C’EST QUOI, UN SYNDICAT ?
1. À quoi sert un syndicat ?
À défendre les droits et les intérêts des salariés tant sur un plan individuel que collectif. C’est d’ailleurs bien ce que dit le code du travail : « Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes visées par leurs statuts. » Leur rôle premier est donc de faire entendre la voix et les revendications des salariés, ou des agents, face à l’employeur, et de les défendre en cas de besoin.
Ainsi, dans une entreprise ou une administration, les syndicats représentatifs*{1} négocient avec l’employeur, dans le cadre du comité social et économique (CSE)*, sur des sujets aussi divers que les augmentations de salaires, l’organisation du travail, les conditions de travail, la santé et la sécurité au travail. En France, un accord signé par des syndicats ayant obtenu plus de 50 % des voix lors des élections professionnelles* s’applique à l’ensemble des salariés de l’entreprise. Les syndicats et leurs représentants (élus CSE et délégués syndicaux*) sont également là pour défendre les salariés face à l’employeur au sein de l’entreprise en les accompagnant et les aidant lors d’entretiens disciplinaires ou préalables à un licenciement, par exemple. La défense des salariés peut également passer par le biais des conseillers du salarié et des défenseurs syndicaux * qui sont en mesure d’accompagner et de défendre le salarié jusqu’aux prud’hommes.
L’action des syndicats ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise : que ce soit au niveau de la branche* ou au niveau national interprofessionnel, ils participent à obtenir des droits pour les salariés par la négociation de conventions collectives (8){2} ou lors de négociations (6) avec les représentants du patronat (comme le Mouvement des entreprises de France [Medef]). C’est par exemple comme cela qu’a été créée la rupture conventionnelle* en 2018. Syndicat et patronat peuvent aussi échanger avec l’État, qui a alors le dernier mot : on parle de concertation. C’est ce qui se passe régulièrement avant les réformes des retraites.
De même, les syndicats et le patronat gèrent, pour le compte de la collectivité, une partie de la protection sociale, par exemple l’assurance chômage, dont ils décident des règles. C’est ce qu’on appelle le paritarisme (6).
Pour la CFDT, le rôle du syndicat ne se limite pas à la défense des droits et des intérêts des salariés : il participe à l’intérêt général. Dans l’article 1er des statuts de la CFDT, il est ainsi précisé qu’elle « agi[t] pour la justice sociale, l’égalité et la solidarité dans une société démocratique et laïque de femmes et d’hommes libres et responsables ». C’est pourquoi la CFDT agit dans des domaines qui dépassent largement le cadre des revendications des salariés dans l’entreprise (ou des agents dans l’administration) et s’investit sur des sujets sociétaux comme l’accueil des migrants, la transition écologique ou encore le soutien aux mouvements démocratiques dans le monde (de Solidarnosc en Pologne et la Centrale unique des travailleurs [CUT] au Brésil dans les années 1980 aux syndicats libres au Venezuela et en Turquie ces dernières années).
2. Pourquoi y a-t-il plusieurs syndicats en France ?
Parce qu’il existe plusieurs conceptions du syndicalisme en France, tout comme en Europe d’ailleurs. Historiquement (28), le syndicalisme français est issu de deux grandes familles de pensée. D’une part le syndicalisme d’essence laïque et socialiste comme la Confédération générale du travail (CGT), première confédération syndicale créée en France en 1895, et d’autre part le syndicalisme chrétien apparu en France en 1919 avec la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) (29), qui deviendra en 1964 la CFDT.
L’histoire du XXe siècle (notamment la montée et la chute du communisme ainsi que la Seconde Guerre mondiale) a engendré de nombreuses scissions et rebattu les cartes, avec pour conséquence une fragmentation du paysage syndical. Sans entrer dans les détails, on peut citer, en 1947, au plus fort de la guerre froide, la création de Force ouvrière (FO) par Léon Jouhaux lors de la scission anticommuniste au sein de la CGT. La dénomination officielle de FO étant d’ailleurs CGT-FO.
La CGT, pour sa part, avait déjà vécu une scission entre les deux guerres mondiales, au gré des fluctuations des directives de l’Internationale communiste liée au pouvoir soviétique : en 1922, la CGT se divise en CGT (réformiste) et CGTU (Confédération générale du travail unitaire, révolutionnaire) suite au congrès de Tours de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) qui voit les communistes l’emporter sur la tendance « socialiste » défendue par Léon Blum. La CGT ne se réunira qu’en 1936 lors du Front populaire.
Toujours au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les enseignants quittent la CGT pour former la Fédération de l’Éducation nationale (FEN), qui donnera naissance dans les années 1990 à l’Union nationale des syndicats autonomes (Unsa) et à la Fédération syndicale unitaire (FSU).
Issue de la Résistance, après que le régime de Vichy a interdit les syndicats, la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), catégorielle (elle représente les cadres puis l’encadrement), est créée en 1944.
Enfin, en 1995, des dissidents de la CFDT créent SUD-Solidaires (SUD pour solidaires, unitaires, démocratiques).
Les règles du dialogue social en France ne sont pas non plus sans influence sur le nombre de syndicats : avant 2008, cinq organisations (CGT, CFDT, CFTC, FO et CFE-CGC) bénéficiaient de ce que les juristes appellent une présomption irréfragable de représentativité* qui leur permettait de signer des accords dans les entreprise...