Les MĂ©tamorphoses
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Les MĂ©tamorphoses

Ovide

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Les MĂ©tamorphoses

Ovide

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Dans son oeuvre majeure, poeme en quinze livres, Ovide reprend les légendes grecques et décrit avec force détails les transformations des dieux et des hommes en animaux, plantes ou pierres.

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Informations

Éditeur
Booklassic
ISBN
9789635260577

Chant 1

InspirĂ© par mon gĂ©nie, je vais chanter les ĂȘtres et les corps qui ont Ă©tĂ© revĂȘtus de formes nouvelles, et qui ont subi des changements divers. Dieux, auteurs de ces mĂ©tamorphoses, favorisez mes chants lorsqu'ils retraceront sans interruption la suite de tant de merveilles depuis les premiers Ăąges du monde jusqu'Ă  nos jours.
Avant la formation de la mer, de la terre, et du ciel qui les environne, la nature dans l'univers n'offrait qu'un seul aspect ; on l'appela chaos, masse grossiĂšre, informe, qui n'avait que de la pesanteur, sans action et sans vie, mĂ©lange confus d'Ă©lĂ©ments qui se combattaient entre eux. Aucun soleil ne prĂȘtait encore sa lumiĂšre au monde ; la lune ne faisait point briller son croissant argentĂ© ; la terre n'Ă©tait pas suspendue, balancĂ©e par son poids, au milieu des airs ; l'ocĂ©an, sans rivages, n'embrassait pas les vastes flancs du globe. L'air, la terre, et les eaux Ă©taient confondus : la terre sans soliditĂ©, l'onde non fluide, l'air privĂ© de lumiĂšre. Les Ă©lĂ©ments Ă©taient ennemis ; aucun d'eux n'avait sa forme actuelle. Dans le mĂȘme corps le froid combattait le chaud, le sec attaquait l'humide ; les corps durs et ceux qui Ă©taient sans rĂ©sistance, les corps les plus pesants et les corps les plus lĂ©gers se heurtaient, sans cesse, opposĂ©s et contraires.
Un dieu, ou la nature plus puissante, termina tous ces combats, sépara le ciel de la terre, la terre des eaux, l'air le plus pur de l'air le plus grossier. Le chaos étant ainsi débrouillé, les éléments occupÚrent le rang qui leur fut assigné, et reçurent les lois qui devaient maintenir entre eux une éternelle paix. Le feu, qui n'a point de pesanteur, brilla dans le ciel, et occupa la région la plus élevée. Au-dessous, mais prÚs de lui, vint se placer l'air par sa légÚreté. La terre, entraßnant les éléments épais et solides, fut fixée plus bas par son propre poids. La derniÚre place appartint à l'onde, qui, s'étendant mollement autour de la terre, l'embrassa de toutes parts.
AprĂšs que ce dieu, quel qu'il fĂ»t, eut ainsi dĂ©brouillĂ© et divisĂ© la matiĂšre, il arrondit la terre pour qu'elle fĂ»t Ă©gale dans toutes ses parties. Il ordonna qu'elle fĂ»t entourĂ©e par la mer, et la mer fut soumise Ă  l'empire des vents, sans pouvoir franchir ses rivages. Ensuite il forma les fontaines, les vastes Ă©tangs, et les lacs, et les fleuves, qui, renfermĂ©s dans leurs rives tortueuses, et dispersĂ©s sur la surface de la terre, se perdent dans son sein, ou se jettent dans l'ocĂ©an ; et alors, coulant plus librement dans son enceinte immense et profonde, ils n'ont Ă  presser d'autres bords que les siens. Ce dieu dit, et les plaines s'Ă©tendirent, les vallons s'abaissĂšrent, les montagnes Ă©levĂšrent leurs sommets, et les forĂȘts se couvrirent de verdure.
Ainsi que le ciel est coupĂ© par cinq zones, deux Ă  droite, deux Ă  gauche, et une au milieu, qui est plus ardente que les autres, ainsi la terre fut divisĂ©e en cinq rĂ©gions qui correspondent Ă  celles du ciel qui l'environne. La zone du milieu, brĂ»lĂ©e par le soleil, est inhabitable ; celles qui sont vers les deux pĂŽles se couvrent de neiges et de glaces Ă©ternelles : les deux autres, placĂ©es entre les zones polaires et la zone du milieu, ont un climat tempĂ©rĂ© par le mĂ©lange du chaud et du froid. Étendu sur les zones, l'air, plus lĂ©ger que la terre et que l'onde, est plus pesant que le feu.
