans. « Au lieu oĂč je suis nĂ©e, on mâappelait Jehannette et en France Jehanne⊠» Mais quant au surnom (la Pucelle), il semble que, par un caprice de modestie fĂ©minine, elle eĂ»t eu peine Ă le dire ; elle Ă©luda par un pudique mensonge : « Du surnom, je nâen sais rien. »
Elle se plaignait dâavoir les fers aux jambes. LâĂ©vĂȘque lui dit que, puisquâelle avait essayĂ© plusieurs fois dâĂ©chapper, on avait dĂ» lui mettre les fers. « Il est vrai, dit-elle, je lâai fait ; câest chose licite Ă tout prisonnier. Si je pouvais mâĂ©chapper, on ne pourrait me reprendre dâavoir faussĂ© ma foi ; je nâai rien promis. »
On lui ordonna de dire le Pater et lâAve, peut-ĂȘtre dans lâidĂ©e superstitieuse que, si elle Ă©tait vouĂ©e au diable, elle ne pourrait dire ces priĂšres : « Je les dirai volontiers si monseigneur de Beauvais veut mâouĂŻr en confession. » Adroite et touchante demande ; offrant ainsi sa confiance Ă son juge, Ă son ennemi, elle en eĂ»t fait son pĂšre spirituel et le tĂ©moin de son innocence.
Cauchon refusa ; mais je croirais aisĂ©ment quâil fut Ă©mu. Il leva la sĂ©ance pour ce jour, et le lendemain il nâinterrogea pas lui-mĂȘme ; il en chargea lâun des assesseurs.
Ă la quatriĂšme sĂ©ance, elle Ă©tait animĂ©e dâune vivacitĂ© singuliĂšre. Elle ne cacha point quâelle avait entendu ses voix : « Elles mâont Ă©veillĂ©e, dit-elle ; jâai joint les mains, et je les ai priĂ©es de me donner conseil ; elles mâont dit : Demande Ă Notre-Seigneur. â Et quâont-elles dit encore ? â Que je vous rĂ©ponde hardiment. »
« ⊠Je ne puis tout dire ; jâai plutĂŽt peur de dire chose qui leur dĂ©plaise, que je nâai de rĂ©pondre Ă vous⊠Pour aujourdâhui, je vous prie de ne pas mâinterroger. »
LâĂ©vĂȘque insista, la voyant Ă©mue : « Mais, Jehanne, on dĂ©plaĂźt donc Ă Dieu en disant des choses vraies ? â Mes voix mâont dit certaines choses, non pour vous, mais pour le roi. » Et elle ajouta vivement : « Ah ! sâil les savait, il en serait plus aise Ă dĂźner⊠Je voudrais quâil les sĂ»t, et ne pas boire de vin dâici Ă PĂąques. »
Parmi ces naĂŻvetĂ©s, elle disait des choses sublimes : « Je viens de par Dieu ; je nâai que faire ici ; renvoyez-moi Ă Dieu, dont je suis venue⊠»
« Vous dites que vous ĂȘtes mon juge ; avisez bien Ă ce que vous ferez, car vraiment je suis envoyĂ©e de Dieu ; vous vous mettez en grand danger. »
Ces paroles sans doute irritĂšrent les juges, et ils lui adressĂšrent une insidieuse et perfide question, une question telle quâon ne peut sans crime lâadresser Ă aucun homme vivant : « Jehanne, croyez-vous ĂȘtre en Ă©tat de grĂące ? »
Ils croyaient lâavoir liĂ©e dâun lacs insoluble. Dire non, câĂ©tait sâavouer indigne dâavoir Ă©tĂ© lâinstrument de Dieu. Mais dâautre part, comment dire oui ? Qui de nous, fragiles, est sĂ»r ici-bas dâĂȘtre vraiment dans la grĂące de Dieu ? Nul, sinon lâorgueilleux, le prĂ©somptueux, celui justement qui de tous en est le plus loin.
