Tendance 1
Be customer centric
« We see our customers as invited guests to a party, and we are the hosts. It’s our job every day to make every important aspect of the customer experience a little bit better. »
Jeff Bezos, CEO d’Amazon49
DE PROFONDS CHANGEMENTS DES MODES DE CONSOMMATION
La révolution digitale a profondément modifié la manière dont le consommateur effectue ses achats. La part de l’e-commerce progresse de façon significative chaque année. Les ventes en ligne BtoC ont atteint 1 671 milliards de dollars dans le monde en 2015 selon E-Marketer50 ; en hausse de 25 % par rapport à 2014, elles représentent 7,4 % du total des ventes au détail. L’institut prévoit qu’elles dépasseront 3 500 milliards de dollars en 2019. Le chiffre en France est, lui, de 64,9 milliards d’euros selon le rapport 2015 de la Fevad51, en hausse de 14 % par rapport à 2014 ; il représente 7 % des ventes du commerce de détail avec de grosses disparités selon les secteurs : la part de marché de l’e-commerce est de 43 % pour le tourisme, 39 % pour les produits culturels, 21 % pour l’équipement de la maison high-tech, 15 % pour l’habillement, mais seulement 4 % pour les produits de grande consommation.
Le processus d’achat a également changé. Avec l’apparition de nombreux sites de comparaison sur les voyages (Kayak, Skyscanner, Liligo, Go Voyages…), les locations de voitures (Kayak, Rentalcars, AutoEscape…), les hôtels (Kayak, FindHotel, Trivago…), les assurances (Assurland, LesFurets, LeLynx…), les banques ou les prêts (Hellobank, Meilleurtaux…), les généralistes (LeGuide.com, Kelkoo…), Internet permet de comparer les prix dans tous les domaines ou presque. Certains sites ont même développé des robots qui scannent régulièrement la Toile pour indexer un maximum d’offres (Shopwiki : 250 millions de produits vendus par plus de 200 000 boutiques ; Twenga : 140 millions pour 60 000 boutiques…). Il suffit de faire une recherche de produits sur Google pour voir apparaître ces comparateurs quasi systématiquement dans les premières propositions du moteur. L’enjeu de référencement sur ces sites de shopping devient important : cela conduit certains commerçants à mettre en avant des produits d’appel très peu chers en espérant vendre ensuite une gamme supérieure ; certains assureurs limitent les garanties de leurs contrats pour apparaître au sommet des prix les plus attractifs. Ces comparateurs se rémunèrent la plupart du temps par des commissions qu’ils prélèvent sur tout contact ou toute vente réalisé grâce à eux par le site marchand qu’ils référencent. Pour éviter une trop forte dépendance, certains acteurs développent leur propre outil.
Exemple 1 – Leclerc et Axa, l’utilisation des comparateurs « maison »
Leclerc a développé depuis 2006 un comparateur de prix en ligne appelé Quiestlemoinscher.com. Il l’a imposé en 2007 après une bataille juridique avec ses concurrents. L’application permet de géolocaliser le client, de comparer les prix des grandes surfaces qui lui sont le plus proches et de scanner les prix d’un produit en rayon pour voir s’il existe moins cher à proximité.
Axa s’est également lancé dans la bataille avec son site Quialemeilleurservice.com. L’internaute est invité à renseigner les services qui sont le plus importants pour lui en cas d’hospitalisation, d’accident de voiture, pour préparer sa retraite… Le site compare alors les offres des douze plus gros acteurs de chaque marché, en revanche sans indiquer les prix, mais en offrant la possibilité de cliquer sur les logos affichés pour en savoir plus sur les offres.
Les démarches dans les deux cas se veulent « transparentes, objectives et vérifiables52 », basées sur des enquêtes indépendantes d’instituts (Ipsos pour Axa, FaCE Conseil pour Leclerc). Elles cherchent également à améliorer le service apporté aux clients. Selon le directeur général d’Axa France, « cet outil doit nous permettre de mieux comprendre les attentes des assurés, de nous comparer aux autres et de nous challenger ; c’est un cercle vertueux d’amélioration53 ».
