Partie 1
Voyage au pays des cerveaux droits
Chapitre 1
Deux systèmes de pensée qui s’opposent ou se complètent ?
Êtes-vous gaucher, gaucher contrarié, droitier, ambidextre ? La réponse est simple. Mais saviez-vous que vous pouvez être plutôt « cerveau gauche », « cerveau droit », « cerveau droit contrarié » ou faire un usage assez équilibré entre vos deux hémisphères ? Si vous ne vous êtes jamais posé la question, c’est probablement que, pour vous, ces notions sont soit floues, soit ne vous parlent pas du tout. Et pourtant, elles sont importantes, surtout si vous êtes « cerveau droit ». Pour mieux comprendre, il faut se référer aux travaux de Roger W. Sperry. Ce neurophysiologiste américain a reçu en 1981 le prix Nobel de médecine pour ses découvertes sur le cerveau. Il a fait ressortir des modes de fonctionnement différents suivant les hémisphères : l’hémisphère gauche fonctionnant de manière analytique, logique et séquentielle (mesuré par le QI) ; le cerveau droit de manière plutôt intuitive et globale (mesuré par le QE) – on le dit analogique, empirique et intuitif.
Côté cerveau, êtes-vous plutôt hémisphère droit ou gauche ?
Cette vision schématique du fonctionnement du cerveau en deux hémisphères bien distincts (même si les recherches actuelles montrent que la réalité est plus complexe, qu’il existe de nombreuses connexions et interactions entre les deux) permet de différencier deux fonctionnements très différents qui correspondent à la réalité sur le terrain. Peut-être un peu simpliste, elle a le mérite de faire comprendre pourquoi certaines personnes se sentent si différentes des autres, tant dans leur personnalité que dans leurs agissements.
Les « cerveaux gauches », logiques, réfléchis et analytiques
Les personnes qui favorisent leur hémisphère gauche sont logiques, analytiques et gestionnaires. Pour plus de facilité, on les appellera donc les « cerveaux gauches ». Ils décomposent et analysent les problèmes pour les résoudre, ont un raisonnement séquentiel, suivent un plan précis, s’attachent aux détails, avec le risque de perdre de la hauteur de vue. Ils ressentent plus d’angoisse que d’émotion. Pour eux, il n’y a qu’une seule manière de faire des choses et c’est la bonne, faire autrement peut ressembler à une perte de temps. Ils apprécient les environnements structurés, connus et non évolutifs ; ils aiment les catégories, le rationnel, l’explicite et veulent une réponse directe, concise, structurée et détachée. Ils passent du concret à l’abstrait. Ils sont dans le jugement. On en trouve beaucoup dans les directions des sociétés, car leur esprit analytique et logique leur donne une grande capacité d’appréhension des problèmes et parce qu’ils savent garder la tête froide. Ils fonctionnent ainsi de manière radicalement opposée à celle des « cerveaux droits ». Pour décrire leur façon de penser, Béatrice Millêtre parle de fonctionnement « corde à nœuds » et Christel Petitcollin les qualifie de « normo-pensants », parce qu’ils pensent dans la norme. Ils peuvent avoir un haut potentiel intellectuel sur l’aspect analytique et logique, mais n’être ni créatifs ni innovants, contrairement aux neurodroitiers. En France, la majorité des individus utilise davantage leur hémisphère gauche, l’éducation à l’école les y encourageant.
Les « cerveaux droits », rapides, innovants, intuitifs, atypiques et émotionnels
Les personnes qui utilisent de préférence l’hémisphère droit de leur cerveau sont innovantes, créatives, intuitives, atypiques. Daniel Kahneman, spécialiste de psychologie cognitive et d’économie comportementale, professeur émérite à l’université de Princeton, prix Nobel d’économie (2002) pour ses travaux sur le jugement et la prise de décision, évoque, lui, deux vitesses de pensée : le système 1, celui du lièvre ou « cerveau droit », face au système 2, celui des tortues ou du « cerveau gauche ». Les premiers ont un potentiel créatif et innovant. Les seconds peuvent éventuellement savoir l’exploiter à leur propre bénéfice. Mais comme nos mains, nous avons besoin de nos deux hémisphères si nous voulons être le plus efficace possible. Comme nos mains aussi, chacun a donc ses fonctions spécifiques.
