Le parti pris des jeunes
eBook - ePub

Le parti pris des jeunes

  1. French
  2. ePUB (adapté aux mobiles)
  3. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Le parti pris des jeunes

À propos de ce livre

«Nous aussi on veut avoir notre mot à dire.» Et ils en ont des choses à dire, ces lycéen-ne-s! Des propos directs et ambitieux qui vont constituer le stimulant d'Henriette Zoughebi pour conduire sa feuille de route lorsqu'elle prend en 2010 ses fonctions de vice-présidente de la région Île-de-France en charge des lycées et des politiques éducatives. Pendant cinq ans elle rencontre les lycéen-ne-s de la région et leur donne la parole. Elle écoute leurs préoccupations, leurs attentes et leurs rêves avec, chevillée au corps, cette conviction: la politique doit être révolutionnée. Et toute action publique doit se construire avec celles et ceux pour qui elle est faite. Réinventer l'éducation passe d'abord par une transformation du regard que la société porte aujourd'hui sur les jeunes. Qui croit en eux pour changer le monde?
Ce rigoureux travail de consultation de près de 30000 jeunes dans plus de 280 lycées d'Île-de-France, toutes fi lières confondues, est un véritable laboratoire d'innovations pour cette élue pas comme les autres. Cette parole donnée, c'est en actes qu'Henriette Zoughebi s'e orcera de la traduire au quotidien, à travers les trois chantiers prioritaires de la politique régionale: donner aux jeunes un réel statut de citoyens au sein des lycées, faire de l'égalité une urgence, et remettre au coeur du système éducatif la préoccupation de la réussite de tou-te-s.

Aux antipodes de la méritocratie républicaine, Henriette Zoughebi plaide pour une réinvention de l'éducation. Avec et pour les jeunes. Avec l'égalité au coeur.

Foire aux questions

Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
  • Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
  • Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Les deux forfaits sont disponibles avec des cycles de facturation mensuelle, de 4 mois ou annuelle.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Le parti pris des jeunes par Henriette Zoughebi en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Éducation et Méthodes pédagogiques. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Chapitre 1
Donner la parole

« On n'est pas des moins-que-rien. »
Pancarte du mouvement lycéen de 1998.
Le 2 septembre 2010, jour de la rentrée scolaire, je me rends avec Jean-Paul Huchon au lycée Louise-Michel de Bobigny. Je suis très joyeuse d'aller dans cet établissement que je connais puisque je siège à son conseil d'administration en tant qu'élue régionale depuis 2004. C'est un lycée polyvalent{3} où les élèves réussissent bien, avec une équipe pédagogique très investie qui mène de nombreux projets. Le bâtiment est très entretenu mais somme toute assez banal, sans geste architectural visible alors même qu'il est situé dans une ville populaire certes, mais chef-lieu de préfecture. Les lycées de l'Ouest francilien ont souvent plus de prestance. J'y vais avec une intention claire : annoncer à la fin de la visite le projet de rénovation du lycée.

« Mais vous, vous formez qui ? »

