Cahier de l'Atelier n°565
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Cahier de l'Atelier n°565

Temps de travail et temps libéré

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Temps de travail et temps libéré

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À propos de ce livre

La crise sanitaire et ses corollaires (tĂ©lĂ©travail massif, recours au chĂŽmage partiel, brouillage des frontiĂšres entre vie personnelle et vie professionnelle) ont remis en lumiĂšre les enjeux liĂ©s Ă  l'articulation entre temps de travail et temps libre. Des enjeux au centre de l'attention des acteurs du monde du travail et du syndicalisme depuis longtemps, et qu'avaient dĂ©jĂ  remis sur la table les projets de rĂ©forme des retraites ou la remise en cause permanente, chez certains, des 35 heures.Dans ce contexte, ce numĂ©ro des Cahiers de l'Atelier articule deux questions majeures, Ă  savoir, d'une part en interrogeant l'impact de la crise du Covid-19 dans l'organisation du travail, et d'autre part en donnant la parole Ă  celles et ceux qui Ɠuvrent Ă  redĂ©finir le cadre et le temps du travail dans notre quotidien.À la lecture des riches contributions prĂ©sentes dans ce volume, de nouveaux constats sont posĂ©s et de nouvelles perspectives s'ouvrent pour que l'articulation temps de travail/temps libĂ©rĂ© ne soit pas uniquement perçue comme un garde-fou mais pour qu'elle permette une rĂ©appropriation Ă©mancipatrice par toutes et tous du temps au travail comme du temps hors travail.

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Informations

Année
2021
ISBN
9782708254732
Sous-sujet
Salud general
Liminaire

Les ambivalences de la loi du 19 mai 1874 sur la protection des enfants au travail

Didier Terrier est historien, co-auteur, avec Corinne Maitte, des Rythmes du labeur. EnquĂȘte sur le temps de travail en Europe (La Dispute, 2020).
L’histoire du temps de travail et des lĂ©gislations qui l’ont dĂ©fini n’est pas – contrairement Ă  une idĂ©e reçue – une seule histoire de progrĂšs et d’amĂ©lioration des conditions de travail. En revenant sur l’une de ces lois, Didier Terrier nous incite Ă  prendre du recul et Ă  mieux percevoir les ambivalences qui dictent le droit du travail.
« Le diable se cache dans les détails » (F. Nietzsche)
Prise entre celle de 1841, « l’initiatrice », et celle de 1892, « la rĂ©fĂ©rence », la « loi intermĂ©diaire{3} » de 1874 destinĂ©e Ă  protĂ©ger les enfants au travail de tout effort jugĂ© excessif aurait amĂ©liorĂ© la condition de ceux-ci en milieu industriel et produit, quelles que soient ses lacunes, une norme dĂ©cisive dans l’évolution des conditions de travail.
Pourtant, ces apprĂ©ciations laissent dubitatif quand on les ramĂšne aux rĂ©alitĂ©s du terrain au point qu’il ne semble pas tĂ©mĂ©raire d’inverser le sens de la lecture Ă  faire de ce dispositif lĂ©gal. En effet, sous couvert d’une lĂ©gislation que l’on pourrait penser progressiste, cette loi aux accents philanthropiques et hygiĂ©nistes ne serait-elle pas avant tout un remarquable instrument juridique destinĂ© Ă  sauvegarder « de puissants intĂ©rĂȘts » au dĂ©tour d’une ruse nouvelle du capitalisme ?

