La Perte et l'Héritage
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La Perte et l'Héritage

Raphaël Arteau McNeil

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  1. 186 Seiten
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La Perte et l'Héritage

Raphaël Arteau McNeil

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Über dieses Buch

Ce livre est une défense et illustration de ce que l'auteur appelle «l'éducation par les grandes œuvres». Constatant lucidement la perte qu'a représentée pour les jeunes générations le fait d'éradiquer presque complètement des programmes scolaires, au nom d'une modernisation et d'une démocratisation à courte vue, toute initiation comme toute référence à la grande culture occidentale, il propose non pas un illusoire retour en arrière, mais la simple réactivation de cet héritage injustement oublié, la redécouverte de ses beautés, de ses vérités toujours actuelles et de la liberté dont il est plus que jamais le porteur privilégié.Une telle réflexion concerne non seulement notre rapport à l'éducation, mais aussi notre société, notre époque, voire notre monde, et même, peut-on ajouter, la vie et la conscience de chacun d'entre nous, étudiants, parents, enseignants, citoyens. Écrit et composé avec autant de clarté que d'élégance, cet ouvrage n'a pas pour but de révolutionner l'éducation, mais d'aider à rétablir un lien rompu, à redonner aux «déshérités» d'aujourd'hui le legs magnifique auquel ils ont droit.

