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Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes
la matrice de l'oeuvre morale et politique de Jean-Jacques Rousseau
- 90 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
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Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes
la matrice de l'oeuvre morale et politique de Jean-Jacques Rousseau
À propos de ce livre
RÉSUMÉ :
Dans "Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes", Jean-Jacques Rousseau explore les racines de l'inégalité sociale et politique. Publié pour la première fois en 1755, cet essai philosophique se penche sur la condition humaine à travers le prisme de l'évolution historique et sociale. Rousseau commence par imaginer un état de nature où les hommes vivaient en harmonie, libres et égaux. Il soutient que l'inégalité n'est pas une condition naturelle mais une construction sociale qui a émergé avec le développement de la civilisation, l'agriculture et la propriété privée. Cette oeuvre critique examine comment les institutions sociales et politiques ont amplifié les disparités entre les individus, conduisant à des tensions et des conflits. Rousseau interroge le contrat social et les principes de justice, appelant à une réflexion sur la moralité et l'éthique dans la société moderne. Son analyse, bien que datant du XVIIIe siècle, résonne encore aujourd'hui, offrant un regard pénétrant sur les dynamiques de pouvoir et les structures sociales. Le discours de Rousseau incite à une remise en question des systèmes établis et à une quête de l'égalité véritable. À travers une prose incisive et philosophique, il invite le lecteur à réfléchir sur la nature humaine et les fondements de la société.
L'AUTEUR :
Jean-Jacques Rousseau, né le 28 juin 1712 à Genève, est l'un des philosophes les plus influents du siècle des Lumières. Écrivain, compositeur et théoricien politique, il a marqué son époque par ses idées novatrices sur la société, l'éducation et la nature humaine. Rousseau a grandi dans une famille modeste et a quitté Genève à l'âge de 16 ans pour voyager à travers l'Europe. Son oeuvre majeure, "Du Contrat Social", propose une vision de la société fondée sur la volonté générale et la souveraineté populaire. Rousseau est également l'auteur des "Confessions", un récit autobiographique qui a posé les bases de l'autobiographie moderne. Passionné par la musique, il a composé plusieurs oeuvres et a même contribué à la réforme de la notation musicale. Sa pensée a influencé la Révolution française et continue d'inspirer les débats sur la démocratie et l'égalité. Rousseau est mort le 2 juillet 1778 à Ermenonville, en France. Sa contribution à la philosophie politique et sociale reste inestimable, et ses écrits continuent de susciter l'intérêt et la réflexion.
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Informations
Notes
(1) Hérodote raconte qu’après le meurtre du faux Smerdis, les sept libérateurs de la Perse s’étant assemblés pour délibérer sur la forme du gouvernement qu’ils donneraient à l’État, Otanès opina fortement pour la république ; avis d’autant plus extraordinaire dans la bouche d’un satrape, qu’outre la prétention qu’il pouvait avoir à l’empire, les grands craignent plus que la mort une sorte de gouvernement qui les force à respecter les hommes. Otanès, comme on peut bien croire, ne fut point écouté ; et voyant qu’on allait procéder à l’élection d’un monarque, lui, qui ne voulait ni obéir ni commander, céda volontairement aux autres concurrents son droit à la couronne, demandant pour tout dédommagement d’être libre et indépendant, lui et sa postérité : ce qui lui fut accordé. Quand Hérodote ne nous apprendrait pas la restriction qui fut mise à ce privilège, il faudrait nécessairement la supposer ; autrement Otanès, ne reconnaissant aucune sorte de loi, et n’ayant de compte à rendre à personne, aurait été tout puissant dans l’État, et plus puissant que le roi même. Mais il n’y avait guère d’apparence qu’un homme capable de se contenter, en pareil cas, d’un tel privilège, fût capable d’en abuser. En effet, on ne voit pas que ce droit ait jamais causé le moindre trouble dans le royaume, ni par le sage Otanès, ni par aucun de ses descendants.
(2) Dès mon premier pas, je m’appuie avec confiance sur une de ces autorités respectables pour les philosophes, parce qu’elles viennent d’une raison solide et sublime, qu’eux seuls savent trouver et sentir.
