Cahiers de l'Atelier n° 563
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Cahiers de l'Atelier n° 563

Nourrir la planète

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  3. Disponible sur iOS et Android
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Cahiers de l'Atelier n° 563

Nourrir la planète

À propos de ce livre

La faim augmente dans le monde depuis quatre ans, notamment en Asie, en Afrique et en Amérique latine. En 2018, plus de 821 millions de personnes étaient sous-alimentées et près d'un être humain sur quatre a souffert d'insécurité alimentaire.

Cette situation, liée en grande partie à notre modèle agroalimentaire internationalisé, touche le Nord comme le Sud: 8 % de la population européenne souffre d'insécurité alimentaire et la prévalence de la malnutrition progresse partout dans le monde.

Dans un contexte de croissance démographique forte, de dérèglement climatique et d'épuisement des ressources naturelles, résoudre le problème de la faim suppose des changements radicaux. Cela suppose de sortir d'un modèle agro-industriel qui détruit la planète et appauvrit les paysans pour promouvoir un modèle agroécologique qui assure à tous une alimentation saine, diversifiée, durable et équitable.

Les articles rassemblés dans ce Cahier, réalisé en partenariat avec le CCFD-Terre Solidaire, mêlent étroitement cas concrets et analyses globales, afin d'esquisser le chemin à suivre pour être en mesure de (bien) nourrir 10 milliards d'humains en 2050.

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Assurer la souveraineté alimentaire

Quel avenir pour la souveraineté alimentaire dans un cadre international de plus en plus libéral ?

Valentin Brochard est chargé de plaidoyer souveraineté alimentaire au CCFD-Terre Solidaire. Il a précédemment travaillé pour le CIRAD, la FAO et Action Contre la Faim, principalement sur la zone de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et sur des questions relatives à la transformation des systèmes agricoles et alimentaires.
Depuis une dizaine d’années, la mainmise du secteur privé sur la production alimentaire n’a cessé de se renforcer. Pourtant, la nécessité de garantir la souveraineté alimentaire est plus importante que jamais.
Alors qu’il n’a jamais été aussi légitime, le concept de souveraineté alimentaire est à l’heure actuelle particulièrement isolé. États, décideurs politiques et instances internationales semblent avoir unanimement adopté un agenda fortement axé sur le libre-échange et la promotion des intérêts privés. Cette réalité, notamment due à un entrisme{10} savamment entretenu par les plus grandes firmes, s’oppose clairement à la mise en pratique de la souveraineté alimentaire.
Présentée pour la première fois par la Via Campesina lors du Sommet de l’alimentation de Rome en 1996, la souveraineté alimentaire est une approche visant à garantir le droit aux peuples, populations, États ou groupes d’États, de mettre en place les politiques et pratiques agricoles et alimentaires qu’ils jugent les mieux adaptées à leurs contexte et population, sans qu’elles puissent avoir d’impacts négatifs sur les populations de pays tiers.
Ce concept répondait à l’époque à une carence du concept de sécurité alimentaire qui se révélait incapable de questionner les conséquences sociales, politiques et environnementales des méthodes de production et de consommation alimentaires. La souveraineté alimentaire y palliait en se faisant promotrice d’une agriculture familiale, durable et de proximité. Si la sécurité alimentaire était un but, la souveraineté alimentaire décrivait les moyens d’y parvenir en questionnant notamment les paradigmes dominant de l’époque qui se contentaient de promouvoir le libre-échange et d’associer sécurité alimentaire avec augmentation de la production (ce qui était et reste encore aujourd’hui un mythe : nous produisons suffisamment pour nourrir la planète ; la faim dans le monde est principalement un problème d’inégalités résultant d’inactions politiques).
Si le concept de souveraineté alimentaire avait toute sa légitimité en 1996 dans un contexte de prolifération des accaparements fonciers, le combat idéologique qu’il portait n’a malheureusement pas été gagné et sa mise en œuvre dans sa compréhension d’origine reste très limitée. Si cette mise en œuvre a en effet permis de rallier les mouvements associatifs, organisations de producteurs alimentaires et sociétés civiles altermondialistes autour d’une vision fédératrice, la souveraineté alimentaire n’a clairement pas percolé au niveau des instances onusiennes, des décideurs gouvernementaux et des forums internationaux traitant des questions agricoles, alimentaires et commerciales. Au contraire, le paradigme libéral dominant qu’elle combattait s’est renforcé et institutionnalisé jusqu’à devenir la valeur étalon des négociations internationales sur le sujet.
Le concept de souveraineté alimentaire n’a pourtant en aucun cas perdu de sa légitimité : le dernier rapport des Nations unies sur l’état de l’alimentation dans le monde démontrait à nouveau l’impasse à laquelle mène notre vision internationale et industrielle de l’agriculture et de l’alimentation{11}. Il lui est toutefois nécessaire de se réinventer afin de devenir réellement ce à quoi il aspire : un principe international en fonction duquel doit être évaluée toute politique publique.

