Croire, mais en quoi ?
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Croire, mais en quoi ?

Quand Dieu ne dit plus rien

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Croire, mais en quoi ?

Quand Dieu ne dit plus rien

À propos de ce livre

Que signifie croire dans un monde qui n'est plus séparé en deux, d'un côté le profane et ses contingences matérielles et de l'autre le sacré et ses préoccupations spirituelles? De quoi peut témoigner la foi chrétienne dans une société où « la Bourse est devenue un temple et le foot une grande messe »? C'est à cette question essentielle que se confronte Albert Rouet, celle de la sécularisation. En se démarquant de la volonté de constituer des citadelles chrétiennes pour faire face à l'indifférence, l'ancien archevêque de Poitiers trace une voie autre: faire du dialogue avec Dieu, le lieu où l'existence se creuse, une expérience où l'insatisfaction du désir n'est pas comblée par la possession et la consommation toujours plus grandes d'objets. Car, « quand les hommes disent ne plus croire à rien, il leur reste encore à mieux devenir des humains ». Dans un climat où l'indifférence massive à l'égard de la religion suscite l'exaltation identitaire, Albert Rouet propose une voie singulière: vivre la foi chrétienne dans des gestes quotidiens, désirables, c'est-à-dire bons pour vivre.

Foire aux questions

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Informations

Seconde partie

Regards croisés sur la sécularisation

Après un bref parcours historique, la sécularisation, au sens propre, apparaît comme un fait nouveau, lié aux conditions culturelles et sociales de la modernité. La percevoir plus haut dans l’histoire est excessif à cause de la forte présence du sacré et d’une organisation sociale collective voire unanimiste. Le monde sécularisé n’est pas uniforme. D’abord, la sécularisation y revêt trois formes différentes, la sécularisation installée, triomphante et involutée, qui peuvent coexister et se mêler. Ensuite, la perception de la sécularisation varie beaucoup selon les approches qui en sont faites.
En effet, les analyses vont depuis l’acceptation de cette réalité jusqu’à son déni. Il arrive que des croyants la perçoivent simplement suivant les vieux schémas de l’incroyance ou de l’indifférence religieuse, c’est-à-dire selon une absence de foi plus ou moins hostile, ou un désintérêt pour une religion spécifique. Au xixe siècle, l’indifférence caractérisait non pas l’absence de toute curiosité religieuse et de toute attention à la question du divin, mais l’attitude qui estimait indifférente l’appartenance à telle ou telle religion, puisqu’elles étaient tenues pour équivalentes.
Les stratégies pastorales face à la sécularisation dépendent donc de l’analyse de la situation actuelle. Pour ceux qui ne voient aujourd’hui que la continuation ou la répétition de combats anciens, l’attitude pastorale consiste à reprendre, sous une forme juste modernisée, les arguments et les pratiques qui, après la Révolution française, avaient pour objectif de restaurer le christianisme. C’est oublier que les temps ont profondément changé. C’est, en outre, se faire illusion sur les réelles transformations des cœurs que peuvent entraîner de spectaculaires manifestations. Car – autre fait nouveau – d’autres religions, à commencer par l’islam, remplissent, dit-on, leurs temples et débordent sur les voies publiques. Mesure-t-on alors qu’en réagissant comme les autres cultes, le christianisme se banalise à se comporter comme eux ? Ce qui fut valable jusqu’à l’apparition de la sécularisation décline en pertinence quand elle est présente. Un exemple pris au loin illustrera ce décalage. Il date d’avant la sécularisation, mais son éclairage réside en ce que, face à une question posée à la foi, aucune réponse appropriée n’est apportée. C’est ce même décalage qui se répète aujourd’hui.
Un auteur canadien, Michel Langlois, décrit l’histoire d’une famille de Québec, entre 1888 et 1940. Dans la ville, l’Église règne en maîtresse incontestable. Elle y gère des œuvres de charité efficaces. Elle s’oppose à la liberté d’expression, à la culture moderne et à la promotion féminine, tout cela au nom de la « morale ». Dans le chapitre 1918-1924, l’auteur rapporte qu’une des premières femmes médecins cherche à ouvrir un dispensaire pour les enfants des familles les plus pauvres. Pendant ce temps, un incendie criminel consume la basilique de Québec qui est rapidement rebâtie grâce à la générosité publique. Le chroniqueur conclut ainsi :
