Le Roman québécois
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Le Roman québécois

Michel Biron

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Le Roman québécois

Michel Biron

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Qu'est-ce qu'un roman québécois? On s'est beaucoup interrogé sur l'adjectif jusqu'ici dans la critique et il va de soi qu'on n'étudie pas un tel corpus sans faire intervenir la question identitaire. Mais on peut aussi se demander quels types de roman le Québec a produits ou, en d'autres termes, ce que les romanciers du Québec ont apporté au roman, à l'art du roman. Dans cette synthÚse, Michel Biron embrasse du regard la production romanesque québécoise depuis 1837 jusqu'à aujourd'hui. Il y découvre une pratique du roman qui se distingue du roman d'ailleurs par une sorte d'extravagance naturelle. Le roman québécois s'approprie les formes souples du conte ou de la chronique, combine la distance de l'écriture et la chaleur de la parole, refuse les lourdes architectures du roman réaliste au profit du désordre et de la liberté du récit. Rien ne lui est plus aisé que de mélanger les styles, d'aller vers ce qui s'invente, se réinvente sans cesse comme s'il n'avait que faire de toute filiation. L'auteur se penche également sur le rÎle joué par la critique et sur le dialogue qu'elle a établi avec les romanciers.

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Informations

Année
2012
ISBN
9782764641651

1

Le roman entre l’histoire et le conte
1837-1916

De 1837 Ă  1916, il se publie seulement une centaine de romans au Canada français si l’on exclut les nombreux feuilletons qui paraissent dans les journaux et les revues. Le type de roman le plus courant, et de loin le plus valorisĂ© par les Ă©lites intellectuelles, religieuses et politiques, est le roman historique. En s’inspirant des figures marquantes de la Nouvelle-France, le roman trouve d’emblĂ©e une fonction dans la construction d’une conscience nationale, au mĂȘme titre que la lĂ©gende ou le conte qui connaissent un essor rapide tout au long du siĂšcle. Pour trouver ses modĂšles, le jeune roman canadien-français doit toutefois se tourner vers l’Europe. C’est ainsi qu’en 1837 le premier roman canadien-français, L’Influence d’un livre de Philippe Aubert de GaspĂ© (fils), d’abord sous-titrĂ© Roman historique puis rĂ©Ă©ditĂ© en 1864 par l’abbĂ© Henri-Raymond Casgrain sous le nouveau titre Le Chercheur de trĂ©sors, est explicitement influencĂ© par Walter Scott, mis au goĂ»t du jour en France par HonorĂ© de Balzac et Alexandre Dumas, dont les journaux canadiens-français publient certains rĂ©cits historiques Ă  la mĂȘme Ă©poque. L’Influence d’un livre intĂšgre Ă©galement certaines lĂ©gendes canadiennes, en particulier celles de Rose Latulipe et de l’Homme du Labrador, le rĂ©alisme du roman historique et le fantastique des lĂ©gendes et des contes s’autorisant l’un et l’autre d’un mĂȘme dĂ©sir de crĂ©er une littĂ©rature nationale.
Le succĂšs du roman historique s’accroĂźtra tout au long du siĂšcle, comme le montrent les exemples de NapolĂ©on Bourassa (Jacques et Marie, 1865-1866) et de Joseph Marmette. Ce dernier est l’auteur le plus habile et le plus prolifique, publiant sept romans de 1870 Ă  1880, dont Le Chevalier de Mornac. Chronique de la Nouvelle-France 1664 (1873). Son hĂ©ros ressemble Ă  D’Artagnan transportĂ© dans le contexte des guerres entre Blancs et AmĂ©rindiens. L’auteur se dĂ©fend toutefois de faire un roman d’aventures et intervient directement dans son rĂ©cit pour justifier le rĂ©alisme de certaines scĂšnes particuliĂšrement violentes :
Que le lecteur me pardonne cette scĂšne d’un rĂ©alisme effrĂ©nĂ©. Mais le festin Ă©tait chez les Sauvages une des plus grandes solennitĂ©s et je ne saurais la passer sous silence alors que nous ne sommes entrĂ©s dans la bourgade d’Agnier que pour Ă©tudier de prĂšs les mƓurs de ses habitants.
Et qu’on n’aille pas croire que je charge ce tableau de couleurs impossibles. Si l’on veut voir jusqu’oĂč allait la gloutonnerie bestiale des Sauvages, on n’a qu’à consulter la Relation des JĂ©suites (1634) oĂč j’ai puisĂ© les idĂ©es d’une partie du prĂ©sent chapitre.
