La France qui accueille
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La France qui accueille

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La France qui accueille

À propos de ce livre

Impossible, dit-on, de faire plus de place aux réfugiés dans notre pays. Parce qu'ils sont trop nombreux, parce qu'on manque de moyens... Pourtant, envers et contre tout, il existe une France qui accueille. Quelle est-elle?
Ce sont ces gens qui croisent une fois, deux fois, des réfugiés, et qui, la troisième fois, se disent qu'ils ne peuvent plus passer devant eux sans rien faire. Ce sont ces maires qui pensent que leur commune a les moyens d'accueillir des familles et que la population locale n'a rien à y perdre, et peut-être même tout à y gagner. Ce sont ces associations
qui s'engagent pour organiser un accueil large et digne, où la solidarité l'emporte sur le contrôle et la répression.
Cet ouvrage propose un tour de France de l'hospitalité: il raconte des histoires d'accueil, sans complaisance mais avec le souci de sortir du pur débat d'idées et de mettre un pied dans la réalité de ces expériences.
Car il existe indéniablement en France un vivier de solidarités, mais trop souvent contrecarré par le manque de volonté politique des pouvoirs publics et par un climat d'inquiétude et de méfiance. En réponse aux discours de peur et de repli, ce livre met en lumière la France qui accueille pour donner envie à chacun de la rejoindre.

Les partenaires:
Emmaüs France, Emmaüs Solidarité, Fonds de dotation agnès b., Médecins du Monde, Secours Catholique

Foire aux questions

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Informations

Chapitre 1
Le « Grand Défi » des banlieues

En cet automne 2016, des milliers de réfugiés, demandeurs d'asile ou non, des femmes dont certaines sont enceintes et des enfants dorment dehors sur les trottoirs dans le nord et l'est de Paris, parfois sous des tentes plus ou moins étanches. Il y a aussi beaucoup de mineurs non accompagnés. Des collectifs citoyens de quartier se sont organisés depuis des mois non sans difficultés, porte de la Chapelle, à Stalingrad, au square Pajol, à proximité de la gare d'Austerlitz. Les expulsions répétées, à grands coups de grenades lacrymogènes et sans alternative de logement, ne facilitent pas la tâche. Même des élus venus rendre service prennent des coups de matraque.
Depuis 2007, on n'avait pas vu cela. C'étaient alors essentiellement de jeunes Afghans en transit pour Calais, sur les bords du canal Saint-Martin, dans les fourrés du parc Villemin. Puis, à partir de 2014 et surtout en 2015, leur nombre augmente significativement, avec des profils et des nationalités plus divers : des Syriens, des Érythréens, des Soudanais entre autres ; mais aussi plus de familles, de femmes seules et de mineurs isolés.
Malik Diallo, vingt-six ans, habite Sarcelles depuis toujours. Chauffeur-livreur, il va régulièrement à Paris. Ce mercredi de novembre, il a rendez-vous avec un client et tombe dans un coin du 19e arrondissement sur un campement de fortune. Il voit une mère et son jeune enfant, prostrés sur le trottoir baigné par la pluie. Il comprend que ces gens ont choisi cet endroit, du côté de Stalingrad, pour être à proximité des gares, en transit, non loin de dispositifs et d'associations qui peuvent les aider à répondre à leurs besoins, vitaux pour la plupart.
Ému par le spectacle de cette précarité, il veut réagir pour surmonter le sentiment d'impuissance. Il se confie à ses copains de quartier en rentrant. Il vient d'une commune populaire du Val-d'Oise en région Île-de-France dont on parle peu. Ou alors de manière caricaturale, lorsque la violence s'invite au détour d'un contrôle de police qui tourne mal, d'un règlement de comptes sanglant entre groupes influents, ou lors du déplacement d'un responsable politique venu faire une annonce.
Son quartier, c'est celui de plusieurs générations, marquées par l'attachement au pays d'origine, un communautarisme actif et une république du droit commun. Les inégalités s'expriment au quotidien. Les taux de pauvreté et de chômage sont bien plus élevés que dans le reste du territoire. Les orientations scolaires diffèrent de manière très significative. Le renoncement aux soins est plus fréquent et l'on recourt moins aux médecins spécialistes. Le sentiment d'insécurité, plus prégnant, ne diminue pas. Pour autant, les réseaux de solidarité existent. Ils sont nombreux même s'ils ne s'étalent pas dans les médias ni dans les propos d'élus ou de leaders d'opinion. Cette complexité de la réalité sociale, souvent niée, est difficile à appréhender lorsque l'on n'y vit pas.
Les 18e et 19e arrondissements de Paris présentent des situations plus contrastées, où selon les quartiers, les inégalités sont également visibles. Pour les migrants, c'est l'ultra précarité, la survie au quotidien. Leurs corps sont fatigués par plusieurs jours, plusieurs semaines voire plusieurs mois d'itinérance. Les blessures physiques et psychiques sont liées à l'exposition aux violences qui accompagnent la vie dehors. Les traumatismes proviennent des départs et des modalités de vie dans les pays de transit et d'arrivée où l'accueil n'est pas une priorité. L'insalubrité chronique, l'accès restreint à la nourriture, l'eau et l'hygiène et à des soins corrects accentuent l'affaiblissement. S'y ajoutent les agressions, nombreuses aux frontières, des forces de l'ordre qui appliquent une politique sécuritaire, mais aussi des passeurs et des groupes racistes, y compris en France.

