
eBook - ePub
Écriture et Pouvoir au XIXe siècle
Les enjeux de l'alphabétisation autochtone dans la Vallée du Saint-Laurent
- 372 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Écriture et Pouvoir au XIXe siècle
Les enjeux de l'alphabétisation autochtone dans la Vallée du Saint-Laurent
À propos de ce livre
Souvent présentées comme des sociétés sans écriture, les communautés autochtones du Canada ont pourtant, dès le XVIIIesiècle, laissé de nombreuses traces écrites. Cet ouvrage s'attarde sur le parcours de plusieurs personnages, abénaquis et hurons, qui se sont approprié l'écriture pour défendre leurs intérêts et ceux de leur communauté face aux colons français ou anglais. Riche en détails sur leur quotidien et sur leurs préoccupations, ces textes montrent aussi des conflits de pouvoir, sur fond de religion.
Foire aux questions
Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
- Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
- Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Écriture et Pouvoir au XIXe siècle par Stéphanie Boutevin en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Sciences sociales et Anthropologie. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.
Informations
Sujet
Sciences socialesSujet
AnthropologieChapitre 1
Les Hurons de Lorette (Wendake) et des Abénakis de Saint-François (Odanak) avant 1762
L’intégration de l’écriture par les communautés autochtones joue un rôle beaucoup plus important qu’il n’y paraît de prime abord dans les transformations culturelles des peuples de la vallée du Saint-Laurent. Voie de communication à l’opposé des méthodes traditionnelles en Amérique du Nord, l’écrit marque, à l’instar des changements dans la spiritualité ou dans le mode de vie autochtone, une rupture avec une identité de groupe fondée sur l’oralité au moment de leur rencontre avec les Européens. Quoique son utilisation s’intègre dans un plus grand ensemble d’éléments étrangers adoptés par les communautés autochtones, son appropriation relativement tardive par les membres de ces populations, à la fin du XVIIIe siècle, montre que l’écriture constituait une étape plus importante à franchir dans le processus de transfert culturel. Et pour cause, son usage implique une remise en question de nombre de données et de modes d’organisation à l’interne des populations autochtones qui pouvaient jusqu’alors conserver une certaine spécificité – quoique toujours influencées par la société dominante. Les Hurons et les Abénakis n’échappent pas à cette réalité, en dépit des changements qu’ils ont déjà connus avant le début du XIXe siècle. Or, on observe que les deux communautés n’ont pas eu la même perception de l’apprentissage de l’écriture et cette différence s’explique sans doute, en partie tout au moins, par leur histoire.
Une histoire commune aux Hurons de Wendake et aux Européens
L’influence missionnaire et le fort métissage au cœur de ces peuples, observés dès la fin du XVIIe siècle, créèrent un contexte très favorable au développement de l’écriture comme moyen privilégié de communication. Cette situation les a conduits à suivre, avec plus de conviction que d’autres populations peut-être, certaines pratiques françaises – en dépit, paradoxalement, des réticences de leurs religieux pour appuyer ce processus12.
Estimés à environ 18 000 personnes réparties en une vingtaine de villages au XVIe siècle, les Hurons sont parmi les plus connus des groupes autochtones qui se sont alliés aux Français : leur rôle central, jusqu’à la moitié du XVIIe siècle, dans les échanges commerciaux, de même que leurs guerres perpétuelles avec les Iroquois, firent l’objet de nombreuses recherches historiques13. Leur place privilégiée dans la traite des fourrures eut pour conséquence, outre le côtoiement régulier des Européens, une coexistence précoce et intensive avec les missionnaires catholiques venus de France. Ainsi, les Hurons accueillirent, tout d’abord le père Le Caron entre 1615 et 161614. Puis, en 1623, Champlain leur impose les récollets comme condition sine qua none de leur entente commerciale et militaire15. Les Français étant leur source première d’approvisionnement en produits européens et leurs acheteurs privilégiés de fourrure, les Hurons acceptèrent16 : ils permirent ainsi aux religieux de s’installer durablement chez eux, relayés à partir de 1625 par les Jésuites17. Ces deux ordres religieux sont d’ailleurs ceux qui, les premiers, ont soumis les Hurons à un système scolaire par le biais de pensionnats destinés aux jeunes garçons18. Plus orienté vers l’enseignement du catéchisme et de la morale, cependant, aucun de ces établissements n’eut vraiment de répercussions en matière d’alphabétisation pour les Autochtones19. Les missionnaires se montrèrent surtout enthousiastes des résultats qu’ils obtenaient avec ce peuple dans le domaine de la religion. Le jésuite Isaac Jogues, démontrant les avancées du transfert culturel en la matière, écrivait en 1636 : « Je pourrai être envoyé chez une nation qui s’appelle les Hurons. […] Elle annonce de grandes dispositions pour embrasser la Foi20 ».
