Histoire de l'hôpital Sainte-Anne de Baie-Saint-Paul
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Histoire de l'hôpital Sainte-Anne de Baie-Saint-Paul

Dans Charlevoix tout se berce

Margaret Porter, Lucia Ferretti

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Histoire de l'hôpital Sainte-Anne de Baie-Saint-Paul

Dans Charlevoix tout se berce

Margaret Porter, Lucia Ferretti

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L'Hôpital Sainte-Anne de Baie-Saint-Paul a longtemps laissé dans la mémoire collective une empreinte très nette: on savait, ou du moins on était certain de savoir, que c'est là qu'étaient envoyés les bébés infirmes, ceux qu'on appelait les « monstres ». On n'aurait rien pu dire d'autre de cet établissement, mais n'était-ce pas déjà bien assez? Margaret Porter a consacré les dernières années de sa vie à écrire l'histoire de ce qui fut la première oeuvre, et la principale, des ­Petites Franciscaines de Marie. Dans un style simple et imagé, elle fait entrer les lecteurs dans la vie que les soeurs et les ­hospitalisés ont partagée pendant des décennies. Elle montre aussi comment voir au-delà des apparences. Pour Lucia Ferretti, ce livre s'impose comme une contribution unique à l'histoire des hôpitaux psychiatriques et notamment à l'histoire de la déficience intellectuelle, et comme une réflexion renversante sur la manière de faire humanité.Soeur Margaret Porter (1916-1980) entre chez les Petites Franciscaines de Marie à l'âge de 14ans. Ensuite, elle enseigne pendant une trentaine d'années dans des écoles appartenant à sa congrégation. En 1964, elle met sur pied et dirige le Centre médico-psycho-pédagogique de l'Hôpital Sainte-Anne. En 1975, soeur Porter commence la préparation de ce livre. Elle meurt peu après l'avoir achevé. Lucia Ferretti est historienne et professeure à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Ses travaux en histoire socioreligieuse lui ont valu le Prix Gérard-Parizeau en 2011. Depuis quelques années, elle s'intéresse à l'histoire de la déficience intellectuelle au Québec.

