Polluants industriels. Salariés en danger
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Polluants industriels. Salariés en danger

Révélations sur une contamination silencieuse

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Polluants industriels. Salariés en danger

Révélations sur une contamination silencieuse

À propos de ce livre

Le scandale de l'amiante a laissé des traces qui ne sont pas encore effacées et dont le grand public garde le souvenir. En revanche, on ignore le plus souvent qu'aujourd'hui,
parfois même à notre porte, d'autres produits toxiques émanant des activités industrielles empoisonnent des salariés et les populations environnantes.
Environ 13, 5 % des salariés en France seraient exposés à un ou plusieurs facteurs cancérogènes au cours de leur activité professionnelle, soit environ 2 370 000 salariés. Parmi ces polluants figurent les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), le benzène, les poussières de fer ou encore les huiles minérales.
Jacqueline de Grandmaison a mené l'enquête dans la zone industrielle de Fos-sur-Mer, l'une des plus importantes d'Europe qui, par ses activités pétrochimiques et sidérurgiques (Total, Kem One, LyondellBasell, ArcelorMittal), génère l'émission d'une grande quantité de polluants. Pour ce livre-document, elle a interrogé les travailleurs et leurs syndicats, les médecins, les autorités sanitaires, la Cnamts, les employeurs, le ministère du Travail.
Même si ces dangers qui pèsent sur les salariés sont connus des experts, le scénario qui s'est déroulé pour l'amiante est en train de se renouveler: alors que la prévention en matière d'exposition à ces produits devrait être prioritaire, c'est le manque ou l'insuffisance de protection, le déni des employeurs, le recours à la sous-traitance pour effectuer les tâches les plus exposées, les difficultés de reconnaissance en maladies professionnelles qui dominent... Va-t-on continuer à jeter un voile discret sur ce fait qui concerne la vie de centaines de milliers de salariés ou agir résolument avec tous et au grand jour pour mettre en place des actions de prévention à la hauteur du danger?

Foire aux questions

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Troisième partie

Quelles actions hier, aujourd'hui, demain ?

La nocivité de nombre de polluants industriels est encore ignorée par le grand public, mais aussi par des travailleurs directement concernés. Par ailleurs, les initiatives, actions et combats menés par des représentants des salariés, des médecins, des associations ou des mouvements sociaux comme la mutualité pour une meilleure connaissance de ce danger sanitaire et sa prévention, sont également trop souvent méconnus, oubliés, insuffisamment relayés par les médias.
Ce sont pourtant ces mobilisations collectives qui ont permis, certes tardivement, d'aboutir à l'interdiction de l'amiante en France, à la reconnaissance des maladies que ce minerai avait provoquées, à l'indemnisation des victimes et aux procès en faute inexcusable des employeurs.
Ces actions ne sont pas obsolètes. Certaines, particulièrement novatrices, se sont pérennisées parce qu'elles sont toujours d'actualité. Dans les Bouches-du-Rhône et particulièrement dans la zone de Fos-Étang de Berre, elles ont contribué à la mise en place d'un système d'information, aujourd'hui toujours utilisé, permettant de repérer les lieux où des salariés continuent d'être exposés à des produits toxiques et de mieux prendre en charge leurs pathologies.
La troisième partie de cet ouvrage sera consacrée à la question des solutions apportées dans le passé, à celles qui se dégagent aujourd'hui, mais aussi à celles auxquelles il sera nécessaire de réfléchir à l'avenir. Une réflexion à mener avec ceux qui ont tracé la voie dès les années 1970 et qui continuent de le faire (médecins, représentants de salariés, associations) ; avec des responsables d'organismes de recherche dans le domaine de la santé au travail ; avec ceux aussi qui, au niveau public, ont la responsabilité de la reconnaissance des maladies professionnelles et de leur prévention : Caisse nationale d'assurance maladie et Inspection du travail en particulier.