« Quelque intérêt que nous ayons à nous connaître nous-mêmes, je ne sais si nous ne connaissons pas mieux tout ce qui n’est pas nous. Pourvus par la nature d’organes uniquement destinés à notre conservation, nous ne les employons qu’à recevoir les impressions étrangères ; nous ne cherchons qu’à nous répandre au dehors, et à exister hors de nous : trop occupés à multiplier les fonctions de nos sens et à augmenter l’étendue extérieure de notre être, rarement faisons-nous usage de ce sens intérieur qui nous réduit à nos vraies dimensions, et qui sépare de nous tout ce qui n’en est pas. C’est cependant de ce sens dont il faut nous servir si nous voulons nous connaître, c’est le seul par lequel nous puissions nous juger. Mais comment donner à ce sens son activité et toute son étendue ? Comment dégager notre âme, dans laquelle il réside, de toutes les illusions de notre esprit ? Nous avons perdu l’habitude de l’employer ; elle est demeurée sans exercice au milieu du tumulte de nos sensations corporelles ; elle s’est desséchée par le feu de nos passions : le cœur, l’esprit, les sens, tout a travaillé contre elle. » (Hist., nat., De la nature de l’homme.)
(3) Les changements qu’un long usage de marcher sur deux pieds a pu produire dans la conformation de l’homme, les rapports qu’on observe encore entre ses bras et les jambes antérieures des quadrupèdes, et l’induction tirée de leur manière de marcher, ont pu faire naître des doutes sur celle qui devait nous être la plus naturelle. Tous les enfants commencent par marcher à quatre pieds, et ont besoin de notre exemple et de nos leçons pour apprendre à se tenir debout. Il y a même des nations sauvages, telles que les Hottentots, qui, négligeant beaucoup les enfants, les laissent marcher sur les mains si longtemps, qu’ils ont ensuite bien de la peine à les redresser ; autant en font les enfants des Caraïbes des Antilles. Il y a divers exemples d’hommes quadrupèdes, et je pourrais, entre autres, citer celui de cet enfant qui fut trouvé, en 1344, auprès de Hesse, où il avait été nourri par des loups, et qui disait depuis, à la cour du prince Henri, que s’il n’eût tenu qu’à lui, il eût mieux aimé retourner avec eux que de vivre parmi les hommes. Il avait tellement pris l’habitude de marcher comme ces animaux, qu’il fallut lui attacher des pièces de bois qui le forçaient à se tenir debout et en équilibre sur ses deux pieds. Il en était de même de l’enfant qu’on trouva, en 1694, dans les forêts de Lituanie, et qui vivait parmi les ours. Il ne donnait, dit M. de Condillac, aucune marque de raison, marchait sur ses pieds et sur ses mains, n’avait aucun langage, et formait des sons qui ne ressemblaient en rien à ceux d’un homme. Le petit sauvage d’Hanovre, qu’on mena, il y a plusieurs années, à la cour d’Angleterre, avait toutes les peines du monde à s’assujettir à marcher sur deux pieds ; et l’on trouva, en 1719, deux autres sauvages dans les Pyrénées, qui couraient par les montagnes à la manière des quadrupèdes. Quant à ce qu’on pourrait objecter, que c’est se priver de l’usage des mains dont nous tirons tant d’avantages, outre que l’exemple des singes montre que la main peut fort bien être employée des deux manières, cela prouverait seulement que l’homme peut donner à ses membres une destination plus commode que celle de la nature, et non que la nature a destiné l’homme à marcher autrement qu’elle ne lui enseigne.