C'est dans la rĂ©gion de l'air que l'auteur du monde ordonna aux vapeurs et aux nuages de s'assembler, au tonnerre de gronder pour effrayer les mortels, aux vents d'exciter la foudre, la grĂȘle et les frimas ; mais il ne leur abandonna pas le libre empire des airs. Le monde, qui rĂ©siste Ă  peine Ă  leur impĂ©tuositĂ©, quoiqu'ils ne puissent franchir les limites qui leur ont Ă©tĂ© assignĂ©es, serait bientĂŽt bouleversĂ©, tant est grande la division qui rĂšgne entre eux, S'il leur Ă©tait permis de se rĂ©pandre Ă  leur grĂ© sur la terre !
Eurus fut relĂ©guĂ© vers les lieux oĂč naĂźt l'aurore, dans la Perse, dans l’Arabie, et sur les montagnes qui reçoivent les premiers rayons du jour. ZĂ©phyr eut en partage les lieux oĂč se lĂšve l'Ă©toile du soir, oĂč le soleil Ă©teint ses derniers feux. L'horrible BorĂ©e envahit la Scythie et les climats glacĂ©s du septentrion. Les rĂ©gions du midi furent le domaine de l'Auster pluvieux, au front couvert de nuages Ă©ternels ; et par-delĂ  le sĂ©jour des vents fut placĂ© l'Ă©ther, Ă©lĂ©ment fluide et lĂ©ger, dĂ©pouillĂ© de l'air grossier qui nous environne.
À peine tous ces corps Ă©taient-ils sĂ©parĂ©s, assujettis Ă  des lois immuables, les astres, longtemps obscurcis dans la masse informe du chaos, commencĂšrent Ă  briller dans les cieux. Les Ă©toiles et les dieux y fixĂšrent leur sĂ©jour, afin qu'aucune rĂ©gion ne fĂ»t sans habitants. Les poissons peuplĂšrent l'onde ; les quadrupĂšdes, la terre ; les oiseaux, les plaines de l'air.
Un ĂȘtre plus noble et plus intelligent, fait pour dominer sur tous les autres, manquait encore Ă  ce grand ouvrage. L'homme naquit : et soit que l'architecte suprĂȘme l'eĂ»t animĂ© d'un souffle divin, soit que la terre conservĂąt encore, dans son sein, quelques-unes des plus pures parties de l'Ă©ther dont elle venait d'ĂȘtre sĂ©parĂ©e, et que le fils de Japet, dĂ©trempant cette semence fĂ©conde, en eĂ»t formĂ© l'homme Ă  l'image des dieux, arbitres de l'univers ; l'homme, distinguĂ© des autres animaux dont la tĂȘte est inclinĂ©e vers la terre, put contempler les astres et fixer ses regards sublimes dans les cieux. Ainsi la matiĂšre, auparavant informe et stĂ©rile, prit la figure de l'homme, jusqu'alors inconnue Ă  l'univers.
L'Ăąge d'or commença. Alors les hommes gardaient volontairement la justice et suivaient la vertu sans effort. Ils ne connaissaient ni la crainte, ni les supplices ; des lois menaçantes n'Ă©taient point gravĂ©es sur des tables d'airain ; on ne voyait pas des coupables tremblants redouter les regards de leurs juges, et la sĂ»retĂ© commune ĂȘtre l'ouvrage des magistrats.
Les pins abattus sur les montagnes n'Ă©taient pas encore descendus sur l’ocĂ©an pour visiter des plages inconnues. Les mortels ne connaissaient d'autres rivages que ceux qui les avaient vus naĂźtre. Les citĂ©s n'Ă©taient dĂ©fendues ni par des fossĂ©s profonds ni par des remparts. On ignorait et la trompette guerriĂšre et l'airain courbĂ© du clairon. On ne portait ni casque, ni Ă©pĂ©e ; et ce n'Ă©taient pas les soldats et les armes qui assuraient le repos des nations.