Au nom des valeurs familiales

Bouleversé par ce qu'il a vu sur ces trottoirs parisiens, Malik veut réagir en trouvant une idée, rapidement. Agir concrètement en faisant ce qu'il sait faire. Il n'a jamais eu jusqu'à présent d'engagement social. Il se concerte avec ses amis de Sarcelles avec qui il a grandi : Diaby, un animateur social, mais aussi Ali, Jude, Kassoum, Mamadou, Karim, Abdala. Un conducteur de bus, un chômeur, un étudiant...
Comment mobiliser d'autres jeunes pour répondre à l'ampleur des besoins ? Comment susciter l'envie de se rendre disponible ? Comment rendre opérationnelle une énergie qui existe dans son entourage ? Malik sait qu'il peut compter sur sa famille et ses proches, dont les valeurs se nomment solidarité, partage, envie de bien faire, de faire le bien.
C'est alors que lui vient l'idée de s'inspirer des « grands défis », ces paris originaux et parfois insensés lancés sur Facebook : par exemple le « Ice Bucket Challenge » ou le « Neknomination ». Le premier consiste à se renverser un seau d'eau glacée sur la tête, le second à boire de grandes quantités d'alcool. La « performance » accomplie doit être filmée et la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. L'auteur désigne alors plusieurs personnes pour relever ce challenge sous quarante-huit heures. Pourquoi ne pas lancer cette fois un défi plus sérieux en utilisant au mieux ces canaux du web ? Il l'appellera « le Grand Défi Facebook pour les sans-abri ». Il parle des sans-abri en général parce qu'il ne veut pas faire de discrimination de la misère, mais pour commencer il concentre son action sur ces migrants qui errent, plus visibles, par groupes dans les rues.
« L'idée m'est venue le mercredi, et le samedi suivant, nous lancions notre projet », raconte Malik. L'objectif sera double : faire en sorte que les sans-abri ne souffrent plus de faim ni de mauvaises conditions de vie dans la rue, mais aussi montrer à cette occasion les valeurs dont lui et ses amis se réclament. Il est confiant, car tous viennent de familles nombreuses, là où l'on a souvent appris à s'occuper de ses petits frères et sœurs. Ils se sentent d'autant plus concernés qu'ils sont des enfants d'immigrés, qui ont grandi dans la précarité, et qui ont la notion du partage ancrée en eux. Aujourd'hui, ils ont l'impression qu'ils ont tout tandis que les migrants n'ont rien, et se disent qu'ils sont peut-être eux-mêmes les sans-abri de demain.
Concrètement, il s'agit de préparer le plus de repas possible, d'aller les distribuer aux migrants et de poster une vidéo sur Facebook. Puis de nommer un ami ou un autre quartier qui devra relever le défi et ainsi de suite. La chaîne est lancée et la mission sociale définie. La bande à Malik veut montrer que sa banlieue a « du cœur et une bonne éducation ».
Son quartier est donc le premier à relever le défi. Malik se réunit avec ses amis, fait préparer cent cinquante repas et diffuse ses images sur Facebook. Le succès est immédiat. Dans les jours qui suivent, les autres quartiers de Sarcelles se répondent et se relancent au fur et à mesure : Lochère, les Sablons et celui du centre commercial Codec. D'autres communes de banlieue répondent à leur tour : Aulnay, Pierrefitte, Cergy.
Tout le monde met la main à la pâte. Un ballet de bénévoles s'agite pour la préparation des repas. Des appartements privés et des centres municipaux sont gratuitement mis à contribution : on y prépare les repas, on y stocke les denrées. Et pour le transport, les « escadrons » réquisitionnent des voitures par dizaines ou bien empruntent le RER et le métro. Tout dépend des quantités à transporter et des destinations finales. Chacun a mis un peu de sa poche, de son énergie aussi. Des petits ont cassé leur tirelire. La générosité s'exprime dans les mots, comme un instinct. Les gens du quartier, les familles sont fiers de leurs enfants, de ces valeurs de cohésion et d'altérité qu'ils véhiculent.

