
- 292 pages
- French
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- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
RÉSUMÉ :
"Lettres à la fiancée (1820-1822)" est une collection de lettres écrites par Victor Hugo à sa bien-aimée Adèle Foucher, offrant un aperçu intime de la jeunesse et des premières passions de l'un des plus grands écrivains français. À travers ces lettres, Hugo révèle non seulement son amour profond et persistant pour Adèle, mais aussi ses réflexions sur la société, la littérature et ses ambitions personnelles. Ce recueil témoigne de la période où Hugo, alors jeune poète en devenir, navigue entre ses aspirations littéraires et sa vie personnelle tumultueuse. Les lettres, empreintes de romantisme et de lyrisme, illustrent la force des sentiments qui ont motivé Hugo tout au long de sa carrière. Elles montrent également comment ses expériences personnelles ont influencé son oeuvre, en particulier ses thèmes récurrents de l'amour, du sacrifice et de la quête de justice. Ce document précieux offre aux lecteurs une chance unique de découvrir le côté personnel et vulnérable de Victor Hugo, au-delà de sa stature d'écrivain monumental. Les lettres sont non seulement une déclaration d'amour, mais également une fenêtre sur l'esprit créatif d'un jeune homme en pleine ébullition intellectuelle, à la veille de devenir une figure emblématique de la littérature française.
L'AUTEUR :
Victor Hugo, né le 26 février 1802 à Besançon, est l'une des figures emblématiques de la littérature française. Romancier, poète, dramaturge et homme politique, il a marqué le XIXe siècle par son oeuvre prolifique et son engagement social. Fils d'un général de l'Empire, Hugo a passé son enfance entre la France et l'Italie, ce qui a nourri son imaginaire et influencé ses écrits. En 1822, il épouse Adèle Foucher, son amour de jeunesse, avec qui il aura cinq enfants. Ses oeuvres, telles que "Les Misérables" et "Notre-Dame de Paris", sont devenues des classiques de la littérature mondiale, explorant des thèmes universels tels que la justice sociale, l'amour et la rédemption. En plus de sa carrière littéraire, Hugo s'est engagé politiquement, notamment en s'opposant à Napoléon III, ce qui lui a valu l'exil pendant près de vingt ans. Il a également été un fervent défenseur des droits de l'homme et a milité contre la peine de mort. Ses contributions à la littérature et à la société ont fait de lui une icône nationale, et son influence perdure bien au-delà de sa mort, survenue le 22 mai 1885 à Paris.
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Informations

1822
Vendredi (8 février).
Chère amie, ma femme, mon Adèle, de grâce, ne me tourmente plus comme tu l'as fait hier soir après m'avoir rendu si heureux. Je ne sais plus que te dire, car tu doutes encore de mon estime, et il faut pour cela que tu oublies bien vite mes paroles ou que tu n'y croies pas. Et qui donc pourrais-je estimer, qui pourrais-je admirer sur la terre si je n'estimais, si je n'admirais pas mon Adèle ?
Si je ne craignais d'effrayer ta modestie, je te retracerais tous les titres auxquels tu peux prétendre, non seulement à l'estime et à l'enthousiasme de ton mari, mais encore à l'estime et à l'enthousiasme de tous ceux qui t'approchent et ont des yeux, des oreilles et une âme pour t'apprécier. Je te parlerais d'une jeune fille douée de l'âme la plus noble, la plus tendre et la plus candide, charmante sans coquetterie, plus belle encore par sa pudeur que par ses grâces, pleine d'esprit et de simplicité, aussi vierge par ses pensées que par ses actions, constamment douce et généreuse, n'estimant les plaisirs que ce qu'ils valent, soumise à ses devoirs, toujours prête à pardonner dans les autres les défauts et les fautes qui ne sont pas dans sa nature, et n’ayant elle-même d'autre défaut qu'une modestie excessive qui lui fait méconnaître ses avantages, modestie dont les autres abusent, et qui l'empêchera peut-être même de se reconnaître dans ce portrait. Te voilà cependant, Adèle, telle que tu es dans le coeur de ton Victor, de celui qui te connaît le mieux au monde, et qui est trop intéressé pour n'avoir pas étudié ton caractère avec la plus scrupuleuse attention. Sois bien convaincue en outre, chère amie, que je considérerais comme un crime de te dire une seule parole qui ne fût pas dans mon coeur ; il est de ton devoir de m'accorder une confiance aveugle, et je serais un homme lâche et vil si j'abusais de cette confiance. Quand je t'adresse une louange ou un reproche, c'est parce que cette louange et ce reproche me semblent la vérité, et que je serais coupable si je ne te disais pas ce qui me semble la vérité. Je puis me tromper, mais te tromper, jamais. Ainsi, de deux choses l’une, ou tu dois croire à ma plus haute, à ma plus profonde estime, ou me mépriser comme un imprudent menteur. Choisis.
