Chapitre 1
La famille des Seigneurs de Termes
Termes fut jusqu’au XIIIe siècle, le pôle d’attraction des Corbières. En effet les seigneurs y régnant étaient issus d’une puissante famille languedocienne. Ces mêmes seigneurs qui se nommaient seigneurs de Termes, se reconnaissaient vassaux des vicomtes de Carcassonne et parallèlement, pour d’autres terres possédées par eux dans la région, ils se reconnaissaient vassaux de l’Abbaye de la Grasse1 .
De nombreuses terres, donc, dépendaient de Termes mais étaient possédées par d’autres familles. Ainsi la terre de Salsa appartenait aux Seigneurs de Termes mais fut inféodée en juillet 1262 à Arnaud de Solages, fils de Pierre de Cucugnan2 . La seigneurie de Mouthoumet, proche de celle de Lanet, était également une possession des seigneurs de Termes. Elle fut vendue à Raimond d’Aban en 12633. La seigneurie et le château de Durfort appartinrent également aux seigneurs de Termes. “ La puissante abbaye de la Grasse et les Seigneurs de Termes s’en disputèrent pendant longtemps la suzeraineté … »4
Nous pourrions continuer cette énumération longtemps. La seigneurie de Lanet fut sans aucun doute soumise aux même aléas et aux même instabilités bien que plus réduite. Mais avant de nous installer à Lanet, il nous parait indispensable de présenter cette place forte que fut Termes pendant des siècles, forteresse qui commandait les montagnes qui séparaient les domaines des Comtes de Carcassonne de ceux des Rois d’Aragon. Nous allons faire en guise de présentation un rapide point historique sur l’évolution du Languedoc du Ve siècle au Xe siècle. Ceci nous permettra de mieux comprendre l’existence au quotidien, le fonctionnement féodal, les luttes quotidiennes, les querelles nombreuses, et le bouillonnement qui se sont installés dans cette région des Corbières, centre de notre étude.
Dès le Ve siècle, le Languedoc fut soumis comme tant d’autres régions à la dure réalité des invasions. Comme le dit à juste titre René Nelli, ces invasions furent “celles qui détruisirent l’unité de l'empire romain d’Occident, déjà affaiblie par la crise économique et sociale due aux exigences d’une fiscalité excessive qui ruinait les citoyens et les cités .”
L’an 407 voit ainsi le passage de hordes de vandales, Suèves et Alains en route pour l’Espagne.
En l’an 412, les Wisigoths occupent Narbonne et Toulouse. En 419 ils sont devenus alliés et fédérés au peuple romain. C’est à ce titre que l’empereur Honorius leur concède une partie de l’Aquitaine avec Toulouse comme capitale.
En 461 ils annexent Narbonne et toute la Narbonnaise avec Théodoric.
Le propre du Royaume Wisigoth était de respecter la civilisation romaine. Fut ainsi recréée une sorte d’Empire englobant l’Espagne et l’Occitanie.
Il y eut peu de bouleversement sous le règne Wisigoth. Ainsi un tiers des terres furent laissées aux gallo-romains et même l’intégralité pour ce qui concernait les petits domaines. Le droit romain était maintenu dans ses traditions. La société distinguait deux classes. Tout d’abord les hommes libres, nobles pour la plupart qui faisaient valoir les terres du prince. Ils jouissaient de certains privilèges dont ceux de posséder des terres et d’avoir des serfs.
L’autre classe était celles des esclaves qui étaient serfs du roi ou serfs des particuliers.
L’administration wisigothique annonçait déjà l’ordre hiérarchique féodal.
Les ducs régissaient les provinces, les comtes étaient gouverneurs des cités ou diocèses ; enfin les viguiers ou vicaires étaient aux ordres des gouverneurs.
Il est à noter que dans leur diocèse, les évêques jouaient un grand rôle comme juge et arbitre. Les wisigoths étaient un peuple chrétien et respectaient les ministres des autels et les choses
saintes.
Ils édifièrent ou reconstruisirent ainsi au Ve siècle des églises à Narbonne et à Toulouse.