Circonscrire le « besoin des enfants{4} » dans les usines et les ateliers vers 1870

La protection lĂ©gale des enfants contre les efforts jugĂ©s excessifs n’a de sens que si l’on analyse les dĂ©bats Ă  l’origine du texte de loi en regard des reprĂ©sentations que vĂ©hiculent Ă  ce sujet non seulement les hommes politiques ou les industriels, mais plus largement l’ensemble de la nĂ©buleuse philanthropique de l’époque.
DĂšs l’ouverture des dĂ©bats au sein d’une AssemblĂ©e nationale trĂšs majoritairement conservatrice, en novembre 1872, la nĂ©cessitĂ© d’étendre l’application de la loi aux ateliers de moins de 20 ouvriers – jusque-lĂ  exempts de toute contrainte lĂ©gale – semble impĂ©rieuse{5}. Puisque « l’introduction de la machine a tout changĂ©{6} », c’est lĂ  oĂč la technique n’est pas prĂ©sente que se perpĂ©tuent les abus les plus criants. Faute de machines censĂ©es allĂ©ger le travail, lever, porter, tirer, pousser, appuyer, sautiller sont autant de gestes que l’on exige d’enfants et autant de tĂąches qui appartiennent Ă  un autre Ăąge. On pense aux tuileries oĂč, qu’il pleuve, qu’il vente, il est frĂ©quent que la main-d’Ɠuvre enfantine soit assimilĂ©e Ă  un troupeau de bĂȘtes de somme transportant sur le dos des tuiles fraĂźches destinĂ©es Ă  ĂȘtre sĂ©chĂ©es, ou bien encore aux verreries, comme Ă  Rives de Gers oĂč les aides portent au four Ă  recuire, distant de 20 Ă  25 mĂštres, prĂšs de 70 bouteilles Ă  l’heure pesant chacune 1 kg au moyen d’un outil brĂ»lant pesant de son cĂŽtĂ© 3 kg, cela 11 heures durant{7}. La rue elle-mĂȘme devient alors une extension de l’atelier et un thĂ©Ăątre oĂč les enfants portent sur la tĂȘte, les Ă©paules ou le dos, des fardeaux parfois bien trop lourds pour eux, quand ils ne tractent pas une voiture Ă  bras dont le poids excĂšde leurs forces. Mais de jeunes enfants peuvent Ă©galement ĂȘtre employĂ©s pour produire le mouvement. Plus encore que le dĂ©vidage du fil de soie pour lequel il faut tourner, la journĂ©e durant, la roue Ă  bobines, c’est probablement la fabrication des poteries qui illustre le mieux ce recours Ă  la force motrice des enfants. Pour façonner sur son tour la pĂąte cĂ©ramique, le potier a prĂšs de lui un gamin qui utilise frĂ©quemment un tour anglais oĂč le mĂ©canisme destinĂ© Ă  produire la rotation est disposĂ© verticalement. L’enfant, debout sur une pĂ©dale et appuyĂ© sur une traverse pour se maintenir en Ă©quilibre, met le tour en action par un mouvement de sautillement tout au long de jours sans fin.
Dans les usines, « le principe mĂȘme de la division du travail, sans lequel la grande industrie n’existerait pas, commande l’emploi de l’enfant{8} » : si la figure du petit rattacheur opĂ©rant sous les ordres du fileur et se glissant sous le mĂ©tier pour nouer les fils cassĂ©s nous est familiĂšre, celle des leveuses de bobines, des dĂ©videuses, des dĂ©boureuses, des Ă©tirageuses sont, pour rester dans la filature, tout aussi emblĂ©matiques de tĂąches qui exigent souvent, face