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Information

Year
2014
ISBN
9782896648917
Chapitre 1
Pignon sur rue
Dieu paraît injuste, mais Il ne l’est pas.
Il demande plus à qui Il donne plus.
Qui reçoit plus reçoit pour les autres.
Il n’est ni plus grand, ni meilleur :
il est plus responsable. Il doit servir plus.
Helder Camara
Selon la ronde des saisons, le paysage charlevoisien déroule ses charmes avec un tel luxe qu’il faudrait ne s’arrêter à rien d’autre que de contempler. Particulièrement à l’automne, Baie-Saint-Paul prend des allures de terre promise et, quand s’enflamment les érables, c’est à en faire perdre le goût d’ailleurs. Tout est mieux ainsi, car ailleurs est tellement loin, tellement difficile d’approche qu’on y pense plusieurs fois avant d’emprunter les chemins de montagnes ou les chemins de grèves. De plus, à cette époque de l’année, chacun songe avec un peu de nostalgie que la navigation n’en a plus pour bien longtemps à donner ses services.
Pays d’autant plus attirant qu’il se révèle inaccessible : s’il est pénible d’aller ailleurs, il ne l’est pas moins de venir ici. La meilleure chose à faire est de se laisser prendre à demeure une fois rendu, c’est même la seule chose à faire pour le nouveau curé, en ce quatrième jour d’octobre 1889. Homme à se retrousser les manches, il a tôt fait de vider les grosses malles à ventre rebondi et de distribuer dans la maison ses effets personnels, ses livres, quelques souvenirs de famille et même, car c’est un tendre, une mallette bombée contenant ses cahiers d’écolier studieux, un morceau d’enfance heureuse qui le suit partout comme une lumière d’aube. Pour le seconder dans son ministère, le nouveau pasteur trouve à ses côtés un admirable vicaire, l’abbé Onésime Lavoie. Les deux prêtres pourront travailler d’autant plus librement que la gouverne domestique du presbytère est assurée par une personne d’expérience. En effet, mademoiselle Henriette Asselin connaît tout de l’art d’être et de vivre de monsieur Ambroise Fafard, puisqu’elle est à son service depuis sa première cure à Inverness.
Monsieur Fafard arrive, monsieur Fafard emménage, toute la vallée respire mieux. Sa réputation l’a précédé et maintenant il est là, on le voit : trapu et fort comme un terrien, réfléchi et réaliste comme un bourgeois, prévoyant et brave comme un marin, clairvoyant comme un prophète. On dit de lui qu’il a le cœur large comme la baie, que son regard fouille les montagnes de l’avenir et que son esprit pratique transforme chacun de ses rêves en un solide bateau.
Les gens regardent leur curé, le curé prend en main sa paroisse, la plus vieille du diocèse, celle qu’on dit être aussi la plus belle avec ses habitations semées en forme de grande croix, topographie lui faisant mériter cette appellation qui intrigue toujours les nouveaux venus, « les quatre villages ». Une belle vieille paroisse en forme de croix qui s’est saignée aux quatre membres afin que soit dispersé le bon monde ici et là dans les limites de la province et même par-delà. Pendant les quarante dernières années, soit depuis 1850, plus de deux cents familles ont quitté la baie en grande partie pour aller coloniser le Saguenay et le Lac-Saint-Jean, ou tout simplement pour renforcer les paroisses d’alentour, ou encore pour se rapprocher des usines et des industries.
Bien avant d’avoir terminé la tournée des quatre villages, monsieur Fafard se rend compte très clairement que de nombreux aménagements physiques manquent à cette fondation datant de deux siècles et plus. Et comme il appartient à cette race d’hommes pour lesquels développement et justice s’apparentent et vont jusqu’à s’identifier, les plans et les projets se pressent et se bousculent dans sa tête. Aqueduc… aqueduc et routes… routes et trottoirs… aqueduc, routes, trottoirs, électricité, téléphone… Allons ! Allons ! Une réalisation à la fois ! Et les grands coups de sa traditionnelle canne scandent le rythme de son cœur qui veut d’abord l’attention aux êtres, l’attention aux besoins personnels des gens.
Baie-Saint-Paul compte environ 3 400 habitants, sa population devrait être le double pour le moins. Sur 570 maisons, 75 sont inhabitées et plusieurs familles se disent encore attirées par ce courant de migration presque aussi fort et incontrôlable que la rivière du Gouffre au printemps. Le temps semble venu d’étudier les conséquences et surtout les causes de ce mouvement qui se révèle inquiétant, et sur-le-champ le problème est confié aux élites de la paroisse, une impressionnante réserve d’hommes ouverts, intelligents et dynamiques qui n’attendaient qu’un chef.