Créer le « buzz »

Ce sont les réseaux sociaux qui ont permis une telle mobilisation. Et en premier lieu Facebook avec sa large couverture. Une page associée à l'initiative s'intitule « Le Grand Défi ». La vidéo est utilisée comme support opérationnel. Elle permet de décrire les besoins et fournit les premiers éléments de réponse. Les vidéos expliquent ainsi comment confectionner des repas et les distribuer entre Stalingrad et la porte de la Chapelle.
Elles concrétisent ce défi qui n'est pas une compétition, mais un appel au don : au don de sa personne comme aux dons en nature avec de la nourriture, des vêtements et du matériel qui répond aux besoins élémentaires d'hygiène. Cet appel général à la solidarité signifie que chacun peut agir à sa manière, prendre sa part de responsabilité, ne pas attendre les autres. Il permet de créer une réaction en chaîne, une dynamique pour s'inscrire dans la durée et ainsi faire face aux besoins.
La vidéo est très regardée : elle est visionnée plus de 50 000 fois en à peine quelques heures. On peut y découvrir la maison du quartier « Les Vignes blanches » à Sarcelles, l'activité intense dans la cuisine, les plats en cours de préparation : marmites de poulet pour les mères et les grandes sœurs, sandwichs pour les hommes. Des bras bien chargés, des coffres de voiture ouverts, prêts à tout emporter vers les campements parisiens.
Le « Grand Défi » de Sarcelles attire naturellement l'attention des médias et crée vite le « buzz ». Articles de presse, invitations sur les plateaux de télévision : les jeunes initiateurs y expliquent qu'il ne s'agit pas d'un « coup » façon « un sac de riz pour Paris » et lancent un appel à toutes les banlieues d'Île-de-France. Ils veulent se rendre utiles, mener une action qui a un sens, faire ce que les autres ne font pas et aller là où les autres ne vont pas. Ils ne cessent de rappeler qu'ils ont été élevés avec des valeurs de partage. Des rappeurs et d'autres artistes relayent leur message.
Les médias font décoller l'initiative et cet emballement trouve un écho chez des commerçants et des chefs d'entreprise, ainsi que dans des associations de proximité. Certaines mairies jouent le jeu et mettent à disposition des locaux. Les animateurs et médiateurs des « antennes jeunes » jouent un rôle fondamental. À Sarcelles, ils font le point régulièrement avec le maire, François Pupponi. Les moyens restent limités pour entretenir ces lieux de vie, mais les « nominés » y préparent les repas, stockent les vêtements récoltés et les kits hygiène confectionnés. On organise un planning pour récupérer les dons et faire trois ou quatre distributions hebdomadaires. Certains quartiers veulent aller encore plus loin que d'autres, par des collectes de fonds, de vêtements, de couvertures, de draps pour anticiper les premières fraîcheurs de saison.