Ă  une machine qui imprime la cadence, discipline, attention, promptitude, dextĂ©ritĂ© de la part des femmes, de jeunes filles mais aussi de fillettes ĂągĂ©es en gĂ©nĂ©ral de 12-13 ans. À bien des Ă©gards, la description des allers-retours des jeunes qui s’affairent autour des semi-renvideurs dans la filature de la SociĂ©tĂ© liniĂšre du FinistĂšre, Ă  Landernau, vaut pour tous les tĂ©moignages dont on dispose, lĂ  oĂč les enfants accompagnent la machine. Dans cette usine, « ce travail consiste dans les dĂ©montages de bobines pleines aux mĂ©tiers Ă  filer (...). La siffleuse, au moyen d’un coup de sifflet, appelle les enfants aux mĂ©tiers qui ont besoin d’ĂȘtre dĂ©montĂ©s ; aussitĂŽt dit, les enfants s’élancent, dĂ©montent les bobines pleines, mettent des vides Ă  leur place, le mĂ©tier est mis en place et la besogne est faite{9}. » Ces gestes simples, faciles Ă  assimiler, se retrouvent dans d’autres industries. PassivitĂ© totale et soumission Ă©troite Ă  une temporalitĂ© mĂ©canique, gestes rĂ©pĂ©titifs mais attention constamment en Ă©veil, temps comptĂ© entiĂšrement orientĂ© vers l’accomplissement du geste standardisĂ© : pour les promoteurs de la loi et, plus encore, leurs adversaires qui entendent rĂ©duire au maximum les contraintes lĂ©gales, ce sont lĂ  des tĂąches certes Ă©prouvantes pour les uns, lĂ©gĂšres pour les autres, mais toujours sans commune mesure avec ce qui se passe dans les petits ateliers vĂ©tustes et inconfortables.
Entre les deux, bien sĂ»r, quantitĂ© de tĂąches dĂ©volues aux enfants se situent dans une sorte d’entre-deux oĂč un ordre usinier prĂ©vaut sans que la machine ne dicte la cadence. Que l’on pense, par exemple, Ă  tous les mĂ©tiers de l’habillement oĂč la fidĂ©litĂ© aux procĂ©dĂ©s manuels n’exclut pas une organisation propre Ă  l’usine.
Sur ces bases, entre 10 Ă  14 % des effectifs recensĂ©s de 10 Ă  15 ans rĂ©volus entrent dans le champ d’application de ce projet de loi{10}. C’est lĂ  une estimation plausible si l’on prĂ©cise que ni les jeunes paysans et paysannes, ni les jeunes travailleurs enrĂŽlĂ©s dans l’industrie dispersĂ©e en milieu rural ne sont inclus dans ce dĂ©compte. C’est lĂ  une estimation plausible Ă©galement si l’on ajoute qu’il est trĂšs probable qu’en France, Ă  l’instar de ce qui se passe en Angleterre, tous les jeunes enfants ne sont pas obligatoirement contraints de travailler de maniĂšre assidue dĂšs leur plus jeune Ăąge. Bref, entre les chiffres fantaisistes que les dĂ©putĂ©s ont Ă  leur disposition – 3 Ă  4 % du total des enfants-ouvriers – et cette fourchette de 10 Ă  14 % trois ou quatre fois supĂ©rieure, l’écart est Ă©norme. Il dit combien cette loi repose sur des connaissances statistiques tronquĂ©es dont toute rĂ©elle objectivation des enjeux est absente. Il dit, plus encore, combien cette loi dĂ©laisse quantitĂ© d’enfants qui, en milieu rural notamment, sont soumis au bon vouloir des adultes, de leurs parents notamment, ne serait-ce que pour conjurer la misĂšre.