En fonction depuis le 4 octobre, le nouveau pasteur a vite fait de mesurer les forces vives de son petit peuple, les riches personnalités qui émergent et s’affirment. Mais, avant tout, il s’est appliqué au dépistage de ceux qui se laissent chercher, qui attendent patiemment d’être trouvés : les faibles de corps et d’esprit, les désemparés et les pauvres. Le curé Ambroise n’est pas enclin à cultiver l’idée venue de vieille France qui veut qu’il soit salutaire pour chaque village d’avoir ses innocents en liberté offrant de vivantes leçons de simplicité et d’enfance retrouvée, pas plus qu’il n’accepte l’errance des honnêtes quêteux comme signes de chance et d’espérance. Non ! Baie-Saint-Paul est un coin de province reconnu pour son hiver long et rigoureux, en voilà plus qu’il n’en faut pour lui dicter une conduite. Tous les démunis auront un toit et l’assurance de soins attentifs. Cela, avant les temps froids.
Trouver une maison paraît chose facile lorsque 75 sont vides dans les quatre villages, mais l’énumération des conditions désirables entraîne à elle seule l’élimination d’un grand nombre : bâtisse solide et spacieuse, terrain de superficie raisonnable, situation au cœur de la place, maison libre ou pouvant être libérée dans le plus bref délai, transaction facile et acceptable. Où trouver cette maison ? Telle est la question. À remarquer que nulle part il n’est écrit : « Où trouver les fonds pour l’achat de cette maison ? » C’est ainsi qu’un homme se révèle de la lignée des fils d’Abraham le croyant, lorsqu’il connaît et utilise le mot de passe « Dieu y pourvoira ! »
Le 28 octobre, le choix est arrêté et l’affaire est conclue entre Édouard Boily, navigateur, et messire Ambroise Fafard, curé. Pour la somme de huit cent cinquante dollars est cédée une maison en bois, longue de cinquante-neuf pieds, comportant un rez-de-chaussée non habitable pour l’heure et un unique étage surmonté de combles percés de cinq lucarnes. Le terrain adjacent peut former environ trois arpents en superficie, avec dépendance, pour en faire le futur hospice. La résidence est fort bien située en plein sur la rue Principale, à proximité du presbytère, de l’église, des magasins.
Rien n’empêche plus monsieur Fafard d’annoncer la belle nouvelle de la fondation de l’Hospice Sainte-Anne, le jour de la Toussaint, au prône de la grand-messe :
Il avait acheté cette propriété en son nom, de ses propres deniers, dans le but de la consacrer au service des pauvres de cette paroisse, c’est-à-dire d’en faire un asile pour les vieilles personnes ou pour les infirmes pauvres, comptant entièrement sur la charité publique de cette paroisse pour nourrir, entretenir et chauffer ces pauvres. La nouvelle fut accueillie avec joie par toute la paroisse. (Livre de raison, p. 2)
Tel est le texte transcrit à même l’humble cahier (ou Livre de raison) où le curé Fafard relate les principaux événements de la fondation. L’Hospice Sainte-Anne fait son entrée dans l’histoire, la foi et la charité s’unissent pour parapher l’acte officiel de son ouverture.
Au même prône, les paroissiens apprennent que Dina Boivin accepte « la charge de conduire et diriger cette maison, consentant à donner gratuitement son travail pour le soin des pauvres ». Elle est encore alerte et sans obligations familiales.
Le mouvement initial est donné, chacun se rend compte que le temps presse et les jours suivants se passent « à laver et approprier la maison » pendant que tout le village connaît la fièvre d’un engagement dans l’organisation des secours, lingerie, articles de ménage, provisions, etc. Tant et si bien que le défi de messire Ambroise est relevé en moins d’un mois, de la détection des besoins à la création de la ressource. Le mécanisme complet a joué : observation, réflexion, décision, action.
La première page-statistique de l’Hospice Sainte-Anne est datée du 8 novembre et fait mention de dix résidents-bénéficiaires : Soulange Duchesne âgée de 77 ans et 3 mois, Calixte Bouchard âgée de 78 ans et 4 mois, Marguerite Néron âgée de 79 ans et 10 mois, Marie-Josephte Potvin âgée de 75 ans et 2 mois, Lucine Dufour âgée de 74 ans et 5 mois, Édith Lavoie âgée de 69 ans et 1 mois, Claude Simard âgé de 77 ans et 2 mois (époux en deuxièmes noces de la précédente), Arsène Simard fils de Claude Simard, infirme dont il n’est pas fait mention d’âge, François Lavoie âgé de 81 ans et 10 mois, Isaïe Saingelais âgé de 77 ans et 10 mois.