Je t’ai parlé dans ma dernière lettre d'une soirée passée avec ton frère seulement dans la maison d'une artiste (sorte de maison toujours peu considérée) et prolongée jusqu'à trois heures du matin. J'avais trouvé cela inconvenant, à Dieu ne plaise pourtant que j'en aie jamais tiré aucune conclusion injurieuse pour toi, l'être le plus chaste et le plus pur que je connaisse. Je pensais seulement qu'il y avait là quelque chose qui blessait les bienséances et je t'en ai avertie avec ma franchise ordinaire. Je ne suis pas fâché de te dire ceci avant d'avoir lu ces explications que tu m'as annoncées et qui ne serviront qu’à me confirmer dans la conviction que tu n’as rien fait de répréhensible. Quant aux artistes, je t'ai toujours conseillé de ne pas les voir. J'ai toujours pensé de même sur cette profession qui déconsidère, certes, les femmes, puisqu'elle déconsidère les hommes. Va voir dans la société quelle place y occupent les artistes, depuis le musicien qui joue dans un salon pour vingt-cinq louis, jusqu’au sculpteur auquel le premier richard venu commande et marchande son buste. Je sais qu'une très grande célébrité rachète tout, mais un comédien ne jouit-il pas du même privilège ? Je ne doute pas que ces idées ne s'accordent avec les tiennes. Ainsi n'en parlons plus.
Dis-moi donc, chère amie, ce qu'il y a de coupable à permettre à ton mari de t'embrasser ? Je n'y vois, moi, que beaucoup de générosité de ta part, car je n'ai pas la présomption de croire que tu trouves à ces caresses si douces et si innocentes le même bonheur que moi. Mon Adèle, ma bien-aimée Adèle, ne m'appartiens-tu pas tout entière ? Je suis le seul homme devant lequel doivent tomber ces voiles de pudeur, de réserve et de retenue qui t'enveloppent pour tous les autres. Qu'y a-t-il de plus virginal que le baiser d'un amour pur et fidèle, qui n’a d'autre but que les plaisirs permis du mariage ? Adèle, dans ces moments délicieux qu'y a-t-il dans nos âmes que les anges ne puissent lire ? Ne sommes-nous pas éternellement l'un à l'autre ? N'avons-nous pas été créés l'un pour l'autre ? Me diras-tu maintenant que je ne suis pas ton mari aux yeux des hommes et que demain je pourrais rompre notre union ? Non ; car il est impossible que je devienne un infâme et exécrable suborneur. Si tu m'estimes un peu, chère Adèle, ne répète pas de pareilles suppositions. Une caresse de ma femme m'a-t-elle jamais rendu moins respectueux ? Ces preuves précieuses de ton affection n'ont jamais fait qu'accroître ma reconnaissance pour toi. Pourquoi donc te les reprocher, toi qui es ma consolation, mon orgueil et ma joie ? Vis donc en paix avec ta conscience, qui n'a rien absolument à te reprocher, si ce n'est de tourmenter quelquefois ton Victor, en le forçant à te répéter ce qu'il t'a déjà dit cent fois, et à te prouver qu'il ne te méprise pas, à toi qu'il aime avec l'enthousiasme le plus ardent et le plus réfléchi. Adieu, mon Adèle adorée, je t'embrasse pour te punir.