Nous échangeons d'abord avec les membres du conseil d'administration, c'est-à-dire le proviseur, le gestionnaire, des représentant-e-s des enseignant-e-s, quelques parents d'élèves, un ou deux élus municipaux, etc. Tous sont enchantés de nous voir, d'autant que c'est la première fois que le président et moi-même, dans le cadre de mes nouvelles responsabilités, nous rendons dans ce lycée.
Nous assistons ensuite à un cours de maths de seconde. Les élèves sont alignés devant les ordinateurs installés le long des murs de la classe. J'essaye d'engager un peu la conversation. Ils m'expliquent l'exercice qu'ils font, et le professeur nous dit combien le fait d'avoir des ordinateurs est stimulant dans sa pratique pédagogique. Mais la conversation s'arrête vite, et j'en ressens une certaine frustration.
Me sachant très sensible aux questions culturelles, le proviseur m'amène ensuite dans une autre salle pour rencontrer une professeure qui anime un atelier théâtre et qui m'explique son travail et son souhait d'obtenir une subvention régionale plus importante afin de pouvoir poursuivre cet atelier puisque l'Éducation nationale et l'académie ont de leur côté diminué l'aide financière. Le projet est remarquable et je suis donc heureuse d'apporter le soutien de la Région, mais je me sens toujours frustrée : j'aurais aimé rencontrer les jeunes investis dans cet atelier théâtre et entendre de leur bouche ce qu'ils y font, ce qu'ils en tirent...
Je sors de cette visite avec un sentiment mitigé. Je suis bien sûr ravie d'avoir été utile à la communauté éducative de ce lycée que je connais bien, un peu fière aussi d'y être allée dans le cadre de mes nouvelles fonctions, mais déçue du côté formel de cette visite et de n'avoir pas pu établir une relation plus approfondie avec les jeunes, qui ont joué plutôt un rôle de figurants.
Toujours en septembre 2010, je me rends dans plusieurs lycées professionnels où une nouvelle surprise m'attend : beaucoup d'enseignant-e-s me parlent des « catégories défavorisées ». Je leur dis : « Mais c'est qui les catégories défavorisées ? » Et on me répond : « Les ouvriers, les employés. » Alors je leur demande : « Mais vous, vous formez qui ? Des ouvriers, des employés, vous formez donc des catégories défavorisées... » Et je vois leur sourire un peu gêné.
Je me trouve face à deux quiproquos. D'une part on me parle principalement de sujets qui relèvent directement des ingénieurs et techniciens du conseil régional, d'autre part le regard porté sur les jeunes est finalement assez déterministe : chaque élève est assigné à la catégorie sociale dont il est issu. On m'explique bien que c'est la nomenclature de l'Éducation nationale, que tout le monde parle ainsi... Mais moi je refuse la formule de « catégories défavorisées ». Je parle toujours des « milieux populaires » parce que je sais que la manière dont on nomme les choses est déjà une prise sur la réalité.

« On n'a pas l'impression de servir à grand-chose »

Lors de ces visites dans les établissements je ne peux que constater que les lycéen-ne-s n'ont pas de vraie place au sein des conseils d'administration des lycées, ni dans les réunions auxquelles je participe. Je siège par exemple, également depuis 2004, au conseil d'administration du lycée Joseph-Cugnot de Neuilly-sur-Marne, un lycée des métiers de l'automobile et polyvalent dans lequel la réussite des élèves n'a cessé de s'améliorer ces dernières années. Je me souviens plus particulièrement d'un conseil d'administration qui portait sur le budget. Six élèves étaient présents, deux filles de seconde générale et quatre garçons des filières professionnelles de l'automobile, pour représenter leurs camarades.
Le conseil d'administration commence par la présentation du budget par la gestionnaire. Puis le proviseur demande si quelqu'un a des questions. Naturellement, personne n'en pose, parce que cela supposerait d'avoir déjà une petite idée de ce qu'est le budget. C'est très technique, compliqué à lire et à comprendre. Et comme il n'y a aucune explication pédagogique, juste des chiffres alignés, les jeunes sont complètement silencieux et seuls les professeurs, en particulier les syndicalistes, interviennent pour savoir ce que recouvrent les chiffres, ce qu'ils représentent. Les lycéen-ne-s écoutent sagement. Ils ne sont pas particulièrement sollicités ni par le chef d'établissement ni par les enseignant-e-s ou les parents d'élèves. Il n'y a aucun échange.
Puis nous passons au vote. Tout le monde adopte le budget, les élèves aussi. La plupart du temps, d'ailleurs, pour l'avoir vu lors de nombreux conseils d'administration, les élèves votent comme la direction de l'établissement. À la fin de la réunion, je vais les voir et leur demande si ce CA les a intéressés et ce qu'il représente pour eux. Ils me répondent : « On essaye de représenter nos camarades mais on ne comprend pas bien de quoi on parle, on découvre les chiffres sans savoir ce qu'il y a derrière. Nous on aimerait parler de projets qui nous concernent, de voyages, d'actions pour les lycéen-ne-s... » Je grave cette demande dans ma tête : les sujets portés par les jeunes eux-mêmes doivent être abordés en conseil d'administration.
Les élèves ne s'arrêtent pas là : « On ne sait pas si on est très utiles, on n'a pas l'impression de servir à grand-chose. » Ils ne sont ni agressifs ni revendicatifs, ils expriment simplement un réel sentiment d'inutilité. Ils ne comprennent pas les sujets abordés, se sentent gênés de n'être là que pour lever la main lors des votes. Au conseil d'administration suivant, en mars, seule la moitié des représentant-e-s des élèves est présente. Au dernier de l'année, en juin, il n'y en a plus aucun. La question de la démocratie lycéenne s'impose alors à moi complètement.

