Quelques réflexions sur les origines de l'hitlérisme
eBook - ePub

Quelques réflexions sur les origines de l'hitlérisme

Les origines culturelles de la montĂ©e des extrĂȘmes en Europe analysĂ©es par la philosophe Simone Weil (1909-1943)

Simone Weil

Partager le livre
  1. 72 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Quelques réflexions sur les origines de l'hitlérisme

Les origines culturelles de la montĂ©e des extrĂȘmes en Europe analysĂ©es par la philosophe Simone Weil (1909-1943)

Simone Weil

DĂ©tails du livre
Aperçu du livre
Table des matiĂšres
Citations

À propos de ce livre

La montĂ©e du nazisme et les horreurs du rĂ©gime vĂ©hiculĂ© par Adolf Hitler avaient-ils des antĂ©cĂ©dents dans l'histoire? De qui s'est-il inspirĂ©? Dans quelle mesure, par exemple, la Rome antique fut-elle un modĂšle pour le FĂŒhrer? Simone Weil soumet plusieurs pistes de rĂ©flexions qui visent Ă  percevoir ici un ensemble de mĂ©canismes dont elle souligne les enchevĂȘtrements, la complexitĂ©, mettant in fine Ă  jour les racines de la folie hitlĂ©rienne. Son exposĂ© se compose de trois grandes parties: Permanence et changements des caractĂšres nationaux; Hitler et la politique extĂ©rieure de la Rome antique; Hitler et le rĂ©gime intĂ©rieur de l'empire romain.

Foire aux questions

Comment puis-je résilier mon abonnement ?
Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramĂštres et de cliquer sur « RĂ©silier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez rĂ©siliĂ© votre abonnement, il restera actif pour le reste de la pĂ©riode pour laquelle vous avez payĂ©. DĂ©couvrez-en plus ici.
Puis-je / comment puis-je télécharger des livres ?
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptĂ©s aux mobiles peuvent ĂȘtre tĂ©lĂ©chargĂ©s via l’application. La plupart de nos PDF sont Ă©galement disponibles en tĂ©lĂ©chargement et les autres seront tĂ©lĂ©chargeables trĂšs prochainement. DĂ©couvrez-en plus ici.
Quelle est la différence entre les formules tarifaires ?
Les deux abonnements vous donnent un accĂšs complet Ă  la bibliothĂšque et Ă  toutes les fonctionnalitĂ©s de Perlego. Les seules diffĂ©rences sont les tarifs ainsi que la pĂ©riode d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous Ă©conomiserez environ 30 % par rapport Ă  12 mois d’abonnement mensuel.
Qu’est-ce que Perlego ?
Nous sommes un service d’abonnement Ă  des ouvrages universitaires en ligne, oĂč vous pouvez accĂ©der Ă  toute une bibliothĂšque pour un prix infĂ©rieur Ă  celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! DĂ©couvrez-en plus ici.
Prenez-vous en charge la synthÚse vocale ?
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte Ă  haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accĂ©lĂ©rer ou le ralentir. DĂ©couvrez-en plus ici.
Est-ce que Quelques réflexions sur les origines de l'hitlérisme est un PDF/ePUB en ligne ?
Oui, vous pouvez accĂ©der Ă  Quelques rĂ©flexions sur les origines de l'hitlĂ©risme par Simone Weil en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Politics & International Relations et Politics. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages Ă  dĂ©couvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Books on Demand
Année
2019
ISBN
9782322136384

HITLER ET LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DE LA ROME
ANTIQUE

