L'imposture néolibérale
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L'imposture néolibérale

Marché, liberté et justice sociale

Jean-Claude St-Onge

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L'imposture néolibérale

Marché, liberté et justice sociale

Jean-Claude St-Onge

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La crise sociale provoquée par 40ans de néolibéralisme s'est traduite par une fragmentation du monde, un repli national, la montée des droites et la révolte contre les élites. Les Trump et Le Pen de ce monde ne sont pas tombés du ciel! J.-Claude St-Onge livre ici un portrait détaillé des bouleversements politiques et des fondements philosophiques propagés par l'idéologie néolibérale, de Thatcher à Trump. Ce dernier, loin de représenter la fin du néolibéralisme, en constitue plutôt une nouvelle manifestation.

Le néolibéralisme tente de se faire passer pour ce qu'il n'est pas, à savoir le champion des libertés, de la prospérité et du mieux-être, alors que la vision du monde qu'il propose est la subordination de la réalité aux forces du marché et à la loi du plus fort. L'imposture néolibérale démonte un à un les dogmes de cette doctrine. Liberté? Imposture! À moins qu'on ne la résume à la propriété et à l'accumulation des richesses, apanage d'une minorité toujours plus puissante. Nouveauté? Imposture! Loin d'être révolutionnaire, le néolibéralisme représente plutôt une nouvelle synthèse des vieilles conceptions du libéralisme.

Sous prétexte que la société serait gouvernée par des lois naturelles, il faudrait s'incliner devant la divinité du marché. À cet éloge de l'impuissance et de la résignation, l'auteur oppose l'idée d'une société fondée sur l'entraide, la participation, la répartition équitable des richesses, le droit à la vie et à la liberté, celle-ci étant conçue comme la possibilité d'autodétermination et de réalisation de soi. Cet ouvrage, qui met en lumière la fragilité de l'édifice néolibéral, est un antidote pour rompre avec le fatalisme ambiant.

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Information

Publisher
Écosociété
Year
2017
ISBN
9782897193355
PREMIÈRE PARTIE

Fondateurs du néolibéralisme, consensus de Washington, pannes du régime d’accumulation, mise au pas du monde du travail, montée des droites

CHAPITRE PREMIER

L’acte de naissance du néolibéralisme

Vous, les dirigeants politiques, vous devez savoir que vous êtes désormais sous le contrôle des marchés financiers.
M. Hans Tietmeyer8
CES PAROLES DU PRÉSIDENT d’une des banques centrales – les banquiers des banques – les plus influentes de la planète, la Bundesbank, capturent on ne peut mieux l’air du temps: la domination de la finance sur la politique et la subordination croissante de la vie aux impératifs du marché. Ces propos tenus à l’occasion du Forum économique de Davos en 1996 devant 350 ministres et premiers ministres, avec toute l’assurance et l’arrogance que confèrent la puissance et la richesse, illustrent bien les priorités du néolibéralisme.
C’est en invoquant la primauté de la propriété – des moyens de production et de distribution – que le néolibéralisme considère toute forme de partage des revenus comme du vol. Selon Milton Friedman, le principe qui doit régler la distribution des fruits du travail social est la possession d’actifs et de talents: «À chacun selon ce que produisent lui-même et les instruments qu’il possède9.» Une société juste répartit bienfaits et obligations dans le respect des titres de propriété légitime et d’après Friedrich Hayek, la justice sociale est une idée frauduleuse dont le but est d’attiser «l’animosité envers les gens beaucoup plus aisés10», un «concept vide de sens11». La primauté de la propriété justifie le rejet des droits économiques et sociaux, tels le droit à des soins de santé et le droit au travail. Tant que les droits de propriété ne sont pas violés, il n’y a rien d’injuste.
À l’origine, le libéralisme est fondé sur une philosophie et une éthique qui se réclament du «naturalisme». Ce vieux naturalisme prétend que les principales institutions sociales obéissent à des lois naturelles ou quasi naturelles (chapitre 9). La société serait plus ou moins réglée comme le mouvement des planètes; elle échappe pratiquement à tout contrôle humain et à toute tentative de l’orienter et de la diriger. Le mécanisme de coordination de la réalité sociale est le marché dont les lois sont aussi inflexibles que celles de la nature. Tel un chef d’orchestre, si ce n’est Dieu en personne, il harmonise les intérêts divergents, coordonne la production, distribue les ressources efficacement et en toute justice et constitue le fondement de la liberté. Il en découle que toute forme d’interventionnisme économique (médecine sociale, salaire minimum, sécurité du travail) est superflue et nocive puisque le marché génère spontanément l’ordre, la justice et la prospérité.
Aux relations sociales réelles, aux rapports humains, modifiables, transitoires et historiques, on substitue des abstractions et des lois éternelles. À l’instar du ciel, le marché serait pratiquement un fait de nature, une sorte de kosmos comme Hayek le décrit. L’effondrement du pseudo-communisme soviétique, la déroute de la social-démocratie et de l’interventionnisme keynésien ne sont-ils pas la preuve qu’il n’y a point de salut hors du marché? Francis Fukuyama concluait même que la démocratie libérale, fondée sur le marché, représenterait la fin de l’histoire, l’horizon indépassable de l’humanité12.

