L'économie a-t-elle une âme ?

Vers une économie féminine, consciente et animiste au coeur de la transition écologique

Marc Lemaire

• Éditeur: Academia
• Année: 2022
• ISBN de l'eBook: 9782806124494
• Sujet: Sciences biologiques
• Sujet: Écologie

Les politiques qui décident des Plans de relance ont-ils uneréflexion philosophique sur les raisons profondes des crises sanitaire et climatique? Et si à la racine, on trouvait l'espèce humaine qui acessé d'octroyer une âme à chaque élément de la nature? Nous sommes de la nature, pas à côté d' elle. Et si la cause de ces crises résidait dans notre atrophie spirituelle? L'auteurnous propose de redevenir des animistes2.0 et de concevoir uneéconomie féminine, consciente et animiste.

1.
Croyez-vous encore au mythe de la croissance ?

Les pays riches vont devoir oublier la croissance
s’ils veulent stopper le changement climatique.

Nicholas Stern

1.1. Les limites planétaires et humaines

« Fixez-nous des limites », criaient des jeunes dans les rues de Bruxelles lors des marches pour le climat. Quel merveilleux slogan ! Oui, mais quelles limites ? Quels seuils d’impact environnementaux l’économie et les entreprises ne pourront-elles pas dépasser ? Ces questions se posent.

Dans son article intitulé « Un espace sécurisé pour l’activité humaine », Johan Rockström, du Stockhom Resilience Centre, a tenté d’y répondre en quantifiant neuf limites planétaires (le climat, la biodiversité, etc.) visant à empêcher que l’activité humaine provoque des changements environnementaux irréversibles. Ces limites décrivent le « terrain de jeu » dans lequel l’humanité reste en sécurité par rapport à l’équilibre global de notre planète. Rappelons en effet que la période de stabilité qu’a connue notre écosystème depuis 10.000 ans (Holocène) est à l’origine du développement humain et est mise en danger depuis l’avènement de la révolution industrielle.

Si ces limites sont dépassées, les conséquences seront catastrophiques pour l’humanité.

Malheureusement, déjà en 2009, l’homme avait franchi trois de ces limites : le changement climatique, le taux de diminution de la biodiversité5 et l’interférence humaine avec les cycles de l’azote. De plus, la mise à jour de ce travail scientifique a identifié, en 2015, le dépassement d’une nouvelle limite : le changement du système terrestre6.

Complémentaire à ces limites planétaires extérieures qui définissent le « plafond », la Théorie du Donut7 de Kate Raworth détermine les limites intérieures en intégrant des paramètres de justice sociale tels que les droits humains ou les besoins essentiels attachés à chaque personne pour assurer son épanouissement. Ces dernières limites balisent quant à elles le plancher.

Ainsi, à partir du diagramme des limites planétaires, entre les limites extérieures et intérieures, se dessine une forme bien reconnaissable, un donut. C’est au sein de celui-ci que se trouve l’espace sûr et juste pour l’humanité, dans lequel peut prospérer une économie inclusive et durable.

La théorie de Raworth montre également que l’homme a, pendant des dizaines d’années, tenté d’élargir les ressources que la Terre lui fournissait. Hélas, celles-ci sont évidemment limitées, et les nouvelles réserves minérales ou énergétiques identifiées sont de plus en plus diluées et requièrent des quantités de plus en plus grandes d’énergie pour les exploiter. Par ailleurs, la qualité sociale de vie se retrouve soit plafonnée soit en déclin. Il est donc plus que temps de prendre acte de ces limites planétaires et d’augmenter la qualité sociale de vie dans ce cadre limité.

1.2. Le PIB : cet indicateur démodé

Évidemment, au niveau mondial, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne.

Dans l’état actuel des choses, moins de bien-être matériel dans les pays de l’OCDE contre plus de bien-être matériel dans les pays en transition et en voie de développement ne serait qu’une juste redistribution des richesses. Pour autant, il ne faut pas que ces nations empruntent le même chemin de croissance que le nôtre. Comme le montre le WWF chaque année dans ses rapports annuels, ce chemin de développement mène inexorablement à une surconsommation de ressources naturelles que la biocapacité de la Terre ne peut fournir. En effet, en croisant l’indice de développement humain (IDH. En gros, l’accès aux soins de santé, à l’école, aux infrastructures de base, à l’emploi, etc.) des Nations Unies et l’empreinte écologique (cf. graphe ci-dessous), nous observons que :

–Plus une société se modernise et qu’avec elle son IDH augmente, plus son empreinte écologique s’agrandit

–Marginalement, une fois qu’une société atteint un niveau de vie confortable (Europe de l’Est, etc.), son empreinte écologique explose pour très peu de gain supplémentaire d’IDH.

