Quelques réflexions sur les origines de l'hitlérisme
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Quelques réflexions sur les origines de l'hitlérisme

Les origines culturelles de la montée des extrêmes en Europe analysées par la philosophe Simone Weil (1909-1943)

Simone Weil

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Quelques réflexions sur les origines de l'hitlérisme

Les origines culturelles de la montée des extrêmes en Europe analysées par la philosophe Simone Weil (1909-1943)

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La montée du nazisme et les horreurs du régime véhiculé par Adolf Hitler avaient-ils des antécédents dans l'histoire? De qui s'est-il inspiré? Dans quelle mesure, par exemple, la Rome antique fut-elle un modèle pour le Führer? Simone Weil soumet plusieurs pistes de réflexions qui visent à percevoir ici un ensemble de mécanismes dont elle souligne les enchevêtrements, la complexité, mettant in fine à jour les racines de la folie hitlérienne. Son exposé se compose de trois grandes parties: Permanence et changements des caractères nationaux; Hitler et la politique extérieure de la Rome antique; Hitler et le régime intérieur de l'empire romain.

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Informazioni

Anno
2019
ISBN
9782322136384

HITLER ET LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DE LA ROME
ANTIQUE

L'analogie entre le système hitlérien et l'ancienne Rome est si frappante qu'on pourrait croire que seul depuis deux mille ans Hitler a su copier correctement les Romains. Si elle n'est pas tout d'abord évidente à nos yeux, c'est que nous avons presque appris à lire dans Corneille et dans le De Viris ; nous sommes habitués à nous mettre à la place des Romains; même quand c'est la Gaule dont ils s'emparent ; aujourd'hui que nous sommes pris dans une situation analogue, mais où c'est notre ennemi qui joue le rôle de Rome, nous ne reconnaissons pas l'analogie. Car ce sont les conquêtes qu'on est menacé de subir qui font horreur ; celles qu'on accomplit sont toujours bonnes et belles. De, plus, nous ne connaissons l'histoire romaine que par les Romains eux-mêmes et par leurs sujets grecs, contraints, les malheureux, à flatter leurs maîtres ; il faut ainsi un effort de critique continuel pour apprécier équitablement la politique de Rome. Nous ne possédons pas la version qu'auraient pu en donner les Carthaginois, les Espagnols, les Gaulois, les Germains, les Bretons.
Les Romains ont conquis le monde par le sérieux, la discipline, l'organisation, la continuité des vues et de la méthode ; par la conviction qu'ils étaient une race supérieure et née pour commander ; par l'emploi médité, calculé, méthodique de la plus impitoyable cruauté, de la perfidie froide, de la propagande la plus hypocrite, employées simultanément ou tour à tour ; par une résolution inébranlable de toujours tout sacrifier au prestige, sans être jamais sensibles ni au péril, ni à la pitié, ni à aucun respect humain ; par l'art de décomposer sous la terreur l'âme même de leurs adversaires, ou de les endormir par l'espérance, avant de les asservir avec les armes ; enfin par un maniement si habile du plus grossier mensonge qu'ils ont trompé même la postérité et nous trompent encore. Qui ne reconnaîtrait ces traits ?
Les Romains ont su manier à leur gré les sentiments des hommes. C'est ainsi qu'on devient maître du monde. Tout pouvoir qui s'accroît suscite autour de lui des sentiments divers ; si, par science ou bonne fortune, il suscite ceux qui lui donnent le moyen de s'accroître encore, il ira loin. Les peuples et les hommes placés autour du territoire soumis à Rome ont éprouvé, comme tous les mortels, tour à tour la crainte, la terreur, la colère, l'indignation, l'espérance, la tranquillité, la torpeur ; mais ce qu'ils éprouvaient à chaque moment était précisément ce qui était utile à Rome, et cela par l'art des Romains. Il faut pour un tel art une espèce de génie, mais aussi une brutalité sans limites et qui n'a d'égard à rien.
On ne peut dépasser les Romains dans l'art d'être perfide. La perfidie a deux inconvénients : elle suscite l'indignation et empêche qu'on ne soit cru par la suite. Les Romains ont su éviter l'un et l'autre, parce qu'ils étaient perfides seulement quand ils pouvaient à ce prix anéantir leurs victimes. Ainsi aucune d'elles n'était en état de leur reprocher leur mauvaise foi. D'autre part, les spectateurs étaient frappés de terreur ; comme la terreur rend l'âme crédule, la perfidie même des Romains avait pour effet d'augmenter au lieu de diminuer autour d'eux l'inclination à les croire ; on croit volontiers ce qu'on désire vivement être vrai. En même temps les Romains louaient leur propre bonne foi avec une conviction contagieuse, et mettaient un soin extrême à sembler se défendre