L’internationale néolibérale: les travailleurs de l’ombre

C’est à Paris, en 1938, au cours du colloque Walter Lippman, que les premiers balbutiements de l’avant-garde néolibérale se font entendre. Deux ans après la publication de l’ouvrage de Keynes, La théorie générale, qui le consacrait comme figure incontournable en économie, une trentaine d’intellectuels se réunissent à l’initiative de l’économiste autrichien Friedrich Hayek (1899-1992), dans le but de répliquer à «la dérive étatiste de l’Occident13» et «au socialisme rampant». Hayek, futur prix Nobel d’économie en 1974, enseigne alors à la London School of Economics depuis 1931. Le modèle économique et social keynésien commence déjà à supplanter le modèle libéral traditionnel discrédité par la Grande Dépression de 1929. De plus, la montée du fascisme et la consolidation du régime soviétique, de mauvais augure pour le libéralisme, exigent une riposte vigoureuse.
Les participants au colloque soutiennent que la planification économique est incompatible avec la liberté, car elle «implique l’État totalitaire». Amalgamant des réalités différentes, ils s’opposent à toutes les déviations «collectivistes» qui, dans leur optique, comprennent aussi bien le keynésianisme que les régimes fascistes et soviétique.
Jusqu’à ce jour, le nom de Hayek est pratiquement inconnu, sauf dans des cercles restreints, mais son influence dans les coulisses du pouvoir est inversement proportionnelle à son degré de notoriété auprès du grand public. En 1950, Milton Friedman l’invite à dispenser son enseignement à l’Université de Chicago, place forte du néolibéralisme naissant.
Ce colloque n’aura pas de suites immédiates en raison de la guerre. Ce n’est que partie remise. En 1947, à l’initiative de Hayek encore une fois, plusieurs des participants à la conférence de Paris et des intellectuels prestigieux, notamment le philosophe Karl Popper, assistent à une rencontre en Suisse, au mont Pèlerin. Parmi les participants à la conférence inaugurale, des économistes qui seront couronnés du «Nobel» d’économie: Maurice Allais, Milton Friedman, Friedrich Hayek. (Rappelons que contrairement aux autres Nobel, ce prix n’est pas décerné par la fondation éponyme. C’est en quelque sorte un faux, car il est parrainé par la Banque de Suède.) Des journalistes de Fortune Magazine, Newsweek, Time and Tide et Reader’s Digest sont au rendez-vous pour assurer un débouché médiatique aux idées néolibérales. L’acte de naissance du néolibéralisme est signé avec la mise sur pied de la Société du Mont-Pèlerin. Le but de cette société savante, dont les idées sont tout à fait marginales à l’époque, est de changer le climat d’opinion en faveur d’un libéralisme tous azimuts, fondé sur les prétendues vertus de l’économie de marché. Pendant longtemps, ses membres travailleront dans l’ombre et à contre-courant.
La Société du Mont-Pèlerin recrute parmi l’élite politique, économique et universitaire. Elle compte des hommes d’affaires, des représentants de ces fameuses boîtes à idées (think tanks), plusieurs anciens ministres et politiciens venus de presque tous les coins du monde. Elle organise des rencontres tous les deux ans, la dernière s’étant tenue à Miami en 2016.
La Société a reçu au fil du temps le soutien d’importants hommes d’affaires, tel le milliardaire suisse Hunold, et de fondations privées, telle la William Volker Fund. Le financier Sylvio Berlusconi, membre d’une loge maçonnique d’extrême droite et un temps premier ministre italien, qui a déjà envisagé la privatisation des monuments de Rome, présida aux destinées de la Société de 1988 à 199014.
À partir de 1947, les membres et sympathisants de la Société du Mont-Pèlerin tisseront une véritable toile d’araignée qui s’étendra partout à travers le monde.