Mutualité : des piliers sur lesquels s'appuyer

Dans les années 1960, une médecine pionnière se met en place à Marseille. À son initiative, l'union départementale des mutuelles de travailleurs des Bouches-du-Rhône (UDMT 13), alors présidée par Louis Calisti{18} et un groupe de médecins, dont le Dr Jean-François Rey – qui deviendra par la suite médecin directeur de l'UDMT 13.
De cette rencontre entre une mutualité qui ne veut pas se contenter de gérer, mais qui propose d'agir sur le système de santé, et des médecins soucieux d'exercer autrement, naît en 1960 à la polyclinique La Feuilleraie, à Marseille, puis dans l'ensemble des centres de santé mis en place par l'UDMT dans les Bouches-du-Rhône, une pratique médicale d'un autre type. Son objectif est de garantir l'accès à des soins de qualité pour tous dans le respect des tarifs remboursés et sans aucune avance de frais. Mais il s'agit également de mettre en œuvre une pratique médicale en équipe pluridisciplinaire, payée à la fonction{19}, et soucieuse de prévention. La mutualité des travailleurs regroupant à cette époque un grand nombre de mutuelles d'entreprises, cette prévention va tout naturellement s'axer prioritairement sur la santé au travail. Et s'intéresser notamment au problème de l'amiante.
Dès les années 1970, l'UDMT 13 est le premier mouvement social à prendre ce problème de l'amiante à bras le corps, menant des enquêtes dans les entreprises et proposant un croisement des savoirs ouvriers avec ceux de la médecine.
En 1976, un colloque sur la prévention des maladies est organisé par l'UDMT, en partenariat avec le conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA). Cette initiative s'inspire des travaux du Pr Henri Poulizac, directeur du centre de médecine préventive de Nancy, dont on parle beaucoup à l'époque pour les actions de prévention qu'il met en place. Si Henri Poulizac est l'invité vedette de ce colloque, Gastone Marri, directeur du Centre de recherches et documentations sur les risques du travail en Italie, va révéler une autre forme de prévention destinée aux travailleurs. Il dévoile ainsi le recours des équipes italiennes, sous l'impulsion du Pr Ivar Oddone (voir encadré ci-après), au savoir des ouvriers afin de compléter le savoir médical et scientifique.
Un chercheur qui s'appuie sur l'expérience ouvrière
Né en 1923 et décédé en 2011, le Pr Ivar Oddone, médecin, psychologue du travail et cogniticien, n'était pas un chercheur académique. C'est toujours en rapport avec les hommes « réels » (ouvriers, médecins, techniciens), en construisant un rapport d'égalité avec eux, qu'il a affronté la question de l'influence des conditions de travail sur la santé.
En France, il est surtout connu pour l'un de ses ouvrages, Redécouvrir l'expérience ouvrière, publié dans la foulée des années 1960-1970 en Italie, sur la vague impétueuse de luttes ouvrières pour une organisation et un milieu de travail permettant à l'homme de déployer toutes ses capacités. Des années où la révolte du monde syndical contre les dégradations des conditions de travail et les atteintes à la santé dans les usines s'est exprimée avec force. Ivar Oddone, qui s'est toujours mis au service du mouvement ouvrier, crée la « Commission médicale » puis le « Centre de lutte contre la nocivité du travail » de la Chambre du travail de Turin, devenant ainsi, avec un nombre toujours plus grand d'ouvriers, d'experts et de syndicalistes, animateur d'un « collectif de recherche » pour apporter des solutions afin que ces luttes ne restent pas sans lendemain. Il s'agit en particulier, sans exclure les connaissances scientifiques, de faire appel à d'autres connaissances basées sur l'expérience des travailleurs. Ivar Oddone avait la conviction qu'il n'y a pas d'un côté « ceux qui savent » (les médecins, les ingénieurs, les techniciens, etc.) et de l'autre une masse indifférenciée d'ignorants. On voit donc là comment il a pu rejoindre la démarche qui émergeait dans la zone de Fos, avec les mêmes convictions. Dès la fin des années 1970, des cartes de risques sont élaborées dans des entreprises implantées en Italie. Elles serviront de modèles à celles qui préfigureront le Sic à Fos.
La réalisation du Sic représente d'ailleurs quelques années plus tard l'aboutissement de cette expérience italienne. L'objectif de l'intervention était celui de transformer une organisation curative existante (des centres de santé mutualistes) en une organisation capable aussi d'identifier les maladies sûrement éliminables en tant que maladies dues à l'environnement construit par l'Homme.
S'il a développé un langage nouveau, potentiellement commun aux ouvriers et aux médecins, pour aborder le problème de la nocivité, c'est parce que, comme Antonio Gramsci, il était convaincu que dans ce domaine on ne peut pas savoir sans comprendre, on ne peut pas comprendre sans sentir ce que sentent les ouvriers, non pas comme groupe générique qu'on utilise dans les discours, mais comme personnes individuelles.
Des universitaires comme le Pr Christian Boutin, des médecins généralistes en particulier des centres de santé et des représentants des mutuelles participent à ce colloque qui selon leurs propos marque énormément les participants. Qu'il s'agisse de prévention pour l'ensemble des usagers ou dans les milieux professionnels, des informations nouvelles et des pistes d'action sont proposées.
Des médecins mutualistes, toujours en activité, qui ont expérimenté cette démarche dès le début de leur carrière témoignent. Ils ont alors compris aussi qu'une médecine d'équipe rémunérée à la fonction peut être l'un des piliers sur lesquels s'appuyer pour aller vers une médecine plus préventive.