La terre, sans ĂȘtre sollicitĂ©e par le fer, ouvrait son sein, et, fertile sans culture, produisait tout d'elle-mĂȘme. L'homme, satisfait des aliments que la nature lui offrait sans effort, cueillait les fruits de l'arbousier et du cornouiller, la fraise des montagnes, la mĂ»re sauvage qui croĂźt sur la ronce Ă©pineuse, et le gland qui tombait de l'arbre de Jupiter. C'Ă©tait alors le rĂšgne d'un printemps Ă©ternel. Les doux zĂ©phyrs, de leurs tiĂšdes haleines, animaient les fleurs Ă©closes sans semence. La terre, sans le secours de la charrue, produisait d'elle-mĂȘme d'abondantes moissons. Dans les campagnes s'Ă©panchaient des fontaines de lait, des fleuves de nectar ; et de l'Ă©corce des chĂȘnes le miel distillait en bienfaisante rosĂ©e.
Lorsque Jupiter eut précipité Saturne dans le sombre Tartare, l'empire du monde lui appartint, et alors commença l'ùge d'argent, ùge inférieur à celui qui l'avait précédé, mais préférable à l'ùge d'airain qui le suivit. Jupiter abrégea la durée de l'antique printemps ; il en forma quatre saisons qui partagÚrent l'année : l'été, l'automne inégale, l'hiver, et le printemps actuellement si court. Alors, pour la premiÚre fois, des chaleurs dévorantes embrasÚrent les airs ; les vents formÚrent la glace de l'onde condensée. On chercha des abris. Les maisons ne furent d'abord que des antres, des arbrisseaux touffus et des cabanes de feuillages. Alors il fallut confier à de longs sillons les semences de CérÚs ; alors les jeunes taureaux gémirent fatigués sous le joug.
Aux deux premiers Ăąges succĂ©da l'Ăąge d'airain. Les hommes, devenus fĂ©roces, ne respiraient que la guerre ; mais ils ne furent point encore tout Ă  fait corrompus. L'Ăąge de fer fut le dernier. Tous les crimes se rĂ©pandirent avec lui sur la terre. La pudeur, la vĂ©ritĂ©, la bonne foi disparurent. À leur place dominĂšrent l'artifice, la trahison, la violence, et la coupable soif de possĂ©der. Le nautonier confia ses voiles Ă  des vents qu'il ne connaissait pas encore ; et les arbres, qui avaient vieilli sur les montagnes, en descendirent pour flotter sur des mers ignorĂ©es. La terre, auparavant commune aux hommes, ainsi que l'air et la lumiĂšre, fut partagĂ©e, et le laboureur dĂ©fiant traça de longues limites autour du champ qu'il cultivait. Les hommes ne se bornĂšrent point Ă  demander Ă  la terre ses moissons et ses fruits, ils osĂšrent pĂ©nĂ©trer dans son sein ; et les trĂ©sors qu'elle recelait, dans des antres voisins du Tartare, vinrent aggraver tous leurs maux. DĂ©jĂ  sont dans leurs mains le fer, instrument du crime, et l'or, plus pernicieux encore. La Discorde combat avec l'un et l'autre. Sa main ensanglantĂ©e agite et fait retentir les armes homicides. Partout on vit de rapine. L'hospitalitĂ© n'offre plus un asile sacrĂ©. Le beau-pĂšre redoute son gendre. L'union est rare entre les frĂšres. L'Ă©poux menace les jours de sa compagne ; et celle-ci, les jours de son mari. Des marĂątres cruelles mĂȘlent et prĂ©parent d'horribles poisons : le fils hĂąte les derniers jours de son pĂšre. La piĂ©tĂ© languit, mĂ©prisĂ©e ; et AstrĂ©e quitte enfin cette terre souillĂ©e de sang, et que les dieux ont dĂ©jĂ  abandonnĂ©e.
Le ciel ne fut pas plus que la terre à l'abri des noirs attentats des mortels : on raconte que les géants osÚrent déclarer la guerre aux dieux. Ils élevÚrent jusqu'aux astres les montagnes entassées. Mais le puissant Jupiter frappa, brisa l'Olympe de sa foudre ; et, renversant Ossa sur Pélion, il ensevelit, sous ces masses écroulées, les corps effroyables de ses ennemis. On dit encore que la terre, fumante de leur sang, anima ce qui en restait dans ses flancs, pour ne pas voir s'éteindre cette race cruelle. De nouveaux hommes furent formés : peuple impie, qui continua de mépriser les dieux, fut altéré de meurtre, emporté par la violence, et bien digne de sa sanglante origine.
Du haut de son trĂŽne, Jupiter voit les crimes de la terre. Il gĂ©mit ; et se rappelant l'horrible festin que Lycaon venait de lui servir, il est transportĂ© d'un courroux extrĂȘme, digne du souverain des dieux ; il les convoque ; Ă  l'instant ils sont assemblĂ©s.
