Le Mythe national
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Le Mythe national

L'Histoire de France revisitée

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Le Mythe national

L'Histoire de France revisitée

À propos de ce livre

Nouvelle édition préfacée par Laurence de Cock.

L'identité nationale fait l'objet de vives controverses. Sur quelle vision de l'histoire doit-elle reposer? Celle d'une France gauloise continuée par les rois, accomplie définitivement avec la République? Ou celle d'une France métissée, faite de diversités culturelles et ethniques, ouverte sur l'avenir? Pour repenser l'histoire de France, il faut d'abord décortiquer à travers les anciens manuels scolaires le schéma du « roman national » de la Troisième République. Ce récit linéaire et continu d'une France pré-incarnée dans la Gaule légitime, en occultant victimes et vaincus, les pouvoirs et les conquêtes qui ont non seulement créé la France mais encore la « plus grande France », c'est-à-dire un empire colonial. Les recherches portant sur l'histoire de Vichy, la colonisation et l'immigration de la guerre d'Algérie, tout comme les débats autour des lois mémorielles, ont provoqué d'incontestables avancées. Mais ont-ils vraiment révisé le mythe hérité de l'avant-dernier siècle ou n'en ont-ils égratigné que quelques pans? Cette nouvelle édition du Mythe national s'attache, en s'appuyant sur la rigueur du travail historique, à revisiter le passé pour donner sens à une France aux multiples racines, membre de l'Union européenne, morceau de la planète et segment de l'histoire humaine.

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Informations

Année
2019
Imprimer l'ISBN
9782708246171

Préface à la nouvelle édition
Suzanne entre les lignes de force et de démarcation
par Laurence De Cock{1}