Mais il y a, ce me semble, de beaucoup meilleures raisons à dire pour soutenir que l’homme est un bipède. Premièrement, quand on ferait voir qu’il a pu d’abord être conformé autrement que nous ne le voyons, et cependant devenir enfin ce qu’il est, ce n’en serait pas assez pour conclure que cela se soit fait ainsi : car, après avoir montré la possibilité de ces changements, il faudrait encore, avant que de les admettre, en montrer au moins la vraisemblance. De plus, si les bras de l’homme paraissent avoir pu lui servir de jambes au besoin, c’est la seule observation favorable à ce système sur un grand nombre d’autres qui lui sont contraires. Les principales sont, que la manière dont la tête de l’homme est attachée à son corps, au lieu de diriger sa vue horizontalement, comme l’ont tous les autres animaux, et comme il l’a lui-même en marchant debout, lui eût tenu, marchant à quatre pieds, les yeux directement fixés vers la terre, situation très peu favorable à la conservation de l’individu ; que la queue qui lui manque, et dont il n’a que faire en marchant à deux pieds, est utile aux quadrupèdes, et qu’aucun d’eux n’en est privé ; que le sein de la femme, très bien situé pour un bipède, qui tient son enfant dans ses bras, l’est si mal pour un quadrupède, que nul ne l’a placé de cette manière ; que le train de derrière étant d’une excessive hauteur à proportion des jambes de devant, ce qui fait que marchant à quatre pieds, nous nous traînons sur les genoux, le tout eût fait un animal mal proportionné et marchant peu commodément ; que s’il eut posé le pied plat ainsi que la main, il aurait eu dans la jambe postérieure une articulation de moins que les autres animaux, savoir, celle qui joint le canon au tibia ; et qu’en ne posant que la pointe du pied, comme il aurait sans doute été contraint de le faire, le tarse, sans parler de la pluralité des os qui le composent, paraît trop gros pour tenir lieu de canon, et ses articulations avec le métatarse et le tibia trop rapprochées pour donner à la jambe humaine, dans cette situation, la même flexibilité qu’ont les quadrupèdes. L’exemple des enfants, étant pris dans un âge où les forces naturelles ne sont point encore développées ni les membres raffermis, ne conclut rien du tout ; et j’aimerais autant dire que les chiens ne sont pas destinés à marcher, parce qu’ils ne font que ramper quelques semaines après leur naissance. Les faits particuliers ont encore peu de force contre la pratique universelle des hommes, même des nations qui, n’ayant aucune communication avec les autres, n’avait pu rien imiter d’elles. Un enfant abandonné dans une forêt avant que de pouvoir marcher, et nourri par quelque bête, aura suivi l’exemple de sa nourrice, en s’exerçant à marcher comme elle ; l’habitude aura pu lui donner les facilités qu’il ne tenait point de la nature ; et comme des manchots parviennent, à force d’exercice, à faire avec leurs pieds tout ce que nous faisons de nos mains, il sera parvenu enfin à employer ses mains à l’usage des pieds.
(4) S’il se trouvait parmi mes lecteurs quelque assez mauvais physicien pour me faire des difficultés sur la supposition de cette fertilité naturelle de la terre, je vais lui répondre par le passage suivant :
« Comme les végétaux tirent pour leur nourriture beaucoup plus de substance de l’air et de l’eau qu’ils n’en tirent de la terre, il arrive qu’en pourrissant ils rendent à la terre plus qu’ils n’en ont tiré ; d’ailleurs une forêt détermine les eaux de la pluie en arrêtant les vapeurs. Ainsi, dans un bois que l’on conserverait bien longtemps sans y toucher, la couche de terre qui sert à la végétation augmenterait considérablement ; mais les animaux rendant moins à la terre qu’ils n’en tirent, et les hommes faisant des consommations énormes de bois et de plantes pour le feu et pour d’autres usages, il s’ensuit que la couche de terre végétale d’un pays habité doit toujours diminuer et devenir enfin comme le terrain de l’Arabie Pétrée, et comme celui de tant d’autres provinces de l’Orient, qui est en effet le climat le plus anciennement habité, où l’on ne trouve que du sel et des sables : car le sel fixe des plantes et des animaux reste, tandis que toutes les autres parties se volatilisent. « (Hist. nat., Preuves de la théorie de la terre, art. 7).
