Les carnets de voyage
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Les carnets de voyage

une oeuvre rare de Guy de Maupassant

  1. 410 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Les carnets de voyage

une oeuvre rare de Guy de Maupassant

À propos de ce livre

RÉSUMÉ: "Les carnets de voyage" de Guy de Maupassant est une oeuvre rare qui nous plonge dans les récits de voyage de l'un des maîtres de la littérature française du XIXe siècle. Ce livre, à travers ses pages, nous offre un aperçu des paysages et des cultures que Maupassant a explorés. Connu pour son style d'écriture réaliste et son regard acéré sur la société, Maupassant nous emmène dans un périple à travers l'Europe, capturant les nuances des lieux visités avec une précision littéraire remarquable. Les descriptions vivantes des villes, des campagnes et des peuples rencontrés sont enrichies par les réflexions personnelles de l'auteur, ce qui donne une dimension introspective et philosophique à ces récits. Les lecteurs sont invités à découvrir non seulement les lieux géographiques, mais aussi les paysages intérieurs de l'auteur, révélant ses pensées et ses sentiments face aux découvertes faites lors de ses voyages. Ce livre est une invitation à voyager dans le temps et l'espace, à travers les yeux d'un écrivain dont l'oeuvre continue d'influencer les générations. "Les carnets de voyage" est une lecture essentielle pour ceux qui souhaitent comprendre l'esprit curieux et l'âme sensible de Maupassant, tout en explorant les richesses culturelles et naturelles de l'Europe de son époque.L'AUTEUR: Guy de Maupassant, né le 5 août 1850 à Tourville-sur-Arques, est l'un des écrivains français les plus importants du XIXe siècle. Issu d'une famille de la petite noblesse, il est très tôt exposé à la littérature grâce à sa mère, une femme cultivée qui l'encourage dans cette voie. Maupassant fait ses études à Rouen avant de monter à Paris, où il commence à travailler sous la tutelle de Gustave Flaubert, qui devient son mentor. Sa carrière littéraire débute véritablement dans les années 1880 avec la publication de "Boule de suif", une nouvelle saluée pour son réalisme et sa profondeur psychologique. Il écrit ensuite de nombreux romans et nouvelles, tels que "Bel-Ami", "Pierre et Jean" et "Le Horla", qui explorent des thèmes variés allant de la société bourgeoise à la folie. Maupassant est également connu pour ses récits de voyage, qui reflètent son goût pour l'aventure et la découverte. Malheureusement, sa vie est marquée par des problèmes de santé mentale, et il meurt prématurément à l'âge de 43 ans, le 6 juillet 1893.

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Informations

Année
2022
Imprimer l'ISBN
9782322407439
ISBN de l'eBook
9782322427970
Édition
1
Sujet
Art

