Nègre Blanc
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Nègre Blanc

Priez pour nous

Arvo Steinberg, Julie Redon, Vincent Hedoin, Théau Leidner, Juana Sabina Ortega, Joh Pacheco Surriable, Pierre Renier, Rachel Abaldalb, Isidore De Palsuie, Cyril Torres, Alas Steinberg, Pablo Steinberg

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  1. 80 pages
  2. French
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Nègre Blanc

Priez pour nous

Arvo Steinberg, Julie Redon, Vincent Hedoin, Théau Leidner, Juana Sabina Ortega, Joh Pacheco Surriable, Pierre Renier, Rachel Abaldalb, Isidore De Palsuie, Cyril Torres, Alas Steinberg, Pablo Steinberg

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About This Book

Numéro 2 de la revue Nègre Blanc créée par Arvo Steinberg: Nouvelles, poésies et visuels (peinture, dessin, photographie, collage etc.)Revue artisanale et indépendante: goût pour l'avant-garde, l'expérimentation et l'underground.

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Information

Year
2019
ISBN
9782322130740
Edition
1
Subtopic
Poesía

I.

…Pauvre Farah… De toi, il ne reste que cet espace vide de ta présence mais encore plein de toi et de tes choses. Il y fotte encore une odeur de toast chaud… comme un semblant de dimanche matin ensoleillé…
Je sens les larmes quimontent, un frisson me parcourt. J’ai les yeux gros de l’envie de pleurer. Je pose ma main sur ta table, celle sur laquelle tu dessinais parfois ces androgynes squelettiques, les paupières lourdes de couleurs, les yeux pleins de mélancolie, éternels… Je pense, « Je n’aurais jamais dû t’offrir ce livre sur Egon Schiele » et j’en ris.
J’empile ce que je sais de toi, je l’associe, je pose mon front sur une pile de bouquins t’ayant appartenu, je crie dans la salle de bain pour espérer décoller des murs un peu de tes murmures, de ces choses que tu devais te dire, le matin, devant ta petite glace.
Je théâtralise mon chagrin.
J’ai ce livre entre les mains, Ombres et Lumières sur les Mythologies perdues, il était sur ton rocking-chair. J’adore ce genre de livre. J’ai eu le temps d’en lire un bout, ça m’a donné envie d’écrire. Sais-tu que j’adore raconter des histoires ? Dans ce bouquin il y a un tas de phrases efrayantes. Des paragraphes obscurs qui parlent de tout et de rien, bourrés de métaphores. Tiens celui-là par exemple :
(…) Ainsides Faluns était né l’homme de cristal, dont l’intérieur visible comme le sommet des montagnes renfermait une étrange vapeur triturée d’éclairs dansants, menée par des vents qui en dictaient les tourbillons. Mais voilà, avec le temps la vapeur devint grasse, maculant les parois de cristal. Bientôt ilne fut plus possible d’y voir et l’homme fgé, retourné à la roche, n’avait gardé de ses secrets que des orbites remplies de sable (…)
Ça me parle, ça me parle bien plus que tous ces torchons remplis de petits sentiments indigestes que j’ai pu lire.
Je ne m’aime pas. J’aime Farah. Est-ce qu’elle m’aimait ? En était-elle seulement capable ?
Il y a du bruit dans la cage d’escalier.
Il y a du bruit dans la cage d’escalier.
Je me précipite à la porte, je m’y colle de tout mon long, déverse mon regard dans le judas. Mon cœur ne palpite plus, ilvibre. Ma bouche est sèche, je n’ai rien mangé depuis hier.
J’ai un couteau dans la poche.
Dans le petit cercle j’aperçois deux types plein de cambouis qui descendent l’escalier. La voisine sur son palier leur dit bonjour. Encore une vieille folle.
Elle me regarde.
Elle a tourné ses yeux vers moi, à travers la putain de porte, comment a-t-elle fait ? Je retiens ma respiration, comme à l’école quand je ne voulais pas que le prof de math me fasse passer au tableau.
Elle me regarde.
Je me laisse glisser le long de la porte, doucement.
Elle me regarde.
Il ne faudrait pas non plus qu’elle m’entende. Il ne faut surtout pas qu’elle panique. Je reste assis contre la porte. Aujourd’hui encore, la lumière est telle dans cet appartement, que je finis par faire éclater en sanglots. J’ouvre grand la bouche, je plisse fort mes yeux. Mon nez est envahi par la morve et ma bouche est comme remplie de glu. J’étouffe un râle de désespoir. Faudrait pas qu’elle m’entende la vieille carne. J’étale mes larmes sur mon visage et me lève. Je cale mon œil rougit dans le judas. Elle n’est plus là.
J’aime bien cet immeuble. L’appartement est au cinquième étage et la cuisine a une vue plongeante sur une cour exiguë qui croule sous les chaussettes et les torchons qui ont été pris dans le vent sur les cordes à linge. En face on peut voir la cuisine de la voisine. J’imagine Farah papoter de fenêtre à fenêtre dans la ligne directe des éviers, en faisant la vaisselle en même temps que la vieille. Le vent qui s’engouffre dans la pièce lui faisant doucement frémir ses cheveux…
La vieille est dans sa cuisine et elle me fixe. Je sursaute. On reste tous les deux à se regarder avec étonnement, prêts à déguerpir s’il le faut, comme deux chats qui se croisent sur un toit de tuiles. Je la salue d’un geste sec et maladroit. En retour, elle me dévisage.
J’ai un couteau dans la poche.
Ce n’est pas que j’aie envie de m’en servir, mais elle commence à m’inquiéter. Va savoir ce qu’il peut passer comme idioties dans le crâne d’une vieille. Je vais aller la voir moi, je vais prendre les devants et je lui dirai : Bonjour ! Je suis monsieur un tel, ami-amant-frère-cousin-avocat de mademoiselle Kannila, oui, drôle de mélange ces noms, hein ? Oui, bien sur ma petite dame ! J’irai lui dire tout ça et je serai à l’aise, pour qu’elle pense à autre chose que sa méfiance, qu’elle se dise simplement que je suis une curieuse personne. Il faut en arriver là avec les gens, il faut prendre les devants si on veut s’en débarrasser, leur raconter tout et n’importe quoi pour bien les endormir. À un moment la personne en face de vous lâche l’affaire et petit à petit se fait à l’idée que vous êtes un crétin inoffensif, et c’est à moment qu’il faut attaquer.