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Information

Jahr
2018
ISBN
9782764645345
L’éducation par les grandes œuvres
La condition humaine nous impose d’apprendre ; ce n’est pas un choix, c’est une nécessité. Les animaux apprennent eux aussi, c’est évident, mais aucun animal ne cherche à apprendre ni n’apprend autant qu’un être humain peut le faire. Quand on prend conscience de l’étendue et de la profondeur des connaissances humaines, il est alors possible d’en faire une activité voulue et d’y consacrer temps et énergie, il est même possible d’y consacrer le meilleur de soi-même. C’est ce qu’on appelle s’éduquer. Si les animaux et depuis peu les ordinateurs peuvent apprendre une quantité surprenante de choses, nous seuls pouvons nous éduquer. Pour le dire à la manière des philosophes, l’éducation est le propre de l’homme.
Pourtant, l’éducation ne se produit pas spontanément, elle n’est pas naturelle au sens où la puberté l’est. L’éducation présuppose une transmission, elle est un héritage reçu puis redonné de génération en génération. Si le courant de l’histoire nous tire en avant et nous éloigne les uns des autres, l’éducation joue le rôle d’une ligne d’eau, une chaîne de bouées qui rattache les générations entre elles et qui, malgré les vagues et le ressac, indique une direction, à tout le moins fixe une limite. Quand les eaux de l’époque s’agitent et que le torrent de l’histoire veut tout emporter, il faut s’y accrocher avec plus de force et faire l’effort de tendre à la nouvelle génération une autre bouée afin qu’elle ne parte pas à la dérive. En un mot, il faut défendre et perpétuer l’éducation.
En apparence, c’est ce que nous faisons. Nous reconnaissons sans problème que chaque nouvelle génération doit être éduquée – c’est un passage obligé, comme on dit – et, à cette fin, nous avons créé différentes institutions qu’il est commode de regrouper sous l’appellation de système d’éducation. Même si cette expression laisse planer l’idée de mécanisation, il n’en demeure pas moins que la présence de ce système témoigne du soutien dont jouit l’éducation dans notre société. Cela dit, la raison d’être de l’éducation que ce vaste et coûteux appareil doit servir demeure confuse. Notez qu’un subtil glissement s’est opéré quand je suis passé de la vérité de notre condition à la structure institutionnelle de notre société. De l’éducation à la voix active (s’éduquer), je suis passé malgré moi à l’éducation à la voix passive (être éduqué). Cette nuance linguistique est moins anodine qu’il n’y paraît. Pour en révéler l’ampleur, quelques distinctions supplémentaires s’imposent : l’éducation a beau être le propre de l’homme, si cette activité n’est pas mieux définie, elle devient vite une étiquette vide capable de désigner une chose et son contraire.
L’éducation et la spécialisation
Par éducation, on entend bien souvent la somme de connaissances qu’il est possible d’acquérir durant le cheminement scolaire. Cette quantité de connaissances peut être prodigieuse, mais si aucun objectif prédéterminé n’en guide l’acquisition, l’éducation qu’elle composera sera une éducation patentée, ce qui est tout le contraire d’une véritable éducation. Descartes s’en plaignait déjà à son époque et comparait l’éducation qu’il avait reçue à ces anciennes cités qui, n’ayant été au commencement que des bourgades, sont devenues avec le temps de grandes villes « mal compassées ». Descartes a donc sorti son compas et tracé les grandes lignes d’une nouvelle méthode qui, en prônant la division et la multiplication des connaissances, ne pouvait conduire qu’au fractionnement de l’éducation. Quelque quatre cents ans plus tard, l’éducation est gouvernée par le principe de spécialisation, et au lieu d’une nouvelle éducation nous en avons des dizaines, des centaines, voire des milliers. L’influence de Descartes a porté ses fruits et nier les avantages tangibles que nous retirons de la spécialisation relèverait de la mauvaise foi. Il ne faut pas pour autant confondre éducation et spécialisation. L’éducation peut très bien préparer à la spécialisation, mais la spécialisation ne saurait être la finalité de l’éducation sans l’étouffer et l’atrophier.
Le glissement de la voix active à la voix passive que je viens de souligner se produit dès que l’éducation est mise au service d’une finalité autre qu’elle-même. Il ne s’agit pas d’une pratique nouvelle : chaque époque a construit son lit de Procuste sur lequel l’éducation devait se coucher et la spécialisation n’est que le dernier modèle de cette série, si ce n’est que son lit est à la fois le plus massif et le plus étroit. Avec la spécialisation comme finalité, la seule raison d’être de l’éducation est d’équiper le futur travailleur d’une panoplie de compétences qu’il pourra mettre à profit quand il aura enfin choisi sa profession (ce qui sera d’ailleurs l’occasion de faire un tri et de vider sa tête de tout ce qu’il ne pourra pas réinvestir dans sa carrière). Si c’est cela, l’éducation, alors ce n’est rien de plus qu’un dressage, rien de plus qu’un gavage intellectuel : une activité passive, existentiellement passive, quand bien même elle exigerait une détermination soutenue pendant plusieurs semestres.
Pour l’illustrer, je propose une anecdote tirée du roman Le Premier Cercle d’Alexandre Soljenitsyne : elle met en scène l’ingénieur Potapov, spécialiste des réseaux à haute tension de « l’illustre barrage du Dnieproghes, ce premier fleuron des quinquennats staliniens ». Potapov a voué toute sa vie à son barrage, tellement que ses amis l’appelaient « le robot », signifiant par là qu’il était un ingénieur à l’état pur, tout entier à sa spécialisation. Mais voilà que Potapov est accusé d’avoir livré le barrage, son barrage, aux Allemands durant la Seconde Guerre mondiale. C’est un mensonge, une injustice, mais le mensonge et l’injustice finissent par éveiller la pensée de Potapov. « Et pour la première fois, dans sa perplexité, le robot s’était demandé : “Mais à quoi bon, finalement, ce fichu Dnieproghes ?”1 » À ce moment, Potapov regarde le monde sans les œillères de sa spécialisation et, pour la première fois de sa vie, formule une pensée digne de ce nom. Potapov, qui connaît peut-être mieux que quiconque le fonctionnement complexe du barrage, qui en maîtrise à fond la merveilleuse technologie, cesse de le regarder en vase clos et pose, au sujet de ce barrage qu’il connaît si bien, la question à la fois la plus simple et la plus difficile : « À quoi bon ce barrage ? », c’est-à-dire : « Pourquoi ce barrage ? », « Que vaut-il une fois replacé dans l’ordre général des choses ? » Il est difficile de croire que cette pauvre question élève davantage notre humanité que les impénétrables équations du génie électrique, mais c’est pourtant le cas.