« Faire un bon diagnostic mais aussi rechercher la cause »

Jeune médecin tout juste sorti de la faculté de médecine de Marseille, Gilbert Squarcioni entame sa vie professionnelle au centre de santé Pierre-Calisti de La Ciotat. un centre qui fait partie du réseau créé par l'UDMT 13.
« J'ai été attiré par les conditions d'exercice qui me permettaient d'avoir un regard très particulier. Le jeune médecin que j'étais pouvait avoir un regard clinique dans le cadre du colloque singulier médecin-patient{20}, mais aussi un regard d'ensemble sur une population donnée, car ce centre était le lieu où la plus grande partie des salariés du chantier naval et leur famille venaient se faire soigner. À ce moment-là, j'ignorais encore le degré extrêmement sévère d'exposition aux fibres d'amiante des ouvriers de ce chantier. Cependant, dans notre pratique qui prenait en compte la prévention, les médecins se sont posé très rapidement des questions, à partir de la lecture de certaines publications qui commençaient à circuler, mais surtout à partir de pathologies développées par nos patients et des questions que nous posaient des salariés du chantier. De leur côté, les militants des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) s'interrogeaient eux aussi sur les dangers possibles de l'utilisation de l'amiante et sont venus en discuter avec nous. »
De 1979 à 1983, le Dr Squarcioni part renforcer l'équipe du centre de santé de Port-de-Bouc – qui fait également partie du réseau de l'UDMT –, deux ans après l'ouverture de celui-ci. Il rejoint là une équipe composée de médecins comme Gilbert Igonet, Philippe Gallichet, Claude Locher, tous très impliqués dans une démarche de prévention en milieu professionnel.
« Dans ce secteur, la situation était assez proche de celle observée à La Ciotat, commente Gilbert Squarcioni. À Port-de-Bouc, un chantier naval avait fermé moins de dix ans auparavant, après avoir fonctionné pendant des décennies. Il y avait aussi l'usine Eternit qui, entre la fin des années 1950 et 1979, produisait de l'amiante-ciment et d'autres entreprises où l'amiante était largement utilisé. Après La Ciotat, j'ai donc été amené à me poser les mêmes questions avec mes collègues de Port-de-Bouc. Notre mode d'exercice permettait ce type d'échanges entre médecins qui avaient conscience du rôle qui pouvait être le leur en termes de santé publique et de réduction des risques auxquels nos patients pouvaient se trouver confrontés. Des risques pouvant compromettre gravement leur santé à cause de conditions de travail non maîtrisées. »
Le travail d'équipe permet également les échanges entre généralistes et spécialistes, comme les pneumologues et radiologues qui observent des images inhabituelles sur des clichés thoraciques. Des experts hospitalo-universitaires sont également sollicités par ces médecins mutualistes afin de compléter leur démarche sur le plan scientifique.
Mais c'est aussi la rencontre des savoirs médicaux et ouvriers, déjà entreprise par ces équipes, qui va se formaliser avec une première étude réalisée en 1978 sous la direction du Pr Christian Boutin, au sein de l'usine Eternit Caronte.
« Pour un médecin, la question est de faire un bon diagnostic au bon moment pour une bonne prise en charge, souligne le Dr Squarcioni. Rechercher le pourquoi, l'origine, est plus difficile. Cette recherche-là est venue de ceux qui ont été appelés “les experts bruts”. Des travailleurs, experts de leur vécu, et qui voulaient être entendus. Notre travail s'est donc nourri de ces deux sources d'information : celle des salariés avec leur connaissance des expositions, des conditions de travail, des matériaux utilisés ; celle des médecins qui, au-delà de l'établissement d'un diagnostic, se sont posé la question de la cause et de la façon de répondre aux interrogations des personnes concernées. »
Fort de la nouvelle expérience acquise à Port-de-Bouc, Gilbert Squarcioni regagne le centre de santé de La Ciotat en 1983. « C'était alors une période bénie pour la médecine, avec un ministre de la Santé, Jack Ralite, qui portait beaucoup d'intérêt à ces questions. À partir de notre pratique médicale et de notre souci de prévention, à partir de l'étude conduite à Port-de-Bouc, nous avons pu mener à La Ciotat une enquête épidémiologique, financée par le ministère de la Santé, pour mesurer le poids du risque amiante parmi la population des ouvriers du chantier naval. En 1983, avec un œil malgré tout un peu plus aiguisé, on découvrait de plus en plus de pathologies à propos desquelles on pouvait émettre l'hypothèse très forte d'une maladie due à l'amiante : troubles fonctionnels d'allure banale comme des bronchites ou des pleurésies, cancers du poumon sur lesquels on ne portait pas l'interprétation univoque du tabagisme, cancers de la plèvre. »
L'enquête, qui dure un an, est conduite en coopération avec les médecins du centre de santé, la mutuelle d'entreprise et le comité d'hygiène et de sécurité du chantier. Comme à Port-de-Bouc, elle bénéficie de l'expertise scientifique du Pr Boutin. Cette enquête permet de démontrer de manière irréfutable le rôle très important que joue sur la santé des salariés l'exposition massive à l'amiante. « Nous étions dans des taux d'exposition très au-dessus des limites supérieures indiquées dans la réglementation de 1977{21}, précise le Dr Squarcioni. La conclusion était qu'un salarié sur trois du chantier, quels que soient sa profession et son poste de travail, avait la probabilité, au-delà de dix ans d'activité, d'être affecté par l'une ou l'autre des pathologies de l'amiante. Trente-quatre ans après notre enquête, on peut malheureusement faire le constat qu'il s'agissait là d'une évaluation minimale et que la réalité est allée bien au-delà au niveau des maladies et des décès. »