La vogue du roman historique est telle que certains romans historiques canadiens-anglais seront rapidement traduits, et plusieurs connaĂźtront mĂȘme plus de succĂšs en français que dans leur version originale. C’est le cas de certains romans de Rosanna Eleanor Leprohon, comme The Manor House of the Villerai (1859), de mĂȘme que du roman The Golden Dog : A Legend of Quebec (1877) de William Kirby traduit par Pamphile Le May.
Mais autant la veine du conte ou du roman historique, Ă©largie au roman de mƓurs et au roman d’aventures, paraĂźt aisĂ©ment transposable chez un peuple qui cherche justement Ă  se donner une mĂ©moire nationale, autant la veine d’un rĂ©alisme plus moderne se heurte Ă  d’immenses rĂ©sistances. Celles-ci existent aussi en France, comme on le voit par les nombreuses prĂ©faces justificatives accompagnant les romans rĂ©alistes ou, de façon plus Ă©vidente encore, par le procĂšs intentĂ© Ă  Flaubert aprĂšs la parution de Madame Bovary en 1857. Au Canada français, ces rĂ©sistances sont aggravĂ©es par l’exiguĂŻtĂ© du milieu intellectuel et par l’autoritĂ© du clergĂ© catholique qui contrĂŽle tout le systĂšme d’enseignement et qui, avec la montĂ©e de l’ultramontanisme, accentue sa mainmise durant le dernier tiers du XIXe siĂšcle. Le personnage romanesque, par son individualisme inhĂ©rent, mais aussi par tout ce qu’il comporte de romantique et d’excessif (l’exaltation amoureuse, le goĂ»t de l’aventure, la violence de ses instincts, etc.), est d’autant plus inquiĂ©tant qu’il a aussi quelque chose de profondĂ©ment sĂ©duisant, comme le prouve d’ailleurs le succĂšs des romans-feuilletons qui paraissent de façon rĂ©guliĂšre dans les journaux de l’époque.
Il faut toutefois observer aussi ce que les romanciers eux-mĂȘmes rĂ©pĂštent pour se dĂ©marquer de la tradition rĂ©aliste europĂ©enne. Leurs personnages, disent-ils, ne sont pas des hĂ©ros au sens oĂč on en trouve en France ou en Angleterre : ce sont des individus paisibles, modestes, voire ennuyeux, dont le principal mĂ©rite est de servir de modĂšle au lecteur d’ici. Le roman, comme le reste de la littĂ©rature canadienne-française, est alors au service de l’édification nationale et religieuse. Le pamphlĂ©taire Arthur Buies Ă©crivait alors : « Partout ailleurs la jeunesse a des Ă©lans ; ici, elle n’a que des craintes. » Ce qui frappe plus que l’impression de peur ou de timiditĂ©, c’est le sentiment que les Ă©crivains canadiens-français croient peu au roman tel qu’il se dĂ©veloppe ailleurs et s’amusent mĂȘme Ă  le tourner en dĂ©rision. Le notaire Patrice Lacombe Ă©crit ainsi en conclusion de La Terre paternelle (1846) : « Laissons aux vieux pays, que la civilisation a gĂątĂ©s, leurs romans ensanglantĂ©s, peignons l’enfant du sol, tel qu’il est, religieux, honnĂȘte, paisible de mƓurs et de caractĂšre
 » De mĂȘme, Antoine GĂ©rin-Lajoie, auteur de la cĂ©lĂšbre chanson Un Canadien errant et grand passionnĂ© de culture amĂ©ricaine, fait prĂ©cĂ©der Jean Rivard, le dĂ©fricheur canadien (1862) de l’avertissement suivant : « Ce n’est pas un roman que j’écris, et si quelqu’un est Ă  la recherche d’aventures merveilleuses, duels, meurtres, suicides, ou d’intrigues d’amour tant soit peu compliquĂ©es, je lui conseille amicalement de s’adresser ailleurs. On ne trouvera dans ce rĂ©cit que l’histoire simple et vraie d’un jeune homme sans fortune, nĂ© dans une condition modeste, qui sut s’élever par son mĂ©rite Ă  l’indĂ©pendance de fortune et aux premiers honneurs de son pays. »
Ce n’est pas le cas toutefois du roman d’aventures de Pierre Boucher de Boucherville, Une de perdue, deux de trouvĂ©es (1849), qui combine de façon Ă©tonnante la veine historique, le roman sentimental, le roman populaire, le rĂ©cit de piraterie et des aperçus des rues de MontrĂ©al qui n’a plus rien Ă  voir avec la Ville-Marie des romans historiques : nous sommes plongĂ©s ici dans la vaste AmĂ©rique, celle qui conduira le hĂ©ros jusqu’en Louisiane, le roman greffant sur le thĂšme obligĂ© du patriotisme celui, rare dans la littĂ©rature canadienne-française, de l’esclavage. Dans un rĂ©cit ajoutĂ© quelques annĂ©es plus tard, Boucher de Boucherville dĂ©fendra avec encore plus de vigueur sa position abolitionniste.