Les cerveaux droits sont avant tout des personnalités qui sortent de la norme, capables de « penser en dehors des clous », de penser autrement, think out of the box, comme le disent joliment les Anglo-Saxons. Derrière ce comportement se cachent des qualités tout particulièrement recherchées dans le monde d’aujourd’hui où tout va très vite, comme l’adaptabilité, la rapidité, l’agilité et la créativité. Posséder ces qualités est une chance car elles nous distinguent des robots ; l’intelligence artificielle permet en effet de reproduire des tâches mais elle n’en est pas encore au stade de pouvoir inventer de nouveaux processus ou produits, d’anticiper, etc.
Ces neurodroitiers intéressent tout particulièrement certaines structures et en dérangent d’autres, car leur manière de penser est un défi à l’ordre établi. Ils ont souvent des goûts éclectiques et des passions qui évoluent. Ils ont envie d’aller de l’avant, de mettre un coup de pied dans la fourmilière, ne sont pas toujours écoutés. Ils peuvent être pénalisés et même carrément rejetés par le système qui cherche à se préserver tel qu’il est. Laure, responsable marketing dans un grand groupe français, racontait ainsi avec dépit : « Chez nous, ceux qui veulent faire bouger les choses ne restent pas, car ils se heurtent à un mur, à une volonté d’immuabilité. Nos hiérarchies ne veulent pas prendre de risques, craignant de mettre en péril leurs propres carrières, même si, à long terme, cela serait bénéfique à l’entreprise. »
Si vous êtes de ceux-là, que vous utilisez prioritairement l’hémisphère droit de votre cerveau, vous présentez les caractéristiques suivantes que nous détaillerons ensuite : vous avez une vision globale et intuitive, fruit d’une multiplicité d’associations inconscientes et simultanées qui débouche sur une extrême rapidité de compréhension et d’interprétation. Votre pensée, fonctionnant en arborescence, provoque un foisonnement d’idées ce qui peut donner de vous une impression de confusion. Mais une fois vos idées mises en ordre, vous pouvez appréhender les situations et les problématiques sous plusieurs angles et dans leur complexité. Curieux de tout, vous adorez découvrir et apprendre, à condition que cela fasse sens pour vous. Vous jubilez de mener plusieurs projets de front. Attirés par la nouveauté, détestant la routine, vous « savez », « sentez », « voyez » ce qui est et ce qu’il faut faire avec une rapidité et une clairvoyance engendrant parfois de l’impulsivité. Vous proposez des solutions innovantes, grâce à votre capacité à faire de multiples associations et analogies vous établissez des liens inédits. Vous passez de l’abstrait au concret. Vous recourez à des exemples, des métaphores, des symboles ou des images pour illustrer vos propos. Votre mémoire peut être prodigieuse si le sujet vous intéresse et quasi inexistante sinon. Dans ce cas, il vous est difficile, voire impossible, de vous concentrer. Vous avez besoin d’autonomie et d’indépendance pour avancer à votre rythme, rapide. Ce foisonnement de projets stimule votre énergie, qui sinon tournerait à vide, d’autant que vous vous ennuyez vite. L’écueil pour vous est la dispersion. Fuyant la routine et les sentiers battus, vous ne craignez pas de prendre des risques. Vous avez une éthique et des valeurs fortes. En position de management, vous vous préoccupez du bien-être de vos équipes, de par votre sensibilité (parfois hypersensibilité) et votre capacité d’empathie. Vous êtes gouverné par les émotions et l’affectif. Parmi les cerveaux droits figurent des personnalités exceptionnelles comme Léonard de Vinci ou dans un tout autre genre Raymond Aron qui pensait avec beaucoup de recul et souvent à contre-courant de son époque.
