QUATRIÈME PARTIE
Développer ses capacités à vivre mieux pour éloigner ses pensées toxiques
| Chapitre |
| Agir sur sa satisfaction de vie | 10 |
La psychologie, c’est plus que réparer ce qui ne fonctionne pas, c’est faire sortir ce que les gens ont de meilleur en eux.
Martin Seligman
Il existe une autre voie pour écarter nos pensées répétitives, agir sur nos forces plutôt que sur nos insatisfactions : privilégier nos émotions positives, renforcer nos capacités à affronter l’adversité, améliorer notre rapport à soi et aux autres.
Le cercle vertueux du bien-être
De bonnes relations, une bonne santé, la réussite de nos projets professionnels ou personnels nous procurent du bien-être. Nous devinons aussi que cette relation fonctionne dans les deux sens : être de bonne humeur et se sentir bien dans sa peau nous aident à affronter les difficultés avec plus de sérénité.
De leur côté, les médecins et thérapeutes savent maintenant qu’il ne faut pas attendre les épisodes d’anxiété, de mélancolie, de découragement ou de colère pour agir. La prévention en amont est efficace, cultiver ses compétences, ses défenses psychologiques naturelles est aussi utile que soigner.
Mais ce que l’on sait moins et que les recherches récentes ont démontré, c’est que le bien-être nous conduit à rencontrer plus d’événements positifs dans nos vies. Nous sommes plus attentifs aux autres, mieux perçus, plus créatifs, plus performants dans nos projets, plus entreprenants, plus tolérants avec l’entourage, plus conscients de nos bons moments et par-dessus tout en meilleure santé. Nous avons beaucoup insisté sur les cercles vicieux, voici enfin un cercle vertueux !
Il existe un autre point crucial démontré par de nombreux travaux récents : les niveaux de bien-être et de satisfaction de vie peuvent être durablement améliorés par des actions ciblées. Confrontés aux mêmes événements, certains parviennent à résister, d’autres restent englués dans leurs pensées. Tandis que certains s’irritent, s’inquiètent ou se découragent, d’autres mobilisent leur énergie et trouvent les forces pour avancer. Ces capacités dépendent en partie de tempéraments innés, nous en avons déjà parlé, mais également de notre façon d’appréhender le monde. Nous avons donc une part de pouvoir sur nos humeurs et ruminations.
La psychologie positive
La scène se passe dans le jardin d’un éminent professeur de psychologie. Ses travaux sur la dépression, l’apprentissage et l’optimisme figurent parmi les plus reconnus. Absorbé par ses activités de jardinage, l’austère professeur s’irrite de voir sa toute jeune fille gesticuler, chanter et jouer au lieu de se concentrer sur la consigne d’entretien du jardin. Lorsqu’il la réprimande, elle fond en larmes. C’est alors que cette enfant revient en lui rappelant que ces derniers temps elle a fait d’énormes efforts pour ne pas passer son temps à pleurnicher et qu’elle aimerait bien qu’il en fasse autant en cessant de ronchonner en permanence ! Il prend subitement conscience qu’il a perdu de vue l’essentiel. En ne maîtrisant pas ses nerfs, il n’est plus en mesure d’apporter de la joie et du bien-être à ses proches, dans les rares moments de réunion familiale. Il réalise que l’on peut passer à côté de l’essentiel en se concentrant sur les problèmes à résoudre et en oubliant de percevoir les bons côtés de la vie.
Cette révélation lui fait découvrir qu’il existe peu de recherches sur les moyens d’améliorer la vie des gens qui ne sont pas malades et qu’un des buts de son travail devrait être d’aider chacun à développer ses aptitudes à vivre mieux, comme sa toute jeune fille l’avait découvert toute seule…
Cet épisode, rapporté par Martin Seligman, est l’un des points de départ d’une discipline qui s’est donné pour but de comprendre ce qui va bien et de développer nos capacités à aller mieux. À la différence des autres branches des psychologies scientifiques orientées vers la prise en charge des dérèglements mentaux, la psychologie positive étudie ce qui fonctionne bien, et analyse les causes de ces succès. Elle recherche les moyens de favoriser l’épanouissement, le bien-être personnel et collectif, mais aussi de renforcer nos capacités à affronter les difficultés, cultiver nos émotions positives et donner du sens à sa vie. Elle ne vise pas à dire à votre place ce que vous devez faire, ni à livrer des pensées positives clé en main, mais à fournir de meilleurs outils pour accomplir ce que vous avez décidé.
Le but de la psychologie thérapeutique est d’effacer les perceptions négatives pour arriver à un état neutre, le point zéro (ne pas souffrir). La psychologie positive aspire à passer du point zéro à plus de vie. Cette science recoupe des savoirs humanistes et philosophiques déjà bien connus et les consolide ou les conteste par des données expérimentales. L’évaluation rigoureuse des conseils connus depuis des siècles permet de sélectionner et valider les solutions qui fonctionnent bien.
