Animer à distance

Guide de pratiques robustes et éprouvées

Stéphanie Baumann, Elisabeth Denécheau, Benjamin Gratton, Estelle Sbinné, Thibault Vignes

• Éditeur: Eyrolles
• Année: 2020
• Imprimer l'ISBN: 9782416000836
• ISBN de l'eBook: 9782212791358
• Édition: 1
• Sujet: Business
• Sujet: Entrepreneurship

Qu'il soit subi ou choisi, le travail à distance bouscule nos habitudes et interroge nos fonctionnements. Pour ce qui est de l'animation à distance, l'inconfort est plus grand encore : Comment mobiliser une équipe avec pour seul outil la visioconférence ? Comment faire qu'un collectif s'engage et se fasse confiance sans prendre appui sur la proximité, le non-verbal et les temps informels ? Et quid du coaching et de la précieuse alliance qui se construit dans l'espace physique ?

Les questions sont nombreuses, fruit d'un mélange subtil de croyances, de craintes et d'obstacles techniques réels ou supposés.

Que vous soyez amené à animer une équipe ou à interagir en individuel, que vous soyez manager, facilitateur, formateur ou coach, cet ouvrage vous permet de donner la juste place au distanciel et de repenser vos pratiques pour assurer la puissance de vos interventions. Vous y trouverez de nombreux conseils et témoignages, et plus d'une trentaine de pratiques décrites dans le détail.

Ces pratiques nous les avons toutes testées et éprouvées, entre nous et avec nos clients. Elles sont l'aboutissement de nos expérimentations et de nos apprentissages durant le confinement et au-delà, via le collectif que nous avons constitué autour du site animeradistance.com créé par La Boétie Partners.

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Maîtriser les fondamentaux

1– Penser distanciel

Lever les freins

La crise sanitaire de début 2020 a été un accélérateur phénoménal de nouvelles pratiques et d’un mouvement de fond de la digitalisation du travail. Certains disent que nous vivons aujourd’hui une relation au travail que nous aurions dû vivre dans cinq ou dix ans.

Nous devons faire face, nous adapter, découvrir de nouvelles pratiques, utiliser un mode de travail ou des outils que nous ne connaissons pas, voire qui nous rebutent. Il est logique que nous et nos interlocuteurs – qu’ils soient nos clients, nos collaborateurs ou les participants aux modalités que nous animons – résistions d’une manière ou d’une autre. Nous pourrions même dire que c’est plutôt sain.

C’est là que les semi-vérités et les fausses barbes s’annoncent sans crier gare, mélange de peurs et de préjugés : à distance nous ne voyons pas les participants, nous ne sommes pas avec eux, nous ne pouvons pas sentir l’énergie du groupe ou les émotions. À distance il va nous être impossible de créer le collectif, nous ne pourrons pas créer de dynamique de groupe. Et nous ne parlons même pas de la technologie. La technique, cela ne marche jamais, c’est froid, cela ne donne pas envie. Les ordinateurs et les mobiles nous coupent de la réalité et du moment présent alors nous ne voyons pas comment cela va nous aider…

Nous sommes managers, consultants, formateurs ou coachs. Depuis que nous faisons ce métier, nous rencontrons nos équipes, nos partenaires, nos clients, physiquement. Nous allons les voir. Ils viennent nous voir. Nous voilà dans l’obligation de « réinventer » notre manière de travailler sous peine de disparition. Vous vous souvenez d’avoir lu ou même écrit un article dont le titre annonciateur était : « Dans toute crise se cache une opportunité. » C’est le moment de mettre cela en application.

À première vue la tâche apparait immense et nous ne savons pas par quel bout aborder les choses. Nous nous faisons des montagnes de ce que nous ne connaissons pas et ce que nous ne voyons pas nous pilote plus que nous le pensons. Nos peurs sont des alliés émotionnels précieux : elles nous signalent des risques et révèlent surtout nos besoins. Nous devons oser ré-apprendre, tester, pratiquer et accepter de redémarrer du bas de l’échelle.