L’élaboration d’une loi adaptĂ©e aux attentes des industriels (1871-1874)

L’enfant-ouvrier reste donc, tout au long des dĂ©bats, une abstraction sur laquelle vont se greffer des stratĂ©gies argumentatives destinĂ©es, notamment, Ă  fabriquer l’innocuitĂ© des conditions du labeur. Car, dans un dĂ©bat oĂč la moitiĂ© des orateurs sont des industriels, pourtant minoritaires au sein de l’AssemblĂ©e, tous les adversaires de la loi se contentent d’invoquer leur expĂ©rience et leur proximitĂ© d’avec les populations ouvriĂšres pour donner du crĂ©dit Ă  leurs propos. « Parler de ce qu’on sait » : la connaissance empirique vaut expertise.
Jules Leurent, mĂ©decin de formation avant de devenir filateur dans le lin et le coton, choisit par exemple, sur le mode de l’assertion, de nier la fatigue du travail des enfants en usine pour mieux inviter ses collĂšgues Ă  porter leur regard vers les petites structures productives mal outillĂ©es dont on a vu qu’elles Ă©taient plus facilement dĂ©noncĂ©es comme gĂ©nĂ©ratrices de pĂ©nibilitĂ© au travail. Cela lui permet de garder un silence brutal sur les conditions de travail des enfants dans une entreprise comme la sienne. Le tout rĂ©sonne bien comme une prise de position idĂ©ologique oĂč des intĂ©rĂȘts de classe bien compris le disputent habilement Ă  l’indiffĂ©rence de notables soucieux de rester le plus possible maĂźtres chez eux.
Plus largement, cela en dit long sur la volontĂ© de cette majoritĂ© de n’entraver en aucun cas le caractĂšre industrialiste de la rĂ©gulation sociale. Prompts Ă  stigmatiser les turpitudes des classes laborieuses quand elles sont attentatoires Ă  la performance productive, les industriels n’entendent pas, pas plus que le gouvernement, remettre en cause tout ce qui pourrait placer l’industrie française en position d’infĂ©rioritĂ© par rapport Ă  ses concurrents. Continuer Ă  utiliser une main-d’Ɠuvre docile Ă  moindre coĂ»t est un impĂ©ratif devant lequel doit s’effacer toute prĂ©conisation trop ambitieuse d’une protection lĂ©gale des jeunes ouvriers. Les partisans du maintien du travail prĂ©coce des enfants usent en consĂ©quence d’arguments d’autant mieux rodĂ©s qu’ils sont rĂ©pĂ©tĂ©s comme une antienne depuis les dĂ©buts de la machine : il faut recruter trĂšs tĂŽt les jeunes ouvriers Ă  des fins d’apprentissage, permettre aux familles pauvres d’amĂ©liorer leur ordinaire grĂące au salaire modeste mais prĂ©cieux perçu par leurs enfants, Ă©viter ainsi de laisser ces derniers sans surveillance le jour durant, etc. Mieux : ce qui Ă©tait auparavant, c’est-Ă -dire avant le recours Ă  des machines perfectionnĂ©es, source de fatigue devient un bienfait : « les fonctions de l’enfant sont plutĂŽt des exercices de gymnastique », peut-on alors entendre dans l’enceinte parlementaire oĂč l’on se met sinon Ă  brandir systĂ©matiquement l’idĂ©e de l’innocuitĂ© du travail prĂ©coce des enfants. Ne dĂ©couvre-t-on pas, par exemple, que la journĂ©e de travail du petit rattacheur dans une filature de coton 12 heures effectives durant s’apparente, aprĂšs tout, au quotidien d’une fillette de la bonne bourgeoisie faisant, des heures durant, ses gammes au piano ?
Pas un seul orateur n’évoque cependant l’économie qui rĂ©sulte pour le fabricant d’employer des enfants plutĂŽt que des adultes. Pourtant, nul n’est dupe. S’étonnant du caractĂšre trĂšs partagĂ© des avis Ă©manant des industriels quant Ă  l’intĂ©rĂȘt pour eux d’employer des enfants, le bureau des manufactures concluait, en 1867, et cela non sans malice, que si l’emploi de petits garçons et de petites filles ne procurait aucune Ă©conomie sur les salaires, « pourquoi rencontrerait-on des difficultĂ©s Ă  leur substituer des adultes{11} » ? L’économie rĂ©elle, prĂ©cise ce rapport, peut ĂȘtre de 30 Ă  50 %, la modicitĂ© des salaires versĂ©s compensant la qualitĂ© parfois moindre du travail pour mieux assurer la compĂ©titivitĂ© des produits fabriquĂ©s, certes, la marge de profit, plus encore.