Le 22 janvier 2018, Suzanne s’est éteinte à 95 ans. Elle avait préfacé toutes les anciennes rééditions de ce livre jusqu’à la dernière, en 2017. Il me revient aujourd’hui de prendre le relais et je ne peux commencer qu’en soulignant l’importance qu’ont eue Suzanne et son œuvre dans ma propre formation d’historienne et enseignante ainsi que le vide qu’elle laisse aujourd’hui dans ma vie plus intime. Il m’est difficile de dénouer la profondeur de notre amitié et l’apport de ses travaux tant les deux se sont nourris pendant de longues années. C’est ainsi d’ailleurs que Suzanne a toujours appréhendé son propre travail : dans un entrelacement permanent entre sa vie familiale, son métier d’enseignante, ses activités de citoyenne engagée, son travail d’intellectuelle historienne et les amitiés qu’elle entretenait avec fidélité.
Celles et ceux qui s’intéresseront plus tard à elle ne saisiront sa complexité qu’en acceptant de se départir de toute forme de déterminisme. Suzanne a construit son parcours en arpentant des chemins souvent différents et en y posant chaque fois les deux pieds avec une conviction inébranlable. Ainsi la croise-t-on dans l’histoire du protestantisme, du maoïsme ou du socialisme ; ainsi peut-on également la rencontrer au cœur d’une communauté post soixante-huitarde du Lubéron autant que dans la grande bourgeoisie parisienne. Tout cela est fort bien raconté dans l’un de ses derniers livres si justement intitulé Mes lignes de démarcation{2}. Il est pourtant un dénominateur commun à tous, et un moteur permanent si l’on y regarde de près, c’est le viscéral rejet de toute forme d’injustices et de discriminations. Le Mythe national, qu’elle écrit à 65 ans, vient alors couronner des décennies de réflexions sur le sujet. Nous y reviendrons.
Suzanne est née dans une famille juive laïque parisienne qu’elle décrit farouchement attachée au modèle républicain défendu alors par le parti radical, cette République à laquelle sa famille, les Grumbach, devait son intégration et son ascension sociale. Elle y grandit avec sa sœur Janine, d’un an sa cadette, et la petite Denise, plus jeune de huit ans. Les deux aînées forment un duo de sœurs inséparables. C’est ensemble qu’elles épousent le protestantisme avec la vibrante foi de deux jeunes filles dans les premières années de la guerre, et c’est ensemble encore qu’elles résistent à Vichy. La défaite de 1940 est en effet vécue par Suzanne, adolescente, comme une première trahison de la République jusque-là envisagée comme infaillible ; un choc énorme, une première entrée en politique aussi, sous le sceau de la lutte contre l’infâme antisémitisme et pour la démocratie. L’histoire poursuit, guide et ne cessera d’entourer cette jeune fille de bonne famille. C’est l’histoire qui lui prend sa professeure préférée (d’histoire-géographie) du lycée Molière, Marguerite Glotz, fille de Gustave Glotz, juive, démise instantanément de ses fonctions par le régime ; et l’histoire encore qui la met face à Henri Marrou, professeur d’antiquité romaine à Lyon dont le cours inaugural de 1942 appelait à « ne pas accepter que l’histoire soit écrite avant que nous n’ayons éprouvé sur elle la force dont nous nous sentons animés{3} ». Un appel à résister en somme, que Suzanne et sa sœur suivront. C’est là qu’elle échappe de peu à la mort. Arrêtée en 1944, elle est internée à Drancy, vouée à la déportation, et évite par miracle le convoi vers Auschwitz. Ces années de la guerre lui font perdre toute insouciance mais nourrissent ses premiers écrits : une correspondance avec son père prisonnier, des carnets intimes qu’elle nourrit régulièrement, et, au sortir de la guerre, des contributions à une revue, Le Semeur, inspirée du christianisme de gauche et dans laquelle elle se livre à de vibrants plaidoyers mystiques pour la liberté politique. Suzanne n’a pas souri durant un an après la guerre, lui aurait fait remarquer sa sœur. La surveillance de la République devient une permanente préoccupation. Et, pour appréhender l’étendue de ses éventuelles traîtrises, en hommage à Marrou et aux autres historiens engagés dans la Résistance, c’est vers l’enseignement de l’histoire qu’elle décide de se tourner.
Une nouvelle étape de sa vie s’ouvre ensuite : celle d’une épouse (de Pierre Citron, professeur de lettres, spécialiste de Balzac notamment), d’une mère (quatre enfants en six ans), d’une enseignante passionnée. Tout interagit alors dans la vie de Suzanne : suivre son mari à Londres permet d’esquisser la trame de premiers livres, sur un coin de table de la cuisine, à l’aube avant le lever des enfants. Les années d’école de ces derniers nourrissent aussi ses réflexions, à une période où le foisonnement pédagogique irrigue tous les débats. Il faut alors imaginer Suzanne Citron multiplier les articles dans les revues d’enseignants, plaider pour des rencontres entre professionnels, se lancer dans des enquêtes et projets pédagogiques avec ses classes, publier des tribunes dans les médias ci et là, écrire son premier ouvrage, L’École bloquée, en 1971 et déjà se poser, aux yeux de l’institution, comme une empêcheuse de tourner en rond. Il faut dire que ses années d’enseignement l’amènent à prendre la mesure du cordon ombilical qui lie l’école et la République, quitte à mettre la première au service de la seconde et à falsifier pour cela quelques pans du passé. La guerre d’Algérie la décille à ce propos. Dix ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la voilà retrouvant ses anciens réseaux chrétiens de gauche, réunis pour beaucoup autour de la revue Esprit et distribuant des tracts contre