V.
J'ignore si tu pourras lire ce griffonnage. Je tâcherai de te le remettre ce soir. Tu auras le reste de la lettre demain. Adieu, adieu.
Ton mari qui est indigne d'être même ton esclave.
Samedi (9 février).
Me voici seul dans cette triste chambre, comptant toutes les heures qui séparent le matin du soir ; elles sont bien longues. Que vais-je t’écrire ? J’ai le coeur plein et la tête vide. Je voudrais ne te parler que de toi, de notre amour, de nos espérances ou de nos craintes, et alors je n'aurais pas de paroles pour mes idées ; mais il faut t'entretenir de choses insipides, de ces caquets importuns qui t'affligent et me sont par conséquent odieux ; il faut te démontrer que ces causeries sont aussi insignifiantes que les oisifs qu'elles occupent, te rassurer, te consoler sur des choses qui ne devraient te causer ni alarmes, ni chagrins.
Que peut-on dire, en effet, mon Adèle ? Que je vais t’épouser ? Eh bien ! En rougis-tu ou en doutes-tu ?
Tu crains peut-être qu'on n'ajoute que tu m'aimes.
Si tu crains cela, c'est que tu ne m’aimes pas ; quand on aime, on est fier d’aimer. Ne te méprends pas, chère amie, au sens de ces mots ; je ne prétends pas dire par là que tu doives être fière de celui que tu aimes ; c'est un bonheur dont je suis loin d'être digne. Mais tu dois être fière d'avoir une âme capable de sentir l'amour, cette passion grande, noble, chaste, et la seule éternelle de toutes les passions qui tourmentent l'homme dans la vie. L'amour, dans son acception divine et véritable, suppose dans l'être qui l'éprouve toutes les vertus, comme chez toi, ou le désir de les avoir toutes comme chez moi. Un amour pareil à celui que j'ai pour toi, mon Adèle, élève tous les sentiments au-dessus de la misérable sphère humaine, on est lié à un ange qui nous soulève sans cesse vers le ciel. Ce langage paraîtrait bizarre à une femme ordinaire, toi, tu es faite pour le comprendre puisque tu l'inspires.
Nous voici loin en apparence des commérages ridicules dont je voulais t'entretenir. Si nous n'étions pas destinés l'un à l'autre, Adèle, je les ferais cesser en disparaissant. C'est le seul moyen de fermer les bouches, et encore ne réussit-il pas toujours.
Aujourd'hui c'est à toi de voir si cela est nécessaire ; si tu le juges ainsi, je t'obéirai, je viendrai moins souvent ou je ne viendrai plus, jusqu'à ce que mon sort soit fixé. Si les choses te semblent mieux ainsi, ce sera pour moi une preuve que j'en souffrirai seul et alors je me résignerai à souffrir, en attendant le temps où cette souffrance cessera. Je te l'ai déjà dit, il n'y a que deux grands évènements dans mon avenir : l'un est le bonheur, l'autre n’est ni le bonheur, ni le malheur. Dans les deux cas, je ne souffrirai plus.
Ce sont des idées graves et solennelles sur lesquelles je médite souvent, et dont je ne t'entretiens qu'avec répugnance, parce que ce ne sont encore que des idées, et des idées non exécutées ne sont qu'un assemblage de mots plus ou moins sonores. Un jour, soit que la belle et dernière espérance qui me reste, celle d'être à toi, s'évanouisse ou s'accomplisse, tu reliras ces lignes et tu verras si j'avais dit vrai ou faux. C'est dans cette confiance que je les trace.
