C'est pour la bonne cause !
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C'est pour la bonne cause !

Les désillusions du travail associatif

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C'est pour la bonne cause !

Les désillusions du travail associatif

À propos de ce livre

Quand les associations oublient de mettre en pratique les valeurs qu'elles défendent avec leurs propres employés...

Un véritable mythe entoure les associations. Elles sont le creuset de la démocratie, de l'engagement citoyen, désintéressé et collectif. Avec leurs 1, 8 million de salariés, elles constituent aussi un véritable monde du travail qui attire chaque année des centaines de milliers de salariés et de volontaires animés par l'espoir de « travailler autrement ». L'expérience n'est pas toujours à la hauteur.

Car, bien souvent, la pression est forte et le salaire bas... sous prétexte que le poste est motivant et que les employés travaillent pour la bonne cause! Comment faire pour que le monde du travail associatif tienne ses promesses? Pour qu'il évite de gùcher les énergies et que l'engagement des salariés (et des bénévoles) ne se transforme pas en espoirs déçus? Comment faire pour que ces organisations qui veulent changer le monde soient d'abord attentives à leurs propres employés?

S'appuyant sur une large enquĂȘte, l'auteur montre l'importance de comprendre la spĂ©cificitĂ© de ces « entreprises associatives », et de penser la signification du travail dans cet univers particulier.

Foire aux questions

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Informations

Année
2021
Imprimer l'ISBN
9782708253766

Chapitre 1
Le salariat associatif : entre travail et engagement(s)

« Les entreprises durablement prospĂšres sont du reste celles ayant une “raison d’ĂȘtre”, en laquelle [les salariĂ©s] peuvent se reconnaĂźtre, car c’est elle qui confĂšre Ă  leur travail un sens. Il faut en effet que ce sens soit clairement perçu par ceux qui y travaillent pour qu’une Ɠuvre soit rĂ©ussie{25}. »
Alain Supiot
Pour comprendre les spĂ©cificitĂ©s du travail associatif, nous avons rĂ©alisĂ© plusieurs travaux acadĂ©miques, notamment une thĂšse sur la « professionnalisation » du monde associatif et plusieurs enquĂȘtes sur le « patronat » associatif. Mais ce sont surtout les enseignements tirĂ©s d’une enquĂȘte{26} rĂ©alisĂ©e entre 2019 et 2020 auprĂšs d’employé·es et d’employeur·ses de petites entreprises associatives (< 50 salarié·es) que nous prĂ©senterons dans cette partie.
Ces cas ne sont Ă©videmment pas gĂ©nĂ©ralisables Ă  l’ensemble du monde associatif, notamment aux grosses entreprises associatives. Dans les grandes structures employeuses, l’expĂ©rience du travail se rapproche davantage de celle des employé·es des grosses administrations. L’analyse qui suit devrait cependant trouver aussi un Ă©cho auprĂšs de ces salarié·es.
MalgrĂ© cette limite de notre enquĂȘte, celle-ci nous permet d’offrir une analyse transversale du monde du travail associatif, quel que soit le secteur d’activitĂ©, de repĂ©rer des traits communs, ainsi qu’un type de relations de travail particulier, marquĂ© par le fait que les salarié·es travaillent pour la cause, avec et pour des bĂ©nĂ©voles.
EnquĂȘte rĂ©alisĂ©e en 2019-2020 auprĂšs d’employé·es et d’employeur·ses de petites entreprises associatives (< 50 salarié·es) : mĂ©thode
Nous avons fait le choix de nous intĂ©resser aux entreprises associatives de moins de 50 salarié·es qui regroupent en France 36 % de l’emploi associatif, soit environ un peu plus de 600 000 salarié·es.
Entre 2019 et 2020, trente entretiens ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s avec des salarié·es (la plupart Ă©taient ĂągĂ©s d’une trentaine d’annĂ©es, mais les interviewé·es ont entre 26 et 49 ans) et une quinzaine avec des employeur·ses associatifs, pour la plupart membres d’un syndicat employeur. Ces personnes appartiennent principalement au secteur de la dĂ©fense des droits et des causes (30 %), Ă  celui de l’humanitaire, du social et de la santĂ© (24 %), des loisirs (19 %) de l’éducation, de la formation et de l’insertion (14 %), et enfin de la culture (8 %). Par ailleurs, les personnes interrogĂ©es travaillent dans/dirigent des structures de moins de 5 salarié·es (40 %), 5 Ă  10 salarié·es (8 %), 10 Ă  20 (32 %), et 20 Ă  50 (20 %). Une seule structure (dans laquelle deux salarié·es ont Ă©tĂ© interrogĂ©s) comporte plus de 50 salarié·es, mais ceux-ci sont rĂ©partis dans des Ă©tablissements de petite taille (< 10).
Nous avons par ailleurs rĂ©alisĂ© six entretiens avec des syndicalistes (membres de l’Union syndicale Solidaires, la CGT, la FO et la CFDT).
Les personnes interrogĂ©es l’ont Ă©tĂ© sur leur parcours, sur l’association dans laquelle elles ont travaillĂ© (et son projet), ainsi que sur les fonctions occupĂ©es, mĂ©tiers exercĂ©s, et les activitĂ©s rĂ©alisĂ©es dans ce cadre. Les questions ont ensuite portĂ© sur les conditions de travail, le rapport Ă  la hiĂ©rarchie et Ă  l’équipe (bĂ©nĂ©voles compris), et sur les Ă©ventuels conflits du travail.
Nous avons modifié les noms des personnes et des associations qui le demandaient pour préserver leur anonymat.

