Jean-René, fusillé le 11 août 1942
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Jean-René, fusillé le 11 août 1942

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Jean-René, fusillé le 11 août 1942

À propos de ce livre

Rue Jean-René Bonnefoix. Un nom et un prénom. Une rue à Ivry-sur Seine. Nicolas Bonnefoix savait que son arrière-grand-père avait été fusillé pendant la Seconde Guerre mondiale. Rien de plus. Pour quelles raisons avait-il été arrêté? Dans quelles circonstances? Qui avait décidé de son exécution? L'arrière-petit-fils de Jean-René et son entourage l'ignoraient.

Soixante-dix ans après la mort de son arrière-grand père, aidé par des archivistes, Nicolas Bonnefoix s'est lancé dans une vaste enquête afin de retrouver les traces de la vie de son aïeul. Documents d'archives, témoignages, photos de famille mis bout à bout lui ont permis de reconstituer le fil de l'histoire de Jean-René.

Arrêté durant l'été 1942, en raison de ses activités militantes, il est conduit, le 11 août avec quatre-vingt-dix-sept otages au Mont Valérien sur les hauteurs de Suresnes où il est fusillé par les soldats du régime nazi. En retraçant sa vie, ce livre lui rend hommage.

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Informations

Année
2015
Imprimer l'ISBN
9782708243002

Récit

Janoux et les otages

Chapitre 1
Vive le Front populaire !