On peut ajouter à cela la preuve de fait par la quantité d’arbres et de plantes de toute espèce dont étaient remplies presque toutes les îles désertes qui ont été découvertes dans ces derniers siècles et par ce que l’histoire nous apprend des forêts immenses qu’il a fallu abattre par toute la terre à mesure qu’elle s’est peuplée ou policée. Sur quoi je ferai encore les trois remarques suivantes : l’une, que s’il y a une sorte de végétaux qui puissent compenser la déperdition de matière végétale qui se fait par les animaux, selon le raisonnement de M. de Buffon, ce sont surtout les bois, dont les têtes et les feuilles rassemblent et s’approprient plus d’eaux et de vapeurs que ne font les autres plantes ; la seconde, que la destruction du sol, c’est-à-dire la perte de la substance propre à la végétation, doit s’accélérer à proportion que la terre est plus cultivée, et que les habitants plus industrieux consomment en plus grande abondance ses productions de toute espèce. Ma troisième et plus importante remarque est que les fruits des arbres fournissent à l’animal une nourriture plus abondante que ne peuvent faire les autres végétaux ; expérience que j’ai faite moi-même en comparant les produits de deux terrains égaux en grandeur et en qualité, l’un couvert de châtaigniers, et l’autre semé de blé.
(5) Parmi les quadrupèdes, les deux distinctions les plus universelles des espèces voraces se tirent, l’une de la figure des dents, et l’autre de la conformation des intestins. Les animaux qui ne vivent que de végétaux ont tous les dents plates, comme le cheval, le bœuf, le mouton, le lièvre ; mais les voraces les ont pointues, comme le chat, le chien, le loup, le renard. Et quant aux intestins, les frugivores en ont quelques-uns, tels que le colon, qui ne se trouvent pas dans les animaux voraces. Il semble donc que l’homme, ayant les dents et les intestins comme les ont les animaux frugivores, devrait naturellement être rangé dans cette classe ; et non seulement les observations anatomiques confirment cette opinion, mais les monuments de l’antiquité y sont encore très favorables. « Dicéarque, dit saint Jérôme, rapporte dans ses livres des Antiquités grecques que, sous le règne de Saturne, où la terre était encore fertile par elle-même, nul homme ne mangeait de chair, mais que tous vivaient des fruits et des légumes qui croissaient naturellement. » (Lib. II, adv. Jovinian.) Cette opinion se peut encore appuyer sur les relations de plusieurs voyageurs modernes, François Corréal témoigne, entre autres, que la plupart des habitants des Lucayes que les Espagnols transportèrent aux îles de Cuba, de Saint-Domingue et ailleurs, moururent pour avoir mangé de la chair. On peut voir par là que je néglige bien des avantages que je pourrais faire valoir. Car la proie étant presque l’unique sujet de combat entre les animaux carnassiers, et les frugivores vivant entre eux dans une paix continuelle, si l’espèce humaine était de ce dernier genre, il est clair qu’elle aurait eu beaucoup plus de facilité à subsister dans l’état de nature, beaucoup moins de besoins et d’occasions d’en sortir.
(6) Toutes les connaissances qui demandent de la réflexion, toutes celles qui ne s’acquièrent que par l’enchaînement des idées et ne se perfectionnent que successivement, semblent être tout à fait hors de la portée de l’homme sauvage, faute de communication avec ses semblables, c’est-à-dire faute de l’instrument qui sert à cette communication, et des besoins qui la rendent nécessaire. Son savoir et son industrie se bornent à sauter, courir, se battre, lancer une pierre, escalader un arbre. Mais s’il ne sait que ces choses, en revanche il les sait beaucoup mieux que nous, qui n’en avons pas le même besoin que lui ; et comme elles dépendent uniquement de l’exercice du corps, et ne sont susceptibles d’aucune communication ni d’aucun progrès d’un individu à l’autre, le premier homme a pu y être tout aussi habile que ses derniers descendants.
Les relations des voyageurs sont pleines d’exemples de la force et de la vigueur des hommes chez les nations barbares et sauvages ; elles ne vantent guère moins leur adresse et leur légèreté ; et comme il ne faut que des yeux pour observer ces choses, rien n’empêche qu’on n’ajoute foi à ce que certifient là-dessus des témoins oculaires ; j’en tire au hasard quelques exemples des premiers livres qui me tombent sous la main.