L'analogie entre le systĂšme hitlĂ©rien et l'ancienne Rome est si frappante qu'on pourrait croire que seul depuis deux mille ans Hitler a su copier correctement les Romains. Si elle n'est pas tout d'abord Ă©vidente Ă  nos yeux, c'est que nous avons presque appris Ă  lire dans Corneille et dans le De Viris ; nous sommes habituĂ©s Ă  nous mettre Ă  la place des Romains; mĂȘme quand c'est la Gaule dont ils s'emparent ; aujourd'hui que nous sommes pris dans une situation analogue, mais oĂč c'est notre ennemi qui joue le rĂŽle de Rome, nous ne reconnaissons pas l'analogie. Car ce sont les conquĂȘtes qu'on est menacĂ© de subir qui font horreur ; celles qu'on accomplit sont toujours bonnes et belles. De, plus, nous ne connaissons l'histoire romaine que par les Romains eux-mĂȘmes et par leurs sujets grecs, contraints, les malheureux, Ă  flatter leurs maĂźtres ; il faut ainsi un effort de critique continuel pour apprĂ©cier Ă©quitablement la politique de Rome. Nous ne possĂ©dons pas la version qu'auraient pu en donner les Carthaginois, les Espagnols, les Gaulois, les Germains, les Bretons.
Les Romains ont conquis le monde par le sĂ©rieux, la discipline, l'organisation, la continuitĂ© des vues et de la mĂ©thode ; par la conviction qu'ils Ă©taient une race supĂ©rieure et nĂ©e pour commander ; par l'emploi mĂ©ditĂ©, calculĂ©, mĂ©thodique de la plus impitoyable cruautĂ©, de la perfidie froide, de la propagande la plus hypocrite, employĂ©es simultanĂ©ment ou tour Ă  tour ; par une rĂ©solution inĂ©branlable de toujours tout sacrifier au prestige, sans ĂȘtre jamais sensibles ni au pĂ©ril, ni Ă  la pitiĂ©, ni Ă  aucun respect humain ; par l'art de dĂ©composer sous la terreur l'Ăąme mĂȘme de leurs adversaires, ou de les endormir par l'espĂ©rance, avant de les asservir avec les armes ; enfin par un maniement si habile du plus grossier mensonge qu'ils ont trompĂ© mĂȘme la postĂ©ritĂ© et nous trompent encore. Qui ne reconnaĂźtrait ces traits ?
Les Romains ont su manier à leur gré les sentiments des hommes. C'est ainsi qu'on devient maßtre du monde. Tout pouvoir qui s'accroßt suscite autour de lui des sentiments divers ; si, par science ou bonne fortune, il suscite ceux qui lui donnent le moyen de s'accroßtre encore, il ira loin. Les peuples et les hommes placés autour du territoire soumis à Rome ont éprouvé, comme tous les mortels, tour à tour la crainte, la terreur, la colÚre, l'indignation, l'espérance, la tranquillité, la torpeur ; mais ce qu'ils éprouvaient à chaque moment était précisément ce qui était utile à Rome, et cela par l'art des Romains. Il faut pour un tel art une espÚce de génie, mais aussi une brutalité sans limites et qui n'a d'égard à rien.
On ne peut dĂ©passer les Romains dans l'art d'ĂȘtre perfide. La perfidie a deux inconvĂ©nients : elle suscite l'indignation et empĂȘche qu'on ne soit cru par la suite. Les Romains ont su Ă©viter l'un et l'autre, parce qu'ils Ă©taient perfides seulement quand ils pouvaient Ă  ce prix anĂ©antir leurs victimes. Ainsi aucune d'elles n'Ă©tait en Ă©tat de leur reprocher leur mauvaise foi. D'autre part, les spectateurs Ă©taient frappĂ©s de terreur ; comme la terreur rend l'Ăąme crĂ©dule, la perfidie mĂȘme des Romains avait pour effet d'augmenter au lieu de diminuer autour d'eux l'inclination Ă  les croire ; on croit volontiers ce qu'on dĂ©sire vivement