On se préoccupe du bien-être de Dieu, qu’on ne voit pas et qui, en tant que pur esprit, n’a certainement pas besoin de chauffage, et on ne se soucie pas d’une foule de gens qui nous entourent. Je déplore que nos prêtres ne semblent même pas s’inquiéter à ce sujet. Dire que si j’osais parler de cela dans le journal, on me prendrait en grippe et je risquerais même de perdre ma place. Il y a des situations déplorables et honteuses qu’il faut malheureusement taire et je me demande bien pourquoi{43}.
L’argument est ancien, très ancien même. Le prêtre de la famille trouve que « c’est la volonté de Dieu » : premier décalage entre la question sociale aiguë et un prêtre ligoté au culte et à son propre statut. Ensuite, le chroniqueur-journaliste risque sa place s’il pose cette question : deuxième décalage avec la liberté d’expression. La basilique est reconstruite encore plus belle, quand, sur un fond d’inégalités sociales, se développent les trains, les avions, les automobiles, le téléphone ; à ces progrès répond l’immobilisme de clercs qui font de leur mieux ce qu’ils ont toujours fait : troisième décalage.
À distance de décennies, il est évidemment plus facile de montrer ces écarts entre une société qui avance et un clergé qui se crispe sur ses positions dominantes. On allait vers la rupture. Il convient de se demander si, devant la sécularisation, l’Église n’est pas en train de créer un décalage analogue, en cherchant à remédier aux problèmes nouveaux par des solutions obsolètes, faute de percevoir et d’accepter la nouveauté de ce qui se passe. Une réaction dangereuse consiste à ramener le présent à une problématique d’hier. Il est vrai que les ministres de l’Église sont submergés par les demandes rituelles d’offices, au point de s’y exténuer et de ne plus avoir le recul indispensable. Il serait judicieux que les pratiquants s’interrogent sur la pression qu’ils imposent à nos prêtres. Un curé du Jura suisse avouait : « Parce qu’ils paient l’impôt [religieux] cantonal, les chrétiens disent avoir droit aux sacrements quand ils le veulent. » On arrive à une exigence identique, même sans impôt...
C’est donc l’Église entière qui est interrogée par la sécularisation, de son type de présence à ses activités, de l’annonce de l’Évangile jusqu’à sa foi elle-même. De temps à autre, je reçois, sous enveloppe kraft, des lettres de vingt à trente pages, posant à peu près les mêmes questions : la toute-puissance de Dieu, la virginité de Marie, la descente aux enfers... bref, les énoncés de la foi dans le Credo. Les auteurs de ces missives appartiennent presque tous à la catégorie des retraités, souvent de formation scientifique, interrogatifs devant l’absence de pratique religieuse de leurs enfants et petits-enfants. Ils sont mal à l’aise devant le vocabulaire de la foi. Mais il y a une foi. Elle bute sur les mots et le manque de connaissance de l’histoire qui a choisi ces termes.
Ce n’est plus la situation des plus jeunes. De l’éducation transmise, ils ont retenu des « valeurs », comme on dit : altruisme, honnêteté, primat de l’amour... Donc une morale. Ce serait trop vite parler que de conclure « qu’ils n’ont pas la foi ». Ils adhèrent à ces vertus et sont capables de les mettre en action. Mais ils croient – c’est-à-dire font confiance – à autre chose. Leur foi s’est déportée vers les relations réciproques. Elle cherche une alliance. Si le mot « Dieu » est absent de leur vocabulaire, cela ne signifie pas que le désir d’infini et le goût de sortir de soi les aient abandonnés{44}. Ils vivent dans la sécularisation.
À cette situation, il n’existe pas de solution unique et générale. Seulement des approches, des attitudes nouvelles, une posture différente. Il faut donc inventer. C’est pourquoi cette seconde partie ne se présente pas sous forme d’une théorie pastorale complète. Elle propose des débuts de défrichages avant de tracer des pistes sûres, des tentatives de-ci de-là avant de bâtir une synthèse encore impossible. D’ailleurs, les conclusions assurées ne s’esquissent qu’après un long parcours, le plus souvent quand les problèmes s’exténuent et disparaissent !

Chapitre 4
Y a-t-il un lieu pour dire Dieu ?