C’est pénible mais riche en bonnes surprises, les évidences qu’il nous arrive parfois de dire aux autres, s’appliquent parfaitement à nous-mêmes dans cette marche forcée :

• il faut dépasser ses « a priori techniques », les « je suis nul en informatique, le digital ce n’est pas pour moi, je n’y arriverai jamais » : demandez aux dizaines de participants à nos sessions et à la communauté d’auteurs de ce livre comment nous nous sentions lorsqu’il a fallu se lancer ;
• il faut admettre que tout n’est pas transposable : bien que le distanciel offre de nombreuses possibilités techniques il va falloir s’adapter, modifier et changer pas mal de choses par rapport à nos habitudes en présentiel ;
• il faut (ré)apprendre à jouer avec les très nombreuses possibilités qu’offre le digital : mixer les outils (exemple : Zoom et Klaxoon), utiliser des vidéos, “chater”, faire des sondages, dessiner, créer, inventer de nouveaux exercices, réaliser des comptes-rendus en direct…
• il faut aussi oser continuer à nous vendre à notre prix. Ce que nous faisons a de la valeur, s’appuie sur notre expérience, prend du temps ;
• et, last but not least, il faut lâcher prise : la perfection n’est pas de ce monde et les imperfections dans l’utilisation des outils virtuels est monnaie courante, ce n’est pas grave (bande passante dégradée, vidéo non lisible…). Et pour le coup, nous sommes tous dans la même configuration.

Nos clients et nos équipes sont comme nous, pleins d’a priori et de craintes sur les solutions à distance, le mix ou le blended. Tout comme nous, ils s’interrogent, tâtonnent et se posent de nombreuses questions : qu’est-ce qui est faisable ? Dans quelles conditions ? En respectant la nécessaire confidentialité de nos échanges…

C’est à nous de les accompagner dans leur apprentissage et leur nécessaire montée en compétence, à l’image du chemin d’apprentissage qu’on a suivi. C’est à nous de les aider à aller voir ce qu’il ne voit pas. Ainsi, l’occasion nous est donnée de pleinement jouer notre rôle d’accompagnant pour les faire avancer sur ce sujet. A nous de leur proposer de tester les choses, d’organiser des simulations, de planifier une session « pilote » ou des outils pour qu’ils se rendent compte qu’il n’y a pas que des inconvénients.

Et d’ailleurs, à force de commencer à tester et à pratiquer, nous nous rendons compte que le distanciel n’a pas que des limites. Nous pouvons même regarder le sujet de manière inversée : ce n’est plus « Comment allons-nous faire pour ? » mais « Profitons des opportunités du distanciel pour… »

Nous nous rendons compte à l’usage que « ca marche » ! Les craintes de relation déshumanisées tombent. Il y a bien sûr un risque de ne pas avoir le bon niveau de conversation et de relation, mais en présentiel aussi. Nous pouvons créer et sentir l’énergie du groupe, nous appuyer sur les émotions et les ressentis de chacun et nous pouvons nous sentir part d’un collectif qui est éparpillé aux quatre coins du monde.

Nous commençons à lister des avantages au distanciel, des choses qui se passent mieux ou différemment, qui se mettent en place plus facilement ou naturellement. Comme si la distance obligeait aussi chacun de nous à plus de concentration et d’engagement dans le moment que nous vivons ensemble à distance. Par exemple, c’est tout simple, mais à distance il est impossible de tous parler en même temps car le son ne passe pas dans les deux sens : si nous parlons, nous n’aurons pas de retour son. À l’usage, cela oblige chacun à mieux s’écouter et il n’y a pas de conversations parallèles (en tout cas pas orales).

Vous avez expérimenté ou vous allez vous-même expérimenter ces différentes étapes d’appropriation dans votre métier et votre type d’accompagnement et vous allez bâtir vos propres arguments pour favoriser le distanciel versus le présentiel sous certaines conditions et dans certains cas, et sans doute proposer de « mixer » les deux. Avec un questionnement du type : Quel est le budget d’un temps collectif s’il faut additionner les transports, les locations de salle, le matériel, etc. ? Combien de temps faut-il pour l’organiser ? Ne serait-ce pas plus simple de faire une première session à distance ? Le temps en présentiel est symboliquement fort mais nous avons souvent du mal à entretenir ses effets dans le temps. Devons-nous le raccourcir et proposer des temps à distance complémentaires qui permettront de faire le suivi, de relancer les liens et les actions discutés, d’entretenir les pratiques ?