Travailler « pour une cause »

Depuis quelques annĂ©es, les sociologues du travail associatif pointent la particularitĂ© suivante : dans ce milieu, c’est le salariat « atypique » qui est typique{27}. ComparĂ©s Ă  ceux des secteurs privĂ© et public, les salarié·es du monde associatif sont fortement touchĂ©s par la prĂ©caritĂ©, c’est-Ă -dire par la discontinuitĂ© associĂ©e Ă  la carence du revenu, ou Ă  la carence des protections. L’économiste Lionel Prouteau{28} y constate des conditions de travail dĂ©gradĂ©es avec un recours important aux CDD, aux horaires atypiques, au temps partiel, etc. Mais alors, pourquoi ces emplois trouvent-ils preneurs ?

Des salarié·es intrinsÚquement motivés

Pour rĂ©pondre Ă  cette question, l’économiste Ă©tats-unienne Anne Preston{29} avance la thĂ©orie du « don du travail ». Pour la chercheuse, les conditions de travail moins bonnes du monde associatif par rapport au secteur privĂ© sont compensĂ©es par les bĂ©nĂ©fices sociaux produits par les organisations dans lesquelles les salarié·es travaillent. Si les travailleur·ses sont disposĂ©s Ă  accepter un salaire rĂ©duit, c’est qu’ils trouvent une compensation dans le fait que leur activitĂ© soit source d’« externalitĂ©s positives ». Autrement dit : servir un projet Ă  but non lucratif apporterait une satisfaction morale au travailleur qui justifierait une rĂ©munĂ©ration plus faible que ce Ă  quoi il pourrait prĂ©tendre dans une organisation Ă  but lucratif. Les salarié·es seraient « intrinsĂšquement motivĂ©s{30} » par le fait de travailler pour des structures Ɠuvrant, gĂ©nĂ©ralement, pour l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.
La contribution des individus au bien commun serait une compensation en rĂ©tribution symbolique qui rendrait acceptable une rĂ©munĂ©ration plus faible. Cette idĂ©e souligne que le salaire ne constitue pas le critĂšre principal de la reconnaissance professionnelle et que d’autres Ă©lĂ©ments entrent en compte, comme la satisfaction morale d’accomplir un projet d’utilitĂ© sociale. Les salarié·es qui « adhĂšrent » au projet de l’association{31} feraient don de travail en Ă©change d’un emploi qui leur permet « de vivre de et pour la cause ». C’est ce que montre la sociologue AurĂ©line Cardoso{32} Ă  propos de salarié·es d’un planning familial.
Le sociologue Matthieu HĂ©ly{33} avance l’idĂ©e qu’une partie des travailleur·ses associatifs seraient ainsi porteurs d’un « Ă©thos du bĂ©nĂ©volat ». Travailler dans une entreprise associative, c’est travailler « pour une cause », pour un projet (celui de l’association) gĂ©nĂ©ralement tournĂ© vers l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ou public, ou du moins vers un intĂ©rĂȘt collectif. C’est avoir un travail « qui a du sens ».