Bâtir une démocratie collaborative

J'ai assez vite dans l'idée que si je veux mener une action efficace pour la réussite des jeunes, il me faut non seulement ouvrir un dialogue avec le monde enseignant (et pas seulement avec les équipes de direction, contrairement à ce qui a été fait jusqu'à présent au niveau de la Région), mais surtout établir un contact avec les jeunes. Je ne veux pas faire des pseudo-consultations avec quelques personnes qui me serviraient de faire-valoir ou d'interlocuteurs privilégiés. Je veux aller à la rencontre de celles et ceux qui ne me connaissent pas et que je ne connais pas : les lycéen-ne-s, les équipes éducatives, l'ensemble des personnels, y compris les ouvriers et ouvrières de lycées, les parents d'élèves, dans la diversité de ce qu'est la Région Île-de-France.
Après tout je ne sais pas ce qui est bon pour les jeunes ; d'ailleurs, pour elles et eux la politique est également une zone grise. J'ai en revanche une idée claire : je veux une Région qui les prenne au sérieux, qui s'occupe des conditions de leur réussite et qui soit en dialogue permanent avec eux. C'est aussi pour moi une façon de changer le rapport à la politique. La démocratie peut en effet se concevoir de deux manières. Comme une démocratie représentative étroite, qui se traduit par une simple mise en œuvre après les élections des idées que les candidat-e-s ont avancées pendant les campagnes électorales parce qu'ils pensent savoir à la place des gens ce qui est bon pour eux. Ou bien comme une démocratie plus collaborative, qui associe les citoyen-ne-s comme des partenaires permanents des politiques publiques. C'est ma conception. Je sais que le bon levier pour infléchir les politiques régionales est ce dialogue direct avec les jeunes. Je veux donc mettre en œuvre cette notion de partenariat dès le début du mandat.

Dépasser les réticences

En tant que responsable politique, en tant qu'élue, la première question que je me suis posée est de savoir ce que je voulais changer. Sans cette volonté de départ, j'aurais vite été condamnée à l'impuissance. Et je n'ai envie ni d'être condamnée à l'impuissance ni de continuer simplement ce qui se faisait avant. Je veux convaincre mes collègues et les services de la Région qu'un autre chemin est possible et passionnant : prendre en compte les préoccupations des jeunes, leurs attentes, leurs déceptions aussi, et leur donner un réel statut de citoyen-ne-s au sein des lycées.
Je rencontre d'emblée un certain nombre de réticences. D'abord les communautés éducatives, c'est-à-dire les proviseur-e-s, les enseignant-e-s, ne me considèrent pas comme légitime pour mener ce dialogue avec les jeunes à l'intérieur des établissements. Ensuite les services administratifs de la Région me disent que la compétence régionale concerne d'abord les locaux, le fonctionnement des lycées, etc. Pour eux les politiques éducatives se discutent uniquement avec les académies et les directions d'établissement.
Il y a aussi une certaine réticence des représentant-e-s des chef-fe-s d'établissement qui nécessite que je dialogue beaucoup avec eux pour leur faire comprendre mes objectifs. Aux yeux d'un certain nombre d'entre eux, pour une question de neutralité du service public, le politique n'a pas à avoir ce dialogue direct, ample. Si je viens discuter avec une classe du numérique, il n'y a pas de problème. Mais si je viens discuter avec les jeunes de la question de la réussite, on va se mettre à parler aussi d'injustice, d'inégalités, de discriminations. Et je vois ce qui inquiète les chef-fe-s d'établissement : la crainte que la vice-présidente, de plus communiste, fasse du prosélytisme, de la critique gouvernementale de bas étage. Il y a aussi la question du pouvoir. Le ou la chef-fe d'établissement se considère maître chez lui et peut être inquiet-ète de voir son autorité remise en cause auprès des élèves.
Certains jouent le jeu dès le début. Au vu de ce qui est fait, du dialogue en grande proximité et très respectueux de leur rôle et de leur mission, la confiance se construit progressivement. Ils sont donc rassurés de voir qu'il n'y a de ma part aucune volonté de nier leur rôle, de les court-circuiter. Je suis par ailleurs soutenue par le groupe Front de gauche, qui a obtenu dans la précédente mandature une vice-présidence sur la démocratie régionale, confiée à Claire Villiers. Jean-Paul Huchon décide également de me faire confiance et l'idée que la Région Île-de-France expérimente une nouvelle façon de faire de la politique avec les jeunes fait en fin de compte consensus. La porte est ouverte.