AU
SOLEIL

(1884)
Guy de Maupassant

Au Soleil

À Pol Arnault La vie si courte, si longue, devient parfois insupportable. Elle se déroule, toujours pareille, avec la mort au bout. On ne peut ni l'arrêter, ni la changer, ni la comprendre. Et souvent une révolte indignée vous saisit devant l'impuissance de notre effort. Quoi que nous fassions, nous mourrons! Quoi que nous croyions, quoi que nous pensions, quoi que nous tentions, nous mourrons. Et il semble qu'on va mourir demain sans rien connaître encore, bien que dégoûté de tout ce qu'on connaît. Alors on se sent écrasé sous le sentiment de «l'éternelle misère de tout», de l'impuissance humaine et de la monotonie des actions.
On se lève, on marche, on s'accoude à sa fenêtre. Des gens en face déjeunent, comme ils déjeunaient hier, comme ils déjeuneront demain: le père, la mère, quatre enfants. Voici trois ans, la grand-mère était encore là. Elle n'y est plus. Le père a bien changé depuis que nous sommes voisins. Il ne s'en aperçoit pas; il semble content; il semble heureux. Imbécile!
Ils parlent d'un mariage, puis d'un décès, puis de leur poulet qui est tendre, puis de leur bonne qui n'est pas honnête. Ils s'inquiètent de mille choses inutiles et sottes. Imbéciles!
La vue de leur appartement, qu'ils habitent depuis dix-huit ans, m'emplit de dégoût et d'indignation. C'est cela, la vie! Quatre murs, deux portes, une fenêtre, un lit, des chaises, une table, voilà! Prison, prison! Tout logis qu'on habite longtemps devient prison! Oh! Fuir, partir! Fuir les lieux connus, les hommes, les mouvements pareils aux mêmes heures, et les mêmes pensées, surtout!
Quand on est las, las à pleurer du matin au soir, las à ne plus avoir la force de se lever pour boire un verre d'eau, las des visages amis vus trop souvent et devenus irritants, des odieux et placides voisins, des choses familières et monotones, de sa maison, de sa rue, de sa bonne qui vient dire: «que désire Monsieur pour son dîner», et qui s'en va en relevant à chaque pas, d'un ignoble coup de talon, le bord effiloqué de sa jupe sale, las de son chien trop fidèle, des taches immuables des tentures, de la régularité des repas, du sommeil dans le même lit, de chaque action répétée chaque jour, las de soi-même, de sa propre voix, des choses qu'on répète sans cesse, du cercle étroit de ses idées, las de sa figure vue dans la glace, des mines qu'on fait en se rasant, en se peignant, il faut partir, entrer dans une vie nouvelle et changeante.
Le voyage est une espèce de porte par où l'on sort de la réalité connue pour pénétrer dans une réalité inexplorée qui semble un rêve.
Une gare! Un port! Un train qui siffle et crache son premier jet de vapeur! Un grand navire passant dans les jetées, lentement, mais dont le ventre halète d'impatience et qui va fuir là-bas, à l'horizon, vers des pays nouveaux! Qui peut voir cela sans frémir d'envie, sans sentir s'éveiller dans son âme le frissonnant désir des longs voyages?
On rêve toujours d'un pays préféré, l'un de la Suède, l'autre des Indes; celui-ci de la Grèce et celui-là du Japon. Moi, je me sentais attiré vers l'Afrique par un impérieux besoin, par la nostalgie du Désert ignoré, comme par le pressentiment d'une passion qui va naître.
Je quittai Paris le 6 juillet 1881. Je voulais voir cette terre du soleil et du sable en plein été, sous la pesante chaleur, dans l'éblouissement furieux de la lumière. Tout le monde connaît la magnifique pièce de vers du grand poète Leconte de Lisle:
Midi, roi des étés, épandu sur la plaine,
Tombe, en nappes d'argent, des hauteurs du ciel bleu.
Tout se tait. L'air flamboie et brûle sans haleine;
La terre est assoupie en sa robe de feu.
C'est le midi du désert, le midi épandu sur la mer de sable immobile et illimitée qui m'a fait quitter les bords fleuris de la Seine chantés par Mme Deshoulières, et les bains frais du matin, et l'ombre verte des bois, pour traverser les solitudes ardentes.
Une autre cause donnait en ce moment à l'Algérie un attrait particulier. L'insaisissable Bou-Amama conduisait cette campagne fantastique qui a fait dire, écrire et commettre tant de sottises. On affirmait aussi que les populations musulmanes préparaient une insurrection générale, qu'elles allaient tenter un dernier effort, et qu'aussitôt après le Ramadan la guerre éclaterait d'un seul coup par toute l'Algérie. Il devenait extrêmement curieux de voir l'Arabe à ce moment, de tenter de comprendre son âme, ce dont ne s'inquiètent guère les colonisateurs.
Flaubert disait quelquefois: «On peut se figurer le désert, les pyramides, le Sphinx, avant de les avoir vus; mais ce qu'on ne s'imagine point, c'est la tête d'un barbier turc accroupi devant sa porte.»
Ne serait-il pas encore plus curieux de connaître ce qui se passe dans cette tête?