« Les mots, pour circonscrire l’élément inconnu, manquent de sens – ou, plutôt, ils ont été si souvent utilisés qu’ils ont perdu une partie de leur force de conviction. Les mots sont usés par le temps, comme les galets de la rivière Tescou qui coulait au bas de la maison de mon enfance, polis par le flot de la littérature, la philosophie, la religion. Leur usure fait leur qualité, elle trace leur limite. »
Philippe Labro, Le Flûtiste invisible,
Paris, Gallimard, 2013, p. 84.
Avec les galets de la rivière, les habitants tapissaient les ruelles et les porches des villages, ou ils les incrustaient dans le crépi de leurs maisons. Des ornements. Ce qu’on appelle « la langue de bois » n’indique pas tant la complexité des propos que cette vaine ornementation goûtée seulement par ceux qui la plaquent sur la nudité de leur sol ou de leurs murs.
C’est ainsi que la sécularisation traite de Dieu, en s’avançant en deux directions. Premièrement, sur le terrain où elle progresse, sol livré aux analyses ou bétonné de technique, elle se passe de Dieu, n’en voit pas l’intérêt, ne redoute plus les éclats de ses sectateurs. Ces agitations la laissent indifférente. Comme ornements, ensuite, elle y prend un certain plaisir, celui des émotions et de l’histoire. Elle apprécie les « prêtres à l’ancienne » (comme la moutarde !) qui font revivre sous ses yeux les beautés fanées que goûtèrent les âges passés.
Dieu ne dit rien. Ce qu’on pourrait en dire doit se fier aux antiques canons d’un hier imaginé. Tout est donc en place et doit le rester. Ceux qui souhaiteraient annoncer l’Évangile ne trouvent devant eux qu’un silence d’où ne pointe nulle prise, ou un discours convenu qu’avec raison ils refusent. On revient aux druides, parce que la tribu ressent le besoin de festivités et – sait-on jamais ? – de protection : ça ne peut pas faire de mal... Dans les choses sérieuses, on ne tient pas à croiser une divinité qui, d’ailleurs, n’a rien à y faire. Progressivement, les efforts religieux pour contrer le cours public des choses ont perdu leurs combats successifs : la limitation des naissances, le catéchisme du mercredi, le mariage homosexuel... et maintenant la famille présente le dernier tournoi. Non point que ces causes n’aient eu des raisons, et parfois simplement elles ont eu raison, mais leur manière juridique, traditionnelle et péremptoire apparaissait comme une surcharge apprêtée et excessive de l’ornementation sur la simplicité de l’architecture. Qui, par exemple, s’est avisé qu’en cent cinquante ans, l’amour familial est passé du devoir d’honorer à l’affection, parce que la famille avait effectué une mue considérable ?
De cet écart, ici à propos de Dieu, témoigne l’incident suivant. Pendant une soirée-débat sur « Dieu dans la bande dessinée », alors que l’auditoire majoritairement composé de jeunes visiblement peu « églisiers » (comme on dit en Berry) lançait ses objections et ses refus, un chrétien, pourtant éclairé, s’exclama : « Pour nous, Dieu est Amour. » La déclaration est admirable et elle constitue sans nul doute ce qu’un homme peut avancer de plus beau sur Dieu. Hélas ! l’intervention est tombée à plat. « Dieu », le mot était inconnu. Quant à l’amour, ce sentiment volatil et subit, il n’était pas plus clair. C’était donc chercher à expliquer l’inconnu par l’incertain : une langue de bois.
Sommes-nous dès lors condamnés au mutisme ? Ou faut-il se rabattre sur le seul témoignage et l’engagement ? N’est-ce pas à l’amour que se reconnaissent les disciples du Christ ? Alors, il suffit d’aimer... Ce n’est probablement pas aussi simple. Qu’on se rappelle ici le cas de ces nombreux militants chez qui la foi fut la raison de leurs engagements et de leur dévouement. Leur générosité a poursuivi sa course, mais sans la foi qui n’avait donc servi que de fusée porteuse dont les étages épuisés retombaient dans la mer. La limite de tout témoignage réside dans la fidélité explicite de son parcours aux motifs initiaux. On en reçoit encore l’éclat quand la source s’est tarie, ainsi que pour ces très lointaines étoiles mortes dont la lumière nous parvient encore. Il n’est pas possible de ne jamais plus interroger l’origine et la validité de la raison première.