Elle trancha le nĆud avec une simplicitĂ© hĂ©roĂŻque et chrĂ©tienne :
« Si je nây suis, Dieu veuille mây mettre. Si jây suis, Dieu veuille mây tenir. »
Les pharisiens restĂšrent stupĂ©faitsâŠ
Mais avec tout son hĂ©roĂŻsme, câĂ©tait une femme pourtant⊠AprĂšs cette parole sublime, elle retomba, elle sâattendrit, doutant de son Ă©tat, comme il est naturel Ă une Ăąme chrĂ©tienne, sâinterrogeant et tĂąchant de se rassurer : « Ah ! si je savais ne pas ĂȘtre en la grĂące de Dieu, je serais la plus dolente du monde⊠Mais, si jâĂ©tais en pĂ©chĂ©, la voix ne viendrait pas sans doute⊠Je voudrais que chacun pĂ»t lâentendre comme moi-mĂȘme⊠»
Ces paroles rendaient prise aux juges. AprĂšs une longue pause, ils revinrent Ă la charge avec un redoublement de haine, et lui firent coup sur coup les questions qui pouvaient la perdre. Les voix ne lui avaient-elles pas dit de haĂŻr les Bourguignons ?⊠Nâallait-elle pas dans son enfance Ă lâarbre des fĂ©es ? etc. Ils auraient dĂ©jĂ voulu la brĂ»ler comme sorciĂšre.
Ă la cinquiĂšme sĂ©ance, on lâattaqua par un cĂŽtĂ© dĂ©licat, dangereux, celui des apparitions. LâĂ©vĂȘque, devenu tout Ă coup compatissant, mielleux, lui fit faire cette question : « Jehanne, comment vous ĂȘtes-vous portĂ©e depuis samedi ? â Vous le voyez, dit la pauvre prisonniĂšre chargĂ©e de fers, le mieux que jâai pu. »
« Jehanne, jeĂ»nez-vous tous les jours de ce carĂȘme ? â Cela est-il du procĂšs ? â Oui, vraiment. â Eh ! bien, oui, jâai toujours jeĂ»nĂ©. »
On la pressa alors sur les visions, sur un signe qui aurait apparu au dauphin, sur sainte Catherine et saint Michel. Entre autres questions hostiles et inconvenantes, on lui demanda si, lorsquâil lui apparaissait, saint Michel Ă©tait nu ?⊠à cette vilaine question, elle rĂ©pliqua, sans comprendre, avec une puretĂ© cĂ©leste : « Pensez-vous donc que Notre-Seigneur nâait pas de quoi le vĂȘtir ? »
Le 3 mars, autres questions bizarres pour lui faire avouer quelque diablerie, quelque mauvaise accointance avec le diable. « Ce saint Michel, ces saintes, ont-ils un corps, des membres ? Ces figures sont-elles bien des anges ? â Oui, je le crois aussi ferme que je crois en Dieu. » Cette rĂ©ponse fut soigneusement notĂ©e.
Ils passent de lĂ Ă lâhabit dâhomme, Ă lâĂ©tendard : « Les gens dâarmes ne se faisaient-ils pas des Ă©tendards Ă la ressemblance du vĂŽtre ? Ne les renouvelaient-ils pas ? â Oui, quand la lance en Ă©tait rompue. â Nâavez-vous pas dit que ces Ă©tendards leur porteraient bonheur ? â Non, je disais seulement : Entrez hardiment parmi les Anglais, et jây entrais moi-mĂȘme.
â Mais pourquoi cet Ă©tendard fut-il portĂ© en lâĂ©glise de Reims, au sacre, plutĂŽt que ceux des autres capitaines ?⊠â Il avait Ă©tĂ© Ă la peine, câĂ©tait bien raison quâil fĂ»t Ă lâhonneur.