Il est dans le ciel une grande voie qu'on dĂ©couvre quand l'air est pur et sans nuages ; elle est remarquable par sa blancheur ; on la nomme lactĂ©e. C'est le chemin qui conduit au brillant sĂ©jour du maĂźtre du tonnerre. À droite et Ă  gauche sont les portiques des dieux les plus puissants ; ailleurs habitent les divinitĂ©s vulgaires. Les plus distinguĂ©es ont fixĂ© leur habitation Ă  l'entrĂ©e de cette voie, qui, si l'on peut oser le dire, est le palais de l'empire cĂ©leste.
DĂšs que les dieux se furent placĂ©s sur des siĂšges de marbre, Jupiter, assis sur un trĂŽne plus Ă©levĂ©, s'appuyant sur son sceptre d'ivoire agite trois fois sa tĂȘte redoutable, et trois fois la terre, et la mer, et les astres en sont Ă©branlĂ©s ; enfin le fils de Saturne exprime sa colĂšre en ces mots :
« L'empire du monde me causa de moins grandes alarmes, lorsque j’eus Ă  le dĂ©fendre contre l'audace de ces gĂ©ants, enfants de la Terre, dont les cent bras voulaient soumettre le ciel. C'Ă©taient sans doute des ennemis redoutables ; mais ils ne formaient qu'une race, et la guerre n'avait qu'un seul principe. Maintenant, sur le globe qu'entoure l’ocĂ©an, je ne vois que des hommes pervers. Il faut perdre le genre humain. J'en jure par les fleuves des enfers qui coulent, sous les terres, dans les bois sacrĂ©s du Styx, j'ai tout tentĂ© pour le sauver ; mais il faut porter le fer dans les blessures incurables, pour que les parties saines ne soient pas corrompues. J'ai, sous mes lois, des demi-dieux, des nymphes, des faunes, des satyres, des sylvains qui habitent les montagnes, divinitĂ©s champĂȘtres, que nous n'avons pas encore jugĂ©es dignes des honneurs du ciel, et Ă  qui nous avons accordĂ© la terre pour y fixer leur sĂ©jour. Mais comment pourriez-vous croire Ă  leur sĂ»retĂ© parmi les hommes, lorsque Lycaon, connu par sa fĂ©rocitĂ©, a osĂ© tendre des piĂšges Ă  moi-mĂȘme qui lance le tonnerre, et qui vous retiens tous sous mon empire ? »
À ces mots, les dieux frĂ©missent, et demandent Ă  haute voix la punition Ă©clatante d'un si noir attentat. Ainsi, lorsqu'une main sacrilĂšge sembla vouloir Ă©teindre le nom romain dans le sang de CĂ©sar, la chute de ce grand homme Ă©tonna tous les peuples de la terre, et l'univers frĂ©mit d'horreur. Alors, Auguste, tu vis le zĂšle des tiens, et il te fut aussi agrĂ©able que celui des dieux l'avait Ă©tĂ© Ă  Jupiter. Ayant, du geste et de la voix, apaisĂ© les murmures, et les dieux attentifs gardant un silence profond devant la majestĂ© sĂ©vĂšre de leur maĂźtre, il reprit son discours en ces mots :
« Rassurez-vous, le coupable a subi sa peine. Apprenez cependant et son crime et ma vengeance. Le bruit de l'iniquité des mortels avait frappé mes oreilles : je désirais qu'il fût mensonger ; et, cachant ma divinité sous des formes humaines, je descends des hautes régions de l'éther, et je vais visiter la terre. Il serait trop long de vous raconter tous les excÚs qui partout frappÚrent mes regards. Le mal était encore plus grand que la renommée ne le publiait.