La crise des prix alimentaires de 2007-2008, une occasion manquée pour incarner la souveraineté alimentaire

En 2007 et 2008, le monde assistait médusé à des « émeutes de la faim » sur quasiment tous les continents (38 pays en ont connu). Ces émeutes, qui faisaient suite à une hausse des cours mondiaux des matières premières, n’étaient que la partie visible d’une crise alimentaire profondément enracinée dans la dé-priorisation du secteur agricole et dans le modèle de développement agro-industriel internationalisé promus jusque-là{12}.
Pourtant, si les causes de cette crise, qui a mis en lumière les dangers de l’interdépendance alimentaire de la plupart des pays du monde, furent largement documentées et analysées{13}, les chercheurs et experts internationaux appelant à changer de paradigme furent vite contraints au silence et seul le message officiel et très malthusien de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) fut repris : « Il faut augmenter la production alimentaire mondiale de 50 à 70 % d’ici à 2050{14}. »
Sur fond de prédictions alarmistes, les principales instances internationales proposèrent donc un changement de cap a minima : après plus de trente ans de plans d’ajustement structurel, de désinvestissements publics dans l’agriculture et de libéralisation des échanges agricoles et alimentaires, il était temps que les États refassent de l’agriculture un secteur d’investissement prioritaire, sans toutefois remettre en cause la finalité internationale des commodités agricoles. En outre, plutôt que davantage de financements publics alloués au secteur, place devait principalement être donnée aux acteurs privés, véritables « leviers » du développement agricole et alimentaire des pays pauvres{15}. Et si, dans les textes, acteurs privés nationaux et internationaux devaient bénéficier de l’approche, dans les faits, ce sont les plus grosses firmes internationales qui ont principalement bénéficié de cet agenda{16}.
Si cette promotion des acteurs privés internationaux n’était pas nouvelle au niveau mondial{17}, la crise alimentaire de 2007-2008, qui aurait dû servir d’électrochoc à la communauté internationale en faveur d’une transition vers la souveraineté alimentaire, a au final participé à la mise en abîme de ce concept.
Dès 2008, le G8 lança ainsi un Partenariat global pour l’agriculture et l’alimentation basé sur le renforcement des financements public-privé et sur la libéralisation des échanges. Deux ans plus tard, le mouvement Scaling Up Nutrition (SUN), le Forum africain pour la révolution verte et la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition (NASAN) du G8 furent lancés. En 2011, ce fut le cas de Grow Africa, en 2012 de l’Alliance globale pour l’agriculture intelligente face au climat (GACSA) et de la déclaration de Malabo, en 2015 de l’Alliance de l’industrie semencière d’Afrique de l’Ouest (Asiwa) et en 2017 du Plan d’investissement extérieur (PIE) de l’Union européenne{18}.
Toutes ces initiatives ont en commun, outre le fait qu’elles promulguent et mettent en œuvre une vision internationale et libérale de l’agriculture et de l’alimentation, de vouloir modifier les corpus législatifs (modification des lois notamment foncières, semencières et commerciales) des pays pour les rendre plus attractifs pour les investisseurs privés internationaux.
Or cet agenda, à l’opposé des valeurs et des attentes du concept de souveraineté alimentaire, doit être actuellement considéré comme constituant le paradigme dominant des preneurs de décisions de la communauté internationale.
Cinq ans après le lancement de la NASAN, l’ensemble des pays ouest-africains, qu’ils aient été concernés ou non par l’initiative, avaient par exemple intégré dans leurs politiques publiques des directives pour mettre en place les fameux « corridors de croissance agricole » proposés initialement par l’initiative. Il a pourtant été largement prouvé que ces corridors, véritables zones franches agricoles, se faisaient à l’encontre de l’intérêt des agriculteurs familiaux{19} et avaient un impact négatif sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle des pays{20}.
Plus récemment, Qu Dongyu, le nouveau directeur général de la FAO, déclarait que « pour la FAO, faire grossir le gâteau est plus urgent que partager le gâteau{21} », allant ainsi à l’encontre de la grande majorité des parutions récentes de son institution{22}.
Le PIE, adopté en 2017 et véritable fer de lance de la diplomatie économique européenne, illustre également parfaitement la mainmise de cet agenda néolibéral. Ce plan, qui comporte un large volet agricole et devrait servir de boussole à la future stratégie européenne de sécurité alimentaire et de lutte contre la malnutrition, fait de la promotion des investissements des acteurs privés européens dans les économies sahéliennes le cœur de son approche{23}. Pariant sur un effet de levier qui amènerait onze fois la somme investie{24}, il est doté d’un fonds fiduciaire de 4 milliards d’euros visant à rembourser les pertes éventuelles des acteurs européens investissant via son intermédiation.