Six femmes et quatre hommes tous dépendants, âgés, démunis et dont l’un est infirme, voilà une première liste impressionnante. Pour ce qui est du personnel en charge, l’énumération est vite faite : deux dames dans la soixantaine, Dina Boivin, la directrice, âgée de soixante ans et Olympe Simard, âgée de soixante-huit ans et cinq mois. Cette dernière retrouve parmi les résidents son frère Claude, sa belle-sœur Édith et son neveu Arsène. Mademoiselle Dina est bénévole. Quant à mademoiselle Olympe, elle réclame un très modique « salaire » dans toute l’acception du vieux terme, une ration de sel.
Pour ce premier hiver, la maison-Dieu abrite les dix bénéficiaires, la directrice et son aide, les anciens propriétaires Édouard Boily, son épouse et leurs enfants, madame Fitz-Patrick, veuve du docteur et ses enfants. Il s’agit donc d’une vingtaine de personnes se distribuant dans l’unique étage et sous les combles. L’histoire des premiers mois est très discrète. L’abbé Roger Boily vient célébrer la messe, le curé-fondateur fait au moins une visite chaque jour, il parle à chacun, vérifie tout et s’arrête souvent à regarder le rez-de-chaussée, comme s’il faisait des plans d’aménagement.
Que dire de l’administration courante, des prévisions budgétaires ! Il n’est question que de confiance fraternelle en cette population saine et laborieuse de Baie-Saint-Paul, en ceux qui n’ont pas étouffé leur cœur sous le dur métal au fond d’un bas de laine ou sous quelque madrier du plancher. Déjà madame Simard, l’épouse du docteur Alfred, a fondé l’Œuvre du pain de Saint-Antoine : plusieurs familles fournissent un pain ou un demi-pain, ce qui assure mensuellement cinquante miches… et le reste vient, non pas par octroi, mais bien « par surcroît », selon ce qui est écrit dans l’Évangile.
D’ailleurs, le curé a ce talent de ne pas laisser s’endormir la ferveur des premiers jours et chaque prône fait appel à une forme de générosité. Libre à chacun de distinguer s’il s’agit d’un ordre ou d’une invitation :
– Cette semaine, quête spéciale pour l’hospice, de grain et de viande, faite à domicile par les personnes suivantes : […]
– Cette semaine aura lieu, à domicile, la quête des légumes pour l’Hospice Sainte-Anne par les personnes ci-désignées : […] On demande : patates, oignons, choux, navets, etc.
– Collecte de laine pour l’Hospice Sainte-Anne à faire cette semaine ou la semaine prochaine par les institutrices de chaque rang.
– Le jour de Noël, à la grand’messe du jour, je ferai dans l’église, la collecte du mois pour l’Hospice Sainte-Anne. (Paroisse de Baie-Saint-Paul, Cahier des annonces, 1889 à 1899)
Nul ne s’étonne que messire Fafard, maître à bord après Dieu, rappelle fermement et souvent la loi chrétienne du partage : « Qui reçoit plus reçoit pour les autres. » D’ailleurs, il est toujours le premier à payer de sa personne et de ses biens. S’il parle fort, c’est qu’il prête sa voix à ceux qui ne peuvent s’exprimer ; s’il réclame des aliments, du bois et des vêtements chauds, c’est pour empêcher que les mieux nantis de sa paroisse ne tremblent de froid dans leur cœur et dans leur âme, en ce premier Noël de l’Hospice Sainte-Anne.
L’hospice éclate de joie le 6 janvier, en la fête de l’Épiphanie : tout le personnel du presbytère s’y transporte pour fêter avec les hospitalisés. La fève cachée dans le traditionnel gâteau fait placer la couronne sur la tête de Calixte Bouchard, devenue reine d’un jour. C’est une véritable euphorie, un événement attendu depuis plus de soixante-dix-huit ans, puisque cette dame assure tenir de son père qu’elle est « de sang royal »… Le Livre de raison cite, sans appuyer, que l’élue « y va de quelques chansons érotiques », piment de tout folklore. Et le roi ? Nulle mention. Ou le pois fut inconsciemment avalé, ou il ne donna vie qu’à un prince consort effacé. La fête des Rois de 1890 connaît un tel succès et réveille tant de bonheur qu’elle pose la première balise d’une tradition à l’Hospice Sainte-Anne.
Passée la période des fêtes, le fondateur revient à ce qui lui semble prioritaire : assurer la stabilité et le développement de l’œuvre naissante en lui donnant une existence légale. Dès le 22 janvier, « une requête officielle est présentée à la Législature provinciale de Québec, par monsieur Fafard, curé, demandant l’incorporation civile et légale de l’Hospice Sainte-Anne de la Baie-Saint-Paul par un bill spécial ». Reçoit sanction le 2 avril et devient exécutoire la Loi constituant en corporation le révérend Ambroise Fafard, prêtre, (et autres) à des fins de charité, sous le nom de l’Hospice Sainte-Anne de la Baie-Saint-Paul (chap. XC, 53 Vict.).
Pendant les mois chauds, on aménage le rez-de-chaussée, on effectue d’autres travaux dans les étages supérieurs et l’on ajoute un ét...

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