La consultation de 2011

Fin 2010, le principe et les modalités d'une vaste consultation des jeunes afin de leur donner la parole et de me permettre de construire avec eux ma feuille de route sont acceptés par la majorité régionale. Mais organiser une telle consultation ne fait partie ni de la mission ni de la culture des services de la Région. L'agence de conseil Campana Eleb Sablic, spécialisée dans l'accompagnement du changement, est finalement retenue pour la conduire. Elle prépare les rencontres avec les jeunes en menant une enquête qualitative audiovisuelle, c'est-à-dire en filmant les interviews d'une centaine de jeunes de quelques lycées, la plupart du temps avec l'aide des conseillers principaux d'éducation. Cette enquête audiovisuelle préalable donne lieu à une synthèse sous la forme d'un film d'une quinzaine de minutes qui restitue la parole des jeunes, passe en revue toutes les questions, les thématiques communes. Ce film sera projeté au début de chacune de mes rencontres avec les lycéen-ne-s afin de lancer le dialogue.
Après la réalisation de l'enquête préalable vient l'étape de recherche des jeunes pour les rencontres. Il nous faut repérer un nombre significatif de lycées, entre dix et vingt, représentatifs de tous les territoires d'Île-de-France et de l'ensemble des établissements et des formations. Par ailleurs je veux me trouver dans chaque rencontre devant des assemblées importantes, autour de cent jeunes, pour qu'il y ait de la diversité dans les propos.
L'agence fait un important travail localement pour déterminer qui peut être aidant dans le lycée : ici les CPE, ici certains enseignant-e-s volontaires, parfois syndicalistes, là le proviseur ou son adjoint, etc. Dans certains établissements les relations resteront compliquées jusqu'au dernier moment. Mais c'est ce qui m'intéresse aussi : le jeu et le mouvement que tout cela occasionne, y compris quand il y a du conflit. Je ne suis pas en recherche d'une situation idéale mais de leviers pour créer une nouvelle dynamique, avec celles et ceux qui sont partants.
Je décide de travailler dans les lycées où il y a au moins une neutralité bienveillante. Quinze sont retenus à Versailles, Neuilly-sur-Seine, Goussainville, La Courneuve, Corbeille-Essonnes, Paris, Aubervilliers, Suresnes, Nogent-sur-Marne, Le Kremlin-Bicêtre, Poissy, Fontainebleau, Brie-Comte-Robert, Jouy-le-Moutier et Savigny-sur-Orge. Tous les types de lycées sont représentés : généraux, polyvalents, professionnels. Il y a même un lycée privé. Les quinze rencontres se déroulent sur une période courte de deux mois, de mi-mars à mi-mai 2011.

« On n'est pas considérés comme les autres »