Une parole du Christ

Avant de scruter les nappes souterraines de la sécularisation, un détour peut s’avérer nécessaire par l’évangile de Matthieu, en un passage célèbre qui paraîtra à première vue aller trop vite en besogne. Parmi les rudes controverses qui, à Jérusalem, opposent le Christ aux responsables de son peuple, il y a celle qui concerne le plus grand commandement. Différentes écoles en discutaient âprement. Le piège cherche à pousser Jésus vers telle ou telle tendance, donc à le banaliser en le réduisant à un maître parmi les autres. Chez Matthieu (22, 34-40), le Christ relève le défi et répond directement : le premier commandement consiste à aimer Dieu de tout son cœur ; un second lui est semblable : aimer son prochain comme soi-même. Une abondante littérature commente ces quelques versets. Deux mots méritent attention : il s’agit de commandements et le second est semblable au premier.
Un commandement : en français, ce terme équivaut à ordre, prescription, injonction. L’usage s’est imposé. Mais étymologiquement, ce n’est pas exact. Un ordre vient de l’extérieur et s’impose sans la participation active de l’autorité qui l’émet : elle fait faire sans avoir à se salir les mains. Le commandement vient du verbe « mander » qui signifie en premier : confier quelque chose à quelqu’un (d’où : demander). S’y ajoute le préfixe « com » (de cum, avec). Par conséquent, dans le commandement, celui qui le donne est partie prenante de son effectuation. Les deux partenaires agissent ensemble, chacun à sa place, dans une solidarité. Par leur mutuelle implication, les deux agents se comportent selon une même logique interne qui les réunit : ce qu’ils sont coopère pour un but commun. Ni extériorité ni confusion n’interviennent ici.
Le mot grec de l’évangile, entolè, traduit par commandement, se montre tout aussi surprenant. Le verbe dont il provient indique un mouvement, une tension en vue de produire un effet, d’où accomplir et finalement, au passif, être, au sens de résulter d’une opération. En grec comme en français, c’est donc une manière d’exister qui est en cause, un dynamisme créateur. Cette conclusion n’est pas sans incidence sur la manière de parler de Dieu à un monde sécularisé.
Ensuite, le second commandement est semblable au premier. La similitude est de l’ordre de la qualité et non de la quantité. Semblable n’a rien à voir avec les notions de plus grand ou de plus petit. Autre chose est en cause. Puisque semblable souligne ce qui n’est pas identique, ce mot indique que Dieu n’est pas identique au prochain. On objectera que le Christ a dit : « Ce que vous faites au plus petit des miens, c’est à moi que vous le faites » (Mt 25, 40). C’est oublier que le fait de proclamer cette phrase pose celui qui la dit de manière particulière, différenciée. C’est Lui qui l’affirme. Autrement dit, le Christ ne se perd pas dans l’autre. Sa relation à nous diffère de notre relation aux autres. Toute confusion serait néfaste à chaque personne concernée. La phrase du Christ désigne donc les petits qui sont les siens comme frères : il se place au fondement de la fraternité. Il en est la source et le terme. C’est en ceux qui écoutent sa voix et mettent sa parole en actes que se vérifient sa pertinence et sa fécondité. Dieu ne veut donc pas agir sans nous. En Marc 6, 7, Jésus envoie ses apôtres pour guérir. Ce sont eux qui, à leur retour, parlent de conversion (v. 12).

Où Dieu se dit-il ?

Ces remarques à partir de deux mots, commandement et semblable, conduisent à réfléchir au fait suivant : avec le Christ, le mot Dieu change de sens. Ou plutôt, Dieu étant indéfinissable, la géographie où aligner les termes, le climat de la prise de parole et l’environnement des propos sont considérablement modifiés. Le vocabulaire devient poétique, une création symbolique qui évoque l’indicible au-delà des mots. Pour autant, ce n’est pas pure inventivité ni errance, car un point fixe cloue le langage dans l’humanité : la figure du Crucifié.
Sans composer ici une brève théologie de la croix, il suffit de rappeler un seul aspect. Les systèmes religieux et politiques établis et sûrs d’eux, dont la sécularisation se tient soigneusement à distance, ce sont eux qui ont tué Jésus de Nazareth. L’évangile de Jean ira jusqu’à écrire : « L’heure vient où quiconque vous fera mourir croira rendre un culte à Dieu » (16, 2 – Hélas, c’est toujours vrai !). Pourquoi ? « Parce qu’ils n’ont connu ni le Père ni moi » (16, 3). Le propre de tout système religieux, du seul fait d’être un système qui fonctionne indépendamment des individus, est de donner des ordres et de s’imposer. Il ne se préoccupe pas de commander au sein d’un mutuel objectif. Comme l’écrivait le pape Léon X dans sa lettre condamnant Luther, « l’obéissance est la mère de toutes les vertus » – et non plus la charité. Les personnes ne sont alors perçues qu’à travers leur fonction (ordonner ou obéir) et non plus par leurs relations réciproques. La sécularisation refuse un tel système : puisque les personnes souffrent du poids de trop de structures, elles n’entendent pas se soumettre à une organisation qui s’ingérerait dans leur vie privée. Jusqu’ici, le sentiment partagé du sacré reliait les structures et les personnes. Il tenait lieu de ciment social. Sur lui pouvait même s’appuyer un discours sur Dieu : une base commune servait d’assise, à l’encontre de saint Paul qui place le Christ au fondement (1 Co 3, 10-11).
Rendre crédibles des propos sur Dieu oblige à partir de la ...

Table des matières

  1. Page de titre
  2. Sommaire
  3. Introduction Partir
  4. Première partie Coup d'œil dans l'histoire
  5. Transition La sécularisation, une chance à saisir ?
  6. Seconde partie Regards croisés sur la sécularisation
  7. Envoi Un nouveau comportement
  8. Références bibliques