Je m'aperçois que je m'écarte à chaque instant de l'objet de cette lettre. Je te remercie, mon Adèle, de m'avoir communiqué le chagrin que te causent les propos qu'on t'a répétés avec autant de sottise que de malice. Si tu penses que je puisse continuer à te voir, ils me démontrent plus encore la nécessité de hâter de tout mon pouvoir l'instant si désiré de notre mariage. Cette nécessité ne serait pas là, que mon impatience y suppléerait, certes, et bien au delà. Hélas ! Qui peut souhaiter une telle félicité plus ardemment que moi ? Si, pour en accélérer l'époque, je ne fais rien de contraire à mon caractère, ce sera une forte preuve en ma faveur. Il y a des instants, Adèle, où je me sentirais capable de descendre à tout pour arriver plus vite à ce but tant souhaité ; et puis je me réveille, révolté contre moi-même, et me demandant si ce serait en effet y arriver qu'y arriver indigne de toi. Chère amie, c'est une cruelle position que celle d'un jeune homme indépendant par ses principes, ses affections et ses désirs et dépendant par son âge et par sa fortune. Oui, si je sors de cette épreuve pur comme j’y suis entré, je me croirai en droit d'avoir quelque estime pour moi-même.
J’ai bien des soucis à fouler sous mes pieds, car il faut travailler malgré tant d'agitations. Qu'ils se trompent, ceux qui pensent que parmi tous mes voeux, il y a quelque chose pour la gloire, l'illustration, et toutes les grandes petitesses dont on ne peut remplir sa vie qu'au pis-aller et lorsqu’elle est vide d'amour. J'ai consacré mon existence à un dévouement, comme d'autres la sacrifient à une ambition.
Pèse toutes ces paroles, tu y trouveras, Adèle, un amour profond, et si tu m'aimes aussi, tu en seras joyeuse. Je t'envie quelquefois d'être aimée comme je t'aime. Toi, tu m'aimes beaucoup, et voilà tout !
En quoi tes parents peuvent-ils être contrariés qu'on désigne leur fille comme devant être ma femme ? Je sens qu'ils voudraient l'aveu de mon père, ils ont raison sous beaucoup de rapports, et je ferai là-dessus tout ce qui leur plaira. Ce ne sera, certes, jamais moi, le plus impatient des jeunes hommes, qui parlerai de patience. à Dreux, toute ma vie s'est décidée. Je te conterai, quelque jour, ce voyage de Dreux. Tu verras combien je t'ai toujours aimée, même quand je pouvais me croire oublié.
Adieu, Adèle, renvoie-moi encore ou méprise tous les sots propos. On ne peut médire de toi et qui oserait te calomnier ? Adieu, bien chère amie, je t’embrasse tendrement.
Victor.
Cette lettre est bien grave, ma bien-aimée Adèle, j'ajoute cette ligne pour te dire et te redire combien je t'aime .
Si tu me pardonnes les sots caquets dont je suis cause (et que ne pardonnes-tu pas ? ) pense à moi, chère amie, et écris-moi bien long.
Ta douleur de côté m'a bien tourmenté hier soir.
Parle-m'en, de grâce, ton mari doit être ton confident.
Samedi, 9 h du soir (9 février).
Que t'ai-je fait, mon Adèle, pour que tu me reparles encore de tes cruels doutes sur mon estime ? Certes, ces doutes ne seraient-ils pas bien mieux placés dans mon âme, quand je te vois me témoigner tant de défiance, et si peu de foi dans mes paroles ?
Est-ce m'estimer que de paraître ne pas croire encore ce que je t'ai dit le plus souvent dans ma vie ?
Est-ce m'estimer que de penser que mon amour puisse être fondé sur une autre base que l’admiration la plus vive et le respect le plus profond ? Chère amie, si j'ai pris du fond de l'âme la résolution de marcher noblement et sans fléchir dans cette vie où les prospérités ne s'achètent que trop souvent par des bassesses, sois-en convaincue, mon Adèle bien-aimée, c’est à ma passion enthousiaste pour toi que je le dois. Si je ne t’avais pas connue, toi le plus pur et le plus adorable de tous les êtres, qui sait ce que j'aurais été ? ô Adèle, c'est ton image gravée dans mon coeur qui y a développé le germe du peu de vertus que je puis avoir. Dieu me garde d'enlever à ma vénérable mère ce que je lui dois ; mais il est incontestable que si j'ai eu la force de pratiquer dans toute leur vigueur les principes sévères dont elle m'a nourri, c’est parce que j'aimais une angélique jeune fille dont je voulais ne pas être trop indigne.