Une des premières rencontres a lieu au lycée Jacques-Brel à La Courneuve. C'est un grand bâtiment de briques rouges à la fois très visible et bien inscrit dans le paysage urbain, avec un vrai geste architectural. Le proviseur qui m'accueille est très actif ; il est notamment animateur du concours « Poésie en liberté ». Il est assez content d'accueillir la consultation, car il sait que les projets, les temps de dialogue, la présence de personnalités extérieures aident à donner du courage et de l'envie aux élèves. Ce lycée qui accueille des jeunes de toutes les séries de la voie générale et technologique obtient de bons résultats. Il a une bonne image du point de vue de l'équipe pédagogique et de la réussite des jeunes.
Dès l'entrée dans la salle, les visages attentifs des jeunes me frappent. À ma demande, nous nous trouvons dans une salle sans estrade, type salle de restauration scolaire. Les tables et les chaises sont disposées en ovale pour faciliter la prise de parole. Ainsi, eux comme moi nous trouvons toujours face à la personne à laquelle nous nous adressons et cela installe une forme d'égalité entre les jeunes et les adultes. C'est pour moi une façon de montrer que je les respecte.
Je suis attachée à ce que soit présente une diversité d'adultes pour recevoir la parole des jeunes : des personnels de l'éducation, des élu-e-s, mais aussi des chef-fe-s d'entreprise du territoire. Les lycéen-ne-s se préoccupent beaucoup de leur avenir, surtout de leur insertion professionnelle. La présence des chef-fe-s d'entreprise compte pour eux. Ces derniers entendent ce que les jeunes ont à dire. D'habitude ils se rendent dans un lycée à l'occasion d'un forum pour l'emploi pour porter la bonne parole. Là le rapport est inversé puisque ce sont les jeunes qui parlent. Ce jour-là, quelques chef-fe-s d'entreprise de la mode, du design, des représentant-e-s du Medef de Seine-Saint-Denis ou de grandes entreprises du service public sont présents.
Les jeunes ont entre 15 et 18 ans. De nombreuses classes et filières sont représentées, avec une mixité filles-garçons. Des petits groupes de lycéen-ne-s sourient, rient ensemble : l'excitation d'avant la rencontre. Je passe dans les premiers rangs et salue un certain nombre de jeunes. Je me présente, leur demande leur nom, leur classe, nous faisons légèrement connaissance, ce qui facilite un véritable échange. Ce n'est pas si simple puisque je suis à leurs yeux la « personnalité ». Je pense nécessaire qu'ils m'entendent dire à voix haute, au micro (ce que je fais en début de réunion), mais aussi à voix basse, à eux personnellement, au moment où je les salue, que ce qu'ils vont dire – en tant que personne et non en tant que simple collectif – m'intéresse. Nous créons ainsi un premier lien. Pour eux, la Région n'existe pas vraiment, elle n'est qu'une administration vague sans visage. Il est important qu'ils sentent que je m'intéresse à eux.
Je ressens dès ce premier contact qu'ils et elles s'interrogent – « Est-ce qu'on est capables d'intéresser des gens de l'extérieur ? » –, et en même temps ils ont, au fond, le sentiment que, naturellement, ils le valent bien ! Le fait que je m'adresse individuellement à eux transforme leur attentisme en attention. La Région est présentée afin d'établir un rapport entre des questions d'intérêt général et des propositions plus concrètes, mais je sens bien que la question « Comment la Région peut mieux vous accompagner ? » reste pour eux très floue. Leur attente est vague, mais ils sont néanmoins contents d'être invités à parler ; l'idée de pouvoir s'exprimer les intéresse. Nous commençons.
L'animateur dit deux mots sur l'enquête puis me passe la parole en me demandant pourquoi j'ai souhaité cette rencontre. Je le leur dis assez simplement : « Je suis là pour vous écouter parce que je viens de prendre la responsabilité des lycées et j'ai une question : comment, vous qui êtes dans les lycées, voyez-vous la vie ? J'ai besoin de vous entendre pour exercer mes responsabilités, pour que nous construisions ensemble, vous et moi, de bonnes propositions afin que vous puissiez encore mieux réussir vos études, votre vie... » Ces premiers mots ont pour rôle de donner un statut à la réunion, de montrer qu'elle va être utile et que j'en ferai quelque chose. Je leur dis la curiosité que j'ai les concernant. Pas seulement le groupe, pas seulement les propositions qu'ils vont faire, mais bel et bien chacune et chacun d'entre eux.
Les quinze minutes que dure le film suffisent pour entendre une diversité de points de vue et cerner vraiment les sujets. Ce n'est pas trop long pour qu'on puisse lancer assez vite le dialogue. J'observe pendant la pr...

Table des matières

  1. Page de titre
  2. Sommaire
  3. Remerciements
  4. Introduction
  5. Chapitre 1 Donner la parole
  6. Chapitre 2 Égalité-e-s
  7. Chapitre 3 Réussir
  8. Conclusion