Comment les énergies fossiles détruisent notre santé, le climat et la biodiversité

Barbara Demeneix

• Éditeur: Odile Jacob
• Année: 2022
• Imprimer l'ISBN: 9782415000813
• ISBN de l'eBook: 9782415000820
• Sujet: Biological Sciences
• Sujet: Ecology

Les énergies fossiles et leurs émissions de gaz à effet de serre ne sont pas seulement la cause directe du réchauffement climatique. Elles sont aussi à l'origine de deux autres menaces majeures pour l'humanité?: la pollution chimique et la perte de biodiversité, qui affectent à la fois notre santé et notre environnement. Internationalement reconnue pour ses travaux sur les perturbateurs endocriniens, Barbara Demeneix tire la sonnette d'alarme?: les pesticides et engrais, tout comme les plastiques, sont dérivés de l'industrie pétrochimique et contribuent de ce fait au réchauffement climatique. En outre, ils contaminent l'eau, le sol, notre alimentation, l'air que nous respirons. Ils affectent ainsi notre santé de manière durable en perturbant les interactions entre génome et environnement, ainsi que notre écosystème en général. Et quand on cherche à les détruire, on émet encore plus de gaz carbonique ou de méthane. Autrement dit, les énergies fossiles alimentent des cercles vicieux, car les menaces sont interdépendantes et les effets cumulatifs. Le revers positif de la médaille, pointe Barbara Demeneix, c'est qu'on peut rendre ces cercles vertueux, réduire drastiquement la part des énergies fossiles dans nos économies, développer une agriculture moins dépendante de la pétrochimie, protéger ainsi le climat mais aussi notre santé et la biodiversité. Tout espoir n'est donc pas perdu… À condition d'agir ! Barbara Demeneix est biologiste et professeur au Muséum national d'histoire naturelle de Paris. Elle est à l'origine d'une technologie originale et innovante permettant l'identification de polluants environnementaux et a reçu la médaille de l'Innovation du CNRS. 

CHAPITRE 1

Trois menaces et un dénominateur commun

L’utilisation des combustibles fossiles est le dénominateur commun des trois menaces pesant sur la vie sur terre : le changement climatique, la pollution chimique et la perte de diversité. Le rôle des combustibles fossiles pour le climat est désormais unanimement reconnu (sauf par quelques fanatiques, dont malheureusement des personnalités de premier plan comme Donald Trump et Jair Bolsonaro), mais on sait peut-être moins celui qu’ils jouent dans la multitude sans cesse croissante de produits qui nuisent à l’environnement et à la santé humaine. Et le changement climatique comme la pollution chimique ont des incidences négatives sur la biodiversité, à travers divers éléments : la hausse des températures et l’incapacité des espèces à s’adapter assez rapidement ; la disparition de certains habitats du fait de la déforestation et de l’assèchement de zones humides pour pratiquer une agriculture intensive ; et les effets dévastateurs, à travers la chaîne alimentaire, des biocides, des plastiques et des perturbateurs endocriniens (PE).

Dans ce chapitre, où j’aborde les liens de causalité directs et indirects entre les combustibles fossiles et ces trois menaces principales, je commencerai par me pencher sur le changement climatique, avant d’en venir à l’utilisation et aux conséquences des pesticides, des herbicides et des fertilisants dans l’agriculture intensive. Ce faisant, j’insiste sur le fait que nous pouvons parvenir à une plus grande soutenabilité en réduisant notre dépendance de l’agriculture intensive dérivée de la pétrochimie et de son emploi excessif des pesticides et des fertilisants : cela permettrait de rétablir la biodiversité et, par contrecoup, de modifier radicalement les phénomènes météorologiques, locaux et globaux. Je postule, globalement, qu’en agissant ainsi nous pouvons stopper, voire inverser, les conséquences actuelles de ces menaces qui mettent à mal la santé humaine et la vie sur terre telle que nous la connaissons.

Le lien le plus évident : combustibles fossiles et changement climatique

En mars 2019, la présidente de l’Assemblée générale des Nations unies, María Fernanda Espinosa Garcés, a déclaré qu’il ne restait que onze ans au monde pour éviter des dommages climatiques irréversibles. Dans son discours, elle a souligné la nécessité d’une combinaison, à l’échelle mondiale, d’efforts locaux, nationaux et internationaux. Elle a également mis en avant le concept de justice environnementale et appelé à une réaction intergénérationnelle à la situation actuelle1.