La Mer

Marseille palpite sous le gai soleil d'un jour d'été. Elle semble rire, avec ses grands cafés pavoisés, ses chevaux coiffés d'un chapeau de paille comme pour une mascarade, ses gens affairés et bruyants. Elle semble grise avec son accent qui chante par les rues, son accent que tout le monde fait sonner comme par défi. Ailleurs un Marseillais amuse, et paraît une sorte d'étranger, écorchant le français; à Marseille, tous les Marseillais réunis donne à l'accent une exagération qui prend les allures d'une farce. Tout le monde parler comme ça, c'est trop, troun de l'air! Marseille au soleil transpire, comme une belle fille qui manquerait de soins, car elle sent l'ail, la gueuse, et mille choses encore. Elle sent les innombrables nourritures que grignotent les nègres, les Turcs, les Grecs, les Italiens, les Maltais, les Espagnols, les Anglais, les Corses, et les Marseillais aussi, pécaïre, couchés, assis, roulés, vautrés sur les quais.
Dans le bassin de la Joliette, les lourds paquebots, le nez tourné vers l'entrée du port, chauffent, couverts d'hommes qui les emplissent de paquets et de marchandises.
L'un d'eux, l'Abd-el-Kader, se met tout à coup à pousser des mugissements, car le sifflet n'existe plus; il est remplacé par une sorte de cri de bête, une voix formidable qui sort du ventre fumant du monstre.
Le vaste navire quitte son point d'attache, passe doucement au milieu de ses frères encore immobiles, sort du port, et, brusquement, le capitaine ayant jeté par son porte-voix qui descend dans les profondeurs du bateau, le commandement: «En route», il s'élance, pris d'une ardeur, ouvre la mer, laisse derrière lui un long sillage, pendant que fuient les côtes et que Marseille s'enfonce à l'horizon.
C'est l'heure du dîner, à bord. Peu de monde. On ne se rend guère en Afrique en juillet. Au bout de la table, un colonel, un ingénieur, un médecin, deux bourgeois d'Alger avec leurs femmes.
On parle du pays où l'on va, de l'administration qu'il lui faut.
Le colonel réclame énergiquement un gouvernement militaire, parle tactique dans le désert et déclare que le télégraphe est inutile et même dangereux pour les armées. Cet officier supérieur a dû éprouver quelque désagrément de guerre par la faute du télégraphe.
L'ingénieur voudrait confier la colonie à un inspecteur général des ponts et chaussées qui ferait des canaux, des barrages, des routes et mille autres choses.
Le capitaine du bâtiment laisse entendre, avec esprit, qu'un marin ferait bien mieux l'affaire, l'Algérie n'étant abordable que par mer.
Les deux bourgeois signalent les fautes grossières du gouverneur; et chacun rit, s'étonnant qu'on puisse être aussi maladroit.
Puis on remonte sur le pont. Rien que la mer, la mer calme, sans un frisson, et dorée par la lune. Le lourd bateau paraît glisser dessus, laissant derrière lui un long sillage bouillonnant, où l'eau battue semble du feu liquide.
Le ciel s'étale sur nos têtes, d'un noir bleuâtre, ensemencé d'astres que voile par instants l'énorme panache de fumée vomie par la cheminée; et le petit fanal en haut du mât a l'air d'une grosse étoile se promenant parmi les autres. On n'entend rien que le ronflement de l'hélice dans les profondeurs du navire. Qu'elles sont charmantes, les heures tranquilles du soir sur le pont d'un bâtiment qui fuit!
Toute la journée du lendemain, on pense étendu sous la tente, avec l'Océan de tous les côtés. Puis la nuit revient, et le jour reparaît. On a dormi dans l'étroite cabine, sur la couchette en forme de cercueil. Debout, il est quatre heures du matin.
Quel réveil! Une longue côte, et là-bas, en face, une tache blanche qui grandit - Alger!