Les Hottentots, dit Kolben, entendent mieux la pêche que les Européens du Cap. Leur habileté est égale au filet, à l’hameçon et au dard, dans les anses comme dans les rivières. Ils ne prennent pas moins habilement le poisson avec la main. Ils sont d’une adresse incomparable à la nage. Leur manière de nager a quelque chose de surprenant, et qui leur est tout à fait propre. Ils nagent le corps droit et les mains étendues hors de l’eau, de sorte qu’ils paraissent marcher sur la terre. Dans la plus grande agitation de la mer, et lorsque les flots forment autant de montagnes, ils dansent en quelque sorte sur le dos des vagues, montant et descendant comme un morceau de liège.
« Les Hottentots, dit encore le même auteur, sont d’une adresse surprenante à la chasse, et la légèreté de leur course passe l’imagination. Il s’étonne qu’ils ne fassent pas plus souvent un mauvais usage de leur agilité, ce qui leur arrive pourtant quelquefois, comme on peut juger par l’exemple qu’il en donne. » Un matelot hollandais en débarquant au Cap, chargea, dit-il, un Hottentot de le suivre à la ville avec un rouleau de tabac d’environ vingt livres. Lorsqu’ils furent tous deux à quelque distance de la troupe, le Hottentot demanda au matelot s’il savait courir. – Courir ? répond le Hollandais ; oui, fort bien. – Voyons, reprit l’Africain ; et, fuyant avec le tabac, il disparut presque aussitôt. Le matelot, confondu de cette merveilleuse vitesse, ne pensa pas à le poursuivre, et ne revit jamais ni son tabac ni son porteur.
« Ils ont la vue si prompte et la main si certaine, que les Européens n’en approchent point. À cent pas ils toucheront d’un coup de pierre une marque de la grandeur d’un demi-sou ; et ce qu’il y a de plus étonnant, c’est qu’au lieu de fixer comme nous les yeux sur le but, ils font des mouvements et des contorsions continuels. Il semble que leur pierre soit portée par une main invisible. »
Le P. du Tertre dit à peu près, sur les sauvages des Antilles, les mêmes choses qu’on vient de dire sur les Hottentots du Cap de Bonne-Espérance. Il vante surtout leur justesse à tirer avec leurs flèches les oiseaux au vol et les poissons à la nage, qu’ils prennent ensuite en plongeant. Les sauvages de l’Amérique septentrionale ne sont pas moins célèbres par leur force et leur adresse ; et voici un exemple qui pourra faire juger de celle des Indiens de l’Amérique méridionale :
En l’année 1746, un Indien de Buenos Aires ayant été condamné aux galères à Cadix, proposa au gouverneur de racheter sa liberté en exposant sa vie dans une fête publique. Il promit qu’il attaquerait seul le plus furieux taureau, sans autre arme en main qu’une corde ; qu’il le terrasserait, qu’il le saisirait avec sa corde par telle partie qu’on indiquerait, qu’il le sellerait, le briderait, le monterait et combattrait, ainsi monté, deux autres taureaux des plus furieux qu’on ferait sortir du Torillo et qu’il les mettrait tous à mort l’un après l’autre dans l’instant qu’on le lui commanderait et sans le secours de personne, ce qui lui fut accordé. L’Indien tint parole et réussit dans tout ce qu’il avait promis. Sur la manière dont il s’y prit et sur tout le détail du combat, on peut consulter le premier tome in-12 des Observations sur l’Histoire naturelle, de M. Gautier, d’où ce fait est tiré.
(7) « La durée de la vie des chevaux, dit M. de Buffon, est, comme dans toutes les autres espèces d’animaux, proportionnée à la durée du temps de leur accroissement. L’homme, qui est quatorze ans à croître, peut vivre six ou sept fois autant de temps, c’est-à-dire quatre-vingt-dix ou cent ans ; le cheval, dont l’accroissement se fait en quatre ans, peut vivre six ou sept fois autant, c’est-à-dire vingt-cinq ou trente ans. Les exemples qui pourraient être contraires à cette règle sont si rares, qu’on ne doit pas même les regarder comme une exception dont on puisse tirer des conséquences ; et, comme les gros chevaux prennent leur accroissement en moins de temps que les chevaux fins, ils vivent aussi moins de temps, et sont vieux dès l’âge de quinze ans. « Hist. Nat du Cheval.)