II.

Je suis dans l’appartement de la vieille, une certaine madame Schnitzer, je l’ai lu sur sa sonnette. J’ai d’ailleurs dû sonner deux fois avant qu’elle ne daigne m’ouvrir. Comme tous les vieux elle doit être sourde comme un pot. J’ai attendu un petit moment, j’ai entendu des bruits de pas traînant dans des pantoufles bien larges.
La vieille m’a ouvert la porte et ne m’a pas reconnu. J’aurais dû laisser les choses là et dire que je m’étais trompé, mais ça sentait bon le gâteau chaud et le café.
J’ai donc menti :
Monsieur Bergstein, Wallace, avocat et ami proche de mademoiselle Kannila. Elle aurait été victime de harcèlements de la part de son ex petit-ami et m’aurait envoyé dans son appartement en éclaireur au cas où le psychopathe roderait encore dans les parages. « Avez-vous lu les faits divers récents madame ? On n’est jamais trop prudents ! » lui avais-je dit, avec toute l’affectation d’un homme inquiet pour sa patrie. Schnitzer opina du chef et se confondit en oh là là typiques des gens fatigués qui ne savent même plus de quoi on parle, sur quoi elle m’invita à venir discuter de tout ça à l’intérieur.
Alors que je suis assis dans un fauteuil confortable, les mains croisées sur le ventre, je réalise que je suis extrêmement fatigué. La nuit dernière a été terriblement courte et agitée.
Autour de moi, les nombreuses babioles semblent de la moisissure sortie d’un bois pourri. Il y a quelques photos de famille. L’appartement n’est pas très lumineux et le peu de soleil qui entre est filtré par des rideaux bleus azur que je n’aime pas. J’imagine le reste de la pièce parce que j’ai les yeux fermés et que je divague dans ma somnolence. J’entends une porte qui s’ouvre au loin, des craquements, peut-être même de la musique à fond dans des écouteurs. Encore des pantoufles ? Dans la cuisine j’entends tinter de la vaisselle. L’air frémit. Je sombre.
« Alors monsieur Bergstein, vous l’aimez avec du sucre votre café ? », Je sursaute comme un petit chien et bondit du fauteuil, je ne crois pas que la vieille ait remarqué quoi que ce soit. Je raccommode mon pantalon, mes cheveux et refuse le sucre. Il y a une grosse part de gâteau dans une soucoupe et même plus précisément trois parts, dans trois soucoupes différentes. J’écarquille les yeux et regarde la vieille. Elle est tellement sénile qu’e...

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