Camorra sound
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Camorra sound

La mafia dans la chanson populaire napolitaine, entre justifications, exaltations et condamnation

Daniele Sanzone

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La mafia dans la chanson populaire napolitaine, entre justifications, exaltations et condamnation

Daniele Sanzone

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C'est un livre qui cherche à comprendre quand et comment la camorra est entrée dans la chanson populaire napolitaine. C'est un voyage dans l'histoire de la musique et de la criminalité organisée de la Campanie et de l'Italie de ces quarante dernières années. Pour réaliser ce travail, l'auteur est allé à la rencontre d'artistes et d'acteurs culturels d'hier et d'aujourd'hui, parmi eux: Caparezza, Edoardo Bennato, Teresa De Sio, Dario Fo, etc.

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Information

Publisher
Academia
Year
2016
ISBN
9782806120922

La musique du « système »

Au début de nouveau millénaire, la camorra devient le système. On ne parle plus de la camorra, mais du système de Secondigliano, de Scampia, de Casale, pour identifier les différents cartels criminels. Ce sont les camorristes eux-mêmes qui se désignent de cette manière. Un système organisé et dirigé par les familles criminelles, capable de s’occuper de ses membres du berceau à la tombe. Une structure flexible et en mouvement perpétuel, impliquée dans des affaires économiques de tout genre. Désormais, dans l’Italie du Sud, les mafias conditionnent fortement le cadre économique et social d’au moins trois régions du Sud, tout en ayant des racines pratiquement dans toute la péninsule et dans différents continents.
Il y a quelques années, l’écrivain Roberto Saviano se demandait : « Mais où étiez-vous ? Où étiez-vous quand on tuait deux personnes par jour ? Où étiez-vous quand le procès Spartacus se concluait ? (…) Où étiez-vous quand mourraient des innocents comme Attilio Romano, coupable de travailler dans un commerce et que les clans avaient décidé de donner cet emploi à un lointain parent d’un camorriste, ou quand, en 2002, on a tiré une balle dans la tête du syndicaliste Federico Del Prete et que la nouvelle n’a même pas fait une ligne dans la presse nationale ? Pendant des années, quand on écrivait sur ces choses en dehors des faits divers, c’était la même rengaine, on nous prenait pour des fous, des malades, des enfants d’un lointain passé. »1 Pour Saviano, durant ces années, à Naples, apparaissait une nouvelle manière de raconter ce qui se passait devant les yeux de tout le monde. Photographes, cinéastes, écrivains comme Maurizio Braucci, Valeria Parrella, Davide Morganti, Antonio Pasquale, Mario Spada, Peppe Lanzetta et les groupes musicaux ‘A67 et CoSang « qui ne naissent plus dans les centres sociaux, mais dans les banlieues de la camorra, et font entendre une colère qui n’est plus seulement dirigée contre quelque chose, mais intérieure, ils parlent pour et contre ceux à côté desquels ils vivent, auxquels ils appartiennent, à qui ils ressemblent. Tous ont trouvé de nouveaux modes, moins conciliants, pour raconter leur époque et agir sur elle. Des regards différents, des langages différents qui déforment le réel pour en extraire la vérité. »2
Des cendres de la « Renaissance napolitaine » tant vantée naissent, dans le nord de Naples, le rock des ‘A67 et le hip-hop de CoSang, Fabio Farti Mc, Fuossera et Kosanost, des artistes qui ont fait de la périphérie leur centre d’attention. Une périphérie qui, entre autres, a beaucoup contribué à enrichir la musique italienne, à partir de 1700, avec Sant’Alfonso Maria de’ Liguori, prêtre, poète, musicien, originaire de Marianella, auteur de classiques comme Tu scendi dalle stelle et Quanne’ nascette ninno. En 1966, c’est de là que sortent aussi les Showmen menés par le « métis » Mario Musella, disparu en 1979 à 34 ans seulement. À la suite de sa mort, le saxophoniste James Senese et le batteur Franco Del Prete fondent le groupe avant-gardiste Napoli Centrale, et enfin, toujours originaires de Marianella, il y a le saxophoniste et chanteur Enzo Avitabile et le projet collectif Concerto Musicale Speranza du saxophoniste Pino Ciccarelli.
Mais désormais, la Campanie d’il y a quarante ans, chantée par Napoli Centrale est devenue une coulée de béton. Les nouveaux groupes sont les enfants de « non-lieux », de quartiers sans identité ni histoire où règne la loi du « système ». Napule è de Pino Daniele, devenue Napoli avec les 99 Posse, a définitivement englobé les périphéries pour devenir ‘A67, Din ‘a sti vicoli et Int’o rione.