« Dès le moment où l’on s’engage pleinement, la providence se met également en marche. Pour nous aider, se mettent en œuvre toutes sortes de choses qui n’auraient jamais eu lieu autrement. Tout un enchaînement d’événements, de situations et de décisions crée en notre faveur toutes sortes d’incidents imprévus, des rencontres et des aides matérielles que nous n’aurions jamais rêvé trouver sur notre chemin… Tout ce que l’on peut faire ou rêver de faire peut être entrepris. L’audace renferme en soi génie, pouvoir et magie. Aie confiance en toi-même, et tu sauras vivre. » Ce sera la seule citation de ce livre. Elle est de Goethe dans Faust.

Les 3 points à retenir

La plupart des freins du distanciel ne sont pas liés à la modalité mais à nos craintes face aux nouveaux usages que nous ne maîtrisons pas. Cela se travaille pas à pas et cela se gère plus rapidement que prévu.

Il y a des limites au distanciel mais peu sont rédhibitoires à part la qualité de la connexion technique.

Il y a de vraies opportunités :

• La maîtrise des déplacements ;
• La capacité à réunir des personnes éloignées ;
• La simplicité d’organisation ;
• La flexibilité des formats qui ouvrent à la créativité ;
• L’apparition de nouveaux outils et donc de nouveaux usages à inventer.

Concevoir son animation

Maintenant nous y sommes, il faut attaquer le sujet et concevoir notre animation. Nous avons l’habitude de cela. Nous l’avons déjà fait des dizaines de fois pour des ateliers en présentiel.

Rassurons-nous, faisons comme d’habitude, organisons-nous comme nous savons le faire. Nous n’allons pas tout ré-inventer. Ce sera toujours un temps à créer avec un objectif, des acteurs et un processus. Il y aura un début et une fin. Il y aura des temps ou des ateliers qui permettront d’avancer ensemble et d’atteindre l’objectif. Le « scénario » doit permettre l’engagement des personnes pour répondre aux enjeux du séminaire, du coaching, de la formation ou de l’atelier. L’enjeu de l’animateur reste de maximiser la compréhension, l’appropriation ou la mobilisation des participants.

Notre objet n’est pas de reprendre ces principes, mais de partager ce qui est particulier à l’animation à distance1.

• Provoquer des temps faibles, des sas ou des pauses

Les contraintes de l’un sont les forces de l’autre. En présentiel, le groupe et les obligations « physiques » obligent à respecter des temps de transition, de passage d’un atelier à un autre. En tant qu’animateur ou facilitateur, nous avons plutôt un rôle d’accélérateur sur ces temps.

En distanciel, l’effet est inverse. La technique permet de passer d’un sujet à un autre en moins d’une seconde. Nous le vivons d’ailleurs chaque fois que nous avons une réunion à distance. Elles sont plutôt efficaces. Il y a peu de « temps faibles ». Pourtant, nous le savons, ces temps faibles sont nécessaires, ce sont des moments d’assimilation, de repos entre deux efforts. Aucun organisme ne peut fonctionner qu’avec des « temps forts ». Nous avons tous expérimenté la fatigue de fin de journée lorsque nous avons enchaîné plusieurs réunions à distance sans « temps mort ».

En tant qu’animateur ou facilitateur, nous avons donc un rôle de modérateur, au sens de ralentir et de nous assurer que les transitions sont réelles et non un voyage spatio-temporel trop immédiat. Nous sommes les gardiens de sas qui ont un sens. Nous sommes là pour dire « stop », pour dire « p...

Table des matières

• Couverture
• Page de titre
• Copyright
• Sommaire
• Introduction
• 1 – Maîtriser les fondamentaux
• 2 – Choisir sa pratique
• 3 – Créer de la présence là où il y a de la distance
• Conclusion
• Notre collectif
• Table des matières