Le Roman québécois
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Le Roman québécois

Michel Biron

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  1. 130 pages
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Le Roman québécois

Michel Biron

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Qu'est-ce qu'un roman québécois? On s'est beaucoup interrogé sur l'adjectif jusqu'ici dans la critique et il va de soi qu'on n'étudie pas un tel corpus sans faire intervenir la question identitaire. Mais on peut aussi se demander quels types de roman le Québec a produits ou, en d'autres termes, ce que les romanciers du Québec ont apporté au roman, à l'art du roman. Dans cette synthèse, Michel Biron embrasse du regard la production romanesque québécoise depuis 1837 jusqu'à aujourd'hui. Il y découvre une pratique du roman qui se distingue du roman d'ailleurs par une sorte d'extravagance naturelle. Le roman québécois s'approprie les formes souples du conte ou de la chronique, combine la distance de l'écriture et la chaleur de la parole, refuse les lourdes architectures du roman réaliste au profit du désordre et de la liberté du récit. Rien ne lui est plus aisé que de mélanger les styles, d'aller vers ce qui s'invente, se réinvente sans cesse comme s'il n'avait que faire de toute filiation. L'auteur se penche également sur le rôle joué par la critique et sur le dialogue qu'elle a établi avec les romanciers.

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1

Le roman entre l’histoire et le conte
1837-1916

De 1837 à 1916, il se publie seulement une centaine de romans au Canada français si l’on exclut les nombreux feuilletons qui paraissent dans les journaux et les revues. Le type de roman le plus courant, et de loin le plus valorisé par les élites intellectuelles, religieuses et politiques, est le roman historique. En s’inspirant des figures marquantes de la Nouvelle-France, le roman trouve d’emblée une fonction dans la construction d’une conscience nationale, au même titre que la légende ou le conte qui connaissent un essor rapide tout au long du siècle. Pour trouver ses modèles, le jeune roman canadien-français doit toutefois se tourner vers l’Europe. C’est ainsi qu’en 1837 le premier roman canadien-français, L’Influence d’un livre de Philippe Aubert de Gaspé (fils), d’abord sous-titré Roman historique puis réédité en 1864 par l’abbé Henri-Raymond Casgrain sous le nouveau titre Le Chercheur de trésors, est explicitement influencé par Walter Scott, mis au goût du jour en France par Honoré de Balzac et Alexandre Dumas, dont les journaux canadiens-français publient certains récits historiques à la même époque. L’Influence d’un livre intègre également certaines légendes canadiennes, en particulier celles de Rose Latulipe et de l’Homme du Labrador, le réalisme du roman historique et le fantastique des légendes et des contes s’autorisant l’un et l’autre d’un même désir de créer une littérature nationale.
Le succès du roman historique s’accroîtra tout au long du siècle, comme le montrent les exemples de Napoléon Bourassa (Jacques et Marie, 1865-1866) et de Joseph Marmette. Ce dernier est l’auteur le plus habile et le plus prolifique, publiant sept romans de 1870 à 1880, dont Le Chevalier de Mornac. Chronique de la Nouvelle-France 1664 (1873). Son héros ressemble à D’Artagnan transporté dans le contexte des guerres entre Blancs et Amérindiens. L’auteur se défend toutefois de faire un roman d’aventures et intervient directement dans son récit pour justifier le réalisme de certaines scènes particulièrement violentes :
Que le lecteur me pardonne cette scène d’un réalisme effréné. Mais le festin était chez les Sauvages une des plus grandes solennités et je ne saurais la passer sous silence alors que nous ne sommes entrés dans la bourgade d’Agnier que pour étudier de près les mœurs de ses habitants.
Et qu’on n’aille pas croire que je charge ce tableau de couleurs impossibles. Si l’on veut voir jusqu’où allait la gloutonnerie bestiale des Sauvages, on n’a qu’à consulter la Relation des Jésuites (1634) où j’ai puisé les idées d’une partie du présent chapitre.
La vogue du roman historique est telle que certains romans historiques canadiens-anglais seront rapidement traduits, et plusieurs connaîtront même plus de succès en français que dans leur version originale. C’est le cas de certains romans de Rosanna Eleanor Leprohon, comme The Manor House of the Villerai (1859), de même que du roman The Golden Dog : A Legend of Quebec (1877) de William Kirby traduit par Pamphile Le May.
Mais autant la veine du conte ou du roman historique, élargie au roman de mœurs et au roman d’aventures, paraît aisément transposable chez un peuple qui cherche justement à se donner une mémoire nationale, autant la veine d’un réalisme plus moderne se heurte à d’immenses résistances. Celles-ci existent aussi en France, comme on le voit par les nombreuses préfaces justificatives accompagnant les romans réalistes ou, de façon plus évidente encore, par le procès intenté à Flaubert après la parution de Madame Bovary en 1857. Au Canada français, ces résistances sont aggravées par l’exiguïté du milieu intellectuel et par l’autorité du clergé catholique qui contrôle tout le système d’enseignement et qui, avec la montée de l’ultramontanisme, accentue sa mainmise durant le dernier tiers du XIXe siècle. Le personnage romanesque, par son individualisme inhérent, mais aussi par tout ce qu’il comporte de romantique et d’excessif (l’exaltation amoureuse, le goût de l’aventure, la violence de ses instincts, etc.), est d’autant plus inquiétant qu’il a aussi quelque chose de profondément séduisant, comme le prouve d’ailleurs le succès des romans-feuilletons qui paraissent de façon régulière dans les journaux de l’époque.
Il faut toutefois observer aussi ce que les romanciers eux-mêmes répètent pour se démarquer de la tradition réaliste européenne. Leurs personnages, disent-ils, ne sont pas des héros au sens où on en trouve en France ou en Angleterre : ce sont des individus paisibles, modestes, voire ennuyeux, dont le principal mérite est de servir de modèle au lecteur d’ici. Le roman, comme le reste de la littérature canadienne-française, est alors au service de l’édification nationale et religieuse. Le pamphlétaire Arthur Buies écrivait alors : « Partout ailleurs la jeunesse a des élans ; ici, elle n’a que des craintes. » Ce qui frappe plus que l’impression de peur ou de timidité, c’est le sentiment que les écrivains canadiens-français croient peu au roman tel qu’il se développe ailleurs et s’amusent même à le tourner en dérision. Le notaire Patrice Lacombe écrit ainsi en conclusion de La Terre paternelle (1846) : « Laissons aux vieux pays, que la civilisation a gâtés, leurs romans ensanglantés, peignons l’enfant du sol, tel qu’il est, religieux, honnête, paisible de mœurs et de caractère… » De même, Antoine Gérin-Lajoie, auteur de la célèbre chanson Un Canadien errant et grand passionné de culture américaine, fait précéder Jean Rivard, le défricheur canadien (1862) de l’avertissement suivant : « Ce n’est pas un roman que j’écris, et si quelqu’un est à la recherche d’aventures merveilleuses, duels, meurtres, suicides, ou d’intrigues d’amour tant soit peu compliquées, je lui conseille amicalement de s’adresser ailleurs. On ne trouvera dans ce récit que l’histoire simple et vraie d’un jeune homme sans fortune, né dans une condition modeste, qui sut s’élever par son mérite à l’indépendance de fortune et aux premiers honneurs de son pays. »
Ce n’est pas le cas toutefois du roman d’aventures de Pierre Boucher de Boucherville, Une de perdue, deux de trouvées (1849), qui combine de façon étonnante la veine historique, le roman sentimental, le roman populaire, le récit de piraterie et des aperçus des rues de Montréal qui n’a plus rien à voir avec la Ville-Marie des romans historiques : nous sommes plongés ici dans la vaste Amérique, celle qui conduira le héros jusqu’en Louisiane, le roman greffant sur le thème obligé du patriotisme celui, rare dans la littérature canadienne-française, de l’esclavage. Dans un récit ajouté quelques années plus tard, Boucher de Boucherville défendra avec encore plus de vigueur sa position abolitionniste.