ĂȘtre vrai. En mĂȘme temps les Romains louaient leur propre bonne foi avec une conviction contagieuse, et mettaient un soin extrĂȘme Ă  sembler se dĂ©fendre et non attaquer, Ă  paraĂźtre respecter les traitĂ©s et les conventions, sauf lorsqu'ils pouvaient frapper impunĂ©ment, et parfois mĂȘme en ce cas. Une de leurs coutumes Ă©tait, quand un traitĂ© conclu par un de leurs consuls leur semblait trop modĂ©rĂ©, de recommencer la guerre et de livrer ce consul nu et enchaĂźnĂ© aux ennemis en expiation du traitĂ© rompu ; ceux-ci, qui ignoraient cet usage et croyaient la paix Ă©tablie, ne trouvaient dans ce corps nu qu'une faible consolation. Les exemples de perfidie et de foi violĂ©e sont si nombreux dans l'histoire romaine qu'ils seraient trop longs Ă  tous citer ; ils ont tous un caractĂšre commun, c'est qu'ils sont calculĂ©s et prĂ©mĂ©ditĂ©s. C'est, ainsi que les Romains purent se donner une rĂ©putation de loyautĂ©. Retz dit que lorsqu'on a froidement rĂ©solu de faire le mal, on peut garder les apparences, au lieu que si on ne veut pas le faire, et si nĂ©anmoins on s'y laisse aller, on provoque toujours un scandale. Les Romains ont appliquĂ© ce principe Ă  la violation de la parole donnĂ©e ; au lieu que les autres peuples qui, comme les Carthaginois, manquĂšrent Ă  leur parole par besoin, par fureur, par dĂ©sespoir, eurent une rĂ©putation de perfidie mĂȘme auprĂšs de la postĂ©ritĂ©, qui n'Ă©coute jamais les vaincus.
Le plus bel exemple est celui de Paul-Émile, quand il fit en une seule heure le sac de soixante-dix villes et emmena leurs habitants comme esclaves, aprĂšs avoir promis Ă  ces villes le salut et avoir introduit dans chacune un dĂ©tachement armĂ© Ă  la faveur de cette promesse. Le SĂ©nat Ă©tait l'auteur de cette ruse. L'histoire des guerres espagnoles, dans Appien, est pleine de gĂ©nĂ©raux romains qui violent leur parole, massacrent des peuples entiers aprĂšs les avoir dĂ©sarmĂ©s en leur promettant la libertĂ© et la vie, attaquent par surprise aprĂšs avoir conclu la paix. Mais le plus affreux effet de la perfidie romaine fut le malheur de Carthage, oĂč une civilisation qui, grĂące Ă  l'influence de l'Orient et de la GrĂšce, Ă©tait sans doute pour le moins aussi brillante que la civilisation latine, fut anĂ©antie pour toujours et sans laisser aucune trace.
Carthage avait eu d'abord la bonne fortune, si l'on peut dire, d'ĂȘtre vaincue par un des trĂšs rares Romains qui aient donnĂ© des marques de modĂ©ration, Ă  savoir le premier Africain. Elle put ainsi survivre Ă  la perte de toute sa puissance, mais dut contracter une alliance avec Rome et promettre de ne jamais engager la guerre sans sa permission. Au cours du demi-siĂšcle qui suivit, les Numides ne cessĂšrent pas d'envahir et de piller le territoire de Carthage, qui n'osait se dĂ©fendre ; pendant la mĂȘme pĂ©riode de temps elle aida les Romains dans trois guerres. Les envoyĂ©s carthaginois, prosternĂ©s sur le sol de la Curie, tenant des rameaux de suppliants, imploraient avec des larmes la protection de Rome, Ă  laquelle le traitĂ© leur donnait droit ; le SĂ©nat se gardait bien de la leur accorder. Enfin, poussĂ©e Ă  bout par une incursion numide plus menaçante que les autres, Carthage prit les armes, fut vaincue, vit son armĂ©e entiĂšrement dĂ©truite. Ce fut le moment que Rome choisit pour dĂ©clarer la