Très tôt, donc, les Hurons entretinrent des liens étroits avec la religion chrétienne, porteuse de nombreux traits culturels étrangers, ainsi qu’avec les marchands français – phénomène favorisant le transfert culturel de part et d’autre. Les importants déboires rencontrés par les Hurons dans la première moitié du XVIIe siècle faciliteront également l’influence culturelle en fragilisant leur assise identitaire et en les incitant à demeurer proches des Français : ainsi, les guerres avec les Iroquois, doublées de violentes épidémies qui sévissent entre les années 1630 et 1640, laissèrent de nombreux morts derrière elles. Elles furent cause principalement de la disparition des jeunes, force de combat des Hurons, et des vieillards, porteurs de l’histoire de leur peuple21 : en 1639, les Hurons n’étaient plus que 9 000, soit la moitié de ce qu’ils étaient avant 163422. Cette hécatombe humaine atteint son paroxysme avec la fin de la Huronie en 1649, défaite par les Iroquois qui cherchaient, entre autres, à accaparer une place de choix dans le commerce des fourrures avec les Européens ainsi qu’à combler leurs pertes en adoptant de nouveaux membres23. Leur rôle privilégié dans le commerce des fourrures perdu24, les survivants furent divisés en plusieurs groupes, certains étant emmenés de force par les Iroquois tandis que d’autres, peu enthousiastes par la perspective de vivre sous influence missionnaire, s’exilèrent de leur plein gré pour rejoindre les Cinq-Nations25. Il ne resta qu’un groupe de 300 personnes qui se réfugia sur l’île d’Orléans en 1650, avec les jésuites, bientôt rejoints par d’autres Autochtones qui firent doubler la population en six ans26. Une nouvelle fois attaquée par les Iroquois en 1656, cependant, la communauté fut réduite à 200 Hurons qui quittèrent leur île pour trouver refuge à proximité de Québec, « derrière une palissade » – marquant par la même occasion l’extrême affaiblissement militaire de cette population autrefois si puissante27.
Les pertes humaines de même que l’influence missionnaire avaient déjà grandement perturbé l’organisation sociétale de la communauté, à cette époque. Après 1656, les Hurons restés près de Québec virent leur dépendance aux produits ou à l’assistance des Européens s’accroître – facilitant du même coup le transfert culturel inégal au profit des Français28. Installés à Jeune Lorette en 1697, mission entièrement dédiée aux Hurons catholiques29, ces derniers y poursuivirent un mode de vie dans lequel la religion catholique et nombre d’objets ou instruments issus du Vieux Monde occupaient une grande place30. Ils étaient les premiers « domiciliés » de la vallée du Saint-Laurent. Leur confinement dans un lieu précis sans possibilité ou presque de veiller eux-mêmes à leur sécurité les laissa dans une situation précaire par rapport aux Français, alors maîtres des lieux31. Ce passage d’une vie au centre du commerce des fourrures et des alliances amérindiennes vers un mode d’existence plus modeste et soumis aux forces coloniales en présence met en évidence les changements de pouvoir qui s’opéraient dans le tournant du siècle : ce basculement s’avéra lourd de conséquences sur le plan culturel traditionnel, mais il marque surtout l’affaiblissement social auquel faisaient face les Hurons de Wendake à la fin du XVIIe siècle vis-à-vis des Blancs voisins, voire même la fragilité culturelle avec laquelle ils abordèrent cette nouvelle existence construite autour du catholicisme.
Dans cette mission, en effet, les Hurons subissent quotidiennement l’influence des jésuites32. Située à proximité de la ville de Québec, Jeune Lorette était un village presque modèle dans lequel beaucoup d’efforts étaient investis pour transformer les Autochtones en « bons » chrétiens33. La population huronne déclina lentement dans le siècle qui suivit l’installation dans la vallée du Saint-Laurent, passant d’environ 500 en 1650-1651 à environ 120 personnes au moment de la conquête britannique en 176034. Les Hurons catholiques entretenaient également d’étroites relations avec les Canadiens français voisins par le biais des mariages mixtes notamment, et ce, en dépit des réticences missionnaires vis-à-vis de cette influence35. Leur mode de subsistance alliait la chasse à l’agriculture, car l’emplacement de la réserve ne permettait pas toujours des récoltes suffisantes36. Affaiblis numériquement et métissés, les habitants de Jeune Lorette ne constituaient plus, dès la fin du XVIIe siècle, une communauté suffisamment forte pour résister à l’influence culturelle européenne – ils étaient d’ailleurs souvent présentés par leurs contemporains comme ayant des manières très similaires à celles des Canadiens français37. À ce titre, il est permis de voir cette période comme un tournant dans les relations entre Hurons et Européens, ces derniers disposant désormais d’un ascendant certain sur les premiers. Ainsi, l’immersion dans la culture dominante française de ces Autochtones s’en trouvait d’autant plus favorisée.
Au début du XVIIIe siècle, les résultats de ce transfert culturel transparaissent dans presque toutes les sphères du quotidien des Hurons38 : outre leur religion, les Autochtones avaient également adopté le français comme langue seconde dès le premier tiers du siècle et ils s’habillaient à la mode eur...
Table des matières
- Couverture
- 4e de couverture
- Copyright
- Titre
- Liste des sigles et acronymes
- Remerciements
- Introduction générale
- Chapitre 1. Les Hurons de Lorette (Wendake) et des Abénakis de Saint-François (Odanak) avant 1762
- Chapitre 2. Concepts et protoécriture
- Chapitre 3. Implantation de l’écriture chez les Abénakis d’Odanak et les Hurons de Wendake
- Chapitre 4. Les pétitions, premiers écrits autochtones
- Chapitre 5. Vers la fin d’un monopole de l’écriture
- Chapitre 6. L’écriture, source d’indépendance du groupe
- Chapitre 7. Alphabétisation et éducations en concurrence
- Chapitre 8. Une élite alphabétisée autochtone
- Chapitre 9. Dissensions entre les élites et le peuple
- Chapitre 10. Une élite alphabétisée huronne
- Chapitre 11. Conscience historique et Référents identitaires
- Chapitre 12. Transformation des symboliques identitaires
- Chapitre 13. L’Écriture, un outil pour l’histoire
- Chapitre 14. L’Écriture, un outil de pouvoir incomplet
- Chapitre 15. L’Écriture, un vecteur idéologique
- Chapitre 16. Les écrits autochtones à la fin du siècle
- Conclusion générale
- Appendices
- Bibliographie