Mais ils étaient ariens et ceci inquiéta vite le clergé de Francie qui voyait là une hérésie. Déjà, pour la première fois en Languedoc, les intérêts matériels et spirituels de l’Eglise se conjuguaient avec les ambitions politiques d’un roi de France, Clovis, qui voyait d’un mauvais oeil l’importance du royaume Wisigoth. Il en sera de même plus tard avec la dynastie des Comtes de Toulouse.
Clovis lance donc ses troupes contre les Wisigoths considérés comme hérétiques et ennemis de Dieu. Ce fut une croisade avant la lettre !
Les Wisigoths furent vaincus à Vouillé, près de Poitiers, en l’an 506, et chassés d’une partie de leurs possessions languedociennes. Mais ils gardèrent le Gard, l’Hérault, l’Aude et le Roussillon qui formèrent ainsi la Gothie ou Septimanie. En 587, ils se convertissent au catholicisme.
Les Wisigoths se maintinrent en Septimanie jusqu’au milieu du VIIIe siècle, c’est-à-dire jusqu’à la campagne de Pépin le Bref contre les Sarrasins.
Ces mêmes Sarrasins qui, de 711 à 767, vont causer beaucoup de tort au Languedoc. “Si la domination wisigothe a été profitable au Languedoc ; si elle y a maintenu ce qui subsistait et ce qui pouvait être sauvé de la civilisation romaine, il n’en a pas été de même de l’invasion sarrasine qui directement et surtout indirectement (par les ravages que la réaction franque à causée), fit beaucoup de mal à la province”5 .
En 767, le royaume franc sort victorieux. La Septimanie wisigothe et arabe est enfin soumise. Sous Charlemagne, le Languedoc reste à l’abri de nouvelles invasions.
La Septimanie et la Catalogne se trouvent réunies après la prise de Barcelone en 801. Ainsi l’unité romaine et wisigothe semble réapparaître. Parallèlement, l’Eglise qui fut réorganisée par Charlemagne voit son rôle devenir plus important et son prestige se raffermir. Au milieu d’un certain désordre féodal, conséquence d’un individualisme farouche et parfois anarchique des seigneurs, l’Eglise représente alors une certaine garantie de stabilité. Face à la Noblesse qui a tous les droits et peut braver qui elle veut, le monde ecclésiastique oppose une tradition faite de sérénité.
De nombreuses abbayes bénédictines voient le jour. L’agriculture monastique se développe.
“Pour anarchique que fût la société, la renaissance de l’agriculture de l’action civilisatrice et universaliste de l’Eglise semblaient annoncer - par les siècles suivants - une sorte de renouveau... Les évêques qui disposaient d’un certain pouvoir politique et surtout d’une grande influence morale soit qu’ils devinssent eux-mêmes des féodaux, soit qu’ils maintinssent au-dessus de la mêlée des intérêts, le primat du spirituel sur le temporel, faisaient des efforts louables pour imposer aux turbulents barons des moeurs plus pacifiques... En 1027, l’évêque de Vic, Oliba - apparenté à la famille comtale de Carcassonne - institua pour la première fois en Occitanie la Paix de Dieu ».6
Les Seigneurs de Termes
1 - Proposition de généalogie par Alphonse Mahul
Voici ce que dit Mahul dans sa présentation de Termes 7:
“. Termes (castrum finarum ) reçut cette dénomination à l’époque ou cette forteresse commandait les montagnes qui séparaient les domaines des Comtes de Carcassonne de ceux des Rois d’Aragon. Le château de Termes fut possédé, à cette première époque, par une famille puissante de seigneurs féodaux, qui se reconnaissaient, en leur qualité de Seigneurs de Termes, vassaux des vicomtes de Carcassonne ; et pour certaines terres usurpées par eux (voir ci-dessus texte de 1208), vassaux de l’abbaye de La Grasse. Le château de Termes soutint, pendant la croisade albigeoise, un siège qui fut un des épisodes mémorables de cette guerre. Après avoir combattu, bien jeune encore sans doute, à côté de son père, pour son suzerain, le vicomte de Carcassonne, Olivier de Termes s’attacha fidèlement à la fortune des Rois de France, et suivit deux fois en Palestine, le roi Louis IX, qui lui avait rendu tous ses biens. Le nombre des chartes de ce roi qui concernent Olivier de Termes, indique suffisamment quelle fut l’importance de sa situation ; et le Sire de Joinville a dit : "Olivier de Termes, lequel estoit un des plus hardis hommes que je onques veusse et que mieux s’estoit prouvé en la Terre Sainte”8...