Que les observations naturelles qui t'ont affligée hier ne m'attirent donc pas de ta part ce reproche insupportable de ne pas t'estimer. Moi, ne pas t'estimer ! Il me semble que je rêve quand je relis cette partie de ta lettre, si douce et si tendre d'ailleurs ! J'ai été étonné hier croyant d’abord que tu ne partageais pas ma répugnance pour l'inconvenance que je t'avais signalée, j'ai été, je l'avoue, bien étonné et bien affligé ; mais quand tu m'as fait reconnaître en t’expliquant que c’était un malentendu, mon coeur a été soulagé et je n’ai plus eu d’autre peine que le regret de t'en avoir tant causé. Maintenant tes parents ont sans doute senti d'eux-mêmes l'inconvenance qui m'avait tant blessé ; ainsi j'ai un chagrin de moins. J'ai voulu t'écrire tout cela ce soir, parce que ton reproche me pesait sur le coeur. Dieu ! Pourquoi les expressions me manquent-elles ? Tu verrais, ange, quel temple l'amour le plus ardent t'a élevé dans l'âme de ton Victor, à présent ne m'accuse pas de folie, songe que le sentiment que tu inspires doit être aussi au-dessus des passions ordinaires, que tu es toi-même supérieure aux créatures vulgaires.
Adieu, mon Adèle adorée, tu dors sans doute en ce moment. Quand donc n'en serai-je plus réduit à des conjectures ? Quand donc pourrai-je me dispenser de te demander des nouvelles de ta nuit ?
à demain. Mille caresses et mille baisers pour te punir de me reprocher mon défaut d'estime.
Ton respectueux et fidèle mari, Victor.
Dimanche (10 février).
Mes dernières paroles hier ont été : dors bien ; les tiennes : adieu, Monsieur Victor . Et cependant aujourd'hui je t'écris, aujourd'hui je suis prêt à me mettre à tes pieds, à m'accuser de tout, à te demander grâce de tous les torts dont je me suis sans doute rendu coupable à mon insu. Tu ne trouveras dans cette lettre, mon Adèle adorée, rien qui ressemble à un reproche, à une récrimination. Tu étaissouffrante hier soir, certainement j'ai tort, et seul tort. Cette nuit, je voulais t'écrire une lettre où je t'aurais raconté quelques preuves d'attachement que je t'ai données et que tu ignores, afin de te montrer que si l’un de nous deux a donné à l’autre lorsqu'il était malheureux des marques d'indifférence, ce n’est pas moi.
Hier cependant tu m'as fait un peu légèrement peut-être un reproche bien grave, je riais pendant que tu pleurais /non, Adèle, je ne te donnerai point d'explications amères, j'imposerai silence à tout ce qui se révolte chez moi à une pareille accusation. Puisque tu étais malade, je consentirai à ce que tu me punisses d'un tort involontaire comme d’une faute préméditée. Chère amie, je me borne à t'assurer que je ne t'ai point vue peurer, que j'ignorais ton chagrin, n'en comprenant pas encore à présent tout à fait la cause. Ensuite, je sais que je n'étais guère disposé hier à rire, comme ma lettre a pu te le prouver ; seulement il faut faire bonne contenance, et tu auras jugé comme tous les autres qui prennent un rire obligé et souvent pénible pour une gaîté réelle. Je ne me doutais pas de savoir si bien dissimuler. Je me borne à t'assurer tout cela, je ne te le jure point, car si tu ne me crois pas sur une simple affirmation, me croiras-tu sur un serment ?
Sois bien convaincue, ma bien-aimée Adèle, qu’il n'y a en ce moment rien contre toi dans mon coeur.
Je te plains d'être souffrante, je t'admire, je t'adore et te respecte comme toujours. Je voudrais même que tu ignorasses combien tu m'as fait de mal en me menaçant de garder toute ta vie le souvenir d'un tort dont j'ignorais être coupable. Je me bornerai, chère amie, à fair...
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