La multiplication des think tanks néolibéraux

Pour les intellectuels néolibéraux, l’exportation des idées est aussi vitale que l’exportation des capitaux et des marchandises. Sous le patronage de la Société du Mont-Pèlerin, une kyrielle de boîtes à idées néolibérales voient le jour. Un des membres fondateurs et soutiens financiers de la Société, le milliardaire britannique Antony Fisher, a fait fortune dans l’élevage industriel des poulets. Fervent admirateur de Hayek, il devient le principal bailleur de fonds de l’Institute of Economic Affairs (IEA), créé en 1955 en Grande-Bretagne. L’IEA est la première boîte à vulgariser les thèses de Hayek et Friedman. Elle organise des séminaires et des déjeuners pour diffuser la bonne parole aux hommes d’affaires et aux journalistes. Plusieurs membres de l’entourage de Margaret Thatcher font partie de l’IEA. L’Institut publie des documents sur la politique économique keynésienne, les errements de l’État-providence, les «privilèges» syndicaux, l’inefficacité du secteur public, et fait l’éloge du «marché dans tous les domaines de la vie économique et sociale15».
Fisher essaime. En 1975, il devient codirecteur du Fraser Institute de Vancouver; sa mission consiste à recueillir des fonds pour cette boîte. Le Fraser a été fondé un an plus tôt par l’homme d’affaires canadien Pat Boyle. En véritable croisé, Fisher contribue à la création d’organisations semblables en Australie, à San Francisco et à New York. Les documents officiels de la nouvelle organisation new-yorkaise sont signés par Bill Casey, qui deviendra directeur de la CIA.
Infatigable, Fisher participe aussi à la fondation de l’Atlas Institute, dont la mission est de créer des think tanks néolibéraux à travers le monde. L’une de ces organisations, l’Adam Smith Institute (ASI), qui voit le jour aux États-Unis en 1976, se distingue par son prosélytisme et son intransigeance. Deux anciens étudiants de l’Université St. Andrews, en Écosse, dont Madsen Pirie, fondent une branche de l’ASI en Grande-Bretagne. Hayek en devient le président d’honneur, alors que Friedman et le prix Nobel d’économie James Buchanan en inspirent les travaux. Ce dernier, qui s’est joint à la Société du Mont-Pèlerin, a fait partie du «Conseil scientifique» de l’Institut économique de Montréal. Les conférences annuelles de l’ASI sur la privatisation sont courues, notamment par les dirigeants des pays de l’ancien bloc soviétique. L’Institut publie des pamphlets et des manuels destinés à promouvoir la déréglementation et la privatisation. Pirie, l’un des auteurs du Manuel de privatisation (1989), a fait ses premières armes au sein de l’influente Heritage Foundation, aux États-Unis. Une semaine après la victoire de Reagan en 1980, Heritage publie Mandate for Leadership, le manifeste néolibéral du président. L’organisation a récemment joué un rôle clé dans la mise sur pied de l’équipe de transition du président Trump, afin de doter son administration de personnel idoine.

Des antennes à Montréal

L’internationale néolibérale a ses antennes à Montréal: il s’agit du St. Lawrence Institute et de l’Institut économique de Montréal (IEDM), dont les activités ont débuté en juin 1999. L’IEDM se présente comme un institut de recherche «indépendant» qui étudie le «fonctionnement des marchés» et qui œuvre à la «promotion de l’approche économique dans l’étude des politiques publiques». C’est le fruit de l’initiative commune d’entrepreneurs, d’universitaires et d’économistes de Montréal. Il a le même statut qu’un organisme charitable et ne reçoit aucun financement public – lire aucun financement direct –, puisque les contributions aux organisations charitables sont déductibles d’impôt.
L’IEDM organise des conférences et des séminaires. Il diffuse de nombreuses publications. En juin 2000, son site Internet rend compte d’une conférence prononcée par un professeur d’économie étatsunien et intitulée: «La taille de l’État et la richesse des nations». Le conférencier soutient que si les gouvernements s’en tenaient à leurs activités de base, ni plus ni moins que le programme préconisé par celui qui est considéré par le père de l’économie libérale, Adam Smith (défense, ordre public, routes, un minimum d’éducation), les dépenses gouvernementales seraient réduites à 15% du PIB. Fin du filet de protection sociale.
Plusieurs cadres de la Banque de Montréal assistaient à la rencontre et le président de la banque remit un chèqu...

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