Le roman à thèse

Écrit pour un lecteur d’ici, le roman canadien-français est généralement partagé entre une vision utopique, attachée aux « saines doctrines » dont parlera l’abbé Casgrain, et le sentiment profond que la façon de raconter des histoires en usage dans les « vieux pays » ne lui convient pas. C’est le cas de La Terre paternelle, qui raconte les malheurs des cultivateurs Chauvin à la suite du départ du cadet Charles, abandonnant la terre pour s’aventurer dans les chantiers. Un miraculeux redressement de la situation s’opère à la fin, avec le retour de Charles, enrichi par quinze ans de travail dans les chantiers, capable de racheter la terre, d’y réinstaller ses parents, de trouver à s’y marier avec la fille d’un cultivateur. C’est aussi le cas de Charles Guérin. Roman de mœurs canadiennes (1846-1847), écrit par celui qui deviendra premier ministre du Québec au début de la Confédération en 1867, Pierre-Joseph-Olivier Chauveau. Même souci didactique chez le libéral Antoine Gérin-Lajoie dans les deux tomes de Jean Rivard (Jean Rivard, le défricheur en 1862, et Jean Rivard, économiste en 1864). Jeune étudiant prometteur, Jean Rivard quitte sa ville, sa famille, renonce à un avenir tout tracé pour ne compter que sur ses forces individuelles et l’héritage modeste que lui lègue son père. Avec cinquante louis, il achète une terre, puis fait construire une maison où il s’installe avec sa femme et ses enfants et fonde une ville, Rivardville, où chacun trouve le bonheur dans le travail. Le roman montre ainsi que l’éloge conservateur de la terre est compatible avec la défense d’un certain individualisme à l’américaine (self-reliance).
On rangera également dans cette catégorie le seul roman d’Honoré Beaugrand, Jeanne la fileuse, épisode de l’émigration franco-canadienne (1878), un des rares à prendre la défense des Canadiens français contraints d’émigrer aux États-Unis pour trouver un gagne-pain. L’auteur, un journaliste libéral et anticlérical bien connu, fondateur du journal La Patrie, a passé plusieurs années en Nouvelle-Angleterre avant de revenir à Montréal dont il sera le maire de 1885 à 1887. C’est durant son séjour à Fall River (Massachusetts) qu’il écrit plusieurs contes et récits, dont « Le Fantôme de l’avare », qui sera intégré à la première partie de Jeanne la fileuse. Dans la deuxième partie intitulée « Les Filatures de l’étranger », le romancier reprend la plume du journaliste et montre comment la pénible vie en usine n’empêche pas Jeanne, l’héroïne, de pratiquer sa foi et de se conformer à une morale exigeante. Mêlant l’essai à une intrigue rudimentaire, au service de la cause défendue, le roman de Beaugrand illustre bien l’instrumentalisation de la fiction à laquelle se livrent conservateurs aussi bien que libéraux. Peu importe sa couleur politique, le romancier fait ainsi du roman un instrument pédagogique destiné à éduquer le lecteur. L’exemple le plus manifeste de roman à thèse demeure toutefois Pour la patrie. Roman du XXe siècle (1895) de l’ultramontain Jules-Paul Tardivel, qui s’en prend au roman moderne dans sa préface et décrit sa propre entreprise comme « un roman chrétien de combat ».