L’ñge et le temps de travail quotidien : la victoire du parti industrialiste

La protection lĂ©gale reposait sur une ambition initiale relativement Ă©levĂ©e puisqu’à l’automne 1872, Ambroise Joubert, l’industriel-dĂ©putĂ© Ă  l’origine du projet de loi, entendait fixer Ă  10 ans l’ñge lĂ©gal d’entrĂ©e sur le marchĂ© du travail au lieu de 8 ans dans la loi de 1841 ; ensuite de limiter Ă  6 heures la durĂ©e quotidienne du labeur jusqu’à 13 ans rĂ©volus, voire deux annĂ©es plus tard pour ceux qui ne disposeraient pas d’un certificat d’instruction primaire (dont on ignore tout de son niveau d’exigence). On ne pourrait de mĂȘme employer les enfants de moins de 13 ans dans les mines et le travail de nuit serait interdit avant 16 ans.
L’élĂ©vation de l’ñge Ă  partir duquel il est permis de travailler passe de 8 Ă  10 ans sans rĂ©elle opposition car il ne s’agit lĂ , aprĂšs tout, qu’une sorte d’alignement sur les pratiques en cours. En revanche, lĂ  oĂč Ambroise Joubert proposait un « roulement alternatif » de 6 heures par jour de 10 Ă  13 ans rĂ©volus afin de laisser une plage horaire rĂ©servĂ©e Ă  l’école, la loi finalement votĂ©e retient l’ñge de 12 ans pour passer au « temps plein », soit 12 heures par jour sans que l’on sache trĂšs bien si les pauses seront incluses ou non dans le temps de travail des enfants. DĂšs cet Ăąge, garçons et filles seront donc placĂ©s sous le rĂ©gime dĂ©fini par la loi du 9 septembre 1848 et travailleront en dĂ©finitive au mĂȘme rythme que les adultes, ce qui en dit long sur la volontĂ© « rĂ©formatrice » d’une assemblĂ©e qui laisse d’ailleurs au gouvernement le soin d’autoriser par dĂ©cret le quasi-retour Ă  l’ordre antĂ©rieur : sont autorisĂ©s de la sorte dans les mois qui suivent le vote de la loi l’embauche des enfants Ă  partir de 10 ans, moyennant la constitution de deux brigades Ă  la journĂ©e, dans le textile (les filatures en l’occurrence) et aussi la papeterie et la verrerie, puis le travail de nuit pour les enfants de 12 Ă  16 ans dans la papeterie, les sucreries, les verreries et, plus gĂ©nĂ©ralement, les usines mĂ©tallurgiques. Pour le reste, si le dĂ©cret du 13 mai 1875 va, ensuite, interdire aux enfants les tĂąches jugĂ©es les plus Ă©puisantes quand il s’agit de dĂ©placer des charges ou d’impulser le mouvement Ă  des rouages, il se gardera bien d’intervenir Ă  propos de l’activation Ă©puisante du pĂ©dalier des machines Ă  coudre et, rappelons-le, du travail Ă  domicile dont personne n’ignore les effets nĂ©fastes sur la santĂ© et l’instruction des enfants.

Une loi comme un simple paravent contre l’intolĂ©rable

À peine votĂ©e, la loi du 19 mai 1874 rĂ©vĂšle ses insuffisances. Pour les uns, elle est beaucoup trop arbitraire, rigide, contraignante alors mĂȘme qu’à force d’exceptions, elle est rĂ©duite Ă  bien peu si l’on considĂšre que, l’obligation du mi-temps n’étant manifestement pas appliquĂ©e, les enfants se voient imposer 12 heures de travail par jour comme les adultes ; pour les autres, il faut la rĂ©former car, outre la protection lacunaire des enfants, elle devrait s’étendre Ă  tous, enfants comme adultes, quel que soit leur genre. Pourtant, il ne se trouve personne pour mettre l’accent sur le caractĂšre trĂšs empirique du calcul des seuils Ă  partir desquels des dĂ©penses musculaires ne peuvent ĂȘtre tolĂ©rĂ©es en termes d’efforts physiques. Plus encore, la protection des enfants ne tient aucunement compte des dĂ©penses « nerveuses » qu...

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