Jeanne d'Arc
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Jeanne d'Arc

Du récit au roman national

  1. 88 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Jeanne d'Arc

Du récit au roman national

À propos de ce livre

RÉSUMÉ : L'ouvrage "Jeanne d'Arc" par Jules Michelet explore la vie et l'hĂ©ritage de l'une des figures les plus emblĂ©matiques de l'histoire de France. Michelet, historien renommĂ© du XIXe siĂšcle, offre une analyse dĂ©taillĂ©e et passionnĂ©e de Jeanne d'Arc, de sa naissance Ă  DomrĂ©my Ă  son procĂšs et exĂ©cution Ă  Rouen. À travers une narration riche et vivante, il met en lumiĂšre le contexte social et politique de la France mĂ©diĂ©vale, marquĂ©e par la guerre de Cent Ans. Michelet s'attache Ă  restituer la personnalitĂ© complexe de Jeanne, une jeune femme animĂ©e par une foi inĂ©branlable et une dĂ©termination sans faille. Le livre examine comment Jeanne d'Arc, par ses actions et ses visions, a su galvaniser une nation en crise et devenir un symbole de rĂ©sistance et de patriotisme. Michelet ne se contente pas de relater des faits historiques ; il s'efforce de comprendre et de transmettre l'esprit de son Ă©poque, tout en soulignant l'impact durable de Jeanne sur l'identitĂ© nationale française. Ce rĂ©cit captivant transcende le simple cadre historique pour devenir une rĂ©flexion sur le courage, la foi et le pouvoir de l'individu face Ă  l'adversitĂ©. L'AUTEUR : Jules Michelet, nĂ© le 21 aoĂ»t 1798 Ă  Paris et mort le 9 fĂ©vrier 1874, est l'un des historiens les plus influents du XIXe siĂšcle. AprĂšs des Ă©tudes brillantes Ă  l'École normale supĂ©rieure, il devient professeur d'histoire et publie ses premiers ouvrages qui lui valent rapidement une reconnaissance acadĂ©mique. Michelet est surtout connu pour son "Histoire de France", une oeuvre monumentale qui redĂ©finit la maniĂšre d'Ă©crire l'histoire en mettant l'accent sur le peuple et les mouvements sociaux. PassionnĂ© par les grandes figures historiques, il consacre une partie de son travail Ă  Jeanne d'Arc, qu'il admire profondĂ©ment. Michelet voit en elle un symbole de la France Ă©ternelle, une incarnation de la libertĂ© et de la justice. Son approche humaniste et sa capacitĂ© Ă  rendre l'histoire accessible au grand public font de lui un pionnier dans son domaine. En plus de son oeuvre historique, Michelet s'engage politiquement, notamment lors de la RĂ©volution de 1848, ce qui influence ses Ă©crits. Sa vision romantique et patriotique de l'histoire continue d'inspirer historiens et Ă©crivains.

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Informations

Éditeur
Books on Demand
Année
2022
Imprimer l'ISBN
9782322407453
ISBN de l'eBook
9782322427901
Édition
1
Sujet
Storia