« L'enrichissement d'un travail d'équipe »

Comme son confrère Gilbert Squarcioni, Jean-Pierre Coulon a débuté sa carrière de médecin généraliste dans les centres de santé de l'union départementale des mutuelles de travailleurs des Bouches-du-Rhône. « J'avais eu connaissance de ce qui se passait dans ces centres, et cela m'avait particulièrement intéressé. Surtout la médecine d'équipe, sécurisante et enrichissante pour un jeune, mais aussi l'absence de lien d'argent avec les patients puisqu'on était rémunérés à la fonction, chose très nouvelle à l'époque. J'ai d'abord effectué des remplacements dans différents centres de santé puis, très rapidement, j'ai été appelé sur ceux de Port-de-Bouc et de Martigues. Là, j'ai rencontré les docteurs Igonet, Squarcioni, Gallichet... L'étude menée avec le Pr Boutin à l'usine Eternit Caronte avait déjà eu lieu. Le problème de l'amiante m'a éclaté à la figure. Mais pas uniquement : l'amiante était le révélateur d'une situation jetée aux oubliettes concernant les risques au travail. Au sein de cette équipe médicale, on parlait beaucoup au contraire de la prévention de ces risques professionnels. Mon expérience s'est enrichie encore au contact du professeur Ivar Oddone, dont le travail visait à reconnaître l'expérience ouvrière afin de compléter le savoir médical. Encore fallait-il organiser le recueil de cette expérience afin que les travailleurs soient bien conscients de ce qu'ils savaient et pour que ce savoir serve à d'autres. Tout cela m'a marqué en tant que jeune médecin. »
Jean-Pierre Coulon ajoute : « Ce qui était extraordinaire, c'était de voir autour d'une même table des médecins, des travailleurs, des universitaires, des responsables syndicaux et mutualistes capables de s'enrichir mutuellement. Ce que les médecins ont pu apporter aux travailleurs est sans doute fondamental, mais ce qu'ils ont reçu des travailleurs l'est tout autant. »

Un universitaire sur le terrain

De son côté, au centre régional anticancéreux de Marseille, le Pr Christian Boutin, chef du service de pneumologie, s'intéresse à certaines pathologies qui lui paraissent suspectes. Nous sommes en 1973, époque à laquelle la question de la prise en charge médicale des maladies de l'amiante n'était pas encore beaucoup étudiée en France. Aussi, cet universitaire d'à peine quarante ans se rend aux États-Unis afin de s'initier aux techniques – notamment concernant le dépistage et la prise en charge thérapeutique de ces maladies – les plus avancées. De retour à Marseille, il va mettre en pratique ces connaissances. D'abord au centre régional anticancéreux, puis à l'hôpital de la Conception faisant partie de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille.
Mais sa démarche ne se limite pas à l'enceinte de l'hôpital ou de la Faculté de médecine : il n'hésite pas à se rendre sur le terrain pour rencontrer des ouvriers, des médecins mutualistes. C'est ainsi qu'en 1975, il entreprend avec une équipe de spécialistes une enquête auprès des anciens travailleurs de la mine de Canari, au Cap Corse. Pendant plusieurs mois, cette équipe va parcourir la Haute-Corse avec un camion de dépistage radiologique. Sur 357 ouvriers inscrits sur les listes de la médecine du travail, ils en retrouvent 210. « Malheureusement, constatait l...

Table des matières

  1. Page de titre
  2. Sommaire
  3. Introduction
  4. Première partie Des victimes de l'amiante témoignent
  5. Deuxième partie Autres produits, même scénario
  6. Troisième partie Quelles actions hier, aujourd'hui, demain ?
  7. Conclusion
  8. Annexe. Le complexe industriel de Fos-sur-Mer : grandeur et dangers
  9. Remerciements