C’est bien connu, les régimes totalitaires du xxe siècle ont exploité l’étroitesse d’esprit de ces individus bornés à leur tâche. Ces régimes étaient animés par ce qu’ils croyaient être une vérité scientifique, que ce soit la biologie raciste des nazis ou le matérialisme historique des communistes. Cette prétention scientifique était doublée d’une fascination pour toutes les avancées technologiques susceptibles de favoriser la réalisation de leurs programmes respectifs. Ces régimes exigeaient de leur population une adhésion idéologique sans faille et, pour leurs élites, une solide formation spécialisée. Les résultats furent désastreux, surtout pour les individus qui avaient embrassé ces exigences avec le plus d’ardeur. Alexandre Soljenitsyne le sut d’autant mieux qu’il fut l’un d’eux. Formé en mathématiques et en physique, il adhéra à l’idéologie communiste de son pays et, tout comme l’ingénieur Potapov de son roman, mit volontiers son intelligence et ses talents à son service. Puis il fut lui aussi arrêté par les autorités soviétiques et, sur la base de quelques propos désobligeants à l’endroit de Staline exprimés dans sa correspondance privée, il connut l’injustice, la prison et la torture. Ce fut pour lui un choc douloureux, mais ce choc éveilla sa pensée. Pour cette raison et malgré l’horreur du goulag, malgré son aberration, Soljenitsyne fait l’éloge de sa prison. « Tous les écrivains qui ont parlé de la prison sans y avoir été se sont crus obligés d’exprimer leur sympathie aux détenus et de maudire la prison. Moi, ajoute Soljenitsyne, j’y suis resté suffisamment, j’y ai forgé mon âme et je dis sans ambages : bénie sois-tu, prison, béni soit le rôle que tu as joué dans mon existence2 ! » La prison a été pour Soljenitsyne le lieu de sa véritable éducation et mérite pour cette raison sa reconnaissance.
Chacun à sa manière, Soljenitsyne et Potapov ont été les produits d’une éducation spécialisée. La spécialisation n’a pas nécessairement fait d’eux des criminels, mais elle a fait d’eux des êtres bornés. Il est parfois nécessaire d’être borné, parce que tout travail sérieux et appliqué exige une concentration qui inévitablement réduit l’horizon à un seul objet ; tout travail sérieux et appliqué réclame une fermeture d’esprit. Mais comment ne pas voir qu’une intelligence incapable de faire le mouvement inverse est mutilée, qu’une intelligence confinée à la seule sphère de sa spécialisation n’est pas pleinement humaine ? Car ce qui fait défaut chez le robot Potapov, ce n’est pas l’intelligence, c’est l’éducation. Si la spécialisation procure des œillères, l’éducation élargit le regard et apporte quelque chose d’analogue à la vision panoramique. La plupart du temps, c’est cette vision large de la vie et de l’être humain qui manque à ces spécialistes incapables de prendre la mesure des convictions qu’ils servent. Ce phénomène s’attache à la modernité comme son ombre : les régimes totalitaires du xxe siècle en ont offert la preuve horrifiante et – est-il besoin de le préciser ? – le monde de la spécialisation n’a pas été emporté avec leur chute, loin de là.
L’éducation n’est pas au service de la spécialisation ; l’éducation, c’est ce qui précède, entoure et surplombe la spécialisation. Faisons un pas de plus : dans la mesure où toutes nos connaissances s’enracinent à la fois dans l’expérience et dans la réflexion, il est possible de définir l’éducation comme l’activité qui consiste à réfléchir sur son expérience. Cette définition n’a rien d’édifiant, mais j’estime tout de même qu’elle mérite qu’on s’y arrête. Si s’éduquer consiste à réfléchir sur son expérience, il s’ensuit que l’éducation s’enrichit en proportion de l’aptitude de chacun à améliorer sa capacité de réflexion et à élargir la sphère de sa propre expérience. J’y reviendrai bientôt.
Histoire d’une tradition
Le goulag a forcé Soljenitsyne à réfléchir sur son expérience et à l’évaluer à partir d’une perspective plus vaste. Cette « éducation » fut cependant si violente et si douloureuse qu’elle brisa ou tua la très grande majorité de ceux qui eurent à la subir. D’ailleurs, après avoir exprimé sa gratitude envers le goulag, Soljenitsyne ajoute : « Mais des tombes on me répond : – Parle toujours, toi qui es resté en vie3 !… » Il est heureux que Soljenitsyne ait survécu au goulag, ce qui relève déjà d’un grand coup de chance ; il est tout simplement admirable qu’il en soit sorti l’âme grandie. Pour un Soljenitsyne, il y a eu des milliers de robots et des millions de morts ; c’est une éducation achetée au prix d’une montagne de vies sacrifiées aux autels de l’ignorance et de la barbarie.
Il existe heureusement une voie plus douce. Sans constituer une méthode infaillible, l’éducation par les grandes œuvres me semble être la meilleure solution de rechange à l’injustice et à la souffrance qui, parfois, permettent à quelques esprits de se dégourdir. Ce n’est rien de nouveau ni d’original, simplement la poursuite d’une vieille tradition souvent menacée sans être jamais abandonnée. À ma connaissance, le témoignage le plus ancien qui porte sur l’éducation par les grandes œuvres se trouve dans Les Mémorables de Xénophon : « Les trésors que les anciens sages nous ont laissés dans leurs œuvres écrites, nous les déroulons et les parcourons en commun avec des amis ; et si nous voyons quelque chose de bien, nous le recueillons, et nous estimons que c’est un grand gain si nous enrichissons notre amitié mutuelle4. » Xénophon attribue ces paroles à Socrate, dont la vie ne semble avoir été que cela : une longue réflexion sur la nature et le rôle de l’éducation. Il n’est cependant pas facile d’avoir accès aux réflexions de Socrate puisque, au-delà du fossé historique qui nous sépare de lui, Socrate n’a rien écrit de sa main, et tous ceux qui ont écrit à son sujet ont insisté sur son ironie. Selon l’image forgée par Platon, Socrate était comme une mouche dont le bourdonnement philosophique gardait tant bien que ma...

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