IV
Le procùs. — Jeanne refuse de se soumettre
à l’Église

Que faisait cependant la prisonniĂšre ? Son corps Ă©tait Ă  Beaurevoir, son Ăąme Ă  CompiĂšgne ; elle combattait d’ñme et d’esprit pour le roi, qui l’abandonnait. Elle sentait que sans elle cette fidĂšle ville de CompiĂšgne allait pĂ©rir, et en mĂȘme temps la cause du roi dans tout le nord. DĂ©jĂ  elle avait essayĂ© d’échapper de la tour de Beaulieu. À Beaurevoir, la tentation de fuir fut plus forte encore ; elle savait que les Anglais demandaient qu’on la leur livrĂąt ; elle avait horreur de tomber entre leurs mains. Elle consultait ses saintes, et n’en obtenait d’autre rĂ©ponse, sinon qu’il fallait souffrir, « qu’elle ne serait point dĂ©livrĂ©e qu’elle n’eĂ»t vu le roi des Anglais », — « Mais, disait-elle en elle-mĂȘme, Dieu laissera-t-il donc mourir ces pauvres gens de CompiĂšgne ? » Sous cette forme de vive compassion, la tentation vainquit. Les saintes eurent beau dire, pour la premiĂšre fois elle ne les Ă©couta point ; elle se lança de la tour et tomba au pied presque morte. RelevĂ©e, soignĂ©e par les dames de Ligny, elle voulait mourir et fut deux jours sans manger.
LivrĂ©e au duc de Bourgogne, elle fut menĂ©e Ă  Arras, puis au donjon du Crotoy qui depuis a disparu sous les sables. De lĂ  elle voyait la mer, et parfois distinguait les dunes anglaises, la terre ennemie oĂč elle avait espĂ©rĂ© porter la guerre et dĂ©livrer le duc d’OrlĂ©ans. Chaque jour, un prĂȘtre prisonnier disait la messe dans la tour. Jeanne priait ardemment ; elle demandait et elle obtenait. Pour ĂȘtre prisonniĂšre, elle n’agissait pas moins ; tant qu’elle Ă©tait vivante, sa priĂšre perçait les murs et dissipait l’ennemi.
Au jour mĂȘme qu’elle avait prĂ©dit d’aprĂšs une rĂ©vĂ©lation de l’archange, au 1er novembre, CompiĂšgne fut dĂ©livrĂ©e. Le duc de Bourgogne s’était avancĂ© jusqu’à Noyon, comme pour recevoir l’outrage de plus prĂšs et en personne. Il fut dĂ©fait encore peu aprĂšs Ă  Germigny (20 novembre). À PĂ©ronne, Saintrailles lui offrit la bataille, et il n’osa l’accepter.
Ces humiliations confirmĂšrent sans doute le duc dans l’alliance des Anglais et le dĂ©cidĂšrent Ă  leur livrer la Pucelle. Mais la seule menace d’interrompre le commerce y eĂ»t bien suffi. Le comte de Flandre, tout chevalier qu’il se croyait et restaurateur de la chevalerie, Ă©tait au fond le serviteur des artisans et des marchands. Les villes qui fabriquaient le drap, les campagnes qui filaient le lin, n’auraient pas souffert longtemps l’interruption du commerce et le chĂŽmage : une rĂ©volte eĂ»t Ă©clatĂ©.
Au moment oĂč les Anglais eurent enfin la Pucelle et purent commencer le procĂšs, leurs affaires Ă©taient bien malades. Loin de reprendre Louviers, ils avaient perdu ChĂąteaugaillard ; La Hire qui le prit par escalade, y trouva Barbazan prisonnier, et dĂ©chaĂźna ce redoutĂ© capitaine. Les villes tournaient d’elles-mĂȘmes au parti de Charles VII ; les bourgeois chassaient les Anglais. Ceux de Melun, si prĂšs de Paris, mirent leur garnison Ă  la porte.
Pour enrayer, s’il se pouvait, dans cette descente si rapide des affaires anglaises, il ne fallait pas moins qu’une grande et puissante machine. Winchester en avait une Ă  faire jouer, le procĂšs et le sacre. Ces deux choses devaient agir d’ensemble, ou plutĂŽt c’était mĂȘme chose ; dĂ©shonorer Charles VII, prouver qu’il avait Ă©tĂ© menĂ© au sacre par une sorciĂšre, c’était sanctifier d’autant le sacre d’Henri VI ; si l’un Ă©tait reconnu pour l’oint du diable, l’autre devenait l’oint de Dieu.