Votre intelligence, tout à fait remarquable, ne fait pas forcément de vous un génie, mais certainement un esprit original s’il a gardé toute sa fraîcheur. C’est pourquoi nous ne reprendrons pas le terme de « surdoué », car il représente trop souvent une personne très visiblement et exceptionnellement douée. De plus, il suscite trop de rejets de la part de ceux qui le sont plus modérément ou qui n’arrivent pas à se reconnaître dans ce terme, surtout quand ils ont subi un grand nombre d’échecs. Nous lui préférons donc les termes de « cerveau droit » ou d’« atypique », d’« intuitif », d’« innovant », de « neurodroitier », de « cygne », de « haut potentiel innovant »… termes qui recouvrent des profils et des types d’intelligences très différents. La majorité d’entre vous ignore appartenir à cette catégorie. Car il faut chasser une idée fausse, le cerveau droit ne brille pas forcément et bien souvent il dérange. Il est très souvent invisible, surtout s’il n’est pas conscient de ses talents qu’il n’est, de fait, pas en mesure d’exploiter. Il pourrait être comparé à un diamant brut qui, une fois taillé, brillerait de mille feux. Mais tant qu’il ne s’identifie pas comme tel, il n’en tire aucun profit, et se sent perpétuellement décalé et rejeté, enchaînant les échecs et les déceptions. Parmi eux, certains se croiront ou passeront pour retardés, stupides, bizarres (voire bipolaires ou fous) et ne comprendront pas comment fonctionner « comme tout le monde ». D’où l’intérêt de connaître leur monde particulier.
De nombreux ouvrages passionnants sur l’enfant ou sur l’adulte surdoué insistent sur leur souffrance. Tout en reconnaissant cet état de fait, nous préférons les aider à tailler leur diamant pour le faire briller. Plutôt que de nous focaliser sur leurs souffrances, notre but à travers cet ouvrage va donc être de leur permettre de s’identifier en tant que tel et, à partir de là, d’œuvrer afin de faire ressortir et de valoriser leurs qualités vraiment singulières. Elles sont nombreuses et parfois exceptionnelles. Il n’est jamais trop tard pour en prendre conscience. Ces personnalités complexes et originales ont des comportements caractéristiques, certains relèvent de leurs spécificités de neurodroitiers, d’autres sont plus liés à leur environnement. En effet, si tous les cerveaux droits ont un fonctionnement plus ou moins analogue, leurs personnalités et leurs parcours, leurs manières de s’adapter au monde qui les entoure, diffèrent sensiblement en fonction de ce qu’ils ont vécu enfants ; selon que leur différence a été un atout ou un fardeau. Beaucoup d’entre eux, pour ne pas dire une majorité, n’étant pas identifiés comme tels, peuvent être relégués à des postes subalternes ou, n’arrivant pas à s’intégrer dans l’entreprise, finissent par se mettre à leur compte. Car leur comportement dérange souvent : pour une majorité de personnes, ils vont trop vite, voient trop loin, sont trop différents pour être appréciés et écoutés.
Avantages et vicissitudes d’être cerveaux droits
Des vécus parfois difficiles à dépasser
Parmi les « cerveaux droits », on distingue ainsi trois types de cas : ceux qui réussissent en prenant tous les risques et en ayant de bonnes relations avec les autres ; ceux qui se débrouillent à peu près en restant dans le moule ; ceux qui échouent ou utilisent leurs talents pour des actions peu recommandables.
Ceux qui ont eu un entourage compréhensif sont probablement ceux qui réussissent le mieux. Ils sont à l’aise avec leur environnement en étant rapides, efficaces et créatifs ; ils ont confiance en eux et une capacité à passer du rêve à la réalité, de l’idée à la conception d’un produit ou d’un projet et à sa mise en œuvre. Autonomes et indépendants, ils aiment à prendre des risques et à s’amuser en travaillant ; ils acceptent certaines règles, utilisent bien leurs talents et sont capables de saisir les opportunités qui s’offrent à eux. Ils sont bien intégrés socialement, car ils ont de bonnes relations avec leur entourage et savent se faire apprécier et reconnaître. Nous faisons l’hypothèse que bon nombre d’entre eux ont été bien entourés et compris dans leur enfance par une ou plusieurs personnes de leur environnement familial ou social (à moins qu’enfants, ils aient trouvé des modèles au travers de personnages de romans, de biographies ou de films). Ils s’inscrivent alors dans une spirale de réussite avec suffisamment de lucidité pour leur ouvrir les yeux sur la réalité du monde. Parmi eux, on peut trouver des entrepreneurs créatifs ayant une confiance en eux suffisante pour proposer des solutions parfois révolutionnaires.
Ceux qui s’en accommodent, sans en profiter réellement, peuvent avoir eu des résultats scolaires corrects, sans être éblouissants. Ils se sont plus ou moins adaptés,...