« J'avais passĂ© le MĂ©nale, horrible repaire de bĂȘtes fĂ©roces, le mont CyllĂšne, et les forĂȘts de sapins du froid LycĂ©e. J'arrive dans l'Arcadie au moment oĂč les crĂ©puscules du soir amĂšnent la nuit aprĂšs eux, et j'entre sous le toit inhospitalier du tyran de ces contrĂ©es. J'avais assez fait connaĂźtre qu'un dieu venait les visiter. DĂ©jĂ  le peuple prosternĂ© m'adressait des vƓux et des priĂšres. Lycaon commence par insulter Ă  sa piĂ©tĂ© : – BientĂŽt, dit-il, j'Ă©prouverai s'il est dieu ou mortel, et la vĂ©ritĂ© ne sera pas douteuse.’ Il m'apprĂȘte un trĂ©pas funeste, pendant la nuit, au milieu du sommeil. VoilĂ  l'Ă©preuve qu'il entend faire pour connaĂźtre la vĂ©ritĂ© : et, non content de la mort qu'il me destine, il Ă©gorge un otage que les Molosses lui ont livrĂ©. Il fait bouillir une partie des membres palpitants de cette victime, il en fait rĂŽtir une autre ; et ces mets exĂ©crables sont ensemble servis devant moi. AussitĂŽt, des feux vengeurs, allumĂ©s par ma colĂšre, consument le palais et ses pĂ©nates dignes d'un tel maĂźtre. Lycaon fuit Ă©pouvantĂ©. Il veut parler, mais en vain : ses hurlements troublent seuls le silence des campagnes. TransportĂ© de rage, et toujours affamĂ© de meurtres, il se jette avec furie sur les troupeaux ; il les dĂ©chire, et jouit encore du sang qu'il fait couler. Ses vĂȘtements se convertissent en un poil hĂ©rissĂ© ; ses bras deviennent des jambes : il est changĂ© en loup, et il conserve quelques restes de sa forme premiĂšre : son poil est gris comme l'Ă©taient ses cheveux ; on remarque la mĂȘme violence sur sa figure ; le mĂȘme feu brille dans ses yeux ; tout son corps offre l'image de son ancienne fĂ©rocitĂ©.
« Une seule maison venait d'ĂȘtre anĂ©antie ; mais ce n'Ă©tait pas la seule qui mĂ©ritĂąt la foudre. La cruelle Érynis Ă©tend son empire sur la terre. On dirait que, par d'affreux serments, tous les hommes se sont vouĂ©s au crime. Il faut donc, et tel est mon arrĂȘt irrĂ©vocable, qu'ils reçoivent tous le chĂątiment qu'ils ont mĂ©ritĂ©. »
Les dieux approuvent la rĂ©solution de Jupiter, les uns en excitant sa colĂšre, les autres par un muet assentiment. Cependant ils ne sont pas insensibles Ă  la perte du genre humain : ils demandent quel sera dĂ©sormais l'Ă©tat de la terre veuve de ses habitants ; qui dĂ©sormais fera fumer l'encens sur leurs autels, et s'il convient que le monde soit livrĂ© aux bĂȘtes fĂ©roces, et devienne leur empire. Le monarque des dieux leur dĂ©fend de s'alarmer. Il se charge de pourvoir Ă  tout : il promet aux immortels une race d'hommes meilleure que la premiĂšre, et dont l'origine sera merveilleuse.
DĂ©jĂ  tous ses foudres allumĂ©s allaient frapper la terre ; mais il craint que l'Ă©ther mĂȘme ne s'embrase par tant de feux, et que l'axe du monde n'en soit consumĂ©. Il se souvient que les destins ont fixĂ©, dans l'avenir, un temps oĂč la mer, et la terre, et les cieux seront dĂ©vorĂ©s par les flammes, et oĂč la masse magnifique de l'univers sera dĂ©truite par elles : il dĂ©pose ses foudres forgĂ©s par les cyclopes ; il choisit un supplice diffĂ©rent. Le genre humain pĂ©rira sous les eaux, qui, de toutes les parties du ciel, tomberont en torrents sur la terre.