(8) Je crois voir entre les animaux carnassiers et les frugivores une autre différence encore plus générale que celle que j’ai remarquée dans la note 5, puisque celle-ci s’étend jusqu’aux oiseaux. Cette différence consiste dans le nombre des petits, qui n’excède jamais deux à chaque portée pour les espèces qui ne vivent que de végétaux, et qui va ordinairement au-delà de ce nombre pour les animaux voraces. Il est aisé de connaître, à cet égard, la destination de la nature par le nombre des mamelles, qui n’est que de deux dans chaque femelle de la première espèce, comme la jument, la vache, la chèvre, la biche, la brebis, etc., et qui est toujours de six ou de huit dans les autres femelles, comme la chienne, la chatte, la louve, la tigresse, etc. La poule, l’oie, la cane, qui sont toutes des oiseaux voraces, ainsi que l’aigle, l’épervier, la chouette, pondent aussi et couvent un grand nombre d’œufs, ce qui n’arrive jamais à la colombe, à la tourterelle, ni aux oiseaux qui ne mangent absolument que du grain, lesquels ne pondent et ne couvent guère que deux œufs à la fois. La raison qu’on peut donner de cette différence est que les animaux qui ne vivent que d’herbes et de plantes, demeurant presque tout le jour à la pâture et étant forcés d’employer beaucoup de temps à se nourrir, ne pourraient suffire à allaiter plusieurs petits, au lieu que les voraces, faisant leur repas presque en un instant, peuvent plus aisément et plus souvent retourner à leurs petits et à leur chasse, et réparer la dissipation d’une si grande quantité de lait. Il y aurait à tout ceci bien des observations particulières et des réflexions à faire ; mais ce n’en est pas ici le lieu, et il me suffit d’avoir montré dans cette partie le système le plus général de la nature, système qui fournit une nouvelle raison de tirer l’homme de la classe des animaux carnassiers et de le ranger parmi les espèces frugivores.
(9) Un auteur célèbre, calculant les biens et les maux de la vie humaine, et comparant les deux sommes, a trouvé que la dernière surpassait l’autre de beaucoup, et qu’à tout prendre la vie était pour l’homme un assez mauvais présent. Je ne suis point surpris de sa conclusion ; il a tiré tous ses raisonnements de la constitution de l’homme civil : s’il fût remonté jusqu’à l’homme naturel, on peut juger qu’il eût trouvé des résultats très différents, qu’il eût aperçu que l’homme n’a guère de maux que ceux qu’il s’est donnés lui-même, et que la nature eût été justifiée. Ce n’est pas sans peine que nous sommes parvenus à nous rendre si malheureux. Quand d’un côté l’on considère les immenses travaux des hommes, tant de sciences approfondies, tant d’arts inventés, tant de forces employées, des abîmes comblés, des montagnes rasées, des rochers brisés, des fleuves rendus navigables, des terres défrichées, des lacs creusés, des marais desséchés, des bâtiments énormes élevés sur la terre, la mer couverte de vaisseaux et de matelots, et que de l’autre on recherche avec un peu de méditation les vrais avantages qui ont résulté de tout cela pour le bonheur de l’espèce humaine, on ne peut qu’être frappé de l’étonnante disproportion qui règne entre ces choses, et déplorer l’aveuglement de l’homme, qui, pour nourrir son fol orgueil et je ne sais quelle vaine admiration de lui-même, le fait courir avec ardeur après toutes les misères dont il est susceptible, et que la bienfaisante nature avait pris soin d’écarter de lui.
Les hommes sont méchants, une triste et continuelle expérience dispense de la preuve ; cependant l’homme est naturellement bon, je crois l’avoir démontré : qu’est-ce donc qui peut l’avoir dépravé à ce point, sinon les changements survenus dans sa constitution, les progrès qu’il a faits et les connaissances qu’il a acquises ? Qu’on admire tant qu’on voudra la société humaine, il n’en sera pas moins vrai qu’elle porte nécessairement les hommes à s’entre-haïr à proportion que leurs intérêts se croisent, à se rendre...
Table des matières
- Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes
- Sommaire
- Première partie
- Seconde partie
- Notes
- Lettre de J.-J. Rousseau à M. Philopolis
- Page de copyright