Henri entra Ă  Paris le 2 dĂ©cembre. DĂšs le 21 novembre, on avait fait Ă©crire l’UniversitĂ© Ă  Cauchon pour l’accuser de lenteur et prier le roi de commencer le procĂšs. Cauchon n’avait nulle hĂąte, il lui semblait dur apparemment de commencer la besogne, quand le salaire Ă©tait encore incertain. Ce ne fut qu’un mois aprĂšs qu’il se fit donner par le chapitre de Rouen l’autorisation de procĂ©der en ce diocĂšse. À l’instant (3 janvier 1431), Winchester rendit une ordonnance oĂč il faisait dire au roi « qu’ayant Ă©tĂ© de ce requis par l’évĂȘque de Beauvais, exhortĂ© par sa chĂšre fille l’UniversitĂ© de Paris, il commandait aux gardiens de conduire l’inculpĂ©e Ă  l’évĂȘque ». Il Ă©tait dit conduire, on ne remettait pas la prisonniĂšre au juge ecclĂ©siastique, on la prĂȘtait seulement, « sauf Ă  la reprendre si elle n’était convaincue ». Les Anglais ne risquaient rien, elle ne pouvait Ă©chapper Ă  la mort ; si le feu manquait, il restait le fer.
Le 9 janvier 1431, Cauchon ouvrit la procĂ©dure Ă  Rouen. Il fit siĂ©ger prĂšs de lui le vicaire de l’inquisition et dĂ©buta par tenir une sorte de consultation avec huit docteurs, licenciĂ©s ou maĂźtres Ăšs arts de Rouen. Il leur montra les informations qu’il avait recueillies sur la Pucelle. Ces informations prises d’avance par les soins des ennemis de l’accusĂ©e, ne parurent pas suffisantes aux lĂ©gistes rouennais ; elles l’étaient si peu en effet, que le procĂšs, d’abord dĂ©fini d’aprĂšs ces mauvaises donnĂ©es, procĂšs de magie, devint un procĂšs d’hĂ©rĂ©sie.
Cauchon, pour se concilier ces Normands rĂ©calcitrants, pour les rendre moins superstitieux sur la forme des procĂ©dures, nomma l’un d’eux, Jean de la Fontaine, conseiller examinateur. Mais il rĂ©serva le rĂŽle le plus actif, celui de promoteur du procĂšs, Ă  un certain Estivet, un de ses chanoines de Beauvais, qui l’avait suivi. Il trouva moyen de perdre un mois dans ces prĂ©paratifs ; mais enfin, le jeune roi ayant Ă©tĂ© ramenĂ© Ă  Londres (9 fĂ©vrier), Winchester, tranquille de ce cĂŽtĂ©, revint vivement au procĂšs ; il ne se fia Ă  personne pour en surveiller la conduite ; il crut avec raison que l’Ɠil du maĂźtre vaut mieux, et s’établit Ă  Rouen pour voir instrumenter Cauchon.
La premiĂšre chose Ă©tait de s’assurer du moine qui reprĂ©sentait l’inquisition. Cauchon, ayant assemblĂ© ses assesseurs, prĂȘtres normands et docteurs de Paris, dans la maison d’un chanoine, manda l’inquisiteur et le somma de s’adjoindre Ă  lui. Le moine rĂ©pondit que « si ses pouvoirs Ă©taient jugĂ©s suffisants, il ferait ce qu’il devait faire ». L’évĂȘque ne manqua pas de dĂ©clarer les pouvoirs bien suffisants. Alors, le moine objecta encore « qu’il voudrait bien s’abstenir, tant pour le scrupule de sa conscience que pour la sĂ»retĂ© du procĂšs » ; que l’évĂȘque devrait plutĂŽt lui substituer quelqu’un jusqu’à ce qu’il fĂ»t bien sĂ»r que ses pouvoirs suffisaient.
Il eut beau dire, il ne put Ă©chapper ; il jugea bon grĂ© mal grĂ©. Ce qui sans doute, aprĂšs la peur, aida Ă  le retenir, c’est que Winchester lui fit allouer vingt sols d’or pour ses peines. Le moine mendiant n’avait peut-ĂȘtre vu jamais tant d’or dans sa vie.
Le 21 fĂ©vrier, la Pucelle fut amenĂ©e devant ses juges. L’évĂȘque de Beauvais l’admonesta « avec douceur et charitĂ© », la priant de dire la vĂ©ritĂ© sur ce qu’on lui demanderait, pour abrĂ©ger son procĂšs et dĂ©charger sa conscience, sans chercher de subterfuges. — RĂ©ponse : « Je ne sais sur quoi vous me voulez interroger ; vous pourriez bien me demander telles choses que je ne vous dirais point. » Elle consentait Ă  jurer de dire vrai sur tout ce qui ne touchait point ses visions : « Mais pour ce dernier point, dit-elle, vous me couperiez plutĂŽt la tĂȘte. » NĂ©anmoins, on l’amena Ă  jurer de rĂ©pondre « sur ce qui toucherait la foi ».