Rester libres

Les bénévoles se trouvent toutefois confrontés à des difficultés opérationnelles auxquelles il faut faire face. La barrière de la langue en est une, compte tenu de la diversité des pays représentés dans la rue. On parle arabe ou anglais, voire français. On mime, le plus souvent, quand la traduction n'est pas possible.
Par ailleurs, ces distributions nécessitent une bonne coordination afin de toucher un maximum de personnes et de limiter les risques de violences inhérentes à ce type d'exercice. Il n'est donc pas étonnant que, sous l'afflux des demandes, certaines opérations des jeunes des banlieues tournent parfois à la bousculade. Il faut alors arrêter la distribution pour aller s'installer plus loin et recommencer dans de meilleures conditions.
Sur ces terrains où les acteurs humanitaires organisent régulièrement des distributions de nourriture, d'eau ou d'aides non alimentaires, l'expertise est de mise. C'est un métier en soi, qui requiert des compétences, un savoir-faire et des ressources humaines entraînées. Mais de fait, l'équipe du « Grand Défi » improvise la plupart du temps et apprend dans l'action. Quitte à ce que l'enthousiasme trouve parfois ses limites : l'idée d'organiser un barbecue géant place de la République n'a pas reçu le feu vert des autorités locales. Trop risqué.
L'initiative du « Grand Défi » a suscité un certain scepticisme et fait grincer quelques dents au sein des associations. Mais Malik et ses amis n'entendent pas pour l'instant mettre en place une structure ou solliciter des subventions : ils veulent rester libres et éviter toute récupération par des responsables politiques. Un jour, l'animateur de télévision Cyril Hanouna a proposé de financer un vaste ravitaillement dans un hypermarché, mais le « Grand Défi » devait pour cela devenir une association... Pour l'instant, Malik n'en a cure et croit tout simplement en la grande famille de la solidarité, associations comprises.
Les équipes bénévoles apprennent ainsi à chaque expérience et parviennent à limiter les dégâts. L'objectif n'est pas de répondre à tous les besoins mais de faire un peu de bien, d'amener un peu d'humanité et de jouer au maximum sur l'effet boule de neige. Tous les moyens sont utilisés pour faire connaître leur entreprise, par les réseaux sociaux certes, mais aussi par les radios locales et le bouche-à-oreille. Et les idées de développement du « Grand Défi » ne manquent pas : Malik voudrait organiser le projet via WhatsApp et mettre en place un site sur lequel ceux qui en ont besoin pourraient passer une commande gratuite de nourriture et aller la récupérer.
Le concept du « Grand Défi » s'est rapidement étendu à d'autres villes en France : Marseille, Lyon, Toulon, Mulhouse, mais aussi à l'étranger : Berlin, Luxembourg, Londres et le Canada. Chaque fois, des « ambassadeurs » y sont choisis. Cette sorte de mouvement international joue une part dans la prise en charge comme dans la réflexion sur la question des migrants et de leur accueil.