â Quelle Ă©tait la pensĂ©e des gens qui vous baisaient les pieds, les mains et les vĂȘtements ? â Les pauvres gens venaient volontiers Ă moi parce que je ne leur faisais point de dĂ©plaisir ; je les soutenais et dĂ©fendais, selon mon pouvoir. »
Il nây avait pas de cĆur dâhomme qui ne fĂ»t touchĂ© de telles rĂ©ponses. Cauchon crut prudent de procĂ©der dĂ©sormais avec quelques hommes sĂ»rs et Ă petit bruit. Depuis le commencement du procĂšs, on trouve que le nombre des assesseurs varie Ă chaque sĂ©ance ; quelquesuns sâen vont, dâautres viennent. Le lieu des interrogatoires varie de mĂȘme ; lâaccusĂ©e, interrogĂ©e dâabord dans la salle du chĂąteau de Rouen, lâest maintenant dans la prison. Cauchon, « pour ne pas fatiguer les autres », y menait seulement deux assesseurs et deux tĂ©moins (du 10 au 17 mars). Ce qui peut-ĂȘtre lâenhardit Ă procĂ©der ainsi Ă huis clos, câest que dĂ©sormais il Ă©tait sĂ»r de lâappui de lâinquisition ; le vicaire avait enfin reçu de lâinquisiteur gĂ©nĂ©ral de France lâautorisation de juger avec lâĂ©vĂȘque (12 mars).
Dans ces nouveaux interrogatoires, on insiste seulement sur quelques points indiquĂ©s dâavance par Cauchon.
Les voix lui ont-elles commandĂ© cette sortie de CompiĂšgne oĂč elle fut prise ? â Elle ne rĂ©pond pas directement : « Les saintes mâavaient bien dit que je serais prise avant la Saint-Jean, quâil fallait quâil fĂ»t ainsi fait, que je ne devais pas mâĂ©tonner, mais prendre tout en grĂ©, et que Dieu mâaiderait⊠Puisquâil a plu ainsi Ă Dieu, câest pour le mieux que jâai Ă©tĂ© prise.
â Croyez-vous avoir bien fait de partir sans la permission de vos pĂšre et mĂšre ? Ne doit-on pas honorer pĂšre et mĂšre ? â Ils mâont pardonnĂ©. â Pensiez-vous donc ne point pĂ©cher en agissant ainsi ? â Dieu le commandait ; quand jâaurais eu cent pĂšres et cent mĂšres, je serais partie.
â Les voix ne vous ont-elles pas appelĂ©e fille de Dieu, fille de lâĂglise, la fille au grand cĆur ? â Avant que le siĂšge dâOrlĂ©ans ait Ă©tĂ© levĂ©, et depuis, les voix mâont appelĂ©e, et mâappellent tous les jours : « Jehanne la Pucelle, fille de Dieu. »
â Ătait-il bien dâavoir attaquĂ© Paris le jour de la NativitĂ© de Notre-Dame ? â Câest bien fait de garder les fĂȘtes de Notre-Dame ; ce serait bien, en conscience, de les garder tous les jours.
â Pourquoi avez-vous sautĂ© de la tour de Beaurevoir ? (ils auraient voulu lui faire dire quâelle avait voulu se tuer.) â Jâentendais dire que les pauvres gens de CompiĂšgne seraient tuĂ©s tous, jusquâaux enfants de sept ans ; et je savais dâailleurs que jâĂ©tais vendue aux Anglais ; jâaurais mieux aimĂ© mourir que dâĂȘtre entre les mains des Anglais.
â Sainte Catherine et sainte Marguerite haĂŻssent-elles les Anglais ? â Elles aiment ce que Notre-Seigneur aime, et haĂŻssent ce quâil hait. â Dieu hait-il les Anglais ? â De lâamour ou haine que Dieu ...
Table des matiĂšres
- Sommaire
- Lâauteur
- Introduction
- I. Enfance et vocation de Jeanne
- II. Jeanne délivre Orléans et fait sacrer le roi à Reims
- III. Jeanne est trahie et livrée
- IV. Le procĂšs. â Jeanne refuse de se soumettre Ă lâĂglise
- V. La tentation
- VI. La mort
- Page de copyright