la torture en Algérie. L’occasion également de mesurer à quel point une vision positive de la colonisation persiste dans les programmes d’histoire. Cette prise de conscience du caractère biaisé des programmes naît à ce moment, dans le croisement de convictions et pratiques militantes, d’expertise professionnelle et de souci de la vérité historique. Très vite l’enseignement de l’histoire devient l’objet de critiques récurrentes. « Je suis saisie d’une fringale de remise en cause », écrit-elle dans Mes lignes de démarcation, à propos de sa rentrée scolaire au lycée d’Enghien en 1963. Elle l’est en effet au point de scruter le travail et d’être parfois très sévère avec les professeurs de ses enfants ; au point également, plus tard, d’organiser des formations d’enseignants gratuites à l’université de Villetaneuse, entre 1972 et 1977, en cours du soir, à l’heure où l’université se vide ; des séances réunissant des dizaines d’enseignants de tous les niveaux et qui donnent lieu à des sessions annuelles pouvant grimper jusque trois cents personnes. C’est peu de dire que Suzanne déborde d’énergie dans les années 1970. Ses archives, aujourd’hui déposées à la bibliothèque de l’Arsenal auprès de celles de Pierre, témoignent de cette passion : on y trouve des carnets entiers noircis de notes, manuscrits et autres, des exposés d’élèves, des agendas... De quoi nourrir de beaux travaux d’histoire de l’éducation.
La question du décalage entre les programmes et les avancées historiographiques tiraille Suzanne Citron qui décide de consacrer une thèse au corporatisme de la Société des professeurs d’histoire-géographie (SPHG){4}, association très puissante dont elle souhaite interroger les partis pris corporatistes. Pour Suzanne, le corporatisme est l’un des éléments explicatifs des différents blocages de l’école. Dans un article publié en 1967 dans la revue de la SPHG et repris en 1968 dans la célèbre et prestigieuse revue des Annales, « Pour l’aggiornamento de l’enseignement de l’histoire et de la géographie », elle développe les principaux points qui serviront par la suite de jalons à son travail : une discipline sclérosée, campée sur une écriture chronologique, événementielle et européo-centrée, coupée des autres sciences sociales et de toute réflexion pédagogique. Si le monde académique salue l’initiative, comme en témoigne le paraphe de soutien de Fernand Braudel à son article de 1968, il lui bloque pendant longtemps l’entrée à l’université malgré sa thèse. C’est finalement le département de sciences de l’éducation de Villetaneuse qui lui ouvre ses portes en 1971, celui d’histoire l’ayant systématiquement recalée. Sans doute doit-on déjà y voir la difficulté à accepter cette articulation assumée entre l’engagement, la science et la pédagogie.
Suzanne Citron attendra 1984 avant de publier son premier livre véritable sur l’enseignement de l’histoire. C’est une date-clé pour elle, celle de sa rupture avec le Parti socialiste qu’elle avait rallié en 1974, via le Ceres{5}, et qu’elle quitte à la suite du recul du ministre Savary face à la mobilisation contre le projet de système éducatif unifié laïc. Dans ce premier livre sur l’histoire scolaire, Enseigner l’histoire aujourd’hui, la mémoire perdue et retrouvée{6}, Suzanne commence à tisser le fil conducteur qu’elle tiendra jusqu’au Mythe national. L’ouvrage pose en effet les premières pierres d’une critique de fond de l’histoire scolaire où se mêlent des réflexions sur l’histoire, le temps, la mémoire, l’enseignement et la sociologie, notamment sur la question de l’immigration. C’est une équation qu’elle ne lâchera plus : une histoire scolaire au service d’une pratique inclusive de l’intégration, une histoire plurielle, une histoire par en bas, débarrassée de ses oripeaux nationaux-républicains : « La mémoire nationale appartient à la mémoire collective mais à condition d’être une mémoire vivante non figée dans une représentation définitive du passé national », écrit-elle. C’est donc tant une mémoire de la grandeur qu’une mémoire des crimes, des violations des droits par l’État. Elle y plaide alors pour une « pédagogie de la mémoire ». Ce livre est un objet inabouti et le diagnostic y est meilleur que les solutions proposées, mais il a l’avantage de soulever des questions qui sans être complètement nouvelles n’avaient pas encore été posées de manière aussi franches et affirmatives dans le cadre d’un travail spécialisé.
En filigrane s’y lit le basculement des années 1980 sur les finalités de l’histoire scolaire et de l’école en général. L’enseignement de l’histoire sort en effet à peine d’un important débat impulsé de manière spectaculaire en 1979 par l’illustre historien vulgarisateur Alain Decaux, dans le Figaro magazine, et par une imposante une intitulée « On n’enseigne plus l’histoire à vos enfants ». Un dossier entier alertait alors sur le risque de perte d’identité des élèves ignorants de leur histoire nationale. Il appelait à relancer un récit national susceptible de fabriquer de l’appartenance commune, avec le même type de justifications que celles que l’on trouvait au xixe siècle, à l’époque de l’institutionnalisation d’une histoire nationale mise au service de la création d’une culture nationale française, en contexte de mosaïque culturelle constituée par les multiples identités régionales.