Des applications pour migrants

L'histoire du « Grand Défi » est à l'image de la place que les réseaux sociaux ont prise aujourd'hui, y compris pour les migrants. L'utilisation des nouvelles technologies et des nouveaux modes de communication pour lutter contre la grande précarité n'est pas nouvelle. Des applications pour smartphone ont notamment été créées par d'anciens migrants ou demandeurs d'asile.
La plupart des migrants ont aujourd'hui accès à ces téléphones. Ils s'informent davantage avec les réseaux sociaux qu'avec la télévision, la radio ou d'autres supports. Leurs besoins d'informations trouvent des réponses sur Internet : savoir où accéder à de la nourriture, comment laver son linge ou bénéficier d'une aide juridique, entre autres.
Des applications ont ainsi vu le jour pour les migrants arrivés en France et en Europe, mais aussi pour ceux en transit dans les Balkans. Ils ont besoin d'informations particulières, telles que l'ouverture d'une frontière, d'un centre d'accueil, parfois en temps réel, ou bien pour clarifier des démarches administratives, par exemple en Allemagne. Il peut s'agir aussi de contredire de fausses informations délibérément délivrées pour désorienter les migrants, ce qui s'est produit en Hongrie. Ces applications créées rapidement et qui se déclinent en plusieurs langues servent donc à répondre à des questions très pratiques. Le numérique a servi d'outil pour développer l'économie sociale et solidaire. Il rend les démarches plus participatives et favorise l'autonomisation des personnes dans leur prise en charge.
Être au plus près des migrants, c'est aussi s'intéresser à l'histoire de leurs errances, en devenir acteur à un moment où celle-ci entre dans notre environnement. C'est écouter leurs récits, s'informer sur leurs migrations et poser des questions : pourquoi ? Comment ? Depuis quand ? Se dessine alors cette nécessaire reconnaissance naturelle en retour, à l'image du contre-don qui dessille les yeux. L'idée que l'on se fait des migrations, et par là même celle de la vie dans les banlieues, évoluent. Peu à peu, en aidant des migrants, le regard sur les quartiers change.

Chapitre 2
Les « irréductibles » de la Roya

Tout a commencé de l'autre côté de la frontière. À Vintimille, ils sont arrivés par centaines au cours de l'été 2015, miraculés de la Méditerranée ou marcheurs épuisés par des routes incertaines. Et ils se sont cognés à cette barrière. Coincés entre la mer et la montagne. Désireux de prolonger leur exode plus au nord, mais stoppés par une frontière franco-italienne devenue encore plus hermétique depuis le 14 novembre 2015, date à laquelle la France a rétabli les contrôles, sous prétexte de menace terroriste.
Le sas de Vintimille devient rapidement un casse-tête pour les autorités locales. Comment réguler ce défilé croissant de migrants ? La Caritas italienne ouvre en mai 2016 un point d'accueil à l'église San Antonio delle Gianchette tandis qu'en juillet, la Croix-Rouge installe un camp provisoire sur une friche sous un pont.
La France est juste à côté. C'est au début de l'année 2016 que des habitants de la vallée de la Roya commencent à réagir. Tout un réseau se réactive, en lien avec d'autres associations de Nice et de Menton, pour organiser des maraudes. Ils apportent une ration quotidienne de deux à trois cents repas, préparés à Saorge, un village médiéval qui surplombe les gorges de la Roya. Car cette rivière ne connaît pas les frontières : elle prend sa source au col de Tende en France pour rejoindre la mer Tyrrhénienne en Italie, à Vintimille. Quatre-vingts kilomètres de courbes dont...

Table des matières

  1. Page de titre
  2. Sommaire
  3. Introduction
  4. Chapitre 1 Le « Grand Défi » des banlieues
  5. Chapitre 2 Les « irréductibles » de la Roya
  6. Chapitre 3 La famille d'accueil, plus qu'un simple hébergement
  7. Chapitre 4 Jusqu'au bout aux côtés des mineurs isolés
  8. Chapitre 5 Étudiants, enseignants, parents : des relais d'intégration
  9. Chapitre 6 Les maires hospitaliers
  10. Chapitre 7 Un centre aux portes de Paris
  11. Chapitre 8 Des artistes engagés et utiles
  12. Chapitre 9 Une terre d'accueil en friche
  13. Remerciements
  14. Les partenaires