Les limites de la « théorie du don »

Dans leur travail sur la Croix-Rouge française, deux universitaires en sciences de gestion, Monique Combes-Joret et LaĂ«titia Lethielleux{34}, s’interrogent : l’acceptation d’un salaire plus faible, est-ce le « rĂ©sultat d’un supplĂ©ment d’ñme ou une fatalitĂ© » ?
À la Croix-Rouge française, les salaires sont plus faibles que dans d’autres structures du secteur privĂ©, mais, « malgrĂ© cet Ă©cart de rĂ©munĂ©ration, le choix de rester dans la structure Ă©tait consenti par certains salarié·es, voire clairement revendiquĂ© (par deux comptables et une infirmiĂšre) comme tĂ©moin d’engagement altruiste et comme gage d’un “supplĂ©ment d’ñme” ». En effet, pour certains salarié·es, l’acceptation de salaires faibles est compensĂ©e par le fait de travailler « pour la cause (aider les autres, ĂȘtre utile) », ce qui rejoint l’analyse d’Anne Preston. Cependant le diffĂ©rentiel de salaire n’apparaĂźt jamais comme recherchĂ© par les salarié·es. Pour certains, c’est mĂȘme une « fatalitĂ© ». Ainsi, pour Monique Combes-Joret et LaĂ«titia Lethielleux, le rĂŽle des rĂ©tributions symboliques ne doit pas faire oublier que l’acceptation d’un emploi est aussi liĂ©e Ă  des contraintes Ă©conomiques (comme la nĂ©cessitĂ© d’avoir un salaire) ou familiales (comme la mutation du conjoint). Cela peut aussi ĂȘtre liĂ© Ă  la structuration du marchĂ© de l’emploi, le choix d’un emploi pouvant ĂȘtre contraint par le manque d’offre ou l’employabilitĂ© de la personne. C’est le cas du cadre quinquagĂ©naire pris comme exemple par Matthieu HĂ©ly dans son article intitulĂ© « L’économie sociale et solidaire n’existe pas{35} ». À la suite d’un licenciement, il dĂ©cide de fonder une Ă©picerie sociale, en utilisant pour les besoins de la cause le carnet d’adresses constituĂ© pendant sa carriĂšre dans le privĂ©, pour ĂȘtre « utile Ă  la sociĂ©tĂ© », mais aussi pour trouver une forme honorable de reconversion professionnelle. Aussi, il est important de noter que, si travailler dans une association offre des rĂ©tributions symboliques qui viennent « complĂ©ter » la rĂ©munĂ©ration pĂ©cuniaire, celles-ci n’ont pas la mĂȘme valeur pour l’ensemble des salarié·es de la structure. C’est le cas dans cette association du secteur environnemental dont nous avons rencontrĂ© les salarié·es et que nous nommerons « Environnement Ensemble ». Dans cette structure, nous pouvons distinguer deux idĂ©aux-types de salarié·es. Le premier est composĂ© des chargé·es de mission de l’association, dont le mĂ©tier est l’animation du rĂ©seau et la rĂ©alisation de plaidoyers. Dans ce groupe, comme l’explique un salariĂ© de la structure, certain·es employé·es se revendiquent « militants » et ne veulent pas compter leurs heures, car « cela ferait trop d’heures Ă  rĂ©cupĂ©rer ». Dans le deuxiĂšme groupe, nous retrouvons des employé·es aux mĂ©tiers plus administratifs (secrĂ©tariat, comptabilitĂ©) qui les amĂšnent moins Ă  porter le projet de la structure puisqu’ils ne travaillent pas sur sa dimension politique et symbolique. Ils sont certes employĂ©s dans une structure aux missions d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, mais pour eux cet aspect est moins essentiel. « Je fais ça pour vivre », « pour payer mon loyer ». Les rĂ©tributions symboliques, si elles ne sont pas absentes, ne viennent pas compenser la faiblesse de la rĂ©munĂ©ration monĂ©taire ; elles apparaissent en quelque sorte comme dĂ©monĂ©tisĂ©es.