« Sous la troisième race de nos rois, le château de Termes continu d’être une place forte d’importance, relativement à la frontière espagnole du Roussillon, et les rois de France y entretenaient garnison et gouverneurs ; mais pendant les guerres fréquentes entre la France et l’Espagne, qui marquèrent la dernière moitié du XVIe siècle et la première moitié du XVIIe, les gouverneurs de Termes abusèrent de leur position écartée, soit pour se vendre à l’Espagne, soit pour se faire racheter par la France ; procédé qui d’ailleurs n’était pas chose rare à ces temps-là. C’est pourquoi Richelieu, après la conquête du Roussillon, fit raser les murailles du château de Termes, et il ne resta plus désormais de ce nom historique que des pans de murs, avec un chétif village à leurs pieds...”
Il est à noter que la généalogie proposée par Mahul dans son cartulaire est celle rédigée pour le compte de la famille de Rieux, par Pierre Rambaud qui fut viguier du comté de Rieux de 1636 à 1649. Cette généalogie, truffée d’erreurs comme le souligne Gauthier Langlois dans son étude sur la seigneurie de Termes, est proposée ici à titre de comparaison uniquement.
Le premier nom que nous pouvons mettre dans la généalogie des seigneurs de Termes établie par Pierre Rambaud semble être celui de Wilfred, comte de Barcelone mort en 9149 .
Wilfred eut deux fils, Wilfred II d’où sont descendus les comtes de Roussillon et Miron comte de Barcelone, de Bezalu et de Sardaigne allié à Ermengarde et mort en 990. De cette union naquirent cinq enfants.
Olivier de Termes dont nous parlerons ci-après.
N... de Termes, alliée à Noble de Canet, en le comté de Roussillon.
Bernard de Termes dit Taillefer comte de Bezalu puis de Barcelone en l’an 1030.
Myron de Termes qui fut évêque de Gironne.
Enfin Wilfred III comte de Sardaigne.
Mais revenons un instant à Olivier de Termes I, comte de Termes et seigneur du pays de Fenouillèdes, appelé également Oliba Cabreta 10.
En l’an 990, il donne la partie orientale des Corbières à titre de comté à l’un de ses fils.
Olivier eut deux fils, Wilfred IV de Termes qui est mort sans postérité en l’an 1058 et Olivier de Termes II, comte de Termes et seigneur du pays de Fenouillèdes. En l’an 1012, après un différent important avec Roger II, comte de Carcassonne, il acquiert les pays de La Val-de-Daigne.
Olivier de Termes II eut également deux fils.
Guy de Termes qui fut tué en Terre Sainte en 1058 et Raymond de Termes I comte de Termes, vicomte de Fenouillèdes, seigneur de la Val-de-Daigne. Raymond de Termes I fut excommunié en l’an 1062 par l’abbé de La Grasse pour avoir usurpé des terres appartenant en propre à l’Abbaye.
Raymond de Termes I eut pour fils Arnaud de Termes mort au combat à l’âge de 20 ans près de La Grasse et Pierre-Olivier de Termes I comte de Termes qui fut excommunié tout comme son père en l’an 1070pour avoir également usurpé des terres appartenant à l’Abbaye de La Grasse.
En l’an 1084, ce même Pierre-Olivier de Termes est nommé vassal du comte de Carcassonne Roger dans un acte de serment prêté à Aymeric vicomte de Narbonne. Dans ce document11 il est également nommé fils de Guille.
Pierre-Olivier de Termes I...