Le roman Ă  thĂšse

Écrit pour un lecteur d’ici, le roman canadien-français est gĂ©nĂ©ralement partagĂ© entre une vision utopique, attachĂ©e aux « saines doctrines » dont parlera l’abbĂ© Casgrain, et le sentiment profond que la façon de raconter des histoires en usage dans les « vieux pays » ne lui convient pas. C’est le cas de La Terre paternelle, qui raconte les malheurs des cultivateurs Chauvin Ă  la suite du dĂ©part du cadet Charles, abandonnant la terre pour s’aventurer dans les chantiers. Un miraculeux redressement de la situation s’opĂšre Ă  la fin, avec le retour de Charles, enrichi par quinze ans de travail dans les chantiers, capable de racheter la terre, d’y rĂ©installer ses parents, de trouver Ă  s’y marier avec la fille d’un cultivateur. C’est aussi le cas de Charles GuĂ©rin. Roman de mƓurs canadiennes (1846-1847), Ă©crit par celui qui deviendra premier ministre du QuĂ©bec au dĂ©but de la ConfĂ©dĂ©ration en 1867, Pierre-Joseph-Olivier Chauveau. MĂȘme souci didactique chez le libĂ©ral Antoine GĂ©rin-Lajoie dans les deux tomes de Jean Rivard (Jean Rivard, le dĂ©fricheur en 1862, et Jean Rivard, Ă©conomiste en 1864). Jeune Ă©tudiant prometteur, Jean Rivard quitte sa ville, sa famille, renonce Ă  un avenir tout tracĂ© pour ne compter que sur ses forces individuelles et l’hĂ©ritage modeste que lui lĂšgue son pĂšre. Avec cinquante louis, il achĂšte une terre, puis fait construire une maison oĂč il s’installe avec sa femme et ses enfants et fonde une ville, Rivardville, oĂč chacun trouve le bonheur dans le travail. Le roman montre ainsi que l’éloge conservateur de la terre est compatible avec la dĂ©fense d’un certain individualisme Ă  l’amĂ©ricaine (self-reliance).
On rangera Ă©galement dans cette catĂ©gorie le seul roman d’HonorĂ© Beaugrand, Jeanne la fileuse, Ă©pisode de l’émigration franco-canadienne (1878), un des rares Ă  prendre la dĂ©fense des Canadiens français contraints d’émigrer aux États-Unis pour trouver un gagne-pain. L’auteur, un journaliste libĂ©ral et anticlĂ©rical bien connu, fondateur du journal La Patrie, a passĂ© plusieurs annĂ©es en Nouvelle-Angleterre avant de revenir Ă  MontrĂ©al dont il sera le maire de 1885 Ă  1887. C’est durant son sĂ©jour Ă  Fall River (Massachusetts) qu’il Ă©crit plusieurs contes et rĂ©cits, dont « Le FantĂŽme de l’avare », qui sera intĂ©grĂ© Ă  la premiĂšre partie de Jeanne la fileuse. Dans la deuxiĂšme partie intitulĂ©e « Les Filatures de l’étranger », le romancier reprend la plume du journaliste et montre comment la pĂ©nible vie en usine n’empĂȘche pas Jeanne, l’hĂ©roĂŻne, de pratiquer sa foi et de se conformer Ă  une morale exigeante. MĂȘlant l’essai Ă  une intrigue rudimentaire, au service de la cause dĂ©fendue, le roman de Beaugrand illustre bien l’instrumentalisation de la fiction Ă  laquelle se livrent conservateurs aussi bien que libĂ©raux. Peu importe sa couleur politique, le romancier fait ainsi du roman un instrument pĂ©dagogique destinĂ© Ă  Ă©duquer le lecteur. L’exemple le plus manifeste de roman Ă  thĂšse demeure toutefois Pour la patrie. Roman du XXe siĂšcle (1895) de l’ultramontain Jules-Paul Tardivel, qui s’en prend au roman moderne dans sa prĂ©face et dĂ©crit sa propre entreprise comme « un roman chrĂ©tien de combat ».