et non attaquer, à paraître respecter les traités et les conventions, sauf lorsqu'ils pouvaient frapper impunément, et parfois même en ce cas. Une de leurs coutumes était, quand un traité conclu par un de leurs consuls leur semblait trop modéré, de recommencer la guerre et de livrer ce consul nu et enchaîné aux ennemis en expiation du traité rompu ; ceux-ci, qui ignoraient cet usage et croyaient la paix établie, ne trouvaient dans ce corps nu qu'une faible consolation. Les exemples de perfidie et de foi violée sont si nombreux dans l'histoire romaine qu'ils seraient trop longs à tous citer ; ils ont tous un caractère commun, c'est qu'ils sont calculés et prémédités. C'est, ainsi que les Romains purent se donner une réputation de loyauté. Retz dit que lorsqu'on a froidement résolu de faire le mal, on peut garder les apparences, au lieu que si on ne veut pas le faire, et si néanmoins on s'y laisse aller, on provoque toujours un scandale. Les Romains ont appliqué ce principe à la violation de la parole donnée ; au lieu que les autres peuples qui, comme les Carthaginois, manquèrent à leur parole par besoin, par fureur, par désespoir, eurent une réputation de perfidie même auprès de la postérité, qui n'écoute jamais les vaincus.
Le plus bel exemple est celui de Paul-Émile, quand il fit en une seule heure le sac de soixante-dix villes et emmena leurs habitants comme esclaves, après avoir promis à ces villes le salut et avoir introduit dans chacune un détachement armé à la faveur de cette promesse. Le Sénat était l'auteur de cette ruse. L'histoire des guerres espagnoles, dans Appien, est pleine de généraux romains qui violent leur parole, massacrent des peuples entiers après les avoir désarmés en leur promettant la liberté et la vie, attaquent par surprise après avoir conclu la paix. Mais le plus affreux effet de la perfidie romaine fut le malheur de Carthage, où une civilisation qui, grâce à l'influence de l'Orient et de la Grèce, était sans doute pour le moins aussi brillante que la civilisation latine, fut anéantie pour toujours et sans laisser aucune trace.
Carthage avait eu d'abord la bonne fortune, si l'on peut dire, d'être vaincue par un des très rares Romains qui aient donné des marques de modération, à savoir le premier Africain. Elle put ainsi survivre à la perte de toute sa puissance, mais dut contracter une alliance avec Rome et promettre de ne jamais engager la guerre sans sa permission. Au cours du demi-siècle qui suivit, les Numides ne cessèrent pas d'envahir et de piller le territoire de Carthage, qui n'osait se défendre ; pendant la même période de temps elle aida les Romains dans trois guerres. Les envoyés carthaginois, prosternés sur le sol de la Curie, tenant des rameaux de suppliants, imploraient avec des larmes la protection de Rome, à laquelle le traité leur donnait droit ; le Sénat se gardait bien de la leur accorder. Enfin, poussée à bout par une incursion numide plus menaçante que les autres, Carthage prit les armes, fut vaincue, vit son armée entièrement détruite. Ce fut le moment que Rome choisit pour déclarer la guerre, alléguant que les Carthaginois avaient combattu sans sa permission. Des délégués de Carthage vinrent à Rome implorer la paix, et, ne pouvant l'obtenir autrement, se remirent à la discrétion du Sénat. Celui-ci accorda aux Carthaginois la liberté, leurs lois, leur territoire, la jouissance de tous leurs biens privés et publics, à condition pour eux de livrer en otages trois cents enfants nobles dans un délai d'un mois et d'obéir aux consuls. Les enfants furent livrés aussitôt. Les consuls arrivèrent devant Carthage avec flotte de guerre et armée, et ordonnèrent qu'on leur remît toutes les armes et tous les instruments de guerre sans exception. L'ordre fut exécuté immédiatement. Les sénateurs, les anciens et les prêtres de Carthage vinrent alors se présenter aux consuls devant l'armée romaine. La scène qui suit, telle que la raconte Appien, est d'un tragique digne de Shakespeare, et rappelle en bien plus atroce ce qu'on a dit de la nuit passée par Hacha chez Hitler.
Un des consuls annonça aux Carthaginois présents devant lui que tous leurs concitoyens devaient quitter la proximité de la mer et abandonner la ville, et que celle-ci serait complètement rasée. « Il parlait encore qu'ils levèrent les mains vers le ciel avec des cris, attestant les dieux qu'on les avait trompés ; ils se répandirent en injures et en imprécations contre les Romains... Ils se jetèrent à terre, frappèrent le sol de leurs mains et de leurs fronts ; certains déchiraient leurs vêtements, se meurtrissaient le corps, comme pour punir la déraison qui les avait fait tomber dans ce piège. Quand leur fureur eut pris fin, il y eut un grand et morne silence, comme s'ils avaient été des cadavres gisants... Les consuls... savaient