Les consommateurs disposent également grâce à de nombreux sites de l’avis de leurs pairs sur les produits. TripAdvisor revendique plus de 250 millions d’avis de voyageurs54 depuis sa création sur des hôtels, restaurants, locations de vacances, activités…, Ciao publie environ 8 000 évaluations par mois en France sur des produits mode, électroménager, informatique, bijoux, beauté… Qui n’a pas consulté les notations des internautes d’Allo-Ciné avant d’aller voir un film ou d’Amazon avant d’acheter un livre ? Ces avis sont partout et parfois même présentés alors qu’ils ne sont pas sollicités. Difficile de passer à côté de ceux mentionnés par Google par exemple, qui proviennent pour la plupart des rich snippets des sites référencés (ou « extraits enrichis » : informations supplémentaires qui viennent enrichir un lien dans les résultats de Google) et qui sont en lecture directe sur le moteur de recherche. Ils se sont multipliés car ils correspondent à un changement majeur du comportement du consommateur.
Selon une étude d’EY55 de 2011 menée auprès de la génération Y (ou digital natives, nés depuis 1980 avec l’explosion de l’usage de l’ordinateur individuel, d’Internet, des jeux vidéo…), 78 % font confiance aux avis de leurs pairs dans leur acte d’achat ; ils sont 34 % à avoir posté des avis ou opinions sur un produit ou une marque. Cette population représente aujourd’hui de l’ordre de 33 % de la population mondiale, mais elle est un catalyseur important du changement ; elle influence profondément les modes de consommation et la manière dont les vendeurs s’adressent aux acheteurs. Aux États-Unis, selon deux études nationales datant de 2012 et 2013, 66 % des personnes interrogées déclarent également se fier « beaucoup » aux recommandations et avis postés par les utilisateurs56 et 87 % disent avoir déjà pris une décision sur la base d’un avis favorable en ligne57.
Les marques ont à faire face à un marché de plus en plus transparent dans lequel elles ne peuvent plus maîtriser l’ensemble de la communication sur elles ou leurs produits. La réduction du coût d’accès aux consommateurs par Internet et la mondialisation des marchés intensifient la compétition. Des « intermédiaires » entre le commerçant et le client final comme Google, Apple, Facebook, Amazon, Alibaba… sont apparus et deviennent incontournables. Ne seront-ils pas d’ailleurs demain les futurs concurrents des marques auxquelles ils donnent accès aujourd’hui ? Leur maîtrise de l’internaute est telle que la tentation peut être grande ! Face à ces dangers, l’entreprise doit s’organiser en passant d’une vision centrée sur le produit à une vision centrée sur le client, qui doit devenir son obsession. Si son cœur de métier consistait il y a quelques années à concevoir, « marketer » et lancer un produit pour qu’il trouve son marché, la démarche doit maintenant évoluer pour se concentrer sur le consommateur, son écoute, la compréhension de ses attentes jusqu’à l’impliquer dans sa stratégie. Le digital lui fournit tous les outils pour cela ! « Ne trouvez pas des clients pour vos produits, trouvez des produits pour vos clients ! » résumait l’entrepreneur et ancien responsable du marketing de Yahoo, Seth Godin58.
Les marques ayant adopté une démarche « customer-centric » mettent au centre de leurs préoccupations le client. Elles ont longuement observé ce qu’il souhaitait, comment il réagissait. Elles développent leurs services ou leurs produits en fonction de ses besoins ou de ses desiderata en l’associant le plus possible à chaque étape, en lui faisant tester et en modifiant les choses si besoin rapidement. Elles mettent en place une relation avec lui basée sur un dialogue permanent. Leur souci d’une expérience irréprochable dans le processus d’achat et dans la relation du consommateur à la marque est constant. L’ensemble de ces étapes s’appuie sur une mesure et une analyse des données clients, facile à collecter et à analyser avec Internet, qui permet d’éclairer chaque décision.
ADAPTER SON MARKETING
Les quatre mix du marketing ont été profondément « bousculés » par l’irruption du digital. Le produit ou le service d’abord : il est parfois lui-même devenu digital comme dans le cas de la musique, de la vidéo, du livre, de l’intermédiation (agences immobilières, recherche d’emploi…), de la banque… ; de nouvelles offres sont apparues qui n’existaient pas auparavant. Le prix, ensuite : nous avons vu précédemment comment les comparateurs et l’accès immédiat à l’information ont pu amener une transparence bien supérieure à ce niveau et une compétition accrue. La distribution : l’e-commerce s’affirme comme un canal à part entière qui est venu bouleverser de nombreux...