L’affaire du Figaro magazine avait été préparée en amont par quelques associations inquiètes des activités dites d’« éveil » à l’école primaire depuis 1969 et de l’entrée des sciences sociales au collège en 1976-1977 à la suite de la mise en place du collège unique. Il est vrai qu’on avait assisté par ces réformes à une refonte importante des finalités de l’enseignement de l’histoire dissous dans une approche plus globale de sciences humaines et sociales et que cela avait inquiété certains enseignants au point de provoquer une controverse médiatique et publique et d’alerter le président de la République François Mitterrand qui avait promis qu’il se pencherait sur le dossier dès son arrivée au pouvoir. Mais les questions posées n’étaient pas seulement, loin s’en faut, de nature professionnelles ou pédagogiques. Elles étaient surtout politiques.
La période qui s’étend de la fin des années 1970 au milieu des années 1980 connaît en effet un basculement politique sur les questions liées à la pluralité culturelle en général et à l’immigration postcoloniale en particulier. En contexte de crise économique et de regroupement familial, les populations d’origine étrangère faisaient de plus en plus les frais de politiques restrictives que commençaient à accompagner les discours sur les difficultés d’intégration. Les premiers succès électoraux du Front national révélaient la montée d’un racisme de plus en plus décomplexé. Les sociologues de l’immigration parlent pour cette période de « culturalisation de la question de l’immigration{7} » qui, d’une question sociale, celle des travailleurs immigrés, devient une question culturelle voire identitaire.
Suzanne suivait de très près les mobilisations des populations immigrées dans les quartiers populaires suite aux violences policières. Elle avait soutenu vertement la marche pour l’égalité contre le racisme organisée en 1983 et s’enthousiasmait pour les luttes antiracistes et la reconnaissance des multiples mémoires. On peut retrouver là le terreau formé par ses luttes préalables contre l’antisémitisme et ses engagements anticoloniaux. Elle avait déjà publié quelques tribunes pour appeler à la reconnaissance des mémoires multiples dans les programmes d’histoire. Ce livre doit donc être considéré comme une première tentative d’analyse générale des pesanteurs de l’histoire scolaire dont le débat lancé par Le Figaro magazine rappelait l’importance dans la société française. C’est cela qu’elle appelait « la pédagogie de la mémoire » : une manière de combiner les multiples héritages constitutifs de la France et de dénaturaliser ainsi la question des origines.
Le Mythe national, qui paraît trois ans plus tard, est le couronnement scientifique de tout ce parcours professionnel et militant qui converge vers la nécessité de proposer un travail à vocation exhaustive, visant à démontrer le processus, les finalités et la durabilité d’un récit scolaire de l’histoire calibré pour répondre à une finalité politique : celle de fournir une identité commune à des petits Français en les rattachant à une origine unique et autochtone (les Gaulois) et en décrivant leur histoire comme une épopée palpitante de la civilisation contre la barbarie ; épopée censée conférer une fierté patriotique aux enfants par l’identification à des grands personnages (masculins), l’admiration d’événements emblématiques de l’identité française, et la conviction d’une ligne de temps progressiste et dont le caractère européo-centré n’est jamais remis en cause. Désormais, nous connaissons bien cette matrice narrative que l’on appellera plus tard le « roman national ». C’est évidemment dans le sillage des travaux pionniers de Suzanne que j’ai inscrit les miens qui lui doivent tant.
Qui a eu la chance de découvrir la bibliothèque de Suzanne sait le travail titanesque qu’a requis l’écriture du Mythe national : glaner des anciens manuels de tous les niveaux, accumuler et dépouiller l’ensemble des ouvrages d’historiographie de toutes les périodes, emplir des cahiers entiers de notes. Le résultat est à la hauteur du temps consacré. Le livre « vend la mèche », selon l’expression bourdieusienne sur les coulisses du récit historique saturé de finalités identitaires et civiques. Pour sa démonstration, Suzanne remonte aux historiens du xixe siècle qui sont à l’origine de l’institutionnalisation de l’histoire comme discipline : les frères Thierry, Guizot... mais surtout Michelet, auteur si atypique, au lyrisme débridé sur son amour de la France. Et c’est bien cette ferveur, et ses accommodements avec la vérité historique, qui constitue le substrat du roman national à l’école. Suzanne pointe évidemment le rôle incontournable d’Ernest Lavisse, « l’instituteur national » comme le surnomme Pierre Nora dans ses Lieux de mémoires et de ses manuels, de la classe préparatoire au lycée, réédités de manière incessante et qui ont accompagné des générations entières d’élèves. Elle y montre l’esprit revanchard, patriotique, à la suite de la défaite de 1870 contre la Prusse, mais aussi le nationalisme colonisateur qui a persisté dans les manuels jusqu’aux années 1960. Suzanne adopte un ton à la fois distancié, descriptif et subjectif. On sait que ce récit scolaire la peine tant il invisibilise les minorités culturelles pour lesquelles elle se bat, et tant il surplombe des siècles de luttes et d’histoire populaire. C’est donc à la fois un ouvrage d’analyse et de dénonciation, c’est certain. Ce derni...

Table des matières

  1. Page de titre
  2. Sommaire
  3. Préface à la nouvelle édition Suzanne entre les lignes de force et de démarcation par Laurence De Cock{1}
  4. Préface Trente ans après
  5. Partie I La légende républicaine
  6. Partie II Recherche de la France
  7. Partie III Identification des Français
  8. Épilogue Autre histoire, autre regard
  9. Annexes
  10. Repères bibliographiques
  11. Index