guerre, allĂ©guant que les Carthaginois avaient combattu sans sa permission. Des dĂ©lĂ©guĂ©s de Carthage vinrent Ă  Rome implorer la paix, et, ne pouvant l'obtenir autrement, se remirent Ă  la discrĂ©tion du SĂ©nat. Celui-ci accorda aux Carthaginois la libertĂ©, leurs lois, leur territoire, la jouissance de tous leurs biens privĂ©s et publics, Ă  condition pour eux de livrer en otages trois cents enfants nobles dans un dĂ©lai d'un mois et d'obĂ©ir aux consuls. Les enfants furent livrĂ©s aussitĂŽt. Les consuls arrivĂšrent devant Carthage avec flotte de guerre et armĂ©e, et ordonnĂšrent qu'on leur remĂźt toutes les armes et tous les instruments de guerre sans exception. L'ordre fut exĂ©cutĂ© immĂ©diatement. Les sĂ©nateurs, les anciens et les prĂȘtres de Carthage vinrent alors se prĂ©senter aux consuls devant l'armĂ©e romaine. La scĂšne qui suit, telle que la raconte Appien, est d'un tragique digne de Shakespeare, et rappelle en bien plus atroce ce qu'on a dit de la nuit passĂ©e par Hacha chez Hitler.
Un des consuls annonça aux Carthaginois prĂ©sents devant lui que tous leurs concitoyens devaient quitter la proximitĂ© de la mer et abandonner la ville, et que celle-ci serait complĂštement rasĂ©e. « Il parlait encore qu'ils levĂšrent les mains vers le ciel avec des cris, attestant les dieux qu'on les avait trompĂ©s ; ils se rĂ©pandirent en injures et en imprĂ©cations contre les Romains... Ils se jetĂšrent Ă  terre, frappĂšrent le sol de leurs mains et de leurs fronts ; certains dĂ©chiraient leurs vĂȘtements, se meurtrissaient le corps, comme pour punir la dĂ©raison qui les avait fait tomber dans ce piĂšge. Quand leur fureur eut pris fin, il y eut un grand et morne silence, comme s'ils avaient Ă©tĂ© des cadavres gisants... Les consuls... savaient bien que les malheurs extrĂȘmes poussent tout d'abord Ă  la hardiesse, mais qu'avec le temps l'audace est subjuguĂ©e par la nĂ©cessitĂ©. C'est ce qui arriva aux Carthaginois. Car dans le silence, leur malheur les touchant plus vivement, ils cessĂšrent de s'indigner ; ils se mirent Ă  pleurer sur eux-mĂȘmes, sur leurs enfants et leurs femmes qu'ils appelaient par leurs noms, sur leur patrie Ă  qui, comme si elle eĂ»t Ă©tĂ© un ĂȘtre humain capable de les entendre, ils disaient toutes sortes de choses pitoyables... Les consuls, bien que pris de pitiĂ© devant les vicissitudes des choses humaines, restaient impassibles, attendant le moment oĂč les Carthaginois en auraient assez de pleurer. Quand les plaintes eurent pris fin, il y eut de nouveau un silence. Ils se rendirent compte alors que leur ville Ă©tait sans armes, abandonnĂ©e, sans un vaisseau, sans une catapulte, sans un javelot, sans une Ă©pĂ©e, sans citoyens capables de combattre, aprĂšs qu'il en Ă©tait pĂ©ri cinquante mille, sans mercenaires, sans un ami, sans un alliĂ©... Ils renoncĂšrent alors au tumulte et Ă  l'indignation, comme inutiles dans le malheur, et eurent recours aux paroles. »