Soudain dans les antres d'Éole il enferme l'Aquilon et tous les vents dont le souffle impĂ©tueux dissipe les nuages. Il commande au Notus, qui vole sur ses ailes humides : son visage affreux est couvert de tĂ©nĂšbres ; sa barbe est chargĂ©e de brouillards ; l'onde coule de ses cheveux blancs ; sur son front s'assemblent les nuĂ©es, et les torrents tombent de ses ailes et de son sein. DĂšs que sa large main a rassemblĂ©, pressĂ© tous les nuages Ă©pars dans les airs, un horrible fracas se fait entendre, et des pluies impĂ©tueuses fondent du haut des cieux. La messagĂšre de Junon, dont l'Ă©charpe est nuancĂ©e de diverses couleurs, Iris, aspire les eaux de la mer, elle en grossit les nuages. Les moissons sont renversĂ©es, les espĂ©rances du laboureur dĂ©truites, et, dans un instant, pĂ©rit le travail pĂ©nible de toute une annĂ©e. Mais la colĂšre de Jupiter n'est pas encore satisfaite ; Neptune son frĂšre vient lui prĂȘter le secours de ses ondes ; il convoque les dieux des fleuves, et, dĂšs qu'ils sont entrĂ©s dans son palais :
« Maintenant, dit-il, de longs discours seraient inutiles. Employez vos forces rĂ©unies ; il le faut : ouvrez vos sources, et, brisant les digues qui vous arrĂȘtent, abandonnez vos ondes Ă  toute leur fureur. »
Il ordonne : les fleuves partent, et dĂ©sormais sans frein, et d'un cours impĂ©tueux, ils roulent dans l'ocĂ©an. Neptune lui-mĂȘme frappe la terre de son trident ; elle en est Ă©branlĂ©e, et les eaux s'Ă©chappent de ses antres profonds. Les fleuves franchissent leurs rivages, et se dĂ©bordant dans les campagnes, ils entraĂźnent, ensemble confondus, les arbres et les troupeaux, les hommes et les maisons, les temples et les dieux. Si quelque Ă©difice rĂ©siste Ă  la fureur des flots, les flots s'Ă©lĂšvent au-dessus de sa tĂȘte, et les plus hautes tours sont ensevelies dans des gouffres profonds.
DĂ©jĂ  la terre ne se distinguait plus de l'ocĂ©an : tout Ă©tait mer, et la mer n'avait point de rivages. L'un cherche un asile sur un roc escarpĂ©, l'autre se jette dans un esquif, et promĂšne la rame oĂč naguĂšre il avait conduit la charrue : celui-ci navigue sur les moissons, ou sur des toits submergĂ©s ; celui-lĂ  trouve des poissons sur le faĂźte des ormeaux ; un autre jette l'ancre qui s'arrĂȘte dans une prairie. Les barques flottent sur les coteaux qui portaient la vigne : le phoque pesant se repose sur les monts oĂč paissait la chĂšvre lĂ©gĂšre. Les nĂ©rĂ©ides s'Ă©tonnent de voir, sous les ondes, des bois, des villes et des palais. Les dauphins habitent les forĂȘts, Ă©branlent le tronc des chĂȘnes, et bondissent sur leurs cimes. Le loup, nĂ©gligeant sa proie, nage au milieu des brebis ; le lion farouche et le tigre flottent sur l'onde : la force du sanglier, Ă©gale Ă  la foudre, ne lui est d'aucun secours ; les jambes agiles du cerf lui deviennent inutiles : l'oiseau errant cherche en vain la terre pour s'y reposer ; ses ailes fatiguĂ©es ne peuvent plus le soutenir, il tombe dans les flots.
L'immense débordement des mers couvrait les plus hautes montagnes : alors, pour la premiÚre fois, les vagues amoncelées en battaient le sommet. La plus grande partie du genre humain avait péri dans l'onde, et la faim lente et cruelle dévora ceux que l'onde avait épargnés.
L'Attique est sĂ©parĂ©e de la BĂ©otie par la Phocide, contrĂ©e fertile avant qu'elle fĂ»t submergĂ©e ; mais alors, confondue avec l'ocĂ©an, ce n'Ă©tait plus qu'une vaste plaine liquide. LĂ  le mont Parnasse Ă©lĂšve ses deux cimes jusqu'aux astres, et les cache dans le sein des nuages. C'est sur son double sommet, seul endroit de la terre respectĂ© par les eaux, que s'arrĂȘta la frĂȘle barque qui portait Deucalion et Pyrrha son Ă©pouse. Ils adorĂšrent d'abord les nymphes coryciennes, les autres dieux du Parnasse, et ThĂ©mis qui rĂ©vĂšle l’avenir, et qui rendait alors des oracles en ces lieux.
Nul homme ne fut meilleur que Deucalion ; nul plus juste que lui. Aucune femme n'Ă©galait Pyrrha dans son respect pour les dieux. Lorsque le fils de Saturne a vu le monde changĂ© en une vaste mer, et que de tant de milliers d'ĂȘtres qui l'habitaient il ne reste plus qu'un homme et qu'une femme, couple innocent et pieux, il sĂ©pare les nuages ; il ordonne Ă  l'Aquilon de les dissiper ; et bientĂŽt il dĂ©couvre la terre au ciel et le ciel Ă  la terre.
Cependant les...

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