Les nouvelles générations qui ont grandi à l’ombre des tours de Scampia, Secondigliano, Marianella et Piscinola racontent leur Naples au rythme du rock et du hip-hop. Ce sont des voix qui viennent de l’intérieur, comme les néomélodistes, qui vivent la réalité qu’ils chantent à la première personne en parlant aux gens du quartier. C’est ce décalage qui les rend différents de la musique militante des centres sociaux. Toutes deux proviennent des banlieues marginalisées de Naples, mais, alors que le phénomène posse avait une forte connotation idéologique et faisait partie d’un réseau national avec lequel il dialoguait et collaborait, la musique du système est faite et consommée par les gens du coin. À la différence de Raiz, qui jouait le rôle du tueur, ‘o malamente, ici, on ne joue le rôle de personne, depuis le front, on raconte le quotidien. Un quotidien fait de boss, de guetteurs, de tueurs, de règlements de compte, d’armes et de drogues. Un monde qui pénètre leur musique avec force. Avec un langage cru et dicté par l’époque, un dialecte aux tons sombres et agressifs, souvent incompréhensible au reste de la ville, tant par l’argot utilisé que par les contenus. C’est l’histoire de qui a grandi sur les lieux des trafics et qui a subi quotidiennement la présence du « système ». Ne pouvant faire face à et résoudre la réalité, ils la subliment dans les chansons. La musique représente la soupape de sécurité pour les enfants du « petit Bronx » de Naples.
Ce truove int’o rione
Nun me sento buono mammà ca me succede
‘e frati mieie s’’o fummamo ancora e dint’ ‘e frasi nostre ‘a rivoluzione
chisto è ‘o suono nuovo ‘o ssaje è malammore
Int’o rione, Poesia cruda Dischi, 2005
(On est dans le quartier
je ne me sens pas bien maman, qu’est-ce qu’il m’arrive ?
mes frères le fument encore et dans nos phrases, la révolution
c’est le nouveau son, tu le sais, c’est le malamour.)
Et encore :
Ccà ‘o passate ci ha inguaiati e ‘o presente ha continuato
‘o sanghe s’è squagliato ma ccà niente è cagnato
ci sta sempe quaccheduno ca si sente meglio ‘e ‘n ato
pecché ccà chello che esiste è ‘a legge do camurrista manco Dio esiste
nun si contano manco e muorti, stammo c’’o sanghe
all’uocchie
ma nisciuno se ne fotte, pecché fa comodo a chi sta acoppa
‘A67, Polosud, 2004
(Ici le passé nous a foutus dans les emmerdes et le présent a continué
le sang a fondu mais ici rien n’a changé
il y a toujours quelqu’un qui se sent meilleur que les autres
parce que ici c’est la loi du camorriste qui existe, Dieu n’existe pas
on ne compte pas les morts, nous avons du sang dans les yeux
mais cela n’intéresse personne parce que ça arrange ceux qui sont en haut.)
Une périphérie méprisée par sa propre ville qui la considère comme sa perte. Une condition d’abord subie et puis affirmée avec orgueil dans la musique post « Renaissance ». De Scampia, où les taux de chômage et de décrochage scolaire sont les plus élevés d’Italie, vient le cross-over des ‘A67 (la 167 de Secondigliano-Scampia).3 En 2001, Rai Radio 1 Demo4 diffuse leur première chanson : Voglie parla, un hymne à la destruction du mur de l’omerta qui règne dans le Sud.
Mo siente ‘e fatte comme stranne
E po’ dimme tu se so’ pazzo o m’agio rutt’ o’ cazzo
‘e sta situazione e percio te parlo ‘e rivoluzione
me trovo ccà pecché aggia sfucà
pecché nun c’ha faccio cchiu a guardà senza parla
aggio visto gente ca pe’ magna è costretta a ghi arubà
e gente ca va a rrubbà sulamente pe’ se sfizia
gente c’accide e gente ca s’accide
aggio visto ‘e magna fin’a schiattà e gente ‘e schiattà pecché nu po’ magna
aggio visto guagliune ‘e buscà sulo pe’ se fuma ‘na canna criature vennere l’eroina pe’ portà e sordi ‘a mamma
aggio visto ‘e muri pe’ ‘na stronzata e accurtellà pe’ ‘na guardata e mo dimmi tu che fa ‘o Stato ?
Mo me sento ‘e dicere ca l’Europa s’è unita ca ‘e cose so’ cagnate ma ‘a ggente mia continua a nun magna e ‘mmiez’ ‘a via se sente ancora ‘e sparà
stongo ascenno pazzo dint’a stu manicomio addo si’ omme
sulo se he visto ‘a galéra a si vaje facenno ‘e tarantelle
rischianno ogni juorno pe’ nu suspiro ‘e viento
mentre ion un vaco niente pecché nun sto ‘mmiez’ o burdello
nun sarraje maje niuscuno si’ nun appartienne a un bbuono
pecché ccà cumannane lloro e tu nun te puo avutà
pecché aderete nun tiene a nisciuno.
Compilation The best of Demo, Rai Trade, 2003
(Écoute comment sont les choses
et après dis-moi si je suis fou ou si je me suis cassé le cul
avec cette situation et c’est pour ça que je te parle de révolution
je suis là parce que je dois me soulager
parce que je n’en peux plus de regarder sans parler
j’ai vu des gens qui pour manger sont obligés de voler
et des gens qui vont voler pour se distraire
des gens qui tuent, des gens qui se tuent
j’en ai vu manger jusqu’à en mourir et d’autres mourir de ne pas manger
j’ai vu des jeunes se faire tabasser pour avoir fumé un joint
des enfants vendre de l’héroïne pour ramener de l’argent à leur mère
j’ai vu mourir pour une connerie et poignarder pour un regard
alors, dis-moi que fait l’État ?
j’entends dire que l’Europe s’est unie et que les choses ont changé mais les miens continuent à ne pas manger et dans la rue on entend
toujours tirer
je deviens fou dans cet asile où tu n’es un homme
que si tu as été en prison ou que tu es dans le business
prenant des risques chaque jour pour avoir la paix
alors que moi je ne vaux rien parce que je ne suis pas dans ces histoires
tu ne seras jamais personne si tu n’appartiens pas à « l’un d’eux »
parce que ce sont eux q...

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