Les Anciens Canadiens

Le roman le plus Ă©tonnant et le moins rĂ©ductible Ă  une thĂšse est aussi celui qui a connu le plus grand succĂšs Ă  l’époque au Canada français. Les Anciens Canadiens (1863) est le premier et unique roman de Philippe Aubert de GaspĂ©. Ce septuagĂ©naire est aussi le pĂšre de l’auteur de L’Influence d’un livre Ă©crit un quart de siĂšcle plus tĂŽt (on dit que le chapitre « L’étranger », reprenant la lĂ©gende de Rose Latulipe, aurait Ă©tĂ© Ă©crit par Aubert de GaspĂ© pĂšre). Les Anciens Canadiens est tirĂ© Ă  2 000 exemplaires, puis aussitĂŽt rĂ©Ă©ditĂ© avec cette fois un tirage de 5 000 exemplaires, ce qui en fait une sorte de « best-seller », selon les standards du XIXe siĂšcle.
SituĂ© Ă  l’époque de la ConquĂȘte de 1760, ce roman bĂ©nĂ©ficie d’emblĂ©e de la vogue des romans historiques. À la diffĂ©rence des spĂ©cialistes de ce genre, toutefois, Aubert de GaspĂ© raconte parallĂšlement sa propre histoire, celle d’un seigneur dĂ©chu qui tente de se rĂ©habiliter Ă  travers le portrait d’un « bon gentilhomme », Monsieur d’Egmont, ruinĂ© et emprisonnĂ© comme l’avait Ă©tĂ© l’auteur. En ce sens, ce roman annonce les MĂ©moires qu’Aubert de GaspĂ© publiera trois ans plus tard, en 1866. Mais ce qui fait le charme et l’originalitĂ© de ce roman historique Ă  saveur autobiographique, c’est l’extraordinaire libertĂ© de ton que le romancier se permet lorsqu’il affirme dĂšs le dĂ©but qu’il Ă©crit « pour s’amuser ». Contrairement Ă  tant d’Ɠuvres Ă©difiantes et sĂ©rieuses qui paraissent au cours du siĂšcle, celle-ci affiche un plaisir de l’écriture qui explique sans doute en bonne partie celui que le lecteur Ă©prouve, encore aujourd’hui, Ă  lire Les Anciens Canadiens.
L’intrigue s’organise principalement autour de deux personnages plongĂ©s au cƓur du conflit de 1754-1760, considĂ©rĂ© par Aubert de GaspĂ© comme « un bienfait pour nous », la ConquĂȘte ayant mis le Canada Ă  l’abri de la Terreur de 1793. Il s’agit d’un jeune Écossais, Archibald Cameron de Locheill, et d’un « ancien Canadien », Jules d’Haberville, fils du seigneur de Saint-Jean-Port-Joli. Les deux amis se sont connus peu avant au Petit SĂ©minaire de QuĂ©bec oĂč ils sont devenus comme des frĂšres, « ArchĂ© » passant ses Ă©tĂ©s dans la famille de Jules. ÉlevĂ© dans la religion catholique et parlant français, ArchĂ© a tout ce qu’il faut pour devenir un de ces « anciens Canadiens » dont Aubert de GaspĂ© propose un portrait. La guerre va toutefois le forcer Ă  entrer dans le camp ennemi et Ă  mettre le feu Ă  la demeure seigneuriale de sa famille d’adoption, Ă  Saint-Jean-Port-Joli. Le roman relate ensuite les efforts de celui qui est redevenu « Archibald » pour racheter sa faute : il sauve Jules blessĂ© sur les plaines d’Abraham, puis tente de rĂ©parer les torts causĂ©s Ă  la famille d’Haberville et regagne peu Ă  peu sa confiance. Il finit mĂȘme par demander la main de Blanche, la sƓur de Jules, mais celle-ci refuse de l’épouser malgrĂ© le consentement du pĂšre et en dĂ©pit de l’amour qu’elle Ă©prouve pour lui. Contredisant la thĂšse de la rĂ©conciliation nationale qui sous-tend le roman, Archibald ne sera donc jamais entiĂšrement acceptĂ© comme « ancien Canadien » et il ne s’unira pas Ă  Blanche, mĂȘme s’il vieillira non loin d’elle, dans une sorte de coexistence fraternelle et platonique. C’est la femme qui incarne ici, comme ce sera le cas dans Maria Chapdelaine et dans plusieurs romans quĂ©bĂ©cois, le poids de la mĂ©moire nationale.

Angéline de Montbrun

AngĂ©line de Montbrun n’est ni un roman historique ni un roman d’aventures : c’est le premier roman psychologique paru au Canada français. Écrit par une des premiĂšres femmes de lettres canadiennes-françaises, Laure Conan (pseudonyme de FĂ©licitĂ© Angers), ce roman a un statut Ă  part dans l’histoire littĂ©raire, de mĂȘme que dans l’Ɠuvre de Laure Conan, puisque cell...

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