Les Anciens Canadiens

Le roman le plus étonnant et le moins réductible à une thèse est aussi celui qui a connu le plus grand succès à l’époque au Canada français. Les Anciens Canadiens (1863) est le premier et unique roman de Philippe Aubert de Gaspé. Ce septuagénaire est aussi le père de l’auteur de L’Influence d’un livre écrit un quart de siècle plus tôt (on dit que le chapitre « L’étranger », reprenant la légende de Rose Latulipe, aurait été écrit par Aubert de Gaspé père). Les Anciens Canadiens est tiré à 2 000 exemplaires, puis aussitôt réédité avec cette fois un tirage de 5 000 exemplaires, ce qui en fait une sorte de « best-seller », selon les standards du XIXe siècle.
Situé à l’époque de la Conquête de 1760, ce roman bénéficie d’emblée de la vogue des romans historiques. À la différence des spécialistes de ce genre, toutefois, Aubert de Gaspé raconte parallèlement sa propre histoire, celle d’un seigneur déchu qui tente de se réhabiliter à travers le portrait d’un « bon gentilhomme », Monsieur d’Egmont, ruiné et emprisonné comme l’avait été l’auteur. En ce sens, ce roman annonce les Mémoires qu’Aubert de Gaspé publiera trois ans plus tard, en 1866. Mais ce qui fait le charme et l’originalité de ce roman historique à saveur autobiographique, c’est l’extraordinaire liberté de ton que le romancier se permet lorsqu’il affirme dès le début qu’il écrit « pour s’amuser ». Contrairement à tant d’œuvres édifiantes et sérieuses qui paraissent au cours du siècle, celle-ci affiche un plaisir de l’écriture qui explique sans doute en bonne partie celui que le lecteur éprouve, encore aujourd’hui, à lire Les Anciens Canadiens.
L’intrigue s’organise principalement autour de deux personnages plongés au cœur du conflit de 1754-1760, considéré par Aubert de Gaspé comme « un bienfait pour nous », la Conquête ayant mis le Canada à l’abri de la Terreur de 1793. Il s’agit d’un jeune Écossais, Archibald Cameron de Locheill, et d’un « ancien Canadien », Jules d’Haberville, fils du seigneur de Saint-Jean-Port-Joli. Les deux amis se sont connus peu avant au Petit Séminaire de Québec où ils sont devenus comme des frères, « Arché » passant ses étés dans la famille de Jules. Élevé dans la religion catholique et parlant français, Arché a tout ce qu’il faut pour devenir un de ces « anciens Canadiens » dont Aubert de Gaspé propose un portrait. La guerre va toutefois le forcer à entrer dans le camp ennemi et à mettre le feu à la demeure seigneuriale de sa famille d’adoption, à Saint-Jean-Port-Joli. Le roman relate ensuite les efforts de celui qui est redevenu « Archibald » pour racheter sa faute : il sauve Jules blessé sur les plaines d’Abraham, puis tente de réparer les torts causés à la famille d’Haberville et regagne peu à peu sa confiance. Il finit même par demander la main de Blanche, la sœur de Jules, mais celle-ci refuse de l’épouser malgré le consentement du père et en dépit de l’amour qu’elle éprouve pour lui. Contredisant la thèse de la réconciliation nationale qui sous-tend le roman, Archibald ne sera donc jamais entièrement accepté comme « ancien Canadien » et il ne s’unira pas à Blanche, même s’il vieillira non loin d’elle, dans une sorte de coexistence fraternelle et platonique. C’est la femme qui incarne ici, comme ce sera le cas dans Maria Chapdelaine et dans plusieurs romans québécois, le poids de la mémoire nationale.

Angéline de Montbrun

Angéline de Montbrun n’est ni un roman historique ni un roman d’aventures : c’est le premier roman psychologique paru au Canada français. Écrit par une des premières femmes de lettres canadiennes-françaises, Laure Conan (pseudonyme de Félicité Angers), ce roman a un statut à part dans l’histoire littéraire, de même que dans l’œuvre de Laure Conan, puisque cell...

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