Tout au long de notre vie nous rencontrons des épreuves, des revers, les causes sont multiples et la plupart ne sont pas sous notre contrôle. En revanche, une grande partie du bien-être dépend de nous, de notre capacité à résister aux pensées sombres, à apprécier ce qui va bien et à développer nos compétences.
Comment appliquer ces connaissances aux problèmes de ruminations ? Si nous n’avons pas de maîtrise sur la part innée de notre tempérament, nous possédons en revanche les moyens d’agir sur notre vision du monde, notre relation à soi et aux autres, les choix de nos valeurs et objectifs. En augmentant notre bien-être, nous limitons la production de ruminations et nous améliorons nos aptitudes à y faire face.
Comment améliorer notre humeur et notre bien-être ?
Cette question peut paraître étrange à certains, nous sommes supposés savoir ce qui nous fait du bien. Mais l’existence de pensées indésirables, de ruminations et de mauvaises humeurs tenaces montre que les résultats ne sont pas toujours conformes à nos croyances et qu’il est parfois utile de se remettre en question.
Le message des gens heureux
Pour affronter les difficultés, certains possèdent des qualités naturelles de compréhension de soi, de gestion de ses émotions (intelligence intra-personnelle), de compréhension, d’écoute des autres et d’échange (intelligence interpersonnelle). Ces compétences sont aujourd’hui reconnues et sont regroupées sous le concept d’intelligence émotionnelle. Ceux qui possèdent ces habiletés considèrent les conseils que nous allons déve-lopper comme des évidences. Mais pour beaucoup, ces notions sont difficiles à appliquer, voire complètement étrangères aux préoccupations quotidiennes.
Les personnes les plus douées ont des choses à nous apprendre. Pour aller mieux, serait-il possible de repérer chez les gens les plus heureux leurs recettes, leurs talents, leurs aptitudes et s’en inspirer pour soi ? Et si nous pouvions suivre des jeunes sur toute une vie, identifier ce qui fait que certains évoluent mieux que d’autres et se sentent plus épanouis à l’âge adulte ?
Plusieurs équipes de chercheurs ont relevé le défi. Elles ont observé, analysé les émotions, la satisfaction de vie et la santé de centaines de personnes pour repérer ce qui fonctionne le mieux.
D’autres ont suivi avec ténacité des populations diverses pendant des décennies, pour obtenir des résultats tangibles et passionnants. Leurs conclusions sont concordantes et porteuses d’espoir. Par la suite, une multitude d’autres études ont précisé, confirmé et mis en pratique ces connaissances et ça marche !
L’intérêt majeur des recherches actuelles sur le bien-être et les émotions est donc d’écarter les conseils séduisants mais inefficaces, de sélectionner les méthodes qui ont fait leurs preuves et de les faire connaître au plus grand nombre.
Les pratiques les plus efficaces
Le meilleur moyen de ressentir du bien-être est-il une bonne situation, des diplômes, une belle maison, la beauté, la richesse, l’intelligence, la jeunesse, le pouvoir ou même une bonne santé ? Rien de tout cela. Chacun de ces domaines peut être important pour différentes raisons personnelles (certains peuvent aider à construire un engagement, une ambition, un dépassement de soi, d’autres sont plus discutables), mais toutes ces attentes n’ont pas grand-chose à voir avec le bien-être tel que nous le ressentons. Si nous les attendons pour se sentir mieux, nous faisons fausse route ! Par exemple, la jeunesse n’est pas déterminante, la satisfaction de vie aurait plutôt tendance à augmenter avec l’âge. Les mesures concernant la réussite scolaire ou la beauté physique montrent aussi leur absence d’influence. Les gens les plus heureux ne sont pas protégés des difficultés de la vie, le nombre d’événements désagréables est le même que pour le reste de la population. Même la réussite financière ne produit qu’une amélioration faible du niveau de satisfaction de vie global et aucune amélioration du bien-être immédiat. Surprenant, non ?
Tout ce à quoi nous aspirons ne produit pas d’effet sur notre perception de bien-être, ou un effet mineur et trop modéré pour ce que l’on attend. Il ne s’agit pas de dissuader l’action et les ambitions constructives, mais aucun de ces éléments n’est déterminant pour le bien-être à long terme. Ces résultats sont difficiles à croire, mais vérifiés par des études multiples. La première conclusion est donc étonnante, perturbante pour certains, mais utile à connaître : le plus souvent nous nous trompons !
Voyons maintenant ce qui fonctionne, et que nous allons développer dans les chapitres suivants :
- de bonnes relations sociales, des échanges positifs entre humains, des liens affectifs. De loin l’élément le plus influent ! Être entouré par des gens que l’on aime et qui nous aiment est le meilleur moyen de se sentir bien ;
- une capacité à percevoir ce qui va bien (gratitude et appréciation du positif) ;
- une résistance à l’adversité grâce à un optimisme réaliste et une motivation ;
- une bonne image de soi (estime, confiance et autocompassion) ;
- une ouverture aux autres (compassion et altruisme) ;
- des objecti...