–Le néolibéralisme qui domine le monde aujourd’hui ne nous propose qu’un seul chemin de développement des sociétés, représenté par la flèche bleue sur le graphe. Les tendances actuelles à l’universalisation des réponses occidentales aux besoins du Sud sont insensées (construction de villas en Inde et en Afrique selon nos standards et sans utilisation de matériaux locaux, importations de vivrières, etc.). Si tous les pays « pauvres » suivaient notre voie de développement non durable, nous aurions besoin des ressources naturelles de plusieurs planètes.

–Malheureusement, aucun pays n’arrive à combiner un bon indice de développement humain et le respect des limites écologiques (le rectangle gris clair).

https://www.footprintnetwork.org/our-work/sustainable-development/

Si on voulait faire le parallèle avec une représentation des performances écologiques et sociales des entreprises, il est vraisemblable que peu d’entre elles se retrouveraient dans ce rectangle gris clair. Ce graphe souligne donc aussi le besoin d’évaluer les performances de chaque initiative économique, tant en termes financiers que sociaux et environnementaux.

On constate également qu’il semble utile d’augmenter l’IDH jusqu’à un certain niveau grâce à de la croissance économique, avant de freiner cette dernière, car cette croissance n’apportera que peu d’IDH supplémentaire pour toujours plus d’impact environnemental. On pourrait ici faire le parallèle avec un être humain qui passe par une pleine croissance physique durant (son enfance et) sa jeunesse pour ensuite ne plus se développer que de manière qualitative au niveau de ses compétences et aptitudes en matière artistique, technique, sportive, émotionnelle et spirituelle.

Nos sociétés, grâce au système néolibéral (notre flèche bleue), ont globalement amené les pays de l’OCDE à un niveau de bien-être matériel plus que suffisant. Mais ensuite, au lieu de s’arrêter là, elles ont atrophié les individus en termes de relation à la nature et aux autres, et de sens de la vie. En résumé, on pourrait dire que plus l’humanité s’aventurera sur cette ligne bleue, plus désastreux sera l’état de la planète, reflet de nos consciences.

Revenons à cette croissance et son indicateur fétiche, le PIB8. De nombreuses études ont montré :

– d’une part qu’à partir d’un certain niveau, le PIB ne crée marginalement plus de bonheur ;

– d’autre part que le niveau de satisfaction de vie n’a pas progressé depuis trente ans (et diminue même parfois) dans les pays de l’OCDE, alors même que le PIB, lui, continuait d’augmenter ;

– et finalement, que l’espérance de vie n’est pas directement corrélée au PIB.

On observe également une forte corrélation entre les indicateurs socio-économiques (dont le PIB) et les externalités négatives sur l’environnement. Les hausses sont régulières depuis la révolution industrielle, mais on assiste à des augmentations exponentielles depuis la grande accélération des années 1950.

1.3. Oublions l’illusion de croissance économique

Au niveau financier, depuis 1950, la dette des USA est restée stable malgré la crise pétrolière, la guerre du Vietnam, etc. Mais, avec l’arrivée au pouvoir des néo(ultra)libéraux en Angleterre et aux USA (1982-1983, avec Reagan et Thatcher), elle s’est furieusement accélérée pour dynamiser la croissance. À s’y méprendre, on pourrait voir ceci comme une bonne chose. Seulement, voilà : les politiques de ceux-ci ont endetté les États, dérégulé les marchés et détricoté les accords de stabilité sur l’emploi.

Selon l’économiste Pierre Larrouturou, de telles politiques néo-libérales entraînent chaque année les entreprises de la zone euro à prélever 1 % de leurs revenus aux salariés pour les injecter aux marchés financiers (dividendes aux actionnaires, etc.) et à l’économie virtuelle.

Pire encore, on observe actuellement un découplage9 relatif entre la création d’emploi et l’augmentation de PIB. En effet, quand la croissance est inférieure aux gains de productivité, il y a diminution du volume de travail. Certains préconisent d’ailleurs de réduire le temps de travail au même ryth...

Table des matières

• Couverture
• 4e de couverture
• Copyright
• Titre
• Remerciements
• Préface
• Seconde Préface
• Introduction
• Extrait de la nouvelle Max super citoyen
• 1. Croyez-vous encore au mythe de la croissance ?
• 2. Covid-19 : écoutons la leçon du plus petit d’entre nous
• Extrait de la nouvelle Max super citoyen
• 3. À la racine gît la spiritualité
• Extrait de la nouvelle Max super citoyen
• 4. La Coalition KAYA, pour une économie régénérative du Vivant
• 5. Entrepreneurs animistes et entreprises conscientes
• 6. Aux âmes, citoyens ! Une révolution aura lieu si…
• Épilogue
• Table des matières