La mainmise des acteurs privés internationaux sur l’agenda sécurité alimentaire et nutrition

Si la non-percolation institutionnelle et politique du concept de souveraineté alimentaire et la percée d’un agenda prônant une agro-industrie internationalisée et productiviste peuvent avoir de nombreuses raisons suite à la crise de 2007-2008 (hermétisme et intérêts financiers des États ou encore dépendance au sentier des institutions internationales), elle peut particulièrement s’expliquer par l’entrisme savamment cultivé par les principaux acteurs privés internationaux de l’agroalimentaire. Ces acteurs, qui sont caractérisés par leur faible nombre (quelques multinationales et fondations dominent largement le marché{25}) et par les liens étroits qu’ils entretiennent avec les pouvoirs publics, ont profité de leur légitimité nouvellement acquise après la crise de 2007-2008 pour largement investir le champ de la co-construction et de l’influence des politiques publiques en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle.
Cette influence se fait principalement selon trois axes :
• le financement de la recherche (la Fondation Bill et Melinda Gates – pro agro-industrie, OGM et libre-échange – est par exemple un des principaux bailleurs mondiaux vis-à-vis de la recherche agricole) ;
• l’intervention dans des négociations internationales conduisant à l’élaboration de normes (Syngenta, une des principales firmes mondiales en agrochimie, est par exemple membre du Forum économique mondial et membre actif du Mécanisme du secteur privé du Comité de la sécurité alimentaire mondiale) ;
• la création ou le financement d’initiatives chargées de porter leurs valeurs dans le champ public (l’Alliance pour une révolution verte en Afrique [AGRA] a ainsi été créée par la Fondation Bill et Melinda Gates et la Fondation Rockefeller).
Le cas de la multinationale Yara (premier producteur et négociant d’engrais au monde) illustre parfaitement cette réalité. La firme a développé une large stratégie d’influence plurielle, notamment en Afrique, créant, finançant ou siégeant au sein d’instances de recherche ou d’initiatives visant à créer ou à co-construire directement les politiques publiques en matière de sécurité alimentaire (voir schéma){26}.
Si l’influence directe des cadres politiques et le financement croissant de recherches favorables à l’agenda défendu par l’agro-industrie ont pu clairement amoindrir la prévalence du concept de souveraineté alimentaire dans le débat public, ils sont à relativiser au vu du poids qu’ont eu les initiatives internationales et régionales pro agro-industrie nouvellement créées.
Dans les faits, on a assisté après 2007-2008 à une véritable prolifération de ces initiatives, qui ont été très vite perçues comme autant d’instances normatives sur la sécurité alimentaire et la nutrition internationales (NASAN, Grow Africa, SUN, GACSA, etc.). Si on pouvait initialement croire que la multiplication d’initiatives traitant d’un même sujet affaiblirait, car disperserait, l’agenda défendu par leurs initiateurs, la réalité est toute autre. La très forte connexion entre les principaux acteurs privés internationaux de l’agroalimentaire et leur faible nombre assurent dans la pratique la promotion d’un consensus quant à l’agenda politique à défendre au sein de ces initiatives. Les liens très étroits entre ces acteurs et la plupart des gouvernements et des agences internationales leur assurent quant à eux la diffusion et la reprise politique dudit consensus{27}.
Si l’on reprend le cas de Yara, la firme est coprésidente de l’initiative Grow Africa qui a été lancée par l’Union africaine, le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) et le Forum économique mondial. Cette initiative a joué un rôle majeur dans la mise en œuvre des corridors de croissance voulus par la NASAN du G8 – et pour rappel, théorisé et diffusé par Yara{28} – et a un rôle direct dans la promotion de ces corridors au sein des politiques publiques agricoles africaines{29}.
Ce qui pourrait donc ressembler à première vue à une dispersion de la gouvernance de la sécurité alimentaire et de la nutrition est en réalité une stratégie voulue. En multipliant les initiatives internationales poussant le même agenda et en s’assurant de son portage, les principaux acteurs internationaux ont donné l’illusion d’un seul chemin à suivre, décrédibilisant de ce fait toute alternative. Cette stratégie isole les rares espaces de gouvernance réellement inclusifs sur la sécurité alimentaire et la nutrition. Le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA), qui fut réformé suite à la crise des prix alimentaires de 2007-2008, en est la première victime. Seule instance internationale où se côtoient États membres, organisations des Nations unies, acteurs de la recherche, acteurs philanthropiques, représentants de la société civile et secteur privé, et où les règles de participation et de décision sont transparentes, le CSA est un des rares forums internationaux où le droit à l’alimentation et la souveraineté alimentaire peuvent servir de principes directeurs. Il se retrouve donc particulièrement affaibli par la multiplication d’initiatives internationales portant un agenda contraire au sien. Outre le fait qu’elles rendent les positions du CSA inaudibles car minoritaires quantitativement parlant, ces instances, qui ne sont bien souvent inclusives que dans les textes, servent au final de faire-valoir aux États détracteurs du CSA, qui y trouvent une légitimité pour en dénoncer le supposé agenda...

Table des matières

  1. Sommaire
  2. Éditorial
  3. Liminaire
  4. Échecs et dangers du modèle alimentaire agro-industriel international
  5. Assurer la souveraineté alimentaire
  6. Mener la transition par les alternatives agroécologiques
  7. Mode d’emploi
  8. À lire