Suit un discours oĂč l'orateur invoque le traitĂ© conclu avec Scipion et les promesses rĂ©centes et formelles du SĂ©nat. « Il n'y a rien qui ait plus de pouvoir dans les supplications que l'invocation des traitĂ©s ; et nous n'avons aucun autre refuge que les paroles, puisque tout ce que nous possĂ©dions de puissance, nous vous l'avons livrĂ©... Si pourtant vous ne supportez mĂȘme pas ces arguments, nous allons laisser de cĂŽtĂ© tout cela, et, seul droit qui reste aux malheureux, pleurer et supplier... Nous vous donnons un autre choix, bien prĂ©fĂ©rable pour nous, bien plus honorable pour vous ; notre ville, laissez-la intacte, elle qui ne vous a fait aucun mal ; et nous Ă  qui vous ordonnez de la quitter, si vous voulez, faites-nous tous mourir... Ne souillez pas votre rĂ©putation par un acte dont l'exĂ©cution sera atroce, le rĂ©cit atroce, et que vous seriez les premiers Ă  avoir commis dans toute l'histoire ; car les Grecs et les Barbares ont fait bien des guerres, et vous en avez fait beaucoup, Romains, aux autres peuples ; mais jamais personne n'a anĂ©anti une ville qui avait tendu les mains avant le combat, livrĂ© ses enfants et ses armes, et qui, s'il existe encore quelque autre chĂątiment parmi les hommes, consentait aussi Ă  le souffrir. »
Les consuls refusĂšrent jusqu'Ă  l'autorisation d'aller une fois encore supplier le SĂ©nat, et ils expliquĂšrent que l'ordre de raser la ville avait Ă©tĂ© donnĂ© dans l'intĂ©rĂȘt des Carthaginois eux-mĂȘmes. Ce genre de raffinement dans l'injure, tout Ă  fait ignorĂ© des Grecs, n'a peut-ĂȘtre Ă©tĂ© retrouvĂ© pleinement depuis qu'aprĂšs 1933 Le peuple de Carthage fut pris de dĂ©sespoir, et l'armĂ©e romaine, trop confiante en ses forces, livrĂ©e au dĂ©sordre et aux plaisirs, dut faire un siĂšge de trois ans avant de pouvoir dĂ©truire la ville et les habitants sous les ordres du second Africain. On peut voir dans Polybe, ce que pensĂšrent les Grecs de cette agression, Ă  commencer par Polybe lui-mĂȘme, malgrĂ© la rĂ©ticence imposĂ©e Ă  un sujet de Rome et Ă  un humble client des Scipion.
La cruautĂ© la plus horrible apparaĂźt dans cette histoire autant que la perfidie, et s'y combine. Nul n'a jamais Ă©galĂ© les Romains dans l'habile usage de la cruautĂ©. Quand la cruautĂ© est l'effet d'un caprice, d'une sensibilitĂ© malade, d'une colĂšre, d'une haine, elle a souvent des consĂ©quences fatales Ă  qui y cĂšde ; la cruautĂ© froide, calculĂ©e et qui constitue une mĂ©thode, la cruautĂ© qu'aucune instabilitĂ© d'humeur, aucune considĂ©ration de prudence, de respect ou de pitiĂ© ne peut tempĂ©rer, Ă  laquelle on ne peut espĂ©rer Ă©chapper ni par le courage, la dignitĂ© et l'Ă©nergie, ni par la soumission, les supplications et les larmes, une telle cruautĂ© est un instrument incomparable de domination. Car Ă©tant aveugle et sourde comme les forces de la nature, et pourtant clairvoyante et prĂ©voyante comme l'intelligence humaine, par cet alliage monstrueux elle paralyse les esprits sous le sentiment d'une fatalitĂ©. On y rĂ©siste avec fureur, avec dĂ©sespoir, avec le pressentiment du malheur, ou on y cĂšde lĂąchement, ou on fait l'un et l'autre tour Ă  tour ; de toutes maniĂšres l'esprit est aveuglĂ©, incapable de calcul, de sang-froid et de prĂ©vision. Cet aveuglement apparaĂźt chez tous les adversaires des Romains. De plus une cruautĂ© de cette espĂšce fait naĂźtre des sentiments qui sembleraient n'ĂȘtre dus qu'Ă  la clĂ©mence. Elle suscite la confiance, comme on le voit par l'histoire de Carthage, dans toutes les circonstances oĂč il serait trop affreux de se dĂ©fier ; car l'Ăąme humaine rĂ©pugne Ă  regarder en face l'extrĂȘme malheur. Elle suscite la reconnaissance chez tous ceux qui auraient pu ĂȘtre anĂ©antis et qui ne l'...

Table des matiĂšres