Depuis, certains signes ont laissé penser que le message de Mme Garcés avait été entendu. Au niveau institutionnel, pourtant, le tableau est mitigé : la COP25, qui s’est tenue à Madrid, n’a guère fait que réaffirmer les objectifs de l’accord de Paris, et la COP26, organisée à Glasgow, et reportée à fin 2021 en raison de la pandémie de Covid-192. Mais les gouvernements, eux, réévaluent leurs objectifs et priorités économiques, au niveau national et international, et beaucoup d’entre eux (à quelques exceptions notables près) font du changement climatique et d’un environnement non toxique une de leurs priorités. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé différentes mesures afin que ces objectifs soient atteints au cours de son mandat. Le « Green New Deal » des États-Unis (faisant écho au New Deal de Roosevelt, dans les années 1930, qui visait à relancer l’économie après la dépression consécutive à la crise de 1929) a pour objectif d’encourager la soutenabilité à travers des technologies et des industries vertes.

Au niveau sociétal aussi, la sensibilité au changement climatique grandit. Les médias ont largement couvert les actions de militants comme ceux d’Extinction Rebellion et les discours de la jeune Suédoise Greta Thunberg, figure de proue de la nouvelle génération, et de ses préoccupations au sujet du monde auquel elle sera confrontée dans les prochaines décennies.

Il faut espérer que ces évolutions institutionnelles et populaires provoqueront d’autres modifications. Au fur et à mesure que les sociétés se battront pour réduire l’impact du changement climatique sur leurs populations, elles devraient constater d’autres progrès, comme une meilleure qualité de l’air et une pollution chimique amoindrie.

Les gaz à effet de serre et leurs sources

La plupart d’entre nous savent que la combustion du pétrole, du gaz naturel et du charbon produit du dioxyde de carbone (gaz carbonique), ou CO₂, qui est un gaz à effet de serre. Les capacités démontrées du CO₂ à piéger la chaleur sont en grande partie irréversibles, et même après avoir cessé d’émettre ce gaz, il ne faudrait pas moins de mille ans pour revenir à l’équilibre3. Comme l’ont conclu Susan Solomon et ses collègues, « ces dangers, ainsi que d’autres, constituent pour l’humanité et la nature d’importants défis dont l’ampleur est directement liée au pic de dioxyde de carbone qui sera atteint4 ».

Il convient cependant de mentionner deux autres gaz à effet de serre qui contribuent eux aussi au changement climatique : le méthane (CH₄) et l’oxyde nitreux, ou protoxyde d’azote (N₂O). Comme je l’expliquerai plus en détail dans ce qui suit, les engrais azotés provoquent de fortes émissions de N₂O dans l’atmosphère. L’agriculture intensive est également la principale source de méthane, qui provient avant tout du bétail élevé pour la production de lait et de viande. Or le méthane a une capacité de piégeage de la chaleur vingt-huit fois supérieure à celle du CO₂.

Nous ressentons actuellement les effets du changement climatique dans le monde entier, à travers des étés de plus en plus étouffants et des régimes de précipitations inédits qui entraînent tantôt des inondations, tantôt des sécheresses. La décennie 2010-2019 a été la plus chaude depuis que l’on relève les températures. Nous avons connu des vagues de chaleur plus fréquentes et plus fortes, des ouragans et des typhons d’une plus grande violence, et diverses autres grosses intempéries.

À la fin de l’ann...

Table des matières

• Couverture
• Titre
• Copyright
• Introduction
• Chapitre 1 - Trois menaces et un dénominateur commun
• Chapitre 2 - La santé menacée, elle aussi !
• Chapitre 3 - Tout n'est pas génétique !
• Chapitre 4 - L'environnement modifie le cerveau
• Chapitre 5 - L'intelligence, un bien en voie de disparition
• Chapitre 6 - Pourquoi le QI baisse
• Chapitre 7 - Le cerveau vieillissant
• Chapitre 8 - Nous pouvons et devons faire mieux !
• Glossaire
• Notes
• Index
• Remerciements
• Sommaire
• Du même auteur chez Odile Jacob