Travailler dans le monde associatif, un « faux choix » professionnel ?

L’exemple de l’association « Environnement Ensemble » rejoint celui de la Croix-Rouge française. Comme l’écrivent Monique Combes-Joret et LaĂ«titia Lethielleux dans leur article, « dans certaines localitĂ©s Ă©conomiquement sinistrĂ©es oĂč nous nous sommes rendues, plusieurs tĂ©moignages convergent pour relever que les choix de certains salariĂ©s occupant des postes Ă  faibles responsabilitĂ©s (comme des secrĂ©taires dans de petites dĂ©lĂ©gations locales ou encore des assistantes maternelles dans des crĂšches) sont plus dictĂ©s par des raisons Ă©conomiques et l’absence d’alternative sur le marchĂ© du travail local que par une adhĂ©sion Ă  la cause de la Croix-Rouge française{36} ».
Dans leur manuel universitaire intitulĂ© Économie politique des associations, les Ă©conomistes Anne Le Roy et Emmanuelle Puissant rejoignent cette analyse. Pour ces autrices, « le “don de travail” effectuĂ© par des travailleurs dont le niveau de vie est proche du seuil de pauvretĂ© peut apparaĂźtre moins Ă©vident que celui de cadres sensiblement mieux rĂ©munĂ©rĂ©s. Ensuite, la nature des emplois et la reconnaissance sociale associĂ©e ne sont pas non plus comparables : entre des professions reconnues dans le secteur humanitaire et des emplois non qualifiĂ©s d’entretien et d’aide aux personnes, les motivations intrinsĂšques ne peuvent ĂȘtre jugĂ©es Ă©quivalentes. Enfin, la thĂ©orie du don de travail repose sur l’hypothĂšse centrale d’un choix conscient du type d’employeur. Or, si cette idĂ©e semble acceptable pour les travailleurs qualifiĂ©s n’ayant pas de difficultĂ© d’insertion professionnelle, elle semble assez difficilement dĂ©fendable pour des salariĂ©es non qualifiĂ©es des services Ă  la personne, par exemple{37}. » L’analyse des donnĂ©es « conditions de travail 2013 » de la Direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques (DARES) du ministĂšre du Travail{38} dirigĂ©e par l’économiste François-Xavier Devetter va dans le mĂȘme sens et fait apparaĂźtre que, « en ce qui concerne les salariĂ©s peu qualifiĂ©s et contrairement aux cadres, le statut de l’employeur n’est en rien dĂ©terminant dans leurs choix originels [d’y travailler] ». Cependant, François-Xavier Devetter et ses coauteurs constatent qu’au cours de l’activitĂ© professionnelle, l’importance de la « fiertĂ© de travailler » dans des structures associatives grandit pour ces salarié·es peu qualifiĂ©s.
Comme nous l’avons vu, travailler dans le monde associatif n’est pas forcĂ©ment un choix, ce qui nous invite Ă  relativiser la thĂ©orie du « don » d’Anne Preston. Mais si, pour certains, travailler dans le monde associatif relĂšve d’un faux choix, il constitue aussi, dans une certaine mesure, un « refuge professionnel ». C’est le cas, par exemple, pour tous ceux qui ne trouvent pas de place sur le marchĂ© du travail car trop ĂągĂ©s ou trop jeunes. Anne Le Roy et Emmanuelle Puissant soulignent mĂȘme que, pour certaines personnes ayant un faible capital scolaire, le secteur associatif peut constituer un refuge permettant, dans une certaine mesure, une mobilitĂ© sociale ascendante.