bien que les malheurs extrêmes poussent tout d'abord à la hardiesse, mais qu'avec le temps l'audace est subjuguée par la nécessité. C'est ce qui arriva aux Carthaginois. Car dans le silence, leur malheur les touchant plus vivement, ils cessèrent de s'indigner ; ils se mirent à pleurer sur eux-mêmes, sur leurs enfants et leurs femmes qu'ils appelaient par leurs noms, sur leur patrie à qui, comme si elle eût été un être humain capable de les entendre, ils disaient toutes sortes de choses pitoyables... Les consuls, bien que pris de pitié devant les vicissitudes des choses humaines, restaient impassibles, attendant le moment où les Carthaginois en auraient assez de pleurer. Quand les plaintes eurent pris fin, il y eut de nouveau un silence. Ils se rendirent compte alors que leur ville était sans armes, abandonnée, sans un vaisseau, sans une catapulte, sans un javelot, sans une épée, sans citoyens capables de combattre, après qu'il en était péri cinquante mille, sans mercenaires, sans un ami, sans un allié... Ils renoncèrent alors au tumulte et à l'indignation, comme inutiles dans le malheur, et eurent recours aux paroles. »
Suit un discours où l'orateur invoque le traité conclu avec Scipion et les promesses récentes et formelles du Sénat. « Il n'y a rien qui ait plus de pouvoir dans les supplications que l'invocation des traités ; et nous n'avons aucun autre refuge que les paroles, puisque tout ce que nous possédions de puissance, nous vous l'avons livré... Si pourtant vous ne supportez même pas ces arguments, nous allons laisser de côté tout cela, et, seul droit qui reste aux malheureux, pleurer et supplier... Nous vous donnons un autre choix, bien préférable pour nous, bien plus honorable pour vous ; notre ville, laissez-la intacte, elle qui ne vous a fait aucun mal ; et nous à qui vous ordonnez de la quitter, si vous voulez, faites-nous tous mourir... Ne souillez pas votre réputation par un acte dont l'exécution sera atroce, le récit atroce, et que vous seriez les premiers à avoir commis dans toute l'histoire ; car les Grecs et les Barbares ont fait bien des guerres, et vous en avez fait beaucoup, Romains, aux autres peuples ; mais jamais personne n'a anéanti une ville qui avait tendu les mains avant le combat, livré ses enfants et ses armes, et qui, s'il existe encore quelque autre châtiment parmi les hommes, consentait aussi à le souffrir. »
Les consuls refusèrent jusqu'à l'autorisation d'aller une fois encore supplier le Sénat, et ils expliquèrent que l'ordre de raser la ville avait été donné dans l'intérêt des Carthaginois eux-mêmes. Ce genre de raffinement dans l'injure, tout à fait ignoré des Grecs, n'a peut-être été retrouvé pleinement depuis qu'après 1933 Le peuple de Carthage fut pris de désespoir, et l'armée romaine, trop confiante en ses forces, livrée au désordre et aux plaisirs, dut faire un siège de trois ans avant de pouvoir détruire la ville et les habitants sous les ordres du second Africain. On peut voir dans Polybe, ce que pensèrent les Grecs de cette agression, à commencer par Polybe lui-même, malgré la réticence imposée à un sujet de Rome et à un humble client des Scipion.
La cruauté la plus horrible apparaît dans cette histoire autant que la perfidie, et s'y combine. Nul n'a jamais égalé les Romains dans l'habile usage de la cruauté. Quand la cruauté est l'effet d'un caprice, d'une sensibilité malade, d'une colère, d'une haine, elle a souvent des conséquences fatales à qui y cède ; la cruauté froide, calculée et qui constitue une méthode, la cruauté qu'aucune instabilité d'humeur, aucune considération de prudence, de respect ou de pitié ne peut tempérer, à laquelle on ne peut espérer échapper ni par le courage, la dignité et l'énergie, ni par la soumission, les supplications et les larmes, une telle cruauté est un instrument incomparable de domination. Car étant aveugle et sourde comme les forces de la nature, et pourtant clairvoyante et prévoyante comme l'intelligence humaine, par cet alliage monstrueux elle paralyse les esprits sous le sentiment d'une fatalité. On y résiste avec fureur, avec désespoir, avec le pressentiment du malheur, ou on y cède lâchement, ou on fait l'un et l'autre tour à tour ; de toutes manières l'esprit est aveuglé, incapable de calcul, de sang-froid et de prévision. Cet aveuglement apparaît chez tous les adversaires des Romains. De plus une cruauté de cette espèce fait naître des sentiments qui sembleraient n'être dus qu'à la clémence. Elle suscite la confiance, comme on le voit par l'histoire de Carthage, dans toutes les circonstances où il serait trop affreux de se défier ; car l'âme humaine répugne à regarder en face l'extrême malheur. Elle suscite la reconnaissance chez tous ceux qui auraient pu être anéantis et qui ne l'...

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