La grille de l'établissement à peine franchie, Janoux enfourche son vélo. Un dernier au revoir aux collègues, et il laisse derrière lui les forges Constant et fonderies Lemoine, rue Jean-Jaurès, dans le quartier du port, à Ivry, où il travaille comme petite main tourneur depuis son treizième anniversaire, c'est-à-dire l'année dernière, en 35. De longues journées passées à fabriquer des ressorts et des essieux pour automobile. Les cadences ont augmenté. Les salaires, eux, ont plutôt baissé. Mais il ne faut pas faire la fine bouche. Beaucoup de ses anciens camarades de l'école Robespierre n'ont pas la chance d'avoir un emploi, et encore moins un revenu, si petit soit-il.
Quelques coups de pédales plus tard, les cheminées fumantes des usines derrière lui, il arrive près de la mairie, au niveau du garage municipal où son père travaille comme chauffeur-ambulancier. Lui aussi s'appelle Jean Bonnefoix, mais tout le monde l'appelle René. C'est un homme autoritaire mais volontiers fêtard. Un ancien poilu. En 1918, au combat, il a reçu un éclat d'obus qui l'a laissé à moitié attigé du bras. Quand il est revenu, il a marié Marthe Bonal, qui travaillait dans la boutique de chiffonnier du père, Antoine Bonnefoix, place Parmentier. De leur union sont nés d'abord Antoinette, en mai 1920, puis lui, Jean, en octobre 1922, et enfin Raymonde, en mai 1926. Avec son frère Alphonse, Jean-René a participé à quelques manifestations contre le chômage ou le fascisme. En 1928, ils ont même fait le coup de poing contre un groupe de fascistes. Ils sont revenus avec quelques égratignures, une amende de 50 francs chacun pour « coups et blessures volontaires » et deux lignes encombrantes sur leur casier judiciaire ! Paraît que les autres ont dégusté. Mais ça, c'est ce que les frangins se plaisent à raconter.
Janoux accélère en danseuse, les cheveux dans le vent. Il passe devant le café où, presque quotidiennement, il se livre à quelques parties de carambole avec les copains : Lucien Labrune, Léon, Baptiste... C'est devenu son passe-temps favori, son centre d'intérêt. Avec les automobiles, ces formidables machines qui sont désormais à portée de bourse d'ouvriers. Il partage cette passion avec son père, qui l'a initié à la conduite. Ce dernier a commencé par lui passer le volant la nuit, quand les rues de la ville sont désertes ou presque. Au début, les yeux du garçon dépassaient à peine du tableau de bord. Une fois, ils se sont fait arrêter sur le pont d'Ivry. Janoux avait oublié d'allumer les phares. Une veine : Jean-René connaissait le policier. Ils s'en sont tirés avec une simple remontrance.
Les mollets contractés, Janoux arrive enfin à destination, non loin de la mairie, au 46 rue Raspail. C'est là qu'il habite avec toute sa famille, dans un immeuble que les habitants appellent « la cour des miracles ». Ce n'est pas vraiment cossu, mais l'ambiance est formidable. L'oncle Alphonse y vit aussi avec sa famille : la tante Germaine, les cousins Georges et Roland ainsi que les cousines Ninette et Josette.
Il y a quelque temps, le quartier était en fête. On célébrait la victoire de la gauche aux élections législatives. On ne parlait que de ça. Les communistes ont emporté dix sièges à l'Assemblée. Maurice Thorez a été élu député de la circonscription. Depuis, Jean-René est toujours très fier de montrer à ses invités la photo où on le voit donner l'accolade à Thorez et à sa compagne Jeannette Vermeersch, rue Raspail, en compagnie d'autres camarades. C'était lors de la grande kermesse organisée sur le parvis de la mairie en faveur des Vacances populaires enfantines. Jean-René y tenait un stand de jeu. Il fallait le voir, le père, haranguer la foule, un foulard sur la tête à la manière d'un zouave !
À l'occasion de la fête, Janoux et sa sœur Antoinette ont dansé sur l'estrade montée devant l'hôtel de ville. L'opération a permis à de nombreux enfants d'origine modeste de partir pour la première fois à la mer, à la colonie des Mathes, en Charente-Inférieure. Départ en car, au son de la fanfare communale. Tous sur un pied d'égalité. Et Jean-René comme second chauffeur, qui a su imposer une pause pique-nique rituelle près du café à l'entrée de Meung-sur-Loire, dans le Loiret, où son père Antoine a pris sa retraite. Cela lui a permis de saluer une bonne partie du reste de la famille : son oncle Louis et Nini, son épouse, ainsi que leur fille Antoinette. Et puis, récemment aussi, il y a eu les grèves et les manifestations. Les premières auxquelles Janoux a participé, certes plus dans l'esprit de s'y amuser avec les copains que par conviction politique.