Alger

Féerie inespérée et qui ravit l'esprit! Alger a passé mes attentes. Qu'elle est jolie, la ville de neige sous l'éblouissante lumière! Une immense terrasse longe le port, soutenue par des arcades élégantes. Au-dessus s'élèvent de grands hôtels européens et le quartier français, au-dessus encore s'échelonne la ville arabe, amoncellement de petites maisons blanches, bizarres, enchevêtrées les unes dans les autres, séparées par des rues qui ressemblent à des souterrains clairs. L'étage supérieur est supporté par des suites de bâtons peints en blanc; les toits se touchent. Il y a des descentes brusques en des trous habités, des escaliers mystérieux vers des demeures qui semblent des terriers pleins de grouillantes familles arabes. Une femme passe, grave et voilée, les chevilles nues, des chevilles peu troublantes, noires des poussières accumulées sur les sueurs.
De la pointe de la jetée le coup d'oeil sur la ville est merveilleux. On regarde, extasié, cette cascade éclatante de maisons dégringolant les unes sur les autres du haut de la montagne jusqu'à la mer. On dirait une écume de torrent, une écume d'une blancheur folle; et, de place en place, comme un bouillonnement plus gros, une mosquée éclatante luit sous le soleil.
Partout grouille une population stupéfiante. Des gueux innombrables vêtus d'une simple chemise, ou de deux tapis cousus en forme de chasuble, ou d'un vieux sac percé de trous pour la tête et les bras, toujours nu-jambes et nu-pieds, vont, viennent, s'injurient, se battent, vermineux, loqueteux, barbouillés d'ordure et puant la bête.
Tartarin dirait qu'ils sentent le «Teur» (Turc) et on sent le Teur partout ici.
Puis il y a tout un monde de mioches à la peau noire, métis de Kabyles, d'Arabes, de nègres et de Blancs, fourmilière de cireurs de bottes, harcelants comme des mouches, cabriolants et hardis, vicieux à trois ans, malins comme des singes, qui vous injurient en arabe et vous poursuivent en français de leur éternel «cïé mosieu». Ils vous tutoient et on les tutoie. Tout le monde ici d'ailleurs se dit «Tu». Le cocher qu'on arrête dans la rue vous demande: «Où je mènerai Toi.» Je signale cet usage aux cochers parisiens qui sont dépassés en familiarité.
J'ai vu le jour même de mon arrivée un petit fait sans importance et qui pourtant résume à peu près l'histoire de l'Algérie et de la colonisation.
Comme j'étais assis devant un café, un jeune moricaud s'empara, de force, de mes pieds et se mit à les cirer avec une énergie furieuse. Après qu'il eut frotté pendant un quart d'heure et rendu le cuir de mes bottines plus luisant qu'une glace, je lui donnai deux sous. Il prononça «méci mosieu», mais ne se releva pas. Il restait accroupi entre mes jambes, tout à fait immobile, roulant des yeux comme s'il se fût trouvé malade. Je lui dis: «Va-t'en donc, arbico.» Il ne répondit point, ne remua pas, puis, tout à coup, saisissant à pleins bras sa boîte de cirage il s'enfuit de toute sa vitesse. Et j'aperçus un grand nègre de seize ans qui se détachait d'une porte où il s'était caché et s'élançait sur mon cireur. En quelques bonds il l'eut rejoint, puis il le gifla, le fouilla, lui arracha ses deux sous qu'il engloutit dans sa poche et s'en alla tranquillement en riant, pendant que le misérable volé hurlait d'une épouvantable façon.
J'étais indigné. Mon voisin de table, un officier d'Afrique, un ami, me dit: «Laissez donc, c'est la hiérarchie qui s'établit. Tant qu'ils ne sont pas assez forts pour prendre les sous des autres, ils cirent. Mais dès qu'ils se sentent en état de rouler les plus petits ils ne font plus rien. Ils guettent les cireurs et les dévalisent. Puis, mon compagnon ajouta en riant: Presque tout le monde en fait autant ici.»
Le quartier européen d'Alger, joli de loin, a, vu de près, un aspect de ville neuve poussée sous un climat qui ne lui conviendrait point. En débarquant, une large enseigne vous tire l'oeil: «Skating-Rink algérien»; et, dès les premiers pas, on est saisi, gêné, par la sensation du progrès mal appliqué à ce pays, de la civilisation brutale, gauche, peu adaptée aux moeurs, au ciel et aux gens. C'est nous qui avons l'air de barbares au mi-lieu de ces barbares, brutes il est vrai, mais qui sont chez eux, et à qui les siècles ont appris des coutumes dont nous semblons n'avoir pas encore compris le sens.
Napoléon III a dit un mot sage (peut-être soufflé par un ministre): «Ce qu'il faut à l'Algérie, ce ne sont pas des conquérants, mais des initiateurs.» Or nous sommes restés des conquérants brutaux, maladroits, infatués de nos idées toutes faites. Nos moeurs imposées, nos maisons parisiennes, nos usages choquent sur ce sol comme des fautes grossières d'art, de sagesse et de compréhension. Tout ce que nous faisons semble un contresens, un défi à ce pays, non pas tant à ses habitants premiers qu'à la terre elle-même.
J'ai vu quelques jours après mon arrivée un bal en plein air à Mustapha. C'était la fête de Neuilly. Des boutiques de pain d'épice, des tirs, des loteries, le jeu des poupées et des couteaux, des somnambules, des femmes-silures, et des calicots dansant avec des demoiselles de magasin les vrais quadrilles de Bullier, tandis que derrière l'enceinte où l'on payait pour entrer, dans la plaine large et sablonneuse du champ de manoeuvres, des centaines d'Arabes, couchés, sous la lune, immobiles en leurs loques blanches, écoutaient gravement les refrains des chahuts sautés par les Français.

La Province
D’Oran

Pour aller d'Alger à Oran il faut un jour en chemin de fer. On traverse d'abord la plaine de la Mitidja, fertile, ombragée, peuplée. Voilà ce qu'on montre au nouvel arrivé pour lui prouver la fécondité de notre colonie. Certes la Mitidja et la Kabylie sont deux admirables pays. Or la Kabylie est actuellement plus habitée que le Pas-de-Calais par kilomètre carré; la Mitidja le sera bientôt autant. Que veut-on coloniser par là? Mais je reviendrai sur ce sujet.
Le train roule, avance; les plaines cultivées disparaissent; la terre devient nue et rouge, la vraie terre d'Afrique. L'horizon s'élargit, un horizo...

Table des matières

  1. Sommaire
  2. Au Soleil
  3. SUR L’EAU
  4. LA VIE ERRANTE
  5. Page de copyright