Nouvelles instances le jour suivant, 22 fĂ©vrier, et encore le 24. Elle rĂ©sistait toujours : « C’est le mot des petits enfants, qu’on pend souvent les gens pour avoir dit la vĂ©ritĂ©. » Elle finit, de guerre lasse, par consentir Ă  jurer « de dire ce qu’elle saurait sur son procĂšs, mais non tout ce qu’elle saurait ».
InterrogĂ©e sur son Ăąge, ses nom et surnom, elle dit qu’elle avait environ dix-neuf ans. « Au lieu oĂč je suis nĂ©e, on m’appelait Jehannette et en France Jehanne
 » Mais quant au surnom (la Pucelle), il semble que, par un caprice de modestie fĂ©minine, elle eĂ»t eu peine Ă  le dire ; elle Ă©luda par un pudique mensonge : « Du surnom, je n’en sais rien. »
Elle se plaignait d’avoir les fers aux jambes. L’évĂȘque lui dit que, puisqu’elle avait essayĂ© plusieurs fois d’échapper, on avait dĂ» lui mettre les fers. « Il est vrai, dit-elle, je l’ai fait ; c’est chose licite Ă  tout prisonnier. Si je pouvais m’échapper, on ne pourrait me reprendre d’avoir faussĂ© ma foi ; je n’ai rien promis. »
On lui ordonna de dire le Pater et l’Ave, peut-ĂȘtre dans l’idĂ©e superstitieuse que, si elle Ă©tait vouĂ©e au diable, elle ne pourrait dire ces priĂšres : « Je les dirai volontiers si monseigneur de Beauvais veut m’ouĂŻr en confession. » Adroite et touchante demande ; offrant ainsi sa confiance Ă  son juge, Ă  son ennemi, elle en eĂ»t fait son pĂšre spirituel et le tĂ©moin de son innocence.
Cauchon refusa ; mais je croirais aisĂ©ment qu’il fut Ă©mu. Il leva la sĂ©ance pour ce jour, et le lendemain il n’interrogea pas lui-mĂȘme ; il en chargea l’un des assesseurs.
À la quatriĂšme sĂ©ance, elle Ă©tait animĂ©e d’une vivacitĂ© singuliĂšre. Elle ne cacha point qu’elle avait entendu ses voix : « Elles m’ont Ă©veillĂ©e, dit-elle ; j’ai joint les mains, et je les ai priĂ©es de me donner conseil ; elles m’ont dit : Demande Ă  Notre-Seigneur. — Et qu’ont-elles dit encore ? — Que je vous rĂ©ponde hardiment. »
« 
 Je ne puis tout dire ; j’ai plutĂŽt peur de dire chose qui leur dĂ©plaise, que je n’ai de rĂ©pondre Ă  vous
 Pour aujourd’hui, je vous prie de ne pas m’interroger. »
L’évĂȘque insista, la voyant Ă©mue : « Mais, Jehanne, on dĂ©plaĂźt donc Ă  Dieu en disant des choses vraies ? — Mes voix m’ont dit certaines choses, non pour vous, mais pour le roi. » Et elle ajouta vivement : « Ah ! s’il les savait, il en serait plus aise Ă  dĂźner
 Je voudrais qu’il les sĂ»t, et ne pas boire de vin d’ici Ă  PĂąques. »
Parmi ces naĂŻvetĂ©s, elle disait des choses sublimes : « Je viens de par Dieu ; je n’ai que faire ici ; renvoyez-moi Ă  Dieu, dont je suis venue
 »
« Vous dites que vous ĂȘtes mon juge ; avisez bien Ă  ce que vous ferez, car vraiment je suis envoyĂ©e de Dieu ; vous vous mettez en grand danger. »
Ces paroles sans doute irritĂšrent les juges, et ils lui adressĂšrent une insidieuse et perfide question, une question telle qu’on ne peut sans crime l’adresser Ă  aucun homme vivant : « Jehanne, croyez-vous ĂȘtre en Ă©tat de grĂące ? »
Ils croyaient l’avoir liĂ©e d’un lacs insoluble. Dire non, c’était s’avouer indigne d’avoir Ă©tĂ© l’instrument de Dieu. Mais d’autre part, comment dire oui ? Qui de nous, fragiles, est sĂ»r ici-bas d’ĂȘtre vraiment dans la grĂące de Dieu ? Nul, sinon l’orgueilleux, le prĂ©somptueux, celui justement qui de tous en est le plus loin.
Elle trancha le nƓud avec une simplicitĂ© hĂ©roĂŻque et chrĂ©tienne :
« Si je n’y suis, Dieu veuille m’y mettre. Si j’y suis, Dieu veuille m’y tenir. »
Les pharisiens restÚrent stupéfaits