Janoux sort subitement de ses pensées. Il est arrivé. Le pneu avant rebondit sur le trottoir. Le garçon s'engage dans la cour, puis descend du vélo, qu'il dépose à côté des autres. Il rentre aussitôt dans l'immeuble. Sa maman, Marthe, l'accueille avec un bécot. La petite sœur Raymonde est déjà rentrée de l'école. La fenêtre grande ouverte laisse passer les rayons du soleil. Les jours rallongent. Le passage à la semaine de 40 heures soulage les ouvriers. En plus, chacun peut désormais partir deux semaines en vacances tout en continuant à être payé. Toute la famille a prévu de les passer à Meung, chez le grand-père Bonnefoix.
Sacré Dieu qu'il fait froid ! On est bien en hiver. Janoux referme la fenêtre. Impossible de prendre le vélo pour aller au turbin. Alors il se décide à y aller à pied, en arquant de biais, comme un crabe, pour ne pas se retrouver sur le baba. Le sol de la cour des miracles a blanchi. Une vraie patinoire ! À ce rythme, il lui faudra beaucoup plus qu'un quart d'heure pour se rendre aux forges. Du reste, les gens ne s'attardent pas dehors. Il croise juste sa cousine Ninette et sa sœur Raymonde, qui apportent sa gamelle au paternel, au garage.
Quatre ans se sont écoulés. Bien des choses ont changé. Fini la « semaine des deux dimanches » ! Les cadences infernales ont bellement repris. Du haut de ses dix-sept ans, même s'il n'a pas longtemps usé son fond de bénouze sur les bancs de l'école, Janoux ne peut s'imaginer travailler à l'usine toute sa vie. Il rêve de devenir pilote de course automobile. Mais peut-on s'autoriser de tels rêves quand partout en Europe les démocraties tombent les unes après les autres ? Ça a commencé par l'Espagne dès 36. Janoux se souvient que son père est allé témoigner son soutien aux engagés volontaires au sein des Brigades internationales, partis du patronage rue Saint-Just pour combattre aux côtés des Républicains espagnols. Depuis, le fascisme, cette peste brune, n'a cessé de progresser, une belle merderie, et, à présent, Hitler est aux portes du pays.
Le gouvernement a décrété que le vendredi serait un jour sans viande. Et il est désormais interdit de vendre du bœuf les lundis et mardis. Seulement du porc, du cheval ou de la chèvre. Le boucher de la place Parmentier, un Croix-de-Feu que Jean-René n'apprécie pas beaucoup, va sûrement obéir aux ordres. Enfin bon, faut accepter. À l'Est, c'est la guerre. Comme l'URSS a signé avec la Bochie et l'Austro-Bochie un pacte de non-agression, le président Daladier a fait interdire les journaux l'Humanité, Ce soir, ainsi que toutes les publications du PCF. Le cousin Georges a planqué une ronéo dans sa cave, dans la HBM de la rue Denis-Papin, où sa famille a déménagé. Un soir à la maison, Jean-René a essayé d'expliquer à ses grands enfants pourquoi le maire Georges Marrane et ses conseillers municipaux ont été forcés de laisser leur place à une « délégation spéciale », présidée par un dénommé Henri Jacquelin. Un nouveau patron. Une autre ambiance de travail.
Janoux et ses copains constatent que les communistes français sont devenus des ennemis dans leur propre pays. Cela n'empêche pas Antoinette, sa sœur aînée, de se montrer de plus en plus sensible aux idées politiques de ses copines des Jeunes Filles de France. À presque vingt ans, c'est une agréable jeune femme, tout en rondeurs. Elle écoute de la musique et participe aux bals. Surtout, elle chante souvent. D'ailleurs, l'année dernière elle a fini deuxième à un grand radio-crochet, derrière une certaine Lucienne Delyle. La petite sœur Raymonde, elle, a arrêté l'école. Il faut travailler pour rapporter un petit peu de sous.
Janoux fréquente de plus en plus André Merlot, un jeune homme blond, au front large et à la mâchoire carrée, trésorier de la section ivryenne des Jeunesses communistes. Plus vieux que lui de deux ans, il est menuisier. Dans un pavillon du quartier du Fort, à Vitry, avec d'autres jeunes de leur âge comme Jean Compagnon, qui travaille au service architecture de la ville d'Ivry, ils éditent des tracts, qu'ils glissent discrètement dans les boîtes aux lettres ou qu'ils distribuent sous le manteau dans les usines. Ils y écrivent que Daladier ne veut pas faire la guerre à Hitler, mais au peuple. Ils y souhaitent le retour de Thorez et de Marrane.
Tout le monde s'est préparé à la guerre. Au garage, pour la défense passive, la municipalité a distribué des masques à gaz à chaque citoyen. Ce n'est pas commode à enfiler, ce machin-là. Jean-René a fait une démonstration pour toute la famille à la maison. Chacun est censé l'emporter un peu partout avec soi. On connaît les endroits où il faudrait s'abriter en cas d'attaque aérienne. Il y a un abri à la mairie, un autre sous le stade Philibert-Pompée, encore un autre à l'hospice, un autre dans la cave-carrière de la brasserie Richard... On sait comment réagir lorsque retentit la sirène : on éteint aussitôt la lumière, puis on descend sans tarder dans les abris. Et une fois l'alerte finie, on sait qu'il faudra porter secours aux éventuelles victimes.