Travailler avec des bénévoles

Travailler dans une entreprise associative signifie souvent travailler avec des bĂ©nĂ©voles. Ces derniers (et le travail qu’ils rĂ©alisent) sont prĂ©sents en amont d’un projet, puisque deux bĂ©nĂ©voles (au moins) sont nĂ©cessaires pour crĂ©er une association (qui deviendra ensuite, ou pas, employeuse). Ils sont aussi premiers historiquement, le monde associatif ayant d’abord Ă©tĂ© un monde de bĂ©nĂ©voles.

Le travail bénévole est historiquement présent dans les associations

Pour Anne Le Roy et Emmanuelle Puissant, « la figure du travail salariĂ© a Ă©tĂ© tardive et les salariĂ©s ont longtemps Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s comme des bĂ©nĂ©voles, puis des bĂ©nĂ©voles indemnisĂ©s, motivĂ©s avant tout par le projet de l’association et le service aux usagers, et moins par les revenus issus de ce travail{39} ». Pour illustrer leur propos, ces autrices mobilisent l’exemple de l’aide Ă  domicile. Elles rappellent que, jusque dans les annĂ©es 1970, le modĂšle domestique et bĂ©nĂ©vole prĂ©valait. La salarisation, c’est-Ă -dire le dĂ©veloppement de l’emploi, de ce secteur va surtout s’opĂ©rer Ă  partir des annĂ©es 1980, durant lesquelles les associations sont mobilisĂ©es dans la lutte contre le chĂŽmage et agissent pour rĂ©pondre aux besoins sociaux croissants.
De nombreux secteurs associatifs ont connu des histoires similaires de dĂ©veloppement d’univers bĂ©nĂ©voles se professionnalisant progressivement. C’est par exemple le cas du secteur de l’animation socioculturelle, dont les racines historiques sont celles de l’éducation populaire, d’un « mouvement social fondĂ© sur le bĂ©nĂ©volat et le militantisme et animĂ© par des instituteurs, des prĂȘtres, des dames patronnesses, des syndicalistes, des militants politiques et autres acteurs de l’intermĂ©diation{40} ». L’animation va progressivement se transformer et devenir un secteur professionnel. Cette Ă©volution rĂ©sulte en grande partie du dĂ©veloppement des politiques publiques de la jeunesse, notamment Ă  partir des annĂ©es 1960 oĂč l’État va financer le dĂ©veloppement des Ă©quipements sportifs et socio-Ă©ducatifs (comme les Maisons des jeunes et de la culture par exemple{41}). Cette politique volontariste, de « multiplication » des infrastructures, Ă  laquelle s’ajoutent un soutien financier apportĂ© aux acteurs associatifs et la crĂ©ation de « diplĂŽmes sous l’autoritĂ© de l’État et du monde associatif », vont progressivement faire des animateurs socioculturels un groupe professionnel reconnu{42}. Ainsi, en 1980, l’INSEE estime e...

Table des matiĂšres

  1. Page de titre
  2. Sommaire
  3. Avant-propos
  4. Introduction
  5. Chapitre 1 Le salariat associatif : entre travail et engagement(s)
  6. Chapitre 2 Le monde du travail associatif sous l’influence de la puissance publique
  7. Chapitre 3 La double besogne du monde du travail associatif
  8. Conclusion
  9. Bibliographie
  10. Remerciements