Mais avec tout son hĂ©roĂŻsme, c’était une femme pourtant
 AprĂšs cette parole sublime, elle retomba, elle s’attendrit, doutant de son Ă©tat, comme il est naturel Ă  une Ăąme chrĂ©tienne, s’interrogeant et tĂąchant de se rassurer : « Ah ! si je savais ne pas ĂȘtre en la grĂące de Dieu, je serais la plus dolente du monde
 Mais, si j’étais en pĂ©chĂ©, la voix ne viendrait pas sans doute
 Je voudrais que chacun pĂ»t l’entendre comme moi-mĂȘme
 »
Ces paroles rendaient prise aux juges. AprĂšs une longue pause, ils revinrent Ă  la charge avec un redoublement de haine, et lui firent coup sur coup les questions qui pouvaient la perdre. Les voix ne lui avaient-elles pas dit de haĂŻr les Bourguignons ?
 N’allait-elle pas dans son enfance Ă  l’arbre des fĂ©es ? etc. Ils auraient dĂ©jĂ  voulu la brĂ»ler comme sorciĂšre.
À la cinquiĂšme sĂ©ance, on l’attaqua par un cĂŽtĂ© dĂ©licat, dangereux, celui des apparitions. L’évĂȘque, devenu tout Ă  coup compatissant, mielleux, lui fit faire cette question : « Jehanne, comment vous ĂȘtes-vous portĂ©e depuis samedi ? — Vous le voyez, dit la pauvre prisonniĂšre chargĂ©e de fers, le mieux que j’ai pu. »
« Jehanne, jeĂ»nez-vous tous les jours de ce carĂȘme ? — Cela est-il du procĂšs ? — Oui, vraiment. — Eh ! bien, oui, j’ai toujours jeĂ»nĂ©. »
On la pressa alors sur les visions, sur un signe qui aurait apparu au dauphin, sur sainte Catherine et saint Michel. Entre autres questions hostiles et inconvenantes, on lui demanda si, lorsqu’il lui apparaissait, saint Michel Ă©tait nu ?
 À cette vilaine question, elle rĂ©pliqua, sans comprendre, avec une puretĂ© cĂ©leste : « Pensez-vous donc que Notre-Seigneur n’ait pas de quoi le vĂȘtir ? »
Le 3 mars, autres questions bizarres pour lui faire avouer quelque diablerie, quelque mauvaise accointance avec le diable. « Ce saint Michel, ces saintes, ont-ils un corps, des membres ? Ces figures sont-elles bien des anges ? — Oui, je le crois aussi ferme que je crois en Dieu. » Cette rĂ©ponse fut soigneusement notĂ©e.
Ils passent de lĂ  Ă  l’habit d’homme, Ă  l’étendard : « Les gens d’armes ne se faisaient-ils pas des Ă©tendards Ă  la ressemblance du vĂŽtre ? Ne les renouvelaient-ils pas ? — Oui, quand la lance en Ă©tait rompue. — N’avez-vous pas dit que ces Ă©tendards leur porteraient bonheur ? — Non, je disais seulement : Entrez hardiment parmi les Anglais, et j’y entrais moi-mĂȘme.
— Mais pourquoi cet Ă©tendard fut-il portĂ© en l’église de Reims, au sacre, plutĂŽt que ceux des autres capitaines ?
 — Il avait Ă©tĂ© Ă  la peine, c’était bien raison qu’il fĂ»t Ă  l’honneur.
— Quelle Ă©tait la pensĂ©e des gens qui vous baisaient les pieds, les mains et les vĂȘtements ? — Les pauvres gens venaient volontiers Ă  moi parce que je ne leur faisais point de dĂ©plaisir ; je les soutenais et dĂ©fendais, selon mon pouvoir. »