Chapitre 2
De l'exode à la clandestinité

Janoux a entendu dire que son usine va fermer le 12 juin. Les boches sont sur le point d'envahir la France. Personne ne sait de quoi ils sont capables, ces bougres-là. Beaucoup de gens s'apprêtent à quitter la région parisienne. On redoute des bombardements. Son père et sa mère ont sérieusement discuté entre quat'z-yeux. « Il vaut mieux trisser », qu'ils ont convenu. Alors, Jean-René a chargé Janoux de conduire ses frangines chez la tante Noémie, dans l'Aveyron, avec la torpédo Citroën. Lui et Marthe les rejoindraient plus tard, après avoir récupéré le grand-père Antoine ainsi que l'oncle Louis, la tante Nini et la cousine Toinette à Meung.
La petite fratrie se retrouve, un jour de juin 1940, sur la nationale encombrée de vieux tacots, de charrues chargées de meubles et de matelas, ou encore de cyclistes tirant le reste de la famille calée tant bien que mal dans une remorque, pédalant comme si le diable était à leurs trousses. Au volant de la Citroën, même s'il n'a toujours pas son permis de conduire, Janoux se sent grand. Antoinette rassure Raymonde : « Tout se passera bien. » Où en sont les combats, au nord ? Personne ne sait vraiment, dans cette file de voitures. Parfois, le trafic est si dense qu'ils roulent au pas.
Soudain, au beau milieu de la Beauce, des avions allemands ou italiens les survolent, puis piquent sur eux et les autres voitures. Janoux sent son sang se glacer. Par réflexe, il baisse la tête et appuie sur le champignon. Il entend des tirs de mitrailleuses. Il accélère encore. Le danger s'éloigne. Pour le moment. Ils ne sont pas à l'abri. Trouver de l'essence n'est pas facile. Mais s'ils passent la Loire, selon leur père, les jeunes Bonnefoix devraient être en sécurité. On dit que les ponts vont être détruits par le génie français pour empêcher les boches de la franchir.
De leur côté, les parents ont déniché une autre voiture, au garage municipal d'Ivry peut-être. Ils sont partis en hâte chez le grand-père, laissant leur appartement aux pilleurs. Ils ont juste emporté les quelques bijoux de famille qu'ils possèdent et le reste d'argent liquide. À Meung, un couple voisin d'Antoine, apeuré, leur a demandé qu'ils emmènent leur fille Gilberte, une amie de Toinette. Jean-René convoie tout ce petit monde jusqu'aux environs de Vierzon, où le groupe se scinde en deux. Marthe et lui doivent rejoindre leurs enfants au Montet-Bas, près d'Aubin, dans l'Aveyron, tandis que les autres Bonnefoix vont se rendre chez des amis à Limoges.
Quelques jours plus tard, André Merlot, le copain de Janoux, quitte Ivry à son tour, en compagnie de Vanzuppe et de Compagnon. Tous les trois partent à vélo vers Orléans, où ils sont mobilisés. Mais entre-temps, cette ville a été bombardée. C'est la pagaille. Il y a eu plusieurs centaines de morts. Ils continuent donc à pédaler sur les routes de campagne. Dans un petit village, ils apprennent, dépités, la signature de l'armistice. Le hasard les conduit jusqu'à Dun-le-Poëlier, dans l'Indre, où ils prennent contact avec des paysans membres du parti communiste. Peu de temps après, ils commencent à récupérer dans les bois alentour des armes abandonnées par l'armée française.
La vie s'organise tant bien que mal dans l'Aveyron, chez les sœurs de Marthe. Nourrir quatre bouches supplémentaires pèse sur le budget. L'argent vient à manquer. Jean-René a bien essayé de chercher du boulot, mais ce n'est pas évident surtout avec ses idées politiques, qu'il ne cache pas vraiment. Un jour, la famille l'a attendu longtemps pour dîner. Ce sont les policiers qui le retenaient. Tout ça pour une histoire de propagande communiste. De là-bas, Janoux et les siens ont appris que les militaires allemands ont défilé sur les Champs-Élysées. Mince alors ! On dit d'eux qu'ils sont restés « korrekts ». Qu'il n'y a rien à redouter de leur part.
Alors, Jean-René et Marthe ont souhaité rentrer, espérant vivement retrouver leur logement tel qu'ils l'avaient laissé en partant. Le chauffeur municipal a contacté la mairie, mais la lettre semble s'être perdue. Par un courrier, le maire – enfin, le président de la Délégation spéciale – lui a ordonné de reprendre ses fonctions. Jean-René a répondu qu'il attend un ordre de mission pour regagner son poste. Les autorités militaires exigent en effet des certificats municipaux prouvant qu'il est indispensable à la reprise de l'activité. Or, il lui faut leur accord pour circuler, mais aussi son itinéraire précis, ses bons d'essence... Enfin, le fameux ordre de mission arrive par la poste.
À la mi-septembre, la petite famille repart pour Ivry. La Citroën fait partie d'une caravane d'une huitaine d'autos. Le voyage du retour dure deux jours. Les gens refluent comme ils sont venus, en voiture, par train, en charrette, à pied. L'essence est plus rare et plus chère que jamais. Arrivé au point de contrôle, sur la nouvelle ligne qui sépare la France de... la France, Jean-René doit expliquer tant bien que mal à l'officier allemand qui gère les passages qu'ils vont à « Ivry-sur-Seine » et non à « Ivry-la-Bataille ». Et le convaincre que l'horloge comtoise qu'ils transportent, fixée sur le marchepied, n'est pas un cercueil et ne cache pas de cadavre.
De retour à Ivry, Janoux remarque vite les motos et side-cars allemands circulant bruyamment dans la ville. Les Fritz ont réquisitionné la maison de santé pour y établir leur Kommandantur. Les soldats sont casernés au 18 rue du Parc, leur commandant occupe l'ancien pavillon de Maurice Thorez. Désormais, tout Français doit suivre à la lettre les instructions des fridolins : circuler sur les trottoirs uniquement côté droit, dans le sens de la marche, se découvrir s'il entend l'hymne national allemand, baisser la tête lorsqu'il croise un soldat ou un officier, et ne pas se trouver dans ...

Table des matières

  1. Page de titre
  2. Sommaire
  3. Témoignage
  4. Récit
  5. Documents
  6. Remerciements