L'éthique de la croyance et la question du « poids de l'autorité »
Jacques Bouveresse
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L'éthique de la croyance et la question du « poids de l'autorité »
Jacques Bouveresse
Ă propos de ce livre
Clifford â qui considĂšre la malhonnĂȘtetĂ© intellectuelle comme Ă©tant en quelque sorte l'immoralitĂ© par excellence, puisque toutes les autres formes d'immoralitĂ© sont susceptibles d'en dĂ©couler directement ou indirectement â soutient que la religion doit rester sous la dĂ©pendance de la morale, en ce sens (pour commencer) qu'elle doit, elle aussi, satisfaire la rĂšgle fondamentale de la bonne conduite en matiĂšre de croyance, mĂȘme si cela risque de lui poser un problĂšme qui pourrait se rĂ©vĂ©ler tĂŽt ou tard insurmontable: « Les croyances religieuses doivent ĂȘtre fondĂ©es sur des preuves; si elles ne sont pas fondĂ©es de cette maniĂšre, il est mal d'y adhĂ©rer. » L'Ă©thique de la croyance, telle qu'elle est dĂ©fendue par Clifford, a semblĂ©, aux yeux de critiques comme William James, Ă la fois naĂŻvement intellectualiste et excessivement rigoriste, puisqu'elle exige que tous les avantages possibles de la croyance, et particuliĂšrement le genre de stimulant et de rĂ©confort qu'elle est susceptible de nous apporter, soient subordonnĂ©s et Ă©ventuellement sacrifiĂ©s Ă un seul d'entre eux, Ă savoir la vĂ©ritĂ©. ValĂ©ry disait que les preuves sont la politesse de l'esprit et qu'il faut toujours demander des preuves. Mais ce qui est plus grave que la quantitĂ© d'impolitesse assez effarante qu'on est obligĂ© de supporter aujourd'hui de ce point de vue est, si l'on Ă©prouve une certaine sympathie pour la position de Clifford, la quantitĂ© d'immoralitĂ© qui va avec elle et qui la supporte. Si l'on est intĂ©ressĂ© par la question de la vĂ©ritĂ©, il n'est pas possible de ne pas l'ĂȘtre aussi par la question des raisons qui peuvent ĂȘtre produites en sa faveur. Et on ne peut sĂ»rement pas se contenter de prĂ©tendre que, si on n'est pas intĂ©ressĂ© par la deuxiĂšme question, celle des raisons et des preuves, c'est parce qu'on connaĂźt d'autres moyens qui permettent de parvenir beaucoup plus sĂ»rement Ă la vĂ©ritĂ©. Il vaudrait probablement mieux admettre que c'est plutĂŽt parce qu'on n'est pas rĂ©ellement intĂ©ressĂ© par la question de la vĂ©ritĂ© elle-mĂȘme et qu'on est sensible Ă d'autres avantages de la croyance que ceux qui rĂ©sultent de sa vĂ©ritĂ©. C'est sĂ»rement en derniĂšre analyse pour cette raison que notre Ă©poque semble ĂȘtre si peu sĂ©duite par l'idĂ©e d'une Ă©thique de la croyance. Il est Ă©videmment difficile de l'ĂȘtre si on est enclin Ă considĂ©rer que ce qui compte n'est pas la vĂ©ritĂ©, mais uniquement la sincĂ©ritĂ© de la croyance.