Il n’y avait pas de cƓur d’homme qui ne fĂ»t touchĂ© de telles rĂ©ponses. Cauchon crut prudent de procĂ©der dĂ©sormais avec quelques hommes sĂ»rs et Ă  petit bruit. Depuis le commencement du procĂšs, on trouve que le nombre des assesseurs varie Ă  chaque sĂ©ance ; quelquesuns s’en vont, d’autres viennent. Le lieu des interrogatoires varie de mĂȘme ; l’accusĂ©e, interrogĂ©e d’abord dans la salle du chĂąteau de Rouen, l’est maintenant dans la prison. Cauchon, « pour ne pas fatiguer les autres », y menait seulement deux assesseurs et deux tĂ©moins (du 10 au 17 mars). Ce qui peut-ĂȘtre l’enhardit Ă  procĂ©der ainsi Ă  huis clos, c’est que dĂ©sormais il Ă©tait sĂ»r de l’appui de l’inquisition ; le vicaire avait enfin reçu de l’inquisiteur gĂ©nĂ©ral de France l’autorisation de juger avec l’évĂȘque (12 mars).
Dans ces nouveaux interrogatoires, on insiste seulement sur quelques points indiquĂ©s d’avance par Cauchon.
Les voix lui ont-elles commandĂ© cette sortie de CompiĂšgne oĂč elle fut prise ? — Elle ne rĂ©pond pas directement : « Les saintes m’avaient bien dit que je serais prise avant la Saint-Jean, qu’il fallait qu’il fĂ»t ainsi fait, que je ne devais pas m’étonner, mais prendre tout en grĂ©, et que Dieu m’aiderait
 Puisqu’il a plu ainsi Ă  Dieu, c’est pour le mieux que j’ai Ă©tĂ© prise.
— Croyez-vous avoir bien fait de partir sans la permission de vos pĂšre et mĂšre ? Ne doit-on pas honorer pĂšre et mĂšre ? — Ils m’ont pardonnĂ©. — Pensiez-vous donc ne point pĂ©cher en agissant ainsi ? — Dieu le commandait ; quand j’aurais eu cent pĂšres et cent mĂšres, je serais partie.
— Les voix ne vous ont-elles pas appelĂ©e fille de Dieu, fille de l’Église, la fille au grand cƓur ? — Avant que le siĂšge d’OrlĂ©ans ait Ă©tĂ© levĂ©, et depuis, les voix m’ont appelĂ©e, et m’appellent tous les jours : « Jehanne la Pucelle, fille de Dieu. »
— Était-il bien d’avoir attaquĂ© Paris le jour de la NativitĂ© de Notre-Dame ? — C’est bien fait de garder les fĂȘtes de Notre-Dame ; ce serait bien, en conscience, de les garder tous les jours.
— Pourquoi avez-vous sautĂ© de la tour de Beaurevoir ? (ils auraient voulu lui faire dire qu’elle avait voulu se tuer.) — J’entendais dire que les pauvres gens de CompiĂšgne seraient tuĂ©s tous, jusqu’aux enfants de sept ans ; et je savais d’ailleurs que j’étais vendue aux Anglais ; j’aurais mieux aimĂ© mourir que d’ĂȘtre entre les mains des Anglais.
— Sainte Catherine et sainte Marguerite haïssent-elles les Anglais ? — Elles aiment ce que Notre-Seigneur aime, et haïssent ce qu’il hait. — Dieu hait-il les Anglais ? — De l’amour ou haine que Dieu ...

Table des matiĂšres

  1. Sommaire
  2. L’auteur
  3. Introduction
  4. I. Enfance et vocation de Jeanne
  5. II. Jeanne délivre Orléans et fait sacrer le roi à Reims
  6. III. Jeanne est trahie et livrée
  7. IV. Le procùs. — Jeanne refuse de se soumettre à l